Inopportunité du maintien volontaire des donations (irrévocable)

L’inopportunité du maintien volontaire de dispositions qui prennent effet jour du décès – Section 2 :
Cette inopportunité vient du fait qu’entre le moment où la décision de maintenir la disposition est prise et le moment où celle ci prend effet, plusieurs années peuvent s’écouler. Alors que les époux seront divorcés, un lien patrimonial va continuer de les unir. L’inconvénient pour le disposant est que le maintien est irrévocable (§1) et pour le bénéficiaire, que l’écoulement du temps entraîne une incertitude sur le contenu final de la disposition (§2).
§ 1 – Un maintien irrévocable.
L’article 265 alinéa 2 in fine du code civil prévoit expressément que la volonté de l’époux est constatée par le juge au moment du prononcé du divorce et rend irrévocables l’avantage ou la disposition maintenus. Ce principe s’explique par l’objectif de concentration des effets du divorce au moment de son prononcé. Le maintien de la disposition sera pris en compte pour l’attribution d’une éventuelle prestation compensatoire. Le disposant ne doit pas promettre une libéralité pour éviter la prestation compensatoire et ensuite revenir sur sa promesse une fois le divorce prononcé326. Mais il s’accorde mal avec les dispositions qui ne prennent effet qu’au décès du disposant. Pour les libéralités, il a pour conséquence de réduire ou même de supprimer la liberté de disposer à titre gratuit (A). Et pour les avantages matrimoniaux, il provoque des difficultés de liquidation du régime (B).
A – L’atteinte à la liberté de disposer à titre gratuit
Nous étudierons le problème d’abord pour les donations de biens à venir puis pour les legs.
1 – Des donations de biens à venir irrévocables.
Le maintien volontaire des donations de biens à venir les rend irrévocables après le divorce. On retrouve ce principe pour les institutions contractuelles consenties par contrat de mariage327. Cette solution est dangereuse pour le disposant, surtout si elle est à titre universel. Il ne pourra plus par la suite léguer ses biens ou les donner à titre gratuit à des tiers ou à son nouveau conjoint. L’ex-époux pourra en effet s’opposer à l’exécution du legs ou revendiquer les biens donnés en se prévalant du jugement de divorce. Il faudra plutôt conseiller à l’époux, qui persiste dans sa volonté de maintenir sa donation, de la cantonner à un ou plusieurs biens déterminés. Cela lui ménagera un peu de liberté pour disposer du reste de son patrimoine après le divorce.
2 – La contradiction avec la liberté de tester
L’article 895 du code civil définit le testament comme un acte par lequel le testateur dispose, pour le temps où il n’existera plus, de tout ou partie de ses biens et qu’il peut révoquer. Le testament est par essence révocable. Le principe de l’article 265 est incompatible avec l’article
895 du code civil. Certains proposent de considérer que la manifestation de volonté des époux constatée par le juge transforme le legs en institution contractuelle328, d’autres estiment que la disposition de l’article 265 in fine ne devrait pas s’appliquer aux legs329. Ce qui est certain, c’est qu’en pratique le problème se rencontrera très rarement. Le divorce n’est en effet pas un moment propice pour la générosité. Si un époux envisage la situation, il faudrait lui conseiller de laisser jouer la révocation de plein droit et de refaire le testament le lendemain. Ainsi, en cas de remords ultérieurs il pourra librement revenir sur la disposition.
B – Les difficultés résultant du maintien des gains de survie
Le préciput ou la clause d’attribution intégrale de la communauté peuvent être stipulés au profit d’un époux désigné ou du conjoint survivant. Dans les deux cas le maintien volontaire est à déconseiller330.
1 – Le maintien au profit d’un époux désigné.
L’article 1518 prévoit que lorsque la communauté se dissout du vivant des époux, il n’y a pas lieu à la délivrance du préciput ; mais l’époux au profit duquel il a été stipulé conserve ses droits pour le cas de survie sous réserve de l’article 265. Cette réserve est ici volontairement écartée. C’est au décès du disposant, donc après un délai plus ou moins long, que le bénéficiaire de la clause pourra réclamer son gain de survie. Des difficultés peuvent alors surgir si le bien objet de la clause a été aliéné. L’aliénation doit-elle être résolue ? Le préciput peut-il s’exercer en valeur ?
Lorsqu’il s’agit de la clause d’attribution intégrale, le problème est encore plus complexe. Le bénéficiaire de la clause va recevoir sa moitié de la communauté lors du partage et l’autre moitié au décès de son ex-conjoint. Mais après le divorce, le disposant pourra avoir fait prospérer son patrimoine et la fraction de communauté sera mélangée avec les nouveaux biens. Il se pourrait aussi qu’il se soit remarié et pourquoi pas en adoptant à nouveau la communauté universelle. Le conflit entre le nouveau et l’ancien conjoint sera inévitable.
Un niveau de difficulté supplémentaire est encore franchi si l’avantage est maintenu au profit du conjoint survivant.
2 – Le maintien au profit du conjoint survivant
Les deux époux pourraient s’accorder pour maintenir irrévocablement la clause d’attribution intégrale de la communauté au survivant. Il y aura alors un partage par moitié des biens existants au moment du divorce et l’un des conjoints recevra l’autre moitié au jour du décès de l’autre. Mais bien sûr on ne sait pas quel conjoint en profitera ni à quelle date. Ce maintien volontaire pourra difficilement être pris en compte pour la fixation de la prestation compensatoire. Et normalement, aucun des époux ne pourra disposer des biens qu’il a reçu du partage de la communauté331. Une aliénation pourrait en effet s’analyser en une révocation de l’avantage maintenu.
Bien que ce maintien irrévocable aboutisse à geler une partie ou l’ensemble du patrimoine du disposant, cela ne suffit pas à rendre le contenu de la disposition certain pour le gratifier.
Lire le mémoire complet ==> (Les conséquences du divorce sur les libéralités entre époux et les avantages matrimoniaux)
Mémoire présenté en vue de l’obtention du Master Droit Recherche, mention droit des personnes et de la famille
Lille 2, université du droit et de la santé – Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales
Table des matières :

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326 En ce sens, V. Ch. RIEUBERNET, « Le nouveau régime des donations entre époux au lendemain de la loi du 26 mai 2004 relative au divorce » LPA, 21 juillet 2004 n° 145, p. 10
327 Article 1083 du code civil.
328 C. PHILIPPE, « La liquidation du régime matrimonial après la loi du 26 mai 2004 relative au divorce » : RLDC 2004/8, n° 349, et 2004/9, n° 384.
329 J.L.PUYGAUTHIER : « Les libéralités et les avantages matrimoniaux après la réforme du divorce du 26 mai 2004 », JCP (éd. N) 2004, no 45, 1538 et no 46, 1548.
330 Les inconvénients du maintien de tels avantages en cas de divorce ont été mis en évidence par P. CATALA, « Variations autour de la communauté universelle », Mélanges D. HUET-WEILLER, PUF-LGDJ, 1994, p. 45 qui proposait pour y remédier de les subordonner à la condition expresse de dissolution du mariage par décès. Cette solution est aujourd’hui la solution légale.

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
Les conséquences du divorce sur les libéralités entre époux et les avantages matrimoniaux
Université 🏫: Lille 2, université du droit et de la santé - Ecole doctorale n° 74 - Mémoire du Master Droit Recherche
Auteur·trice·s 🎓:

Vincent DELVART
Année de soutenance 📅:
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