Cette étude examine le contrôle constitutionnel de la loi de finances au Sénégal, soulignant son importance et ses implications juridiques.
Paragraphe 2 :
La mise en vigueur de la loi de finances par voie règlementaire
Pour rappel, le projet de loi de finances est déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale au plus tard le jour de l’ouverture de la session ordinaire unique ; soit le 15 octobre de l’année en cours. A la suite de ce dépôt du projet au bureau de l’Assemblée Nationale, celle-ci dispose de soixante jours au maximum pour procéder à son adoption définitive. Cependant, il peut y arriver que le Parlement retarde volontairement ou de manière non intentionnelle le vote du projet de loi de finances. Cette raison explique le pourquoi de certains aménagements de nature légale qui ont pour objet d’apporter des solutions aux impasses probables.
Sous le régime financier du cadre harmoniser des finances publiques de l’union économique et monétaire ouest-africaine, il est convenu la possibilité, lorsque le projet de loi de finances est déposé à temps sur le bureau du parlement par l’exécutif et qu’il n’est pas adopté à la clôture de la session budgétaire, qu’il puisse être mis en exécution à partir d’une ordonnance.
Cette mesure vise à permettre au Gouvernement d’ouvrir les crédits nécessaires au fonctionnement des services publics sur la base de ce qui est proposé dans le budget soumis à l’approbation des parlementaires. Sur ce point, l’article 58 de la directive n°6-2009 de l’UEMOA portant loi de finances indique dans son alinéa 2 qu’à défaut d’adoption du projet de loi de finances avant la date de clôture de la session budgétaire, il peut être mise en vigueur par ordonnance.
Dans le même sillage, la Constitution du Sénégal prévoit que lorsque le projet de loi de finances n’est pas voté définitivement à l’expiration du délai de soixante jours prévus, il est mis en vigueur par décret, compte tenu des amendements votés par l’Assemblée nationale et acceptés par le Président de la République.1 En outre, si compte tenu de la procédure prévue ci-dessus, la loi de finances n’a pu être mis en vigueur avant le début de l’année financière, le Président de la République est autorisé à reconduire par décret les services votés.2 Il pourra ainsi poursuivre le recouvrement des recettes conformément aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur, à l’exception des recettes dont il est prévu l’annulation dans le projet de loi de finances. Pour les recettes dont le projet prévoit de réduire les quotités, la perception s’effectue sur la base des nouveaux taux proposés.
Ceci signifie pratiquement que le pouvoir exécutif est autorisé à mettre en exécution le projet de loi de finances par le biais d’un texte à caractère réglementaire, ce qui équivaut à une sanction du Parlement pour son manque de diligence dans l’accomplissement de sa tâche dans les délais requis. Cette autorisation relève d’une attitude liée à l’objectif suprême de régularité et de continuité de l’action publique.
Elle relève plutôt de l’exception.
De l’autre côté, l’article 57, alinéa 4ème de la loi organique relative aux lois de finances nous renseigne sur la possibilité pour le chef de l’Etat de continuer et sans autorisation parlementaire, à percevoir les impôts qui existent et à faire des dépenses sur la base des crédits de l’autorisation précédente.
Aux termes de cet article, « Si la loi de finances de l’année n’a pu être promulguée avant le début de l’année financière, le Président de la République est autorisé, conformément aux dispositions de l’article 68 de la Constitution, à continuer de percevoir les impôts existants et à reconduire par décrets les autorisations budgétaires. » Par autorisations budgétaires, la présente loi organique vise le volume de crédits nécessaire pour reconduire, à périmètre constant, les actions publiques dont les crédits ont fait l’objet de vote l’année précédente.
Au final, ce qu’on peut retenir c’est que le Parlement dispose du pouvoir d’adoption finale des projets de lois de finances et de tout autre projet de loi d’ailleurs. Cette validation donne à tout projet son caractère légal sans laquelle son opposabilité et son application serait problématique. L’approbation de la loi de finances doit ainsi respecter la procédure, les délais et les modalités de vote sous lesquels elle est soumise à défaut, la loi peut subir une sanction constitutionnelle. Toutefois, pour des circonstances exceptionnelles pouvant découler de l’urgence, des procédures dérogatoires sont aménagées pour permettre à l’administration de pouvoir poursuivre sa mission de satisfaction de l’intérêt général.
CONCLUSION GENERALE
En somme, pour que l’Etat et les collectivités publiques puissent assurer leur vie, subvenir à leurs besoins et mener leurs activités d’intérêt général, il leur est nécessaire d’avoir des sources de financements et un plan financier. C’est pourquoi ils réalisent chaque année, avec le parlement, un document financier, appelé loi de finances dans lequel ils dressent leurs prévisions de recettes à mobiliser et de dépenses à effectuer.
L’élaboration de ce projet de loi de finances est ainsi laissée à la compétence exclusive ou quasi-exclusive de l’exécutif et celui-ci se trouve formalisée au sein d’une procédure découpée en plusieurs phases.3 Bien qu’associée à cette étape, l’instance parlementaire voit son rôle très limité. Néanmoins, un débat d’orientation budgétaire entre le pouvoir exécutif et le Parlement durant cette phase s’est imposé progressivement, avant d’être institutionnalisé par la LOLF.4
Du côté de l’exécutif la procédure d’élaboration du projet part d’un cadrage générale budgétaire et macroéconomique qui détermine la trajectoire financière, les capacités de production fiscales et le niveau d’existence économique actuel de l’Etat. Ces informations dégagées, permettent par la suite de faire les projections budgétaires qui s’imposent pour les communiquer à l’ensemble des départements ministériels et aux institutions constitutionnelles dépensières.
Cellules-ci permettent de ce fait à ceux-là de formuler leurs propositions ou demandes sectorielles de financement de leurs programmes annuels. Etant soumise à la responsabilité du ministère des finances et du budget, le ministre avec ces services s’occupe du regroupement des demandes budgétaires sectorielles et les formule dans un document financier qui est soumis à la validation du conseil des ministres avant d’être présenté au Parlement.
Ce dernier pour ce qui lui concerne, assure la vérification du respect des règles et principes qui gouvernent et orientent la forme du projet de loi en l’examinant en commissions techniques et de finances avant de le soumettre à une discussion publique qui débouche sur son vote éventuel.
Par ailleurs, comme avec la LOLF du 1er août 2001 en France, la LOLF du 2 février 2020 au Sénégal, présente, sous un prisme totalement nouveau, le budget de l’État, désormais décliné en objectifs et résultats à atteindre. Cette nouvelle logique, doit ainsi permettre de rationaliser la dépense publique : dépenser mieux pour dépenser moins. La LOLF entend, également, rénover le pouvoir financier des parlementaires. Elle doit permettre, parmi d’autres dispositions, aux parlementaires d’exercer un réel pouvoir financier à l’occasion de l’adoption des lois de finances.5 Toutefois, en matière de modification ou d’amendement, la Constitution réduit fortement le pouvoir parlementaire en interdisant toute création de nouvelle dépense, et il n’autorise la diminution d’une ressource publique que si elle est compensée par la hausse d’une autre ressource.
Par ailleurs, le vote de la loi de finances est enfermé dans des délais stricts et, en cas de non-respect de ceux-ci par le Parlement, le gouvernement a la possibilité de mettre en œuvre la loi de finances par voie règlementaire.6 Dans le cas contraire, c’est-à-dire lorsque l’approbation de la loi de finances s’est passée dans le respect des règles de procédure et des exigences de délai, celle-ci est, après déclaration de conformité par le conseil constitutionnel, promulguée par le Président de la République et publiée au journal officiel en vue de son exécution par le Gouvernement.7
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1 Article 68 de la Constitution du Sénégal, alinéa 5. ↑
2 Article 68 de la Constitution du Sénégal, alinéa 6. ↑
3 Damien CATTEAU, Droit Budgétaire et Comptabilité Publique, Hachette, 3ème édition 2016, P.58. ↑
4 Matthieu HOUSER, Les finances publiques aux concours, La Documentation française, édition 2016, P.84. ↑
5 Stéphanie DAMAREY, Finances Publiques, P.343. ↑
6 Matthieu HOUSER, ouvr.cit. P.91. ↑
7 Tout comme la Préparation de la loi de finances, le Gouvernement est aussi responsable de son exécution. ↑