Responsabilité du fait de la chose : le banquier gardien

Responsabilité du fait de la chose : le banquier gardien

Section III:

Responsabilité du fait de la chose : le banquier gardien

Le DOC prévoit deux systèmes spéciaux de responsabilité du fait des choses, dont nous ne traiterons pas, Quant au régime général de responsabilité du fait de la chose, il est prévu par l’article 88 du DOC.

Pour plus de développement, cette section se subpisera en deux paragraphes, l’un portera sur le principe légal et l’autre sera consacré aux conditions de mise en cause de la responsabilité du fait des choses.

Paragraphe 1 :

Principe légal

Le régime général de responsabilité du fait de la chose, est prévu par l’article 88 du DOC qui pose le principe dans les termes suivants : « chacun doit répondre du dommage causé par les choses qu’il a sous sa garde lorsqu’il est justifié que ces choses sont la cause directe du dommage, s’il ne démontre :

  1. qu’il a fait tout ce qui était nécessaire afin d’empêcher le dommage
  2. et que le dommage dépend, soit d’un cas fortuit, soit d’une force majeure, soit de la faute de celui qui en est victime ».

Ce texte est une reproduction de l’article 1384 du code civil français à partir duquel la jurisprudence a développé un régime autonome de responsabilité du fait des choses, en perpétuelle évolution.

C’est ainsi que vers la fin du 19° siècle, la jurisprudence a découvert, un principe général de responsabilité du fait des choses, rattaché à la lettre du premier alinéa de l’article 1384 du code civile.

En principe, seule la victime du dommage peut invoquer la responsabilité du fait des choses, cette responsabilité n’ayant été créée qu’au profit de celle-ci (cass.2° civ. 23 février 1983, bull, civ. II, n° 54)

La formule de cet arrêt est cependant excessive, en ce sens qu’un coauteur gardien peut exercer une action récursoire contre un autre gardien.

La responsabilité générale du fait des choses n’est point une responsabilité subsidiaire, qui jouerait seulement lorsque la responsabilité pour faute ne pourrait pas s’appliquer; positivement, elle est une responsabilité de droit commun.

Responsabilité de droit commun, la responsabilité générale du fait des choses est par conséquent une responsabilité absolument autonome par rapport à tous les autres régimes de responsabilité.

Certains services effectués par le banquier, sont complémentaires de ses fonctions principales, bien qu’ils ne soient pas particulièrement rémunérateurs, il font partie de l’exploitation de l’entreprise bancaire en raison de leur caractère traditionnel tendant à attirer une certaine clientèle, il en est ainsi du service de location de coffres-forts.

Le contrat de location de coffre-fort peut être défini comme la convention par laquelle le banquier met à la disposition de son client un coffre-fort pour y placer, en sécurité et à l’abri, ses objets quelconques.

La nature juridique de cette convention est très controversée et a donné lieu à une littérature juridique impressionnante. Une certaine doctrine y décèle un contrat de location au sens des dispositions du droit commun.

Cette conception ne résiste pas à l’analyse car elle ne tient pas compte de l’obligation de surveillance assumée par le banquier et qui constitue un aspect déterminant du contrat.

D’autres auteurs y voient un contrat de dépôt. Or, le banquier ne reçoit pas, de même qu’il n’est pas uniquement dépositaire des objets placés dans le coffre-fort.

Quoi qu’il en soit, cette convention démontre bien l’irréductibilité de certaines opérations de banques aux cadres juridiques classiques, caractère qui se répercute sur l’appréciation des obligations du banquier selon la nature du contrat considéré.

Cette situation explique la démarche d’une doctrine récente qui tend à définir cette convention comme étant un contrat sui generis s’apparentant au contrat de garde qui met à la charge du banquier une obligation de surveillance du coffre-fort et des objets qu’il contient.

Il résulte d’abord pour le banquier l’obligation d’assurer au client le libre accès au coffre-fort. Cette liberté ne peut être limitée qu’en fonction des clauses même du contrat (location prévoyant l’usage du coffre par plusieurs personnes) ou du fait d’une saisie-arrêt.

L’obligation de surveillance étant une obligation de résultat, la faute est présumée dès que survient un vol ou la destruction des valeurs et objets contenus dans le coffre.

Le banquier ne peut, en conséquence, s’exonérer comme pour les autres opérations qui impliquent la même obligation, qu’en cas de force majeur ou d’une faute imputable à la victime.

Essayons maintenant d’exposer les conditions de mise en cause de cette responsabilité du fait des choses.

Paragraphe 2 :

Les conditions de mise en cause de la responsabilité du fait des choses

L’application de la responsabilité du fait des choses suppose l’existence de plusieurs éléments que nous allons traiter l’un après l’autre.

A- La chose et son rôle :

Est une chose, au sens de l’article 88, tout meuble inanimé, ce qui exclut les choses animées que sont les animaux et évidemment, la personne humaine.

Toutefois, ne sont choses que les meubles corporels pouvant causer directement du dommage, ce qui élimine les biens incorporels, comme une créance, un contrat, une marque, un brevet…etc… un bien incorporel ne peut pas causer un dommage en lui-même : il y a forcément une faute humaine à l’origine, l’article 88, alinéa 1, s’applique à toutes choses, même indemnes d’un vise interne, même inoffensives et anodines.

Les meubles inanimés et corporels, pouvant donner prise à la responsabilité générale du fait des choses, doivent encore être appropriés ou, du moins, gardés, fut ce momentanément, un instant de raison.

Une chose est intervenue dans le dommage

La responsabilité du banquier gardien sera reconnue lorsque ce dommage résulte du fait de la chose, et uniquement en ce cas.

Cette notion une des plus ardus du droit de la responsabilité civile, de monde d’être précisée, en la comparant à celle du fait de l’homme et, d’autre part, à la mystérieuse causalité, dont elle participe.

Fait de la chose et fait de l’homme

La plupart des choses risquant de provoquer un dommage ne sont pas autonomes, mais au contraire soumises à la main, dont elles prolongent et amplifient les mouvements.

Peu importe : la responsabilité de l’article 88 du DOC étant attaché non à la chose mais à sa garde; dès qu’une chose, actionnée ou non par l’homme, est intervenue dans la production du dommage, la responsabilité du banquier gardien peut être mise en jeu, si les autres conditions sont réunies.

Du principe selon lequel la responsabilité du fait des choses s’applique même lorsque la chose n’est qu’un simple instrument entre les mains de l’homme, découle une conséquence importante : la responsabilité du fait des choses et de faite de l’homme sont indépendantes la victime peut donc invoquer dans la même action les articles 77 et 88 du DOC.

Dans ce cas, les juges doivent statuer sur l’article 88.Si, en revanche, la demande limite le débat à l’article 77, la décision qui statue sur ce fondement ne saurait être critiquée sur des motifs tenant à l’article 88.

Enfin, deux personnes peuvent être reconnues responsables d’un même et seul dommage à deux titres différentiels, l’une comme ayant commis une faute, l’autre en qualité de gardien.

Fait de la chose et causalité

Un lien de causalité est toujours nécessaire entre le préjudice et le fait dommageable, la causalité envisagée largement, émerge en la matière sous deux aspects particuliers : le contrat matériel entre la victime et la chose n’est pas nécessaire, la chose doit avoir joué un rôle actif dans la production du dommage.

1- Le contrat n’est pas nécessaire

L’absence de contrat entre la chose et la personne ou l’objet qui a subi un dommage crée une présomption de fait favorable au gardien mais l’absence de contact n’est pas exclusive du lien de causalité.

D’où le demandeur peut prouver que la chose qu’il incrimine a cependant causé le dommage.

Toutefois, il convient de prouver positivement la participation de la chose incriminée, fût ce pour partie, au dommage, même si les circonstances exactes demeurent indéterminées, dès lors que la participation au dommage est néanmoins certaine.

Responsabilité du fait de la chose : le banquier gardien

Il ne suffirait donc pas de relever la simple concomitance entre l’accident et le passage ou la présence d’une chose pour affirmer le gardien de celle-ci responsable. En revanche, quand aucune autre cause de l’accident n’est imaginable que le fait de la chose, le juge est fondé à admettre qu’elle a joué un rôle causal.

2- La chose doit avoir joué un rôle actif

Le fait d’une chose n’est pris en considération que si la chose a été, en quelque manière, l’instrument du dommage, c’est-à-dire à condition qu’elle ait joué un rôle actif dans la réalisation du dommage.

Si tel est le cas, peu importe que les circonstances de l’accident demeurent indéterminées, le gardien est responsable. Inversement, lorsque l’instrument apparent du dommage n’a tenu qu’un rôle passif, son gardien est irresponsable.

Dès lors, le rôle passif, s’analyse comme une cause négative d’exonération en soi, indépendante de la cause étrangère. Par contre coup, la victime est implicitement présumée responsable de son malheur, (puisque la chose n’a qu’un rôle passif, le dommage résulte de sa faute).

C’est en principe à la victime d’établir que l’objet incriminé a participé, de façon incontestable et indéterminante, à la production du préjudice.

Toutefois, lorsque la chose est susceptible de mouvement, cette preuve serait trop difficile à rapporter : une présomption de causalité a donc été admise en ce cas, que le gardien peut détruire en prouvant le rôle passif de la chose. Ainsi, la distinction entre choses inertes et choses mobiles s’impose.

B- La garde et le gardien.

Selon une définition capable de l’arrêt Franck contre Connot, la garde implique la maîtrise de la chose, caractérisée par le pouvoir d’usage, de contrôle et de direction.

L’usage, c’est le fait de se servir de la chose, dans son intérêt, à l’occasion de son activité, quelle qu’elle soit, le cas échéant professionnelle. Le contrôle signifie que le gardien peut surveiller la chose, et même, au moins s’il est un professionnel qu’il a l’aptitude à empêcher qu’elle cause des dommages.

Enfin, la direction manifeste le pouvoir effectif du gardien sur la chose : il peut l’utiliser à sa guise, la faire déplacer là où il le souhaite, de façon indépendante.

La garde implique donc l’autonomie du gardien, il résulte de la jurisprudence Franck, devenue constante, que la garde n’est pas juridique mais matérielle.

C’est un simple pouvoir de fait, apprécié concrètement dans chaque espèce. Aussi sa durée importe peu : il suffit que ce pouvoir dure un instant de raison, suffisamment pour que la maîtrise de la chose par le gardien ait pu se réaliser.

Pouvoir de fait, la qualité de gardien peut incomber aussi bien à une personne physique qu’à une personne morale. Nous distinguerons, pour l’étude concrète de l’application de la responsabilité du gardien, l’hypothèse où la garde est complète de celle ou elle est pisée.

  • Première situation : la garde est complète : de but en blanc, la garde n’est pas la propriété. Cependant, dans la majorité des cas, le gardien est propriétaire, de sorte qu’il y a une présomption en ce sens et que, dans l’incertitude, ce dernier sera condamné à réparation du fait de sa chose.

Mais qu’en est-il lorsque le propriétaire exerce la garde par l’intermédiaire du préposé? le préposé étant sous la subordination du commettant, il n’a point le pouvoir de contrôle et de direction de la chose et, s’il en a l’usage, ce n’est pas dans son intérêt direct. Même si le préposé jouit d’une assez large autonomie, le gardien reste le maître.

Les qualités de préposé et de gardien d’une chose du commettant sont incompatibles.

Ce n’est que dans des circonstances particulières que le préposé peut être pris comme gardien : à la vérité, il n’est plus préposé.

  • Seconde situation : la garde est pisée : selon une doctrine subtile, la garde pourrait se doubler. Emprunteurs, dépositaires, ne seraient responsables que des dommages causés par le mauvais usage de la chose ( garde du comportement) tandis que son gardien précèdent resterait garant des dommages causés par un vice interne de la chose (garde de la structure ).

Au fond, il conviendrait de rechercher, en chaque espèce, qui avait réellement la maîtrise de la chose, c’est-à-dire la capacité effective d’en déceler les vices et d’en prévenir le danger.A cela s’ajoute un retour subreptice de la faute.

En effet, si un dommage survient dans l’utilisation de la chose, c’est sans doute que le gardien du comportement à commis une faute, et, s’il n’a pas commis de faute, le dommage résulte probablement du vice de la chose, dont répond le gardien de la structure.

Ainsi le gardien de comportement n’est tenu qu’à raison de faute, pouvant se décharger par son absence de faute.

Malgré ces avantages, l’inconvénient de la théorie saute aux yeux : elle introduit une recherche subjective dans une responsabilité qui se veut objective, tout en faisant perdre à la responsabilité du fait des choses sa simplicité et sa sécurité, chacun essayant de se décharger sur un autre.

Aprés l’examen de la responsabilité extracontractuelle du banquier, nous allons passer à la responsabilité contractuelle qui ne manque pas d’importance non plus.

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
Responsabilité du banquier
Université 🏫: Université Moulay Ismail - Faculté des sciences Juridiques - Economiques Et Sociales
Auteur·trice·s 🎓:
F.F. Fatima Zohra

F.F. Fatima Zohra
Année de soutenance 📅: Départements : Sciences juridiques - Option : droit privé - 2003-2011
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