D – Les inventions de procédé
Dans le même genre d’idée d’élargissement de la portée au-delà de la lettre des revendications, il convient pour être complet de rappeler l’article 64(2) CBE « Si l’objet du brevet porte sur un procédé, la protection s’étend aux produits obtenus directement par ce procédé. »
En pratique il est cependant délicat de faire jouer cette extension de protection. En France notamment il n’est pas possible de renverser la charge de la preuve de sorte que ce serait au présumé contrefacteur de démontrer que le produit n’a pas été fabriqué selon le procédé breveté.
Le breveté en est réduit à devoir prouver que le produit argué de contrefaçon n’a pas pu être fabriqué par les procédés connus avant son invention. La présomption joue alors pour en déduire que le procédé employé dans les faits est bien celui tel que réservé par brevet.
Même si les concepts pour reconnaître à la protection conférée une portée plus large que la lettre des revendications ont dans tous les pays notamment européens à peu près les mêmes noms, ce que la jurisprudence y a mis dans ces divers pays diverge bien souvent. L’affaire Improver/Remington est de ce point de vue remarquable. Le tribunal allemand a statué en faveur de la contrefaçon alors qu’en Grande-Bretagne, la contrefaçon a été écartée. Il y a là source d’insécurité juridique. Le breveté a un droit, mais il ignore sur quoi exactement jusqu’au jour du procès.
E – Dépendance et perfectionnement
Un autre aspect vient parfois restreindre le droit du breveté. Ce sont les droits déjà constitués par d’autres et sur lesquels son brevet empiète. Pour déterminer cet empiètement, les techniques précédentes d’évaluation de l’étendue de la protection sont aussi à utiliser, mais cette fois en se demandant si l’invention considérée n’est pas en train de contrefaire des brevets antérieurs. Une telle étude s’appelle « étude d’exploitabilité », car si elle révèle que l’invention entre dans le champ de protection d’un brevet antérieur (on dit aussi dans ce cas que « le brevet second est dans la dépendance du brevet premier ») son exploitation n’est plus possible sauf à en obtenir l’autorisation du breveté antérieur.
En pratique il est très fréquent qu’un brevet dépende d’un autre plus ancien. Cela est presque systématiquement le cas dans le domaine de la chimie où se créent ainsi de véritables entrelacs de droits privatifs. Seule une veille sérieuse permet par suite à une société de s’assurer que ses produits sont exploitables.
Il est possible de faire appel à l’INPI pour cette veille. Un service spécialisé peut par exemple rassembler tous les mois les demandes venant d’être publiées et qui se rapportent à des produits de la même classe que les produits de la société en question [LAINEE F., 1991]. Cette veille peut aussi s’effectuer à partir des bases de brevets disponibles sur des serveurs spécialisés ou sur Internet [MARX B., 2000].
Un tel cas de figure se rencontre très souvent à l’occasion d’une invention perfectionnant un produit ou un procédé déjà couvert par brevet. Le droit des brevets a un autre adage valable en l’espèce :
« Perfectionner, c’est contrefaire. »
Si le brevet premier appartient à celui qui l’a perfectionné, il n’y a alors pas de problème d’exploitation. Le brevet de perfectionnement étant déposé plus tard, et dans la mesure où il n’est plus pensable d’utiliser l’invention sans son perfectionnement dès lors qu’il a été mis au point, c’est une façon de prolonger le monopole. Dans les autres cas, l’auteur du perfectionnement devra, s’il le peut, s’entendre avec le breveté d’origine pour conclure, selon le cas, des licences croisées sans bourse déliée ou bien une licence avec paiement de royalties.
Le titulaire d’un brevet de base a quoi qu’il en soit un atout par rapport aux autres. Ces brevets de base, aussi appelés « brevets pionniers », sont en effet, comme le chapitre 3 le montrera, l’objet de rudes batailles (cf. § II-3-B du chap. 3). Ils peuvent être mis en lumière par des recherches bibliométriques à partir de bases de données de brevets spécialisées [COURTIAL J.-P. et al., 1991].