Proposition d’une structure juridique et fiscale adaptée

Proposition d’une structure juridique et fiscale adaptée

Section 2 – Proposition d’une structure juridique et fiscale adaptée

La proposition d’un montage juridique et fiscal pertinent pour l’acheteur est une prestation particulièrement délicate à fournir compte tenu des nombreux paramètres à prendre en compte dans le cadre d’une telle réflexion. En effet, il n’y a pas un montage pertinent dans l’absolu, mais différentes solutions qui peuvent être envisagées en fonction des contraintes et des objectifs des parties.

1/ Prise en compte des contraintes juridiques

La structuration juridique de la vente sous forme de cession d’actifs ou de cession de titres constitue le point de départ de toute réflexion sur la mise en place d’un montage pertinent. Cet aspect est généralement envisagé dans la lettre d’intention, néanmoins, les informations recueillies lors des « due diligence » et l’évolution des relations entre les parties peuvent conduire à la réouverture des négociations sur ce sujet.

S’agissant des contraintes juridiques, il est généralement préférable pour l’acquéreur que l’opération soit structurée sous forme de cession d’actifs, afin que les risques attachés à l’entité cédante ne soient pas transférés. Toutefois, il se peut que cette solution empêche l’acheteur d’avoir accès aux contrats clefs de la cible. Une cession de titres peut alors constituer une alternative plus intéressante. Les opérations réalisées sous cette forme ont par ailleurs l’avantage d’être plus pratiques à réaliser, puisqu’elles limitent les éléments à prendre en compte dans le contrat. Elles sont donc acceptables pour l’acheteur si les risques transférés sont clairement identifiés et maîtrisés, notamment par la mise en place de « due diligence » efficaces et l’inscription de clauses de garantie de passif dans l’accord final.

Il convient également de déterminer la forme de l’entité juridique dans laquelle l’activité acquise sera logée. Cette préoccupation est plus particulièrement adaptée aux cessions d’actifs, puisque dans ce cas il est nécessaire de créer une structure pour placer les éléments acquis, alors que dans le cadre d’une cession de titres la cible est maintenue en tant qu’entité juridique. Bien que plusieurs alternatives soient possible, la forme juridique généralement utilisée dans le cadre de l’acquisition d’une activité industrielle est la « corporation ».

En effet, comme nous l’avons évoqué dans la première partie de ce rapport, ses caractéristiques que sont la libre cessibilité des titres, l’autonomie de l’entité par rapport à l’existence de ses actionnaires et surtout la responsabilité limitée de ces derniers, en font la solution privilégiée des investisseurs.

La principale alternative à la mise en place d’une « corporation » est la « partnership ». L’utilisation de cette forme juridique pour structurer une transaction est généralement réservée à certaines activités de services, dans lesquelles l’intuitu personae du vendeur est un élément essentiel pour la réalisation de l’opération. En effet, l’étendue de la responsabilité des associés de ces sociétés de personnes rend généralement cette forme juridique particulièrement risquée pour un investisseur industriel. En conséquence, il ne sera pas fait référence à l’utilisation de « partnerhsips » dans la suite de ce mémoire.

2/ Prise en compte des contraintes fiscales

La structuration juridique de la vente sous forme de cession d’actifs ou de cession de titres a également des conséquences sur la fiscalité de l’opération (Annexe IX), si bien que les contraintes juridiques et fiscales sont en fait interdépendantes.

Dans le cadre d’une cession de titres, le statut fiscal de l’entité cédée n’est pas affecté par la transaction. En conséquence, ces opérations se traduisent par le transfert de l’ensemble des risques et attributs fiscaux attachés à la cible du vendeur vers l’acheteur. Par rapport à une cession d’actifs, ce schéma a généralement des conséquences favorables pour le vendeur qui évite non seulement l’imposition des plus-values latentes sur les actifs cédés, mais également la double imposition du résultat de l’opération.

En effet, les actifs transférés à l’acheteur conservant la base fiscale qu’ils avaient entre les mains du vendeur, les plus-values latentes ne sont pas imposables lors de l’opération. En contrepartie, l’acheteur devra acquitter l’impôt sur l’intégralité de la plus-value dégagée en cas de cession ultérieure.

Par ailleurs, compte tenu de l’absence d’avoir fiscal attaché aux dividendes versés par les sociétés américaines, une cession d’actifs a des conséquences fiscales particulièrement défavorables pour le vendeur, puisqu’elle peut entraîner une double imposition. Ainsi, ces opérations se traduisent d’abord par l’imposition au niveau de la cible de la plus-value de cession au taux normal de l’impôt sur les sociétés, puis par l’imposition du résultat net de l’opération au niveau des actionnaires lors de la distribution des dividendes ou du boni de liquidation.

La même opération structurée sous forme de cession de titres n’entraîne qu’un seul niveau d’imposition, sous forme de plus-value en capital entre les mains des actionnaires. En conséquence, quand le vendeur est en position dominante, il réclame généralement une prime pour structurer l’opération sous forme de cession d’actifs afin de compenser la surcharge fiscale qu’il supporte.

Il semble toutefois important de souligner que si l’entité cédante est taxée sous le régime des « S corporations », solution généralement retenue par les PME américaines dont le capital est détenu par un nombre restreint d’actionnaires personnes physiques, cette prime n’est plus justifiée puisque la société est alors fiscalement transparente, ce qui évite le mécanisme de la double imposition.

Au niveau de l’acheteur, outre une réévaluation de la base fiscale des éléments transférés, une cession d’actifs permet également de bénéficier d’un traitement favorable du « goodwill » généré par la transaction. En effet, dans ce type de transaction, l’administration fiscale américaine requière que les parties allouent le prix de vente entre les différents actifs afin d’établir la base fiscale qui servira au calcul des amortissements pour l’acheteur.

La valeur allouée ne devant pas dépasser la valeur de marché de ces actifs, tout écart résiduel est d’abord affecté aux éléments incorporels identifiables (liste clients, marques commerciales, licences…), puis au « goodwill ». L’ensemble des survaleurs ainsi affectées aux éléments incorporels est alors fiscalement déductible sous forme d’un amortissement linéaire sur 15 ans. Une telle possibilité n’est généralement pas offerte dans le cadre d’une cession de titres, puisque les survaleurs sont intégrées dans le prix des titres.

Compte tenu de ces considérations, alors qu’un vendeur privilégie généralement une cession de titres, un acheteur est souvent plus favorable à une cession d’actifs.

3/ Proposition d’un montage juridique et fiscal pertinent

Un montage juridique et fiscal acceptable par l’ensemble des parties doit répondre à un double objectif : maximiser la valeur reçue par le vendeur tout en minorant le coût de l’opération pour l’acheteur. A ce titre, un des moyens pour réduire le coût de l’acquisition consiste à maximiser la déductibilité fiscale de l’opération pour l’acheteur. La structuration de la vente sous forme de cession d’actifs est généralement la solution la plus simple pour atteindre cet objectif, puisqu’elle permet une réévaluation de la base fiscale des éléments achetés.

En outre, les inconvénients d’une cession d’actifs pour le vendeur peuvent être limités si les déficits reportables disponibles chez la cible permettent d’absorber les plus-values réalisées. Cependant, il se peut que le vendeur refuse un tel schéma ou que la structuration de l’opération sous forme de cession de titres ait un intérêt particulier pour l’acheteur. La mise en place d’un montage juridique et fiscal pertinent peut alors permettre de préserver les intérêts des parties.

A ce titre, deux articles du code fiscal américain peuvent être utilisés pour conférer certains avantages d’une cession d’actifs à une opération structurée sous forme de cession de titres. En effet, les sections 338(g) et 338(h) autorisent une réévaluation de la base fiscale des actifs transférés dans le cadre d’une cession de titres si certaines conditions sont réunies (Annexe IX).

La section 338(g) permet à un investisseur d’opter unilatéralement pour qu’une cession de titres soit traitée comme une vente fictive des actifs de la cible à une nouvelle entité fiscale. Le gain résultant de cette opération est alors imposable chez la cible, mais il peut être réduit par les déficits générés antérieurement à la transaction. Il est important de souligner que dans ce type de schéma le vendeur n’est pas affecté par l’option, la vente fictive des actifs étant réalisée après la cession de titres.

Bien que ce mécanisme permette d’aboutir à une réévaluation de la base fiscale des actifs, il comporte un inconvénient majeur, puisqu’il engendre une double imposition de la transaction. En effet, celle-ci est d’abord imposée entre les mains du vendeur sur la vente des titres, puis au niveau de la cible sur la vente fictive des actifs. En conséquence, un tel montage n’est économiquement justifié que si la cible dispose de déficits reportables suffisants pour absorber la plus-value résultant de la vente fictive. Par ailleurs, l’éventuel excédent de ces déficits sur la plus-value est définitivement perdu.

En l’absence de déficits fiscaux reportables suffisants chez la cible, la section 338(h) permet à l’acheteur et au vendeur de prendre une option commune pour qu’une cession de titres soit également traitée comme une vente fictive des actifs de la cible à une nouvelle entité fiscale mais en évitant toutefois la double imposition de l’opération. Dans ce cas de figure, la vente fictive est réalisée au niveau du vendeur et la cession de titres porte en fait sur la nouvelle entité fiscale.

L’utilisation de cette disposition nécessite que la cible soit membre d’un groupe d’intégration fiscale ou qu’elle soit imposée sous le régime des « S corporation ». Si la cible est membre d’un groupe d’intégration fiscale, le vendeur n’est pas imposé sur la plus-value sur titres, mais sur celle dégagée par la vente fictive des actifs. Les attributs fiscaux de la cible ou ceux des autres sociétés du groupe d’intégration fiscale peuvent alors être utilisés pour éponger ce résultat.

Cette solution peut donc être intéressante pour le vendeur, si la plus-value fictive sur cession d’actifs est inférieure à la plus-value sur titres ou si les déficits fiscaux du groupe utilisés pour absorber la surcharge d’impôt par rapport à une cession de titres n’ont pas d’autres possibilités d’utilisation. Si tel n’est pas le cas, un ajustement du prix de vente peut être nécessaire pour faire accepter le montage au vendeur. Un mécanisme similaire est applicable si la cible est une « S corporation ».

Ainsi, les actionnaires vendeurs ne sont pas imposés sur la plus-value sur titres, mais sur celle dégagée par la vente fictive des actifs. Compte tenu des différences de taux d’imposition pour les particuliers entre plus-value en capital et résultat ordinaire, les vendeurs ne sont pas toujours indifférents à l’utilisation de cette option. En effet, si une partie du résultat de la vente fictive des actifs est imposable en tant que résultat ordinaire, alors que l’ensemble du résultat dégagé sur une cession de titres aurait été imposable à un taux réduit en tant que plus-value en capital, un ajustement de prix peut être nécessaire pour faire accepter le montage par le vendeur.

Par ailleurs, que l’on se situe dans le cadre d’une cession d’actifs ou d’une cession de titres, il est généralement préférable de créer une société holding pour détenir les titres de la filiale. Sur le plan juridique, un tel montage permet de réduire l’exposition de l’acheteur aux risques attachés à la cible. En cas d’acquisition d’une activité répartie sur différents sites, il peut être judicieux de créer plusieurs entités juridiques pour loger les actifs afin de cloisonner les risques attachés à chacun des sites.

Sur le plan fiscal, la mise en place d’une société holding permet de profiter du régime d’intégration fiscale avec une société sœur préexistante ou avec les éventuelles entités achetées ultérieurement. Il est toutefois important d’éviter un écueil inhérent à ce type de montage: l’assujettissement à la taxe sur les « personal holding companies ». En effet, l’administration fiscale américaine impose une contribution additionnelle de 15% sur le résultat non distribué des « holdings » détenues par moins de 6 personnes physiques. Il est donc important de s’assurer que le montage proposé ne fait pas tomber l’entité sous le coup de cette pénalité fiscale.

En dernier lieu, il faut d’envisager certains risques liés à la répartition entre endettement et capitaux propres dans le cadre du financement de l’opération. Dans la mesure où le financement par endettement permet une déduction fiscale des intérêts payés alors que le financement par capitaux propres ne permet pas de déduire les dividendes qui représentent la rémunération du capital, il est tentant pour l’investisseur de substituer une partie des capitaux propres par de l’endettement, afin de maximiser les possibilités de déductions fiscales. Cependant, il faut savoir que l’administration fiscale américaine est particulièrement vigilante à l’égard de ce type de montage.

Si le schéma se traduit par une sous-capitalisation de la filiale, l’endettement peut être requalifié en capital, avec pour conséquence directe la requalification des intérêts en dividendes et leur réintégration dans le résultat fiscal. Les critères utilisés par l’administration fiscale américaine pour apprécier le niveau de capitalisation sont assez complexes, néanmoins, d’une façon générale, ils s’attachent à vérifier que les conditions du financement accordé par les actionnaires sont conformes aux conditions de marché et que le ratio d’endettement n’est pas anormalement élevé.

En conclusion, il est important de souligner qu’en cas de remise en cause d’une transaction, l’administration fiscale américaine n’est pas tenue par la forme de l’opération. Ainsi, il est par exemple inutile de chercher à acquérir une partie des actifs d’une cible qui fera l’objet d’une cession de titres ultérieure afin d’obtenir une base amortissable plus importante, car ces opérations successives seront traitées comme une seule transaction, ce qui entraînera la remise en cause de la réévaluation fiscale des actifs.

En d’autres termes, il est important d’indiquer à son client que si le montage proposé doit permettre d’optimiser sa situation fiscale, il ne doit en aucun cas conduire à un mécanisme de fraude fiscale.

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