Composition pénale, une alternative à l’engagement des poursuites

Composition pénale, une alternative à l’engagement des poursuites

Section II : La composition pénale, une alternative réparatrice à l’engagement des poursuites

Nous ne pouvons pas ne pas avoir remarqué le lien qui existe entre la composition pénale et les mesures alternatives aux poursuites de l’article 41-1 du Code de procédure pénale.

C’est ce lien qui va nous occuper à présent. Il s’agit ici d’examiner les ressemblances entre la composition pénale et les mesures alternatives aux poursuites.

Le fait que les deux types de mesures soient des alternatives à l’engagement des poursuites par le parquet est certainement ce qui constitue la ressemblance la plus évidente (sous-section I).

En étudiant les mesures de l’article 41-1 nous avons constaté qu’elles étaient de nature réparatrice, elles ne se soucient que de la réparation du trouble causé à l’ordre public et de celle du dommage causé à la victime.

C’est pourquoi nous les avions rebaptisées « alternatives réparatrices ». Si la composition pénale n’a pas seulement une dimension réparatrice, le rôle joué par la réparation est tellement important qu’il en fait une alternative en partie réparatrice (sous-section II).

Sous-section I : Une alternative à l’engagement des poursuites

Tout comme c’est le cas avec les mesures alternatives aux poursuites, lorsque le procureur de la République a recours à la composition pénale ça signifie qu’il ne déclenche pas les poursuites.

Les mesures de l’article 41-1 du Code de procédure pénale et la composition pénale sont prises en amont des poursuites.

Nous avons évoqué à plusieurs reprises les acteurs de la composition pénale sans jamais nous attarder sur les délégués du procureur de la République, pourtant ça peut nous permettre de mieux comprendre que nous nous trouvons en dehors des poursuites.

1 : Une mesure prise en amont des poursuites

L’article 41-2 du Code de procédure pénale stipule clairement que le procureur de la République peut proposer une composition pénale à l’auteur d’une contravention ou d’un délit puni à titre de peine principale d’une peine d’amende ou d’une peine d’emprisonnement d’une durée inférieure ou égale à cinq ans « tant que l’action publique n’a pas été mise en mouvement ».

En d’autres termes, une fois que l’action publique est mise en mouvement, que se soit par lui-même ou par la victime, le procureur de la République n’a plus le choix entre déclencher des poursuites contre le mis en cause ou lui proposer une composition pénale.

Le procureur de la République a intérêt de prendre son temps avant d’engager les poursuites afin de faire le meilleur choix pour traiter l’affaire. En effet, s’il déclenche des poursuites contre l’auteur des faits et qu’il regrette son choix par la suite il sera trop tard, il ne pourra plus revenir sur sa décision.

L’affaire sera alors traitée selon la procédure classique et la personne mise en cause comparaîtra devant le juge répressif pour être jugée.

Le législateur aurait pu imaginer que le procureur puisse abandonner les poursuites contre une personne lorsqu’il estime que l’infraction n’est pas si grave et proposer une composition pénale à la place.

L’idée ne semble pas saugrenue, surtout si on garde en tête les objectifs affichés par le législateur pour justifier l’insertion de la mesure dans le droit français.

En effet, la composition pénale a été instituée dans le but d’apporter une réponse pénale satisfaisante et rapide à des infractions de peu de gravité et décharger les tribunaux répressifs.

Abandonner la procédure classique pour revenir à la procédure simplifiée de la composition pénale permettrait de satisfaire les objectifs puisque les tribunaux se verraient déchargés d’une affaire et la réponse apportée par la composition pénale serait beaucoup plus rapide, comme l’ont constaté Sylvie Grunvald et Jean Danet.

Après avoir observé l’utilisation de la composition pénale dans plusieurs tribunaux (la Roche-sur-Yon, Angers et Nantes) durant l’année 2003, ils se sont aperçus qu’une grande majorité des compositions pénales aboutissaient en moins de quatre mois et que ces délais étaient sans commune mesure avec ceux d’audiencement devant le tribunal correctionnel (au tribunal de la Roche-sur-Yon par exemple, en 2003, 21 mois s’écoulent en moyenne entre la décision de poursuite du Ministère public et l’audience collégiale, 24 mois pour une audience à juge unique en matière de délit routier et 31 mois pour une audience à juge unique pour les autres délits)23.

23. S. Grunvald et J. Danet, La composition pénale. Une première évaluation, bibliothèques de droit, Ed. L’Harmattan, p.89.

Parfois, lorsque l’infraction constatée est un délit, c’est la victime qui empêche le procureur de la République de proposer une composition pénale à l’auteur des faits en déposant une plainte avant la mise en mouvement de l’action publique par celui-ci.

La plainte est constituée par une lettre envoyée au doyen des juges d’instruction compétents qui en désignera un pour traiter la plainte. Il doit y être obligatoirement fait mention des faits puisque ceux-ci vont permettre de délimiter la saisine du juge d’instruction.

On parle de « plainte par voie d’action » car elle a pour effet de mettre en mouvement l’action publique. Le procureur de la République n’a donc plus de choix, il ne peut plus proposer une composition pénale à l’auteur des faits.

La victime a donc le pouvoir de faire obstacle à la proposition de composition pénale. Nous pouvons comprendre que, dans ce cas-là, la décision du parquet de recourir à la procédure simplifiée de la composition pénale ne se substitue pas à celle de la victime d’aller jusqu’au procès pénal, parce qu’il y aurait une forte probabilité que cette dernière se sente bafouée dans ses droits et y voit l’expression d’une justice clémente envers le délinquant et ignorante de son propre préjudice.

Composition pénale, une alternative à l’engagement des poursuites

Cependant, comme nous l’avons annoncé, nous verrons que la composition pénale fait une place belle à la réparation du préjudice par l’auteur et donc que la victime ne se verrait pas écartée de la procédure.

En réalité, ce qui pousse généralement la victime à mettre en mouvement l’action publique c’est moins l’attente de la réparation, celle-ci pouvant être obtenue devant les tribunaux civils, que la reconnaissance de la culpabilité de l’auteur des faits par la juridiction répressive et le désir de vengeance.

Car, comme certains auteurs qui ont questionné des victimes d’infractions traitées par une composition pénale l’ont montré, dans bien des cas les victimes estiment que les mesures prises à l’encontre de l’auteur des faits sont insuffisantes malgré qu’elles soient majoritairement satisfaites de la réparation obtenue24.

La mise en mouvement de l’action publique a donc automatiquement pour effet d’écarter la composition pénale.

En ce sens, tout comme les mesures de l’article 41-1 du Code de procédure pénale, la composition pénale est une alternative à l’engagement des poursuites car dès que celles-ci sont engagées, que l’action publique est mise en mouvement, le procureur de la République ne peut plus y avoir recours.

La composition pénale doit être proposée en amont des poursuites. D’ailleurs les exécutants de la composition pénale nous donnent la preuve que nous nous trouvons en dehors des poursuites.

2 – Les délégués du procureur de la République

Selon l’article 41-2 du Code de procédure pénale, le procureur de la République peut proposer la composition pénale à l’auteur des faits soit directement, soit « par l’intermédiaire d’une personne habilitée ».

Cependant, si le législateur ne précise pas qui sont ces personnes à qui il fait référence, c’est parce qu’elles n’ont pas encore été définies. Jusqu’à la création de la composition pénale, il n’était pas question que le parquet puisse déléguer ses fonctions.

C’est le décret n° 2001-71 du 29 janvier 2001 qui va consacrer l’existence des délégués du procureur de la République qui jusqu’ici n’existaient que par la pratique prétorienne.

L’article R. 15-33-30 du décret précise qu’aussi bien des personnes physiques que des associations peuvent être habilitées comme délégués du procureur de la République. L’habilitation couvre le ressort du tribunal de grande instance ou de la cour d’appel.

Dans le premier cas, la demande est instruite par le procureur de la République, dans le second cas, par le procureur général. Elle est ensuite soumise soit à l’assemblée générale des magistrats du siège et du parquet du tribunal soit à celle de la cour d’appel.

Dans le silence de la loi nous devons constater qu’à l’heure actuelle leur compétence n’est pas garantie par un niveau de formation minimum, ce qui semble scandaleux eu égard à l’importance de leur intervention.

Il suffit de satisfaire aux conditions détaillées à l’article R. 15-33-33 pour devenir délégué du procureur de la République et intervenir lors de la procédure de composition pénale.

C’est-à-dire « ne pas exercer d’activités judiciaires à titre professionnel », « ne pas avoir fait l’objet d’une condamnation, incapacité ou déchéance mentionnée sur le bulletin n° 2 du casier judiciaire » et « présenter des garanties de compétence, d’indépendance et d’impartialité ».

Ce manque de contrôle approfondi des connaissances et compétences est d’autant plus préoccupant qu’il ne semble pas aller en s’améliorant si l’on en croit ce qui a été décidé en matière d’associations.

En effet, jusqu’à l’intervention du décret n° 2002-801 du 3 mai 2002 les associations devaient soumettre à agrément individuel les personnes à qui elles désiraient confier le rôle d’intervenant à la composition pénale.

Désormais, l’agrément de l’association est suffisant même si le procureur de la République, à qui l’association doit faire connaître les personnes à qui elle est susceptible de confier des missions, a toujours la possibilité de refuser celles qui ne répondraient pas aux conditions posées par le texte.

La seule lecture de l’article 41-2 du Code de procédure pénale nous conduirait dans l’erreur puisque nous pourrions croire que le rôle des délégués du procureur de la République est limité à la seule proposition de la composition pénale. Or le décret d’application de la mesure étend leur intervention bien au-delà.

L’article R. 15-33-49 dispose qu’une fois la composition pénale validée par le juge, le procureur de la République peut désigner un délégué afin de mettre en œuvre les mesures décidées et de contrôler les conditions de leur exécution ».

La plupart des juridictions s’appuient largement sur les délégués du procureur et leur confient bien souvent l’entière gestion de la procédure, c’est-à-dire de la proposition de la composition pénale à la clôture du dossier25.

Lorsque le procureur de la République le souhaite, le délégué devient ainsi l’exécutant de la composition pénale. C’est en ce sens que l’existence de cette fonction constitue la preuve qu’avec la composition pénale nous nous trouvons en dehors des poursuites.

Effectivement, il apparaît inconcevable qu’une personne n’ayant pas reçu de formation spécifique et dont on ne connaît pas les compétences juridiques puisse occuper un rôle aussi important que celui de décider si une personne doit être jugée pénalement.

C’est bien de cela dont il s’agit lorsque le procureur de la République décide de poursuivre.

25. Vu sur http://www.senat.fr/rap/r05-017/r05-0172;html.

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
Le Caractère Hybride De La Composition Pénale
Université 🏫: Lille 2, Université droit et santé - Faculté des sciences juridiques politiques et sociales
Auteur·trice·s 🎓:
Emilie Deschot

Emilie Deschot
Année de soutenance 📅: Ecole doctorale des sciences juridiques, politique et sociale (n°74) - 2005/2006
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