Des sanctions proches des peines dans la composition pénale

Des sanctions proches des peines dans la composition pénale

Section II : Des sanctions proches des peines

Après avoir démontré que les mesures prises par le procureur de la République dans le cadre de la composition pénale sont de véritables sanctions pour l’auteur des faits, il convient à présent d’examiner ces dernières de plus près.

Nous allons voir que le législateur s’est largement inspiré des peines existantes pour déterminer la liste des mesures applicables au mis en cause dans le cadre de la composition pénale (sous-section I).

Nous remarquerons ensuite que la composition pénale ne ressemble pas seulement aux peines pour les sanctions qu’elle met en œuvre, mais également pour les effets qu’elle produit (sous- section II).

Sous-section I : Des mesures calquées sur des peines existantes

Nous avions déjà insisté sur la distinction à opérer entre la sanction, qui est une punition destinée à faire subir au coupable une souffrance dans sa personne ou dans ses biens infligée par une autorité quelconque, et la peine qui est un châtiment infligé en matière pénale par la seule autorité de jugement, mais un rappel n’est pas inutile pour bien limiter notre recherche.

Que se soit pour les mesures originelles ou celles issues de lois postérieures, le législateur semble s’être toujours inspiré des peines que peut prendre le juge répressif pour déterminer le type de sanctions offertes au parquet lorsqu’il met en œuvre la composition pénale.

Puisque le législateur n’indique que les quantum maximaux des sanctions, il revient alors aux principaux acteurs de la composition pénale d’établir les barèmes applicables aux différentes infractions.

Nous verrons que ceux-ci varient d’un tribunal à l’autre puisque étant calqués sur la jurisprudence pénale locale.

1 – Une ressemblance dans le type des sanctions

Pas une mesure de composition pénale n’apparaît comme une pure innovation du législateur, que ce soit les mesures originelles ou celles ajoutées par la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004.

Il est certain que le contenu des mesures proposées a des liens de parenté avec les peines prévues par les textes répressifs. Chacune d’entre elles ressemble effectivement à des peines pouvant être prononcées par le juge répressif, que ce soit devant le tribunal de police ou le tribunal correctionnel.

La composition pénale ne pouvant donner lieu à l’emprisonnement du délinquant, il convient de rechercher des similitudes avec des peines non privatives de liberté.

Si les mesures de composition pénale rappellent des peines prononcées à titre principal, elles se rapprochent également de peines prononcées en complément de la peine principale et ou en lieu et place de l’emprisonnement.

Le procureur de la République a le choix parmi quatorze mesures, toutes énumérées à l’article 41-2 du Code de procédure pénale.

Ce sont le versement de l’amende de composition au Trésor public, le dessaisissement au profit de l’Etat de la chose qui a servi ou été destinée à commettre l’infraction ou qui en est le produit, la remise du véhicule à des fins d’immobilisation, la remise du permis de conduire au greffe du tribunal de grande instance, la remise du permis de chasse au greffe de ce même tribunal, l’accomplissement d’un travail non rémunéré au profit de la collectivité, le suivi d’un stage ou d’une formation dans un service ou un organisme sanitaire, social ou professionnel, l’interdiction d’émettre certains chèques et utiliser des cartes de paiement, l’interdiction de paraître dans le ou les lieux désignés par le parquet dans lesquels l’infraction a été commise, l’interdiction de rencontrer ou recevoir la ou les victimes désignées ou d’entrer en relation avec elles, l’interdiction de rencontrer ou recevoir le ou les coauteurs ou complices éventuels ou ne pas rentrer en contact avec eux, l’interdiction de quitter le territoire national et la remise du passeport, l’accomplissement d’un stage de citoyenneté, et enfin, depuis la loi n° 2005-1549 du 12 décembre 2005 complétée par la loi n° 2006-399 du 4 avril 2006, l’obligation de résider or de la résidence ou du domicile du couple et s’abstenir de paraître dans ce domicile ou cette résidence ou aux abords immédiats de celui-ci lorsqu’une infraction est commise contre son conjoint ou son ex-conjoint, son concubin ou son ex-concubin, son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou son ex- partenaire, ses enfants ou ceux de son conjoint, concubin ou partenaire.

Cependant, si elles sont toutes applicables lorsque l’infraction est un délit, certaines sont à exclure en cas de contravention. Ainsi en va-t-il de l’interdiction de paraître dans les lieux où l’infraction a été commise et l’interdiction de quitter le territoire national avec remise du passeport.

Tout d’abord, nous ne pouvons ignorer le lien qui existe, par exemple, entre l’ « amende de composition » et l’amende pénale, ou encore entre le « travail non rémunéré » de la composition pénale et la peine de travail d’intérêt général.

Le législateur semble avoir composé de nouveaux termes pour des mesures qui au final sont les mêmes, à la différence près que les mesures de composition pénale ne sont pas des peines puisque non prononcées par l’autorité de jugement.

Cependant, dans les faits, la distinction n’est pas perçue par le mis en cause qui ressentira cette sanction comme s’il s’agissait d’une véritable peine.

En fin de compte, la nuance entre les mesures de composition pénale et les peines qui peuvent être prononcées à titre de peine principale ne peut être perceptible que pour le juriste tellement ces deux mesures sont similaires aux peines.

Des sanctions proches des peines dans la composition pénale

Les mesures de composition pénale énoncées à l’article 41-2 ressemblent également aux peines complémentaires que peut prononcer le juge répressif. Ce sont des peines qui peuvent s’ajouter à la peine principale lorsque la loi le prévoit.

Si le législateur n’a pas entendu donner au parquet le pouvoir de sanction suprême, à savoir l’emprisonnement, il lui a en revanche donné beaucoup de possibilités de sanctions jusque là réservées à la seule autorité de jugement.

En effet, lorsque nous examinons les peines complémentaires prévues par les textes répressifs, nous nous apercevons que le législateur s’en est largement inspiré pour déterminer les sanctions que pourra prendre le procureur de la République lorsqu’il décide de mettre en œuvre une composition pénale.

Les peines complémentaires prévues pour les contraventions de la cinquième classe à l’article 131-14 du code pénal sont d’ailleurs quasiment intégralement reprises dans la composition pénale. Ce sont, par exemple, le retrait du permis de chasse et l’interdiction d’émettre des chèques ou d’utiliser des cartes de paiement.

Les autres mesures de composition pénale, qui ne se retrouvent pas dans l’article 131-14 précité, semblent tout droit imaginées à partir des peines complémentaires prévues à l’article 131-10 du code pénal en cas de délit ou de crime.

Cet article prévoit en effet qu’un crime ou un délit peut être sanctionné d’une ou de plusieurs peines complémentaires qui constituent, entre autres, une interdiction, un retrait d’un droit, une obligation de faire quelque chose ou une confiscation.

Ainsi, lorsque le mis en cause doit se dessaisir au profit de l’Etat de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l’infraction, le législateur ne parle pas de « confiscation », puisque l’exécution de la mesure dépend de la volonté du mis en cause, mais c’est bien de cela qu’il s’agit.

De même, quand le législateur parle de ne pas quitter le territoire national, c’est bien d’interdiction dont il s’agit ici. Cette interdiction constitue d’ailleurs, comme le souligne le deuxième alinéa de l’article 222-47 du code pénal, une des peines complémentaires prévue en cas de délit d’agression sexuelle.

Enfin, nous retrouvons la même inspiration du législateur avec les peines alternatives à l’emprisonnement prévues à l’article 131-6 du code pénal, qui sont pour l’essentiel les mêmes que celles prévues à l’article 131-14 du même code.

En instituant la composition pénale, le législateur a donc étendu considérablement les pouvoirs du Ministère public en lui offrant un réel pouvoir de sanction que d’aucun ne saurait nier.

Si les mesures de composition pénale ne constituent pas de véritables peines, la limite entre les deux n’en est pas moins brouillée, même s’il est indéniable que les barèmes applicables aux mesures de composition pénale sont nettement moins sévères que ceux applicables aux peines.

Cependant, si les quanta maximaux sont toujours en deçà de ceux prévus pour les peines, les barèmes appliqués par le parquet pour chaque type d’infraction qu’il a à connaître ressemblent à ceux appliqués par l’autorité de jugement de la juridiction à laquelle il est rattaché.

2 – Une ressemblance dans les barèmes appliqués

A comparer les mesures de composition pénale avec les peines, nous nous rendons compte que les premières sont tout de même beaucoup moins sévères pour le mis en cause. Pour une même infraction la peine encourue est plus lourde que ce qui est envisagé avec la composition pénale.

Ceci s’explique logiquement par le fait que, si elles étaient équivalentes, la composition pénale n’aurait plus ni attrait, ni intérêt. Pour que la mesure fonctionne, il faut que le mis en cause perçoive un intérêt à exécuter les sanctions prises à son encontre par le parquet, car n’oublions pas, l’exécution des mesures dépend de sa volonté.

De plus, il serait choquant que le Ministère public puisse sanctionner l’auteur d’une infraction aussi gravement que l’autorité légitime.

Cependant, si les barèmes applicables ne sont pas identiques, la nécessité d’une bonne justice pousse les parquets à appliquer des barèmes proches de ceux appliqués en cas de jugement d’une infraction du même type.

Certaines personnes n’hésitent pas à qualifier la composition pénale de « justice au rabais » à cause de la distorsion qui existe entre les mesures de composition et les peines encourues pour des infractions identiques.

Le risque, en effet, est que s’instaure une « justice à deux vitesses » plus ou moins sévère pour le délinquant selon que le parquet engage les poursuites ou qu’il propose une composition pénale.

C’est pourquoi les mesures de composition pénale ne peuvent être totalement déconnectées des peines habituellement prononcées par le tribunal.

Nous avions vu qu’une « négociation » entre les magistrats du siège et du parquet, pour reprendre le terme de monsieur Hederer32, existe en amont de la mise en œuvre de la composition pénale pour déterminer les infractions que le juge entend exclure du champ d’application de la mesure ou, au contraire, permettre de faire l’objet d’une mesure de composition pénale.

Il en va de même pour les barèmes à appliquer à chaque type d’infraction. En effet, les magistrats vont observer la jurisprudence du tribunal, en particulier celle du tribunal correctionnel, afin de s’appuyer sur les peines généralement prononcées pour élaborer les barèmes que le procureur de la République appliquera.

On pourrait se demander comment le quantum appliqué à certains types d’infractions par le juge pourrait être transposable aux mesures de composition pénale puisque le quantum maximal de ces dernières est toujours nettement inférieur au quantum maximal des peines.

En effet, nous pourrions nous attendre à ce que les barèmes appliqués par le juge soient trop élevés pour les mesures de composition pénale.

Cependant, comme les infractions dont le magistrat du siège a permis de faire l’objet d’un traitement par la composition pénale sont généralement celles relativement peu graves mais dont le contentieux est tellement conséquent qu’il contribue fortement à encombrer les tribunaux, non seulement une jurisprudence constante se dégage mais en plus elle s’adapte bien aux mesures de composition pénale car assez clémente pour respecter le quantum maximum exigé dans ces dernières.

Le risque d’une « justice à deux vitesses » est donc écarté grâce à l’élaboration conjointe de barèmes, par les magistrats du siège et du parquet, calqués sur la jurisprudence pénale. Ceci permet aussi de rassurer ceux qui craignent un délitement de la sanction avec la composition pénale, comme c’est le cas de monsieur Di Marino33.

32. J. Hederer, « Un an d’expérimentation de la composition pénale dans un tribunal de grande instance », AJP, n° 2/2003, p. 54.

33. G. Di Marino, « Violences en droit pénal », R.P.D.P, 2003, p. 327 S.

Comme nous venons de le démontrer, le contenu des mesures de composition pénale ressemble davantage à celui des peines qu’à celui des mesures de la « troisième voie ».

Cette démonstration semble confirmer que, plus qu’une alternative aux poursuites, la composition pénale est une « alternative au jugement traditionnel ».

De plus, nous retrouvons dans la composition pénale la plupart des effets que produisent les décisions de condamnation.

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
Le Caractère Hybride De La Composition Pénale
Université 🏫: Lille 2, Université droit et santé - Faculté des sciences juridiques politiques et sociales
Auteur·trice·s 🎓:
Emilie Deschot

Emilie Deschot
Année de soutenance 📅: Ecole doctorale des sciences juridiques, politique et sociale (n°74) - 2005/2006
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