Comment le sexisme influence-t-il l’éducation des adolescents en Haïti ?

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🏫 Université d'État d'Haïti - Faculté des Sciences Humaines
📅 Mémoire de fin de cycle en vue de l'obtention du diplôme de licence
🎓 Auteur·trice·s
Chéry, Jeanne-Elsa
Chéry, Jeanne-Elsa

L’impact du sexisme à l’école est alarmant : une étude récente révèle que les valeurs genrées influencent profondément les rapports pédagogiques en Haïti. Cette recherche, fondée sur des observations et des entretiens, met en lumière les inégalités qui désavantagent les filles dans les établissements scolaires mixtes.


Problématisation

Notre préoccupation est d’autant plus importante qu’à l’adolescence, les transformations physiques s’accompagnent d’un développement cognitif, conduisant le plus souvent à un ensemble de remises en question. La rupture avec l’enfance procède en effet par un processus d’individualisation et de conquête de soi étant donné que l’enfant était jusque-là, un être dépendant des adultes, mais l’adolescent.e, lui/elle, s’ouvre au monde et à ses péripéties (Dolto, 1988).

L’entrée dans la vie d’adulte s’accompagne d’une aspiration à l’autonomie et à l’indépendance. C’est une période charnière d’acquisition de l’identité d’adulte qui passe généralement par la démarcation des modèles traditionnels. Or, ils-elles ne peuvent rien bâtir sans puiser de l’héritage des adultes. Cette quête de soi que les psychologues et les psychanalystes qualifient de crise identitaire est à la base des conflits intergénérationnels qui parfois entravent les échanges avec les adultes.

La quête de l’identité ne se fait pas toujours sans heurts. Les valeurs inculquées n’étant pas neutres ; comment se reproduisent les normes et valeurs de genre de la culture dominante à l’adolescence ? Les gestes, les pratiques et les discours à l’école haïtienne représentent des cadres référentiels par lesquels on reconnait une fille ou un garçon, comme l’ont mentionné les études sur l’éducation au préscolaire et au primaire.

Si dans la formation de l’adolescent.e, l’école détient une large emprise, en reproduisant des normes et valeurs distinctes et précises, comment influe-t-elle sur la perception de soi et les relations entre pairs ?

L’école haïtienne est une institution sociale où se joignent plusieurs types d’activités. On distingue en ce sens les activités scolaires et celles dites parascolaires qui regroupent les activités de divertissement, de regroupement, et autres. Chacun de ces espaces requiert l’investissement d’acteurs qui composent la structure.

L’enseignement proprement dit met en jeu un.e enseignant.e qui a principalement en charge la transmission des connaissances. Cette relation pédagogique conduit à des injonctions, des encouragements, une répartition des tâches à l’intérieur de la salle de classe. Nous avons observé dans certaines écoles secondaires mixtes des attitudes différentes dans les rôles et les responsabilités attribuées à chacun-e, suivant qu’il s’agit d’une fille ou d’un garçon.

Et, ces rôles différenciés se reproduisent dans les activités extrascolaires et contribuent à un rapport inégal entre les adolescent.e.s. Dans une telle situation, les adolescentes scolarisées sont assignées à des responsabilités différentes de leurs pairs masculins. Ces tâches les placent dans une situation moins avantageuse que les garçons qui s’impliquent beaucoup plus dans des tâches de commande et d’autorité.

C’est tout comme les modèles qu’ils/elles ont côtoyés dans les livres, à la différence que les enseignants participent activement dans l’orchestration de cette différenciation. Ils/elles agissent suivant un modèle bicatégoriel. Ils-elles ont assimilé les idées dominantes sur les perceptions traditionnelles d’un homme ou d’une femme. Cette situation que nous qualifions de reproduction de rapports sociaux de sexe met en lumière des rapports inégaux entre adolescent.e.s scolarisé.e.s sur la base de leur identité de genre.

Analysant les rôles des mères de familles pauvres dans l’éducation sexuelle des adolescentes, Rose-Myrlie Joseph dans son mémoire de licence en Travail social à la Faculté des Sciences Humaines de l’Université d’État d’Haïti intitulé « Adolescence, femmes et famille pauvre » (2006) reconnaît qu’ « à partir des différences physiologiques, existant entre les jeunes des deux sexes, la société a forgé d’autres différences par une éducation sexiste qui, jusqu’à présent portent à établir une certaine inégalité entre les jeunes hommes, supérieurs et les jeunes filles dites inférieures» (Joseph, 2006 : 3).

L’éducation, au lieu d’élever les adolescent/tes aux plus hautes sphères sociales entretient la domination de genre par des mécanismes de discrimination sexuelle, de hiérarchisation qui se reproduisent dans les rapports entre enseignants-enseigné.e.s et qui se reflètent dans les rapports qu’entretiennent les adolescent.e.s entre eux/elles. Faute de connaissance de la problématique de genre, les enseignant-e-s ne se rendent pas comptent de leur implication dans la reproduction de schèmes différents, car eux-mêmes vivent dans une société machiste où l’homme occupe toujours une position nettement plus favorable que la femme.

En créant un préjudice à l’équité de genre, l’école haïtienne se place comme le reflet des rapports sociaux inégaux qui prévalent dans la société haïtienne. Si l’éducation qui est censée élever l’homme/la femme à sa plus grande valeur s’avère discriminatoire, ne peut-on pas penser que l’école représente en dépit des valeurs universelles et de neutralité qu’elle promeut, une espace d’assignation du sexe social ?

Par rapport à ces questionnements, nous suggérons deux hypothèses : la première : « le processus d’éducation différentielle des adolescent-e-s à l’école secondaire mixte de la région métropolitaine de Port-au-Prince contribue à la reproduction des rapports sociaux de genre dans la mesure où celui-ci active des mécanismes sociaux qui différencient et hiérarchisent les individus selon leur catégorie de sexe en Haïti » ; la deuxième : « le processus d’éducation différentielle des élèves des écoles secondaires mixtes en Haïti s’explique par la reproduction des normes et valeurs de genre qui génère une distribution de pouvoir inégal entre adolescents et adolescentes scolarisés ».

Ce travail vise à démontrer que la vie éducative est un espace traversé par des rapports inégalitaires qui contribuent à façonner des identités sexuelles différenciées. Ensuite, cette recherche permet d’étudier comment les rôles sont distribués inégalement suivant une conception naturaliste à l’école et les impacts sur les relations entre pairs.

Par ailleurs, nous allons montrer comment l’éducation différentielle à l’école produit deux types de dispositions différenciées chez les adolescent.e.s qui affectent les représentations de soi, les rapports pédagogiques et les relations entre pairs.

Plan du travail

Le présent travail est divisé en sept chapitres, qui eux-mêmes comprennent plusieurs sections et sous-sections. Le premier chapitre présente deux conceptualisations du sexe en campant l’approche naturaliste et l’approche culturaliste. Il fait remonter à l’origine les nouvelles considérations du genre pris comme construction sociale en exposant l’utilisation politique du sexe et des rôles sexuels imposés dans les orientations théoriques et épistémologiques.

Il passe en revue l’apport des différent.e.s auteur.e.s ayant abordé les concepts-clés de notre sujet de recherche. Le deuxième chapitre fait état des normes et valeurs inculquées dans le processus de socialisation primaire et secondaire et de la façon dont l’école représente un terrain privilégié, d’apprentissage des normes et des valeurs de genre.

Le troisième chapitre est consacré à l’adolescence et la construction identitaire à cette période ; il met l’emphase sur le cheminement de cette dernière, vers une différenciation suivant le sexe, une affirmation de l’identité sexuée, différente, voire opposée.

Le quatrième chapitre propose une présentation de la méthodologie du travail ; la population cible, les techniques de collecte de données utilisées et les difficultés rencontrées sur le terrain. Le cinquième chapitre offre un panorama de la situation inégalitaire des femmes en Haïti, d’abord dans les secteurs d’activités, mais aussi au niveau de l’éducation où les femmes ne se retrouvent pas sur un pied d’égalité avec les hommes.

Le sixième chapitre aborde le sexisme en milieu scolaire en se basant sur la verbalisation de cette réalité par les adolescent.e.s et quelques professeurs et directrices/directeurs d’école. Il expose comment l’éducation scolaire n’est pas exempte de valeurs genrées. Comme nous l’avons montré dans notre problématique, il dévoile comment la transmission culturelle à l’école ne se limite pas à des valeurs éducatives, neutres.

Dans le septième chapitre, nous présentons comment les constructions sociales du féminin et du masculin impactent le rapport entre adolescentes et adolescents ainsi que les rapports pédagogiques et comment elles en arrivent à désavantager les filles par rapport aux garçons. Enfin, vient la conclusion qui propose un résumé du travail réalisé et de sa méthodologie ainsi que des pistes de recherche qui peuvent en découler.


Questions Fréquemment Posées

Comment le sexisme influence-t-il l’éducation des adolescents en Haïti ?

L’éducation n’est pas exempte de valeurs genrées, et les constructions sociales du féminin et du masculin impactent les rapports pédagogiques, désavantageant les filles par rapport aux garçons.

Quels sont les effets du sexisme sur les rôles des élèves dans les écoles secondaires mixtes en Haïti ?

Les adolescentes scolarisées sont assignées à des responsabilités différentes de leurs pairs masculins, ce qui les place dans une situation moins avantageuse.

Comment les enseignants participent-ils à la reproduction des normes de genre à l’école ?

Les enseignants agissent suivant un modèle bicatégoriel et ont assimilé les idées dominantes sur les perceptions traditionnelles d’un homme ou d’une femme, contribuant ainsi à la différenciation des rôles.

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