La guerre des brevets : Quelles stratégies ?

La guerre des brevets : Quelles stratégies ?

Université de Marne-la-Vallée

Mémoire de DESS en Ingénierie de l’Intelligence économique

La guerre des brevets : Quelles stratégies ?

La guerre des brevets : Quelles stratégies ?

Par

Hélène ROLNIK

Sous la direction du

Général Jean GUYAUX

Responsable :

Professeur Jean-Luc DALLEMAGNE

Novembre 2002

Remerciements

Introduction

Pour ainsi dire tous les ouvrages qui traitent des brevets abordent la question sous un angle éminemment juridique.

Si cela convient aux spécialistes du droit qui devront in fine développer leurs arguments face au juge, les responsables qui, dans les entreprises, déposent des brevets n’y trouvent guère leur pain.

Cela vaut même pour des directeurs relativement bien avertis en matière juridique, car le droit des brevets est un des droits les plus complexes.

Il faut en effet au moins cinq ou six années à un spécialiste qui travaille dans le domaine du droit des brevets à plein temps, pour commencer à percevoir correctement les notions de nouveauté et d’activité inventive à la base des critères de brevetabilité.

Pourtant c’est bien à eux, ces chefs d’entreprise, que le brevet est le plus utile, la finalité du brevet étant en effet avant tout économique. Et ce sont encore eux qui ont à développer des politiques de mise en œuvre des brevets en vue de défendre ou de conquérir un marché.

Il apparaît donc un manque cruel d’études mettant à leur portée les principes régissant ces titres de propriété industrielle.

La présente étude se fixe comme but de contribuer à combler cette lacune.

Puisqu’il ne saurait donc être question de faire de ces chefs d’entreprise des spécialistes du droit des brevets, une idée consiste à trouver une image parlante.

C’est du moins ce qu’a choisi de faire l’Institut national de la propriété industrielle (INPI) qui diffuse régulièrement sur les ondes de France-Inter par la voix de Claude RICHE un message sur les brevets commençant par : « le brevet est une arme … ».

Le même terme, « arme », se retrouve aussi sous la plume d’Irène ORES qui a été Présidente de la Compagnie nationale des conseils en propriété industrielle [ELMALEH A., ORES I.,1997]. Certes, il peut s’agir d’une simple métaphore destinée à frapper les esprits.

Cependant, la littérature sur les brevets parle également de « stratégie », restant ainsi dans un registre militaire. Par exemple un article de Guntram RAHN développe « les stratégies des entreprises japonaises en matière de brevets », ajoutant même que certaines d’entre elles ont « pour fonction l’attaque ».

Enfin plusieurs textes n’hésitent pas à évoquer « la guerre des brevets » [RHODAIN C., 1990], [BIROLLI B., 1992]. D’où la question : et s’il s’agissait plus que d’une simple image métaphorique ?

Pour répondre à cette question, il faut revenir à la nature de la loi.

La plupart des non-spécialistes du droit y voient en effet une règle qu’il ne faut pas transgresser, et cela pour des raisons morales. Faire quelque chose d’illégal leur donne mauvaise conscience.

Ce n’est pas bien. Et appliqué à la contrefaçon, cet état d’esprit les conduit à rejeter tout acte de cette nature sans même se demander si la contrefaçon ne serait pas malgré tout rentable.

Les praticiens du droit ont quant à eux une vision beaucoup plus prosaïque.

La loi ne vise pas à dire ce qui est juste au nom d’une morale supérieure, mais simplement à ordonner la société de façon à réguler autant que possible les conflits pouvant surgir entre les acteurs de cette société.

Donc derrière le droit octroyé par le brevet, il y a en réalité une épreuve de force ayant recours au pouvoir coercitif du juge.

Celle-ci oppose d’un côté le breveté, de l’autre le contrefacteur, l’enjeu étant la possession d’un marché. Et la seule préoccupation du contrefacteur est de savoir si le risque qu’il court en étant pris est supérieur aux gains qu’il est en droit d’attendre de sa transgression de la loi.

Il y va donc pour lui d’une simple mise en balance des risques et des opportunités tout comme pour le capitaine qui s’apprête à conquérir un territoire.

L’idée de voir dans le brevet une arme et dans les conflits qu’il engendre, une guerre, est donc davantage une analogie.

Cette étude approfondit cette analogie dans l’idée que c’est elle qui donnera dorénavant au chef d’entreprise les outils conceptuels pour mettre au point sa stratégie en matière de brevets.

Le général BEAUFRE a en effet développé dans son ouvrage célèbre de 1963 intitulé Introduction à la stratégie une approche de la stratégie militaire dont il dit lui-même  que : « il n’est pas impossible que ses procédés soient applicables dans le domaine de la politique tout court, et même dans tous les domaines où deux volontés s’affrontent. »

Pour lui la stratégie est l’art de la dialectique des volontés.

Celui qui gagne est celui qui s’octroie le plus de liberté « en créant et en exploitant une situation entraînant une désintégration morale de l’adversaire suffisante pour lui faire accepter les conditions qu’on veut lui imposer. »

En d’autres termes, le Général BEAUFRE remonte à ce qui se passe dans l’esprit même des adversaires, ce qui donne à son approche une portée extrêmement générale. Il rappelle que « la décision est un événement d’ordre psychologique ».

De là, la stratégie est selon lui une « méthode de pensée permettant de classer et de hiérarchiser les événements, puis de choisir les procédés les plus efficaces ».

Il dit encore : «  la stratégie peut et doit jouer un rôle capital pour conférer un caractère conscient et calculé aux décisions par lesquelles on veut faire prévaloir une politique. »

Cette affirmation n’a pas échappé aux auteurs de l’ouvrage Les armes secrètes de la décision [ALLAIN-DUPRE P. et al., 1997] qui ont rendu un bel hommage au général BEAUFRE en le plagiant littéralement sans jamais le citer.

Quoi qu’il en soit, ils ont admis que ces concepts se transposaient parfaitement à la lutte d’une entreprise contre ses concurrents.

Le premier chapitre de cette étude est consacré à un rappel historique. Il est toujours plus facile de comprendre une discipline lorsqu’elle en est à ses débuts.

En effet ses mécanismes ne s’encombrent pas encore des éléments secondaires qui viennent l’enrichir ou parfois aussi la distordre au fil du temps. Les forces premières en jeu apparaissent plus nettement dans leur dépouillement d’origine.

Puis dans un deuxième chapitre, le cas simple d’un breveté ayant un brevet qui est contrefait par un contrefacteur est examiné.

Les dispositions de la loi sont détaillées pour bien mettre en lumière l’analogie militaire et ses différents paramètres.  Cela revient à l’élaboration d’une théorie du brevet.

Le troisième chapitre de l’étude vérifie sur des cas plus complexes le bien-fondé de la théorie ainsi développée. En même temps, il dresse une liste quasi-exhaustive des stratégies de défense et de conquête des marchés au moyen de l’arme brevet.

Finalement les conséquences de cette théorie ainsi validée sont tirées notamment pour ce qui est de la position de la France et de l’Europe vis-à-vis des Etats-Unis.

Tables des matières

Introducton :
Chapitre 1 – Historique
I – Venise
II.- L’Angleterre
III – Période des lois nationales
IV – Période du droit unioniste
Chapitre 2 – Approche théorique
I – Fabrication et maintien de l’arme brevet
1 – Textes en vigueur en France
2 – Critères de brevetabilité selon la CBE
3 – Procédure
A – Dépôt de la demande
B – Phase confidentielle de la procédure de délivrance
C – Phase publique jusqu’à délivrance
D – Phase ultérieure à la délivrance
II – Protection offerte par l’arme brevet
1 – Nature du droit de brevet
2 – Objet du droit de brevet/Invention protégée
A – La copie servile
B – Les différences secondaires
C – La théorie des équivalents
D – Les inventions de procédé
E – Dépendance et perfectionnement
3- Contenu du droit de brevet/Marché protégé
A – Les actes secondaires de contrefaçon
B – Les actes primaires de contrefaçon
C – La fourniture de moyens
D – Tiers immunisés
III – Comment joue l’arme brevet
1 – Procès en contrefaçon
A – Assignation par le breveté
B – Demande reconventionnelle en annulation par le contrefacteur présumé
2 – Les sanctions de la contrefaçon
A – Dommages et intérêts
a) choix de l’assiette de calcul
b) calcul des ventes qu’aurait pu réaliser le breveté
c) évaluation du manque à gagner pour le breveté
B – Interdiction
a) l’interdiction provisoire
b) l’interdiction sous astreinte
C – Autres sanctions
a) la confiscation des objets contrefaisants
b) la publication du jugement
3 – Nature de l’arme brevet
Chapitre 3 – Stratégies de mise en œuvre des brevets
I – Stratégies de défense d’un marché
1 – Côté breveté
A – Le dépôt de brevets
B – La concession de licences
C – Le procès en contrefaçon
D – La constitution d’un portefeuille
2 – Côté contrefacteur
A – Obstruction à la constitution de preuves de contrefaçon
B – Manœuvres dilatoires au procès
a) Demande de sursis à statuer
b) Retard à fournir les répliques
C – Moyens de forme et de fond
D – Transactions
II – Stratégies de conquête d’un marché
1 – Espionnage industriel
2 – Désinformation
A – Brevets leurres
B – Piégeage des recherches de brevets dans les bases
C – Dissimulation de la meilleure réalisation de l’invention
D – Intoxication
3 – Manœuvres diverses
A – Barrage
B – Encerclement
C – Sous-marin
D – Ententes
E – Déstabilisation
4 – Influence
A – Logiciels
B – Biotechnologie
Conclusion

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
La guerre des brevets : Quelles stratégies ?
Université 🏫: Université de Marne-la-Vallée
Auteur·trice·s 🎓:
Hélène ROLNIK

Hélène ROLNIK
Année de soutenance 📅: Mémoire de DESS en Ingénierie de l’Intelligence économique - Novembre 2002
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