La construction identitaire du tourisme sportif

La construction identitaire du tourisme sportif

10° chapitre

Une profession entre vocation sportive et réalisme professionnel

Les résultats des investigations modélisent le processus de construction identitaire des organisations du tourisme sportif. Les acteurs professionnels, confrontés à la matérialité professionnelle marchande, construisent une identité professionnelle opposant les valeurs intrinsèques du sport à la représentation marchande du tourisme sportif.

Si la principale conséquence entrave le développement organisationnel de l’offre de tourisme sportif, cette construction identitaire présente dans certaines conditions un avantage communicationnel. Quand le confort de la prestation est assuré, les particularités d’authenticité démarquent l’offre au sein du marché du tourisme sportif. Ce processus identitaire s’oppose à la banalisation d’une communication construite sur la fonctionnalité sportive et maintient la représentation sociale du sport, empreinte d’authenticité et de réalité que les consommateurs attendent.

Si le développement du tourisme sportif suppose une maîtrise des aspects techniques, la valeur de l’offre se perçoit et se différencie essentiellement par ses particularismes culturels.

3.10 La construction identitaire du tourisme sportif

Fort des différents enseignements émergeants des études de cas, affinés ensuite par les entretiens, le travail d’interprétation de cet ultime chapitre propose une meilleure compréhension des phénomènes à l’aide d’un retour à la littérature. Des liens sont établis entre la question posée et les faits observés en entreprise. La recherche retourne aux auteurs qui traitent ce sujet pour voir jusqu’où ils émettent des hypothèses et de quelle façon poser un regard nouveau sur les processus de construction identitaire dans le tourisme sportif. Cette étape débute par un recentrage des écrits autour de la problématique, des hypothèses émises et des résultats produits.

La conjoncture socioéconomique actuelle impose une rationalisation et une restructuration des activités des entreprises. Face à la montée des contraintes économiques émergeantes, elles structurent leur offre par de nouvelles modalités organisationnelles. Atteindre une performance économique entraîne l’organisation dans une dynamique de rationalisation de son fonctionnement. Cette réorganisation structurelle entraîne un sentiment de déqualification professionnelle chez ses acteurs et provoque en retour l’émergence d’une quête identitaire.

Les études de cas renseignent la recherche sur la dynamique de réorganisation structurelle. Chaque organisme étudié, entretien des relations avec une structure mère, sous la forme de filiale, de groupe d’investissement ou de réseau de partenaires. S’il est aisé d’admettre que la taille d’une organisation entre dans la construction identitaire de celle-ci, il semble nécessaire de redéfinir ce processus de taille qui relève également d’une logique de co-construction : La croissance de la taille d’une organisation se présente comme une réponse fonctionnelle à la mondialisation des activités humaines.

La primatologie apporte un éclairage original sur les relations entre la structure sociale d’un groupe et les caractéristiques de son environnement. Ces travaux invitent à trouver un nouveau sens aux organisations humaines. Il semble que la taille de l’organisation soit proportionnelle à l’existence de menaces présentes dans son environnement (Muzard, 1997). L’observation de l’organisation sociale des différentes espèces de singes aiderait la compréhension de l’organisation humaine de l’entreprise.

3.10.1 La dimension de l’organisation influence l’identité

Entre les petites structures familiales, les grands groupes en pyramide et les communautés décentralisées, cet aspect de la primatologie apporte un éclairage nouveau dans le débat qui oppose le courant traditionnel des adeptes de la centralisation du pouvoir dans l’organisation, aux défenseurs de la décentralisation et de l’autonomie locale.

L’étude du singe, l’espèce animale la plus proche de l’homme, démontre que le modèle d’organisation n’est pas le fruit du hasard mais qu’elle est déterminée par un certain nombre de facteurs fonctionnels, au premier rang desquels la conjoncture. Chez les singes, plus l’environnement est hostile, plus les prédateurs sont nombreux et plus le groupe est dense. Ils font fait face à un danger avec le nombre.

L’orang-outan n’a pas de prédateurs naturels dans l’environnement insulaire de l’île de Bornéo où il vit seul. Les macaques rhésus évoluent face aux nombreux fauves de la savane africaine où ils y vivent en groupes de plusieurs centaines d’individus. Si le nombre fait la force chez les primates comme chez les humains, le constat induit l’interrogation d’un possible transfert de ces observations à l’organisation humaine.

La taille est considérée comme un facteur de force, expliquant la tendance de nombreux chefs d’entreprise à se lancer au cours des quinze dernières années dans une course à la croissance externe en multipliant les O.P.A. (Offre Publique d’Achat) pour agrandir la taille de leurs entreprises.

Cette solution n’est cependant pas sans faille, les problèmes qu’affronte le groupe Videndi l’illustrent. Il est également vrai que le taux de mortalité des petites et moyennes entreprises est beaucoup plus élevé que celui des grands groupes. La refonte de l’organisation de l’entreprise à l’échelle mondiale est une réaction à la mondialisation des marchés qui conditionne le rattachement à un groupe.

L’idée d’intégrer les activités de l’entreprise au plan mondial revient à Alexander der J. Trotman. La globalisation est un stade d’internationalisation avancée de l’entreprise dans lequel ses activités sont organisées à l’échelle mondiale.

L’organisation dispose d’une panoplie organisationnelle pour y parvenir : La création de succursales, rachat, concentration, intégration et franchise sont autant de matérialisation entrant dans la construction de l’identité de la firme. La globalisation concerne en théorie toutes les fonctions de l’entreprise, mais elle se limite souvent aux fonctions commerciales (Barlett & Ghoshall, 1991).

Le principal intérêt de la globalisation réside dans les économies d’échelle qu’elle permet de dégager. Les coûts fixes sont répartis sur des espaces géographiques plus larges et les dépenses de recherche et développement et d’études marketing sont fortement rentabilisées. Par ailleurs, l’uniformisation des produits sur le plan international permet des économies en matière de publicité, de conditionnement et de distribution.

La globalisation reste évidemment mieux adaptée aux produits universels du type articles manufacturés, transports aériens ou construction automobile qu’à ceux à forte spécificité locale comme les activités de tourisme sportif. Pour ces dernières, la globalisation se limite essentiellement à certains aspects marketing et commerciaux.

Les grandes organisations de tourisme ciblent le marché, y captent la clientèle pour l’acheminer au prestataire de service sportif qui anime localement l’offre sportive. La structuration même de l’organisation est alors autant importante que sa taille. Cette globalisation s’accompagne par une décentralisation locale qui se résume par l’expression s’adaptant bien au terrain sportif « think global, act local » (Pensée globale, action locale).

3.10.2 Les modalités structurelles intègre la construction identitaire

Une organisation d’une taille importante lui permet de faire face aux contraintes présentes dans l’environnement mais elle souffre d’inertie organisationnelle. L’entreprise ne programme plus ses activités sur de longues périodes. Elle nécessite des qualités de réactivité, d’autonomie, de souplesse et de flexibilité. La tendance à la

décentralisation représente une réponse aux contraintes d’incertitude, de crise, de mutation comme à la quête de sens des acteurs. Le critère de taille ne suffit pas à rendre entièrement compte de l’organisation sociale. Il faut prendre en considération la structure même du groupe.

Les organisations, à l’identique des primates, s’organisent selon trois modèles distincts. Il existe une organisation en pyramide, une organisation éclatée en multiples groupes et une organisation en communauté décentralisée.

C’est généralement la répartition des ressources qui détermine en grande partie ce mode d’organisation. Si la ressource est rare et dispersée sur le territoire, les groupes ont tendance à éclater en sous-groupes et à garder un lien qui dissuade la concurrence. Il semble que l’organisation sociale pyramidale n’a pas sa place dans un environnement de pénurie. En l’extrapolant au domaine sportif, les organisations sportives évoluent dans un environnement que la pénurie ne caractérise pas. Si elles sont généralement réparties sur un même site de pratique, elles ne centralisent pas leurs activités.

Chacune dispense sa prestation de service à ses propres clients à l’aide de ses propres acteurs. Si ce fonctionnement ne présente pas la meilleure des stratégies de rentabilité, ce type d’organisation à taille humaine est manifestement plus convivial.

Les difficultés récentes des groupes les plus puissants à l’échelon international laissent à penser que la croissance en taille n’est pas la meilleure réponse à une situation de crise ou de mutation. Ce qui explique les difficultés de certaines grandes firmes organisées sur un modèle pyramidal. Ce type de structure, adéquate dans un contexte économique de croissance et d’abondance, souffre dans une situation de pénurie. Dans les études de cas, la vérification que chaque organisation cherche à se décentraliser est systématique validée.

Les systèmes traditionnels de gestion y sont généralement centrés sur le contrôle des activités. Ils respectent des standards et des contrôles d’écarts, avec une logique verticale du contrôle des ressources. Ils prônent l’indication de performances exclusivement axées sur les coûts de main-d’œuvre. Les dirigeants gèrent les organisations dans un environnement moins prévisible dans ses évolutions économiques comme dans ses comportements sociaux.

Face à la nécessité de s’adapter, de nouveaux outils organisationnels émergent et la communication qui les accompagne concourt à la construction identitaire des entreprises.

3.10.3 L’autonomie des acteurs renforce la construction identitaire

Le transfert des responsabilités de l’encadrement vers les acteurs restructure l’organisation du travail. Les conséquences sur le processus identitaire s’observent chez les acteurs qui s’approprient plus d’autonomie dans la conduite des activités professionnelles. Conçu à l’origine comme une méthode d’organisation du travail au sein des entreprises de fabrication, le concept de semi autonomie émerge face à la nécessité de rendre les ouvriers moins dépendants d’un contremaître dans l’exercice de leur métier.

Les conséquences identitaires qui en découlent pour l’organisation sont les suivants : Si cette réduction des niveaux hiérarchiques ne diminue pas globalement le lien d’autorité de l’organisation sur ses acteurs, en retour, les employés redéfinissent individuellement les objectifs de l’organisation. Une forme d’auto contrôle local s’exerce sur l’activité (Katzenbach, 1994).

Les organisations sportives que nous avons étudiées sont généralement bien adaptées localement. Généralement, elles installent sur le site une micro structure qui peut être saisonnière. Cette organisation est territorialement déconcentrée.

Les acteurs ajustent et dynamisent localement la structure dans le cadre du site d’activités sportives. L’organisation sportive fonctionne avec des équipes de très petits effectifs. Cette modalité, relativement spécifique à l’organisation de tourisme sportif, concourt à ce que chaque individu s’approprie totalement le rôle qu’il occupe au sein de l’offre.

Ces modalités sont fortement productrices de sens pour l’acteur de l’organisation dont l’identité professionnelle repose d’avantage, sur le statut professionnel qu’il représente, que sur la fonction qu’il occupe au sein de l’offre de service. Cette valeur symbolique du sport donne du sens à l’offre. La personnalité des acteurs la dotent d’une authenticité.

L’offre de service se teinte d’une image particulière. Les acteurs vivent en permanence sur le site de pratique en compagnie des diverses clientèles. Ces acteurs, s’ils adoptent en partie un comportement qu’exige la logique marchande de l’organisation, ils ne peuvent influer en permanence sur cette communication et c’est leur identité sportive qui gage de l’authenticité de l’offre de service.

Les entretiens mettent en évidence que pour les clients, la qualité d’une prestation de service réside dans les acteurs qui l’animent et lui apportent une dimension authentique. Ces valeurs d’authenticité sont liées à l’autonomie de l’acteur dans l’exercice de ses fonctions. Cette réflexion conduit le travail à investir le type de relations hiérarchiques, existant dans l’organisation sportive.

3.10.4 Les liens hiérarchiques souples de l’organisation sportive

Dans l’organisation, moins l’effectif d’un groupe est dense, plus la communication assure la paix et la cohésion à la place de la hiérarchie. Dans l’organisation sportive, chacun dispose de l’autonomie et des responsabilités relatives à son statut. Les organisations sportives trouvent d’autres moyens que la hiérarchie pour faire régner l’ordre. Les professionnels du sport développent des relations à dominante affective, moyennant quoi ils trouvent des solutions à leurs conflits.

Ils évoluent dans un système dissuasif d’alliances. En effet quand l’un des acteurs s’oppose à un autre, il n’est jamais certain que son rival ne sera pas soutenu par le groupe de pratiquants.

Toute opposition met en danger la réussite même de l’activité sportive qui exige une cohésion dans l’action. Soit il ne peut prédire l’issue de l’affrontement et il s’abstient, soit s’il engage un conflit, les membres du groupe exerceront une pression active pour qu’une solution émerge rapidement. Sous la pression du groupe, même s’ils ne se réconcilient pas, ils évitent que leur conflit en dégénérant ne mette en danger l’activité.

Dans la mesure où les acteurs savent gérer eux-mêmes les situations conflictuelles qui menacent la paix de l’organisation, ils n’ont pas besoin de s’appuyer sur une réglementation forte et une autorité stricte.

À l’inverse, les grandes entreprises et la majorité des administrations ont construit le plus simple processus pour assurer la paix dans leur organisation dominée par la règle et la hiérarchie. Il est vrai que plus l’effectif d’un groupe est élevé et plus il est difficile de développer les relations affectives. Les pots dans l’entreprise et les sorties de conviviales sont plutôt l’apanage des PME que des grands groupes.

Et pourtant les acteurs des grandes entreprises sont aussi capables que leurs homologues de PME de se prendre en main. La suprématie de la règle et le manque de relations affectives des grands effectifs anonymes génèrent probablement des frustrations qui ne sont pas étrangères au mouvement de démotivation et de découragement qui gagnent de plus en plus de salariés.

Les organisations doivent recourir à l’esprit d’entreprise non pas comme méthode d’organisation du travail mais comme philosophie (Vaillancourt, 2001). La subsidiarité du pouvoir, l’atomisation de la structure et l’apprentissage continu représenteraient des leviers d’affirmation de l’identité de l’entreprise.

Ce processus suppose la remise en cause de la logique traditionnelle du management, la démarche de requalification professionnelle s’envisage comme un moyen d’accompagner la construction identitaire de l’organisation et non comme un moyen de l’élaborer.

C’est l’organisation scientifique du travail, promue par Taylor puis approfondis par Fayol, qui a déplacé l’intérêt et l’attention des managers vers des problèmes de structure de l’entreprise. La remise en cause du concept même de l’organisation scientifique du travail provoque l’effet inverse. Actuellement, c’est le thème de l’organisation du travail qui est primordial.

Dans l’ensemble des études de cas, le raccourcissement de la ligne hiérarchique illustre clairement cette évolution. L’organisation horizontale minimise le nombre d’échelons hiérarchiques et suppose la constitution de groupes de personnes impliquées dans le processus.

Les groupes construisent une identité autour de cette nouvelle organisation de leur travail (Landier, 1991). Les activités se traitent désormais au sein d’équipes qui fonctionnent par projet dans un regain d’autonomie. Ces nouvelles modalités organisationnelles s‘accompagnent d’une nouvelle juridiction qui se construit entre la direction et les acteurs, autour des besoins d’arbitrage des conflits et de responsabilité du travail (Giard, 1991).

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
Le tourisme sportif en quête d’identité
Université 🏫: Université de Nice Sophia-Antipolis - Faculté des Lettres, Arts et Sciences Humaines
Auteur·trice·s 🎓:
Auteur : Bernard Massiera - Directeur de recherches : Professeur Paul Rasse

Auteur : Bernard Massiera - Directeur de recherches : Professeur Paul Rasse
Année de soutenance 📅: Thèse de doctorat de 3° cycle - Année 2047
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