Coûts et financement de l’éducation publique au Pérou

Coûts et financement de l’éducation publique au Pérou

Troisième chapitre

Coûts et financement de l’éducation publique

Par disposition constitutionnelle, l’Etat péruvien garanti la gratuité de l’éducation dans les établissements et programmes éducatifs publics des niveaux d’éducation initiale, primaire et secondaire. Quant à l’éducation universitaire dans les établissements publics, il assure le droit à l’éducation gratuite aux étudiants qui présentent un rendement satisfaisant et qui ne disposent pas de ressources économiques nécessaires pour couvrir leur coût d’éducation.

Pour assurer le droit à l’éducation gratuite, L’Etat compte sur les ressources perçues au travers du régime tributaire notamment celui de la TVA (Impôt Général aux Ventes – IGV).

Le principal percepteur d’impôt est le gouvernement central qui assume la plus grande partie des dépenses publiques en éducation. De plus, même sans en avoir l’obligation, les gouvernements régionaux et locaux dépensent fréquemment en éducation une partie de leurs fonds, perçus au travers des redevances et des taxes des services publics.

Le gouvernement central, à travers le Ministère de l’Economie et des Finances, établit le budget de l’éducation publique qui détermine les montants attribués aux objectifs spécifiques fixés. Selon ce système, les grandes lignes du budget en éducation sont décidées en dehors du secteur éducatif lui-même.

L’apport de l’Etat au financement de l’éducation publique est canalisé également au travers du Ministère de la Santé, du Ministère de Promotion de la Femme et Développement Humain, du Ministère de la Présidence, des Gouvernements Régionaux, des Conseils Provinciaux, des Conseils Municipaux, des Conseils des Districts et des Forces Armées.

Ces différentes institutions apportent de manière occasionnelle des biens et des services : nourriture, médicaments, matériels de construction et d’entretien, main d’œuvre, etc..

Toutefois, la coopération des ces entités de l’Etat, répond seulement aux actions entreprises par des parents, enseignants, et autorités des établissements éducatifs, car il s’agit d’apports en dehors du budget du secteur éducatif, qui ne sont pas pris en compte dans les dépenses générales de l’éducation publique.

La démarche administrative opérationnelle commence avec le transfert des fonds du Ministère de l’Economie et des Finances vers le Ministère de l’Education, vers les gouvernements régionaux, les universités publiques, les institutions publiques, et vers les organes nationaux dans les régions.

Les fonds destinés aux écoles publiques sont canalisés à travers les organes intermédiaires de l’administration éducative comme les Directions Régionales d’Education (DIR) et les Unités des Services Educatifs (USE). Aucune instance du secteur éducatif n’a la faculté d’utiliser à discrétion les fonds destinés aux dépenses en éducation publique.

Depuis 1996, la Résolution Ministérielle 016 autorise les établissements éducatifs à créer des ressources et fonds propres qui seront utilisés pour le bon déroulement des activités éducatives; ceux-ci doivent présenter leurs comptes auprès des USEs.

Il existe aussi de longue date une norme qui autorise les Associations de Parents (Asociación de Padres de Familia – APAFA) à percevoir une cotisation lors de la période d’inscription scolaire; les montants récoltés peuvent par exemple être investis dans des activités lucratives dont les bénéfices seront utilisés en faveur des écoles. En plus, les directeurs des établissements scolaires peuvent aussi demander des donations pour leurs écoles auprès des personnes et institutions de la communauté où ils se trouvent.

I. Les dépenses publiques en éducation

Le graphique n°1 montre que durant les quatre dernières décennies, le taux d’inscription scolaire a été supérieur au taux d’accroissement de la population. Cependant, l’augmentation de l’immatriculation scolaire n’a pas été accompagné, d’une manière proportionnelle, par les dépenses publiques en éducation.

Graphique N°1 : évolution démographique, de l’immatriculation scolaire et des dépense publique en éducation, 1960-1998

n démographique, de l’immatriculation scolaire et des dépense publique en éducation, 1960-1998

Source : Gorriti, Miranda & Pacheco, 2000, Cuánto cuesta una educación básica de calidad en el Perú, (voir annexes 1 et 2).

L’éducation péruvienne présente ainsi la situation contradictoire d’avoir un taux d’immatriculation générale beaucoup plus élevé que celui de la moyenne mondiale et une dépense relative publique fortement plus basse que celles des pays développés et même que celle d’autres pays en voie de développement (Gorriti, Miranda & Pacheco, 2000, p. 22).

Pour comparer les dépenses publiques en éducation, la référence au pourcentage du PBI n’est certainement pas un indicateur très fiable à cause de la disparité des richesses annuelle produites par chaque pays, différence encore plus visible si l’on compare le revenu par habitant de chaque pays : en 1996 par exemple, le revenu par habitant du Pérou fut de USD $ 2 500; de l’Argentine USD $ 9 600; et des Etats Unis USD $ 26 800.

Ainsi, même si le pourcentage du PBI en dépenses publiques pour l’éducation était le même pour tous les pays, la différence concernant le volume de l’investissement serait toujours énorme. Toutefois, le rapport entre les dépenses publiques en éducation et le PBI de chaque pays montre l’importance que les Etats accordent à leurs systèmes éducatifs respectifs. Quoi qu’il en soit, le tableau n°1 montre qu’aux Pérou, la réalité éducative est loin des moyennes mondiales.

Tableau N°1 : Dépenses en éducation : 1995 -1996

Dépense publique en éducationDépense par élève primaire
Pays% du PBI% de la DépensePublique GénéraleEn dollars% du PIB percapita
Etats Unis6,714,45 37120
Moyenne OCDE5,912,63 54619
Mexique5,623,01 01514
Chili5,615,21 80715
Brésil*5,115,387015
Uruguay12,492012
Argentine4,212,61 15812
Paraguay3,114,834310
Pérou2,513,01506

Source : Gorriti, Miranda & Pacheco, 2000, Cuánto cuesta una educación básica de calidad en el Perú, pp.22-47.

Les politiques péruviennes de stabilisation économique cherchant l’équilibre en réduisant les dépenses publiques plutôt qu’en augmentant les revenus fiscaux, trouvèrent dans le secteur éducatif la meilleure possibilité de faire des économies publiques. Ainsi, à partir de 1991, la réduction des coûts dans le secteur éducatif se fait surtout par l’élimination de postes de travail du secteur technique, administratif et des enseignants.

De 1990 à 1997, la dépense publique totale en éducation initiale et en éducation primaire n’a pas vu de modification significative, elle passe de 5,1% à 5,5% et de 27,0% à 27,1% respectivement (Gorriti, Miranda & Pacheco, 2000, pp. 60-72).

Au contraire, malgré l’accroissement de l’immatriculation, la dépense publique totale du niveau secondaire diminue en termes relatifs du 20% en 1990 au 18,6% en 1997 (voir annexe n°3).

En ce qui concerne l’éducation supérieure, il se présente deux processus opposés : tandis que le nombre d’immatriculations d’élèves aux établissements publics d’éducation supérieure non universitaire augmente de 2,0% en 1990 à 2,3% en 1997, le nombre d’immatriculations aux établissements publics d’éducation supérieure universitaire diminue de 4,5% à 3,3% pour la même période; toutefois, la dépense publique s’élève seulement de 1,9% en 1990 à 2,2% en 1997 dans le premier cas et curieusement de 10,25% à 15,6% dans le second.

De même, tandis que l’immatriculation en éducation initiale augmenta de 30% dans la période de 1990-1997, la population universitaire diminua d’environ 20%. Cependant, la dépense publique en éducation initiale augmenta de 10% pendant ces sept ans et celle de l’éducation supérieure universitaire de 50% dans la même période.

Quant à la formation professionnelle, elle expérimente un déclin de l’immatriculation en termes relatifs, en passant de 1,9% en 1990 à 1,6% en 1997. Parallèlement, la dépense publique dans ce domaine diminua d’une manière dramatique, elle passe de 1,2% à 0,4%.

Ainsi, au cours des dernières années, la réduction progressive de la participation de l’Etat au financement de l’éducation publique, discrète et sans formalisation légale, notamment en ce qui concerne les biens et les services, oblige de plus en plus les communautés scolaires à assumer ces dépenses et à créer des systèmes de financement non officiels pour les écoles publiques.

II. Les dépenses des familles et de la communauté dans l’éducation publique

L’initiative communale de construire des écoles et de payer les premiers salaires aux enseignants jusqu’à que l’Etat puisse assumer cette responsabilité devient, de plus en plus, une exigence implicite de l’Etat aux familles et à la communauté.

Progressivement ces dernières assument certains coûts de fonctionnement des écoles que le secteur public ne paie plus. En effet, la participation des familles au financement de l’éducation atteint 40% en 1994 et 45,6% en 1997, tandis que la dépense de l’Etat en éducation diminua de 59,4% à 45,6% dans la même période (Gorriti, Miranda & Pacheco, 2000, p. 96).

Les frais des familles en éducation différent fortement selon le régime éducatif, les niveaux éducatifs et les aires géographiques.

En comparant les dépenses des familles des diverses zones géographiques et des différents types d’établissement scolaire et niveaux éducatifs, il apparaît que la disparité des frais en éducation est considérable.

L’investissement des familles dont les enfants fréquentent des établissements éducatifs privés est beaucoup plus élevé que celui de celles qui vont dans des établissements publics. En 1997, les dépenses des familles par élève dans les établissements éducatifs publics au Pérou croissent avec l’âge et le niveau éducatif des enfants.

En outre, plus les familles vivent loin des grands centres urbains, plus les dépenses diminuent. Cette constatation est valable pour tous les niveaux éducatifs à l’exception de l’éducation supérieure non universitaire où le coût pour les familles en zone rurale est plus élevé que celui à Lima et dans d’autres zones urbaines.

Ce phénomène est important car il provoque la diminution graduelle des effectifs des écoles techniques en zone rurales et, par conséquent, la fermeture des établissements par manque de demande de formation.

Tableau N°2: Dépenses annuelles des familles en éducation par niveaux, selon le régime éducatif et la zone de développement, 1977.(en USD de 1997 par élevé)

NIVEAUPEROULIMAMETROPOLEAUTRESZONES

URBAINES

ZONESRURALES
Education privéeInitiale

Primaire

Secondaire

Supérieure non Universitaire

Supérieure Universitaire

438.5653.5

631.7

432.3

1 241.5

479.6897.7

923.5

557.2

1 481.2

385.9406.6

421.3

344.8

749.9

24.0309.5

235.6

258.6

558.5

Education publiqueInitiale

Primaire

Secondaire

Supérieure non Universitaire

Supérieure Universitaire

56.091.5

160.0

176.7

249.9

89.2134.7

221.3

209.3

312.4

79.3100.5

153.0

153.4

229.1

32.066.3

105.3

260.8

158.2

Source : ENNIV 1997.

Les frais en éducation des familles comprennent principalement : frais d’uniformes, frais de transport, matériel scolaire, contribution monétaire à gérer par les associations de parents APAFAs et payements supplémentaires pour des activités liées directement au programme scolaire, ainsi que d’autres paiements pour des activités hors programme.

Les ressources monétaires obtenues par les différentes institutions communales sont dépensées principalement en infrastructure éducative, entretien des locaux scolaires publics ainsi qu’en matériaux éducatifs.

D’une manière générale, l’Etat est le seul responsable du paiement des rémunérations aux enseignants et aux personnel administratif, et cela représente entre 84% et 95% du coût de fonctionnement total d’un établissement scolaire. L’apport des autres sources ne représente que 5% à 16% du budget total des écoles (Gorriti, Miranda & Pacheco, 2000, p. 110). De ce fait, la participation des familles, de la communauté et d’autres institutions et organisations ainsi que les fonds propres des écoles ne constituent pas la partie fondamentale du soutien économique de l’école.

III. La coopération internationale et l’éducation publique

Les apports des organismes de coopération internationale se présentent principalement sous forme de projets éducatifs, en donations et crédits financiers. Le Ministère de l’Education est le principal récepteur des ces contributions, mais aussi les entités publiques, les établissements éducatifs et les organisations non gouvernementales nationales et internationales installées au Pérou.

Bien que la contribution de la coopération internationale ait été substantielle pendant ces dernières années, en 1998, la moyenne de l’apport des pays développés a diminue à 2,5% de leurs PBI respectifs. Ceci équivaut à un quart des montants initialement alloués (Gorriti, Miranda & Pacheco, 2000, p. 124).

Actuellement la Banque Mondiale est la majeure source mondiale de financement externe de l’éducation. Toutefois, si l’on compare la dimension des prêts de la Banque Mondiale avec les montants totaux de la dépense publique en éducation, dans le cas du Pérou, ils représentent seulement 1% à 2% de la dépense totale de l’Etat dans ce secteur.

La disproportion entre la petite valeur relative de ces crédits et l’énorme influence de la BM dans la politique éducative péruvienne s’explique, dans une grande mesure, par l’absence au Pérou d’un projet éducatif général propre lors de la négociation des crédits (Gorriti, Miranda & Pacheco, 2000, p. 126).

Il existe une délimitation de l’appui de certaines entités internationales de coopération à certains secteurs de l’éducation. Ainsi, la Banque Mondiale s’occupe de l’ensemble des politiques éducatives mais se concentre principalement sur l’éducation primaire; la Banque Interaméricaine de Développement axe ses priorités sur l’éducation de base; la GTZ (Deutsche Gesellschaft für Technische Zusammenarbeit) se consacre à l’éducation interculturelle et à la formation technique et professionnelle; et, l’AECI (Agencia Española de Cooperación Técnica) s’intéresse à la formation technique et professionnelle.

Les prêts accordés par des différentes institutions de coopération internationale s’élèvent à USD 44’400’000 et les donations à USD 4’473’000 en 1997. La totalité de l’apport de la coopération internationale équivaut au 2,5% de la dépense publique en éducation pendant la même période. Toutefois, il faut souligner que les crédits sont remboursés par l’Etat péruvien et, de ce fait, sont considérés comme des dépenses publiques de paiement différé.

Mise à part les donations des entités officielles internationales, canalisées exclusivement par les organismes de l’Etat péruvien, il existe un important flux de coopération avec l’éducation nationale provenant de diverses institutions officielles et non officielles de certains pays développés. Ces contributions s’adressent aux organisations non gouvernementales, aux institutions éducatives privées et aux entreprises qui développent leurs activités au Pérou.

Ces donations, n’étant pas enregistrées par le Ministère de la Présidence ou dans un autre registre officiel, sont difficilement comptabilisables.

Les fonds provenant des banques et de la coopération internationale sont alloués principalement au développement des programmes éducatifs innovateurs, tandis que les fonds de l’Etat sont destinés au fonctionnement du système éducatif.

IV. Conclusions sur le financement de l’éducation

L’analyse de chiffres présentée ci-dessus montre que l’immatriculation scolaire ou estudiantine n’est pas le critère le plus important pour définir les allocations budgétaires de l’Etat aux différents secteurs de l’éducation.

De plus, la tendance générale des dernières années a été une diminution conséquente des ressources par individu allouées à l’éducation en général. Dans le cas particulier de l’éducation professionnelle, modalité éducative choisie prioritairement par les jeunes des secteurs populaires, on constate une perte d’effectifs notamment pendant les périodes de crise économique aiguë.

L’investissement en matériel éducatif demandé aux élèves limite énormément la permanence des élèves les plus modestes. Par conséquence, la réduction radicale du budget de l’Etat accordé à la formation professionnelle aggrave de façon dramatique la situation de ce secteur éducatif.

Malgré l’important accroissement de la participation de la famille et de la communauté au financement de l’éducation publique, leur participation au niveau de la prise de décision budgétaire est pratiquement nulle.

Le manque de représentativité de ces secteurs conduit à l’adoption de modèles proposés par des organismes internationaux qui, le plus souvent, ne s’adaptent pas aux différentes réalités locales du pays. Ce manque de représentativité est un des facteurs explicatifs de l’absence totale de participation des entreprises au financement du secteur éducatif, même à celui des formations techniques.

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
La formation professionnelle duale: alternative éducative
Université 🏫: Faculté de Psychologie et des Sciences de l’Education
Auteur·trice·s 🎓:
Dana Torres & Carmen Vulliet

Dana Torres & Carmen Vulliet
Année de soutenance 📅: Mémoire de licence - Novembre 2001
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