L’innovation technologique en éducation révèle des disparités surprenantes dans les établissements scolaires haïtiens. Cette étude met en lumière comment les constructions sociales du genre influencent les rapports pédagogiques, désavantagent les filles et soulève des questions cruciales sur l’égalité en milieu scolaire.
Chapitre III- L’adolescence, moment clé dans la construction identitaire
Dans ce chapitre, le concept d’adolescence détient une place centrale, d’ailleurs, il l’est également dans ce travail de recherche. Nourri par l’apport de nombreux auteurs de diverses disciplines, il est traité tant qu’au regard de la biologie, de la psychologie que de la sociologie et de l’anthropologie. Ainsi, la construction identitaire, chère à l’appréhension controversée de cette période est étudiée en référence à l’oscillation entre la dépendance des adultes et la quête d’autonomie chez l’adulte en devenir ; entre le besoin de ressembler aux autres
et de s’en démarquer simultanément. Le dilemme de l’identité, non réducteur à ce challenge, susceptible d’enclencher des troubles du comportement est vu au prisme des rôles sociaux et des normes de genre imposés, contribuant à la compréhension d’attitudes et de comportements différenciés chez les filles et les garçons.
Comment l’adolescent. e s’approprie les normes sociales et culturelles ?
3.1- Émergence du concept d’adolescence
3.1.1- Quid de l’adolescence ?
Le mot adulescens vient du latin qui signifie grandir ou celui qui est en train de croitre. C’est ce processus qui signe le passage de l’enfance à l’âge adulte. Les conceptions actuelles puisent de sa racine étymologique qui assimile cette étape du développement humain à une classe d’âge, différent selon les époques, les régions et les cultures. Pour l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), l’adolescence est « la période de croissance et de
développement humain qui se situe entre l’enfance et l’âge adulte, entre les âges de 10 et 19 ans »6. Toujours selon, l’OMS, c’est le commencement d’une période de construction du rapport au moi et aux autres, de rupture avec l’enfance et d’apparition de la puberté. La phase dite d’opposition qui survient entre 12 ans et 13 ans chez la fille et chez le garçon entre 12 ans et 15 ans.
C’est une période de questionnements, de remise en question des règles, bref d’opposition. La phase dite « d’affirmation du moi » : elle a lieu chez la fille entre 13 et 16 ans, et chez le garçon entre 15 et 17 ans. Celle correspond à une plus grande demande d’indépendance et de liberté.
Elle provoque des conflits de générations. Beaucoup d’adolescent-e-s ont alors tendance à interroger le système de valeurs qui leur ont été transmis. La phase d’indépendance : elle survient chez la fille entre 16 et 18 ans, et chez le garçon entre 18 et 20 ans. C’est souvent une période de déclin des idéalisations du début de l’adolescence, durant laquelle des identifications plus stables vont se construire qui perdureront à l’âge adulte7.
L’adolescence est le champ privilégié de maturations, de transformations de toutes sortes et de nouveaux rapports aux autres. Jerry Michel (Michel, 2019 :19), dans son mémoire de licence, portant sur la domination de la mode et des marques étrangères sur les jeunes de Pétion-Ville insiste sur la mission de cette période (La jeunesse) qu’il qualifie comme « une période transitoire où on prépare l’entrée de l’individu dans le procès de production en assurant sa formation dans les différentes structures dont la famille, l’école, l’université, les écoles professionnelles et autres (…) ». Citant Field Michel et Jean-Marie Brohn (1985), il qualifie la jeunesse8 de période de conjugaison avec le « système inégalitaire des rapports sociaux. » (Michel, 2019 :19).
Le psychanalyste Raymond Cahn (2002) évoque la complexité de la période d’adolescence comme « ce temps où la conjonction du biologique, du psychique et du social parachève l’évolution du petit homme » (Cahn, 2002 :16). La maturation sexuelle et intellectuelle sont symptomatiques de cette nouvelle naissance, pour répéter Jean Jacques
6 https://www.who.int/maternal_child_adolescent/topics/adolescence/dev/fr/, consulté, le 13 janvier 2020.
7 http://psy-enfant.fr/adolescence-puberte-psychologie-histoire/, consulté le 10 novembre 2019.
8 L’adolescence est située après la puberté et marque le début de transformations tant physiques, psychiques, sociales, le terme jeunesse est parfois perçu comme son synonyme mais est vu comme étant plus global.
Rousseau. Elles participent d’un processus dont les ambiguïtés sont traduites dans la fameuse quête d’identité ou de crise d’identité, pour certains, car c’est à cette période que se révèlent les troubles psychologiques et le besoin d’autonomie. Les bouleversements sont multiples en raison de la quête de repères. Les relations entre les pairs en ressortent renforcées ; elles font perdre la place centrale jadis occupée par les parents au moment de l’enfance et émerger d’autres modèles.
3.1.2- L’adolescence : sa faiblesse et sa vulnérabilité
L’identité se forme à partir d’un processus continu d’échanges du sujet avec son environnement. La construction de l’identité présente bien le dilemme de la dépendance et de la quête d’autonomie du sujet qui ne peut afficher sa différence qu’à la condition de puiser de l’apport des autres. C’est la quête de repères dans les attitudes des autres qui aident l’individu à avoir ses propres directives et à s’ouvrir au monde.
Les réponses et la qualité du rapport – entre l’individu et son entourage sont donc fondamentales pour le développement non seulement de l’enfant mais aussi de tout un chacun. Pourtant les processus de la formation de l’identité sont complexes, de l’enfance à l’âge adulte. Surtout au moment de l’adolescence que l’on attribue au moment crucial de la quête d’identité et de l’affirmation de soi.
À l’adolescence, ce besoin de directives se trouve alors exacerbé par de nombreux facteurs, notamment la rupture avec cet état d’extrême dépendance de l’enfance, et l’acquisition de capacités cognitives nouvelles. En effet, la sortie de l’enfance entraine la confrontation du relâchement des liens affectifs primaires que suscitent les changements psychosomatiques auxquels l’adolescent fait face. Philippe Jeammet (2004) l’explique en ces termes :
« Cette modification brutale et rapide du corps de l’enfant, qui devient apte à agir à sa vie pulsionnelle, en particulier la sexualité et l’agressivité, fait également immédiatement sentir ses effets sur la relation aux parents. L’inévitable sexualisation des liens crée les conditions d’une prise de distance avec les parents qui perd son naturel. Mais celle-ci suscite à son tour une interrogation sur la capacité d’autonomie de l’adolescent et la qualité de ce qu’il a à l’intérieur de lui-même » (Jeammet, 2004 :112).
L’adolescent.e devient donc conscient.e de son altérité et de sa différence avec les adultes et se manifeste par plus de lucidité et d’analyse de ses liens aux objets d’attachement de l’enfance car « le fait capital qui marque la rupture avec l’état d’enfance, c’est la possibilité de dissocier la vie imaginaire et la réalité, le rêve et les relations réelles » (Catipovic et Ladme : 1997 :36). Cet état de chose entraine le rejet d’un ensemble d’a priori assimilés pendant l’enfance qui se consolidaient pour la plupart par l’obéissance et la reproduction quasi fidèle des modèles parentaux. À ce moment les parents cessent d’être les valeurs de référence (Dolto, 1988).
En effet, le périclitement de ces modèles de référence, suscité par le désenchantement des figures parentales, crée un vide que celui-ci s’évertue de combler par l’essayage d’autres modèles. Les médias, les groupes de pairs, participent sans doute à l’influence de cette sélection de modèles. Il/elle fera donc l’expérimentation d’autres traits identitaires, repérables à travers l’action et les nouveaux comportements, symptomatiques de la consolidation de l’identité de l’adolescent.e.
C’est une période charnière dans la construction de l’identité individuelle. Pourtant, si l’adolescent.e fait preuve de plus d’autonomie que l’enfant, n’empêche que celui/celle-ci soit vulnérable et vive une situation assez délicate. Plusieurs auteurs, tels que Françoise Dolto, Patrice Huerre, Stéphanie Rubie, et Phillipe Jeammet mettent en relief les processus combien périlleux des enjeux qui découlent de la formation de l’identité chez l’adolescent.e et qui conduisent souvent à la crise de l’identité chez celui/celle-ci.
L’auteure de « La cause des adolescents », explique qu’à cette phase de mutation, l’adolescent.e n’a pas encore la maturité de l’adulte qui lui permettrait de répondre adéquatement aux pressions de toutes sortes venant de l’extérieur. Empruntant le langage des homards et des langoustes, Françoise Dolto explique la faiblesse et la vulnérabilité de l’adolescent, très sensible aux sentiments que les autres lui manifestent. Et, leurs attitudes à leur égard peuvent soit, favoriser la confiance en eux-mêmes et les aider à vivre ce passage sans heurt, ou du moins, les suscite à « reproduire la fragilité du bébé » (Dolto, 1998 :22).
« Les personnes latérales jouent un rôle très important dans l’éducation des jeunes durant cette période alors qu’elles ne sont pas chargées d’en faire l’éducation, mais tout ce qu’elles font, peut favoriser l’essor et la confiance en soi et le courage à dépasser ses impuissances, ou au contraire, le découragement et la dépression » (Dolto, 1998 :16).
Quand l’adolescent ne retrouve pas ce support dont il a besoin, l’auteure continue pour dire que, ses rapports à lui-même et son appréhension du monde changent : « Aujourd’hui, beaucoup de jeunes à partir de onze ans, connaissent des états dépressifs et des états paranoïaques. Ils en passent par des actes d’agression gratuits. Dans ces crises, le jeune est contre toutes les lois, parce qu’il lui a semblé que quelqu’un qui représente la loi ne lui permettait pas d’être et de vivre ». (Dolto, 1998 : 16)
Philipe Jeammet déjà cité, abonde dans le même sens que Dolto en considérant l’adolescent.e comme un être excessivement vulnérable et fragile. Mais, il comprend ses
« conduites négatives » comme l’expression d’un souci toujours présent chez ceux/celles-ci de montrer leur différence. Que celui/celle-ci fasse montre de caprices et de réticences par rapport à ses attachements antérieurs, ou se lance dans un processus d’autodestruction. D’ailleurs, les nouveaux rapports au corps créent les conditions d’un investissement autre dans les relations entretenues avec les aîné.e.s, marquées désormais par la distance ; une distance pas totalement voulue, en fait. Celle-ci est l’expression de la volonté de s’approprier de son destin et surtout une certaine crainte de se laisser pénétrer et donc emmener par les adultes. Alors même qu’il feint de ne pas en avoir besoin, elle/il le souhaite au fond de lui/elle.
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6 https://www.who.int/maternal_child_adolescent/topics/adolescence/dev/fr/, consulté, le 13 janvier 2020. ↑
7 http://psy-enfant.fr/adolescence-puberte-psychologie-histoire/, consulté le 10 novembre 2019. ↑
8 L’adolescence est située après la puberté et marque le début de transformations tant physiques, psychiques, sociales, le terme jeunesse est parfois perçu comme son synonyme mais est vu comme étant plus global. ↑
Questions Fréquemment Posées
Qu’est-ce que l’adolescence selon l’Organisation Mondiale de la Santé ?
Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), l’adolescence est « la période de croissance et de développement humain qui se situe entre l’enfance et l’âge adulte, entre les âges de 10 et 19 ans ».
Comment se manifeste la phase d’opposition chez les adolescents ?
La phase dite d’opposition survient entre 12 ans et 13 ans chez la fille et chez le garçon entre 12 ans et 15 ans. C’est une période de questionnements, de remise en question des règles, bref d’opposition.
Quels sont les rôles sociaux qui influencent l’adolescence ?
Les rôles sociaux et les normes de genre imposés contribuent à la compréhension d’attitudes et de comportements différenciés chez les filles et les garçons durant l’adolescence.