Les déterminants du chômage en Tunisie sont analysés à travers une approche économétrique spatiale, mettant en lumière les disparités régionales et les impacts des politiques d’emploi. Cette étude s’appuie sur des données par délégation pour offrir une compréhension approfondie des facteurs influençant le chômage dans le pays.
Chapitre 2
Les détérminants du chômage : une analyse spatiale sur des données par délégation en Tunisie
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Introduction
Dans un contexte d’intégration à l’international se consolidant de plus en plus à partir des années 90, les problèmes du chômage et de la précarité de l’emploi touchent aujourd’hui la plupart des catégories et des zones en Tunisie. Néanmoins, les régions ne sont décidément pas toutes logées à la même enseigne : le chômage affiche une dominance dans certaines zones défavorisées du pays. Si certaines peuvent se targuer d’afficher aujourd’hui des taux faibles d’autres régions enregistrent en revanche de tristes records.
A juste titre, de nombreux auteurs se sont intéressés à la répartition géographique du chômage sur le territoire tunisien (Belhedi, 2003 ; Elbekri, 2007 ; Ayadi et Amara, 2011). En effet, cette analyse est intéressante à plusieurs titres. D’une part, elle sert à souligner l’importance des liens existant entre disparités économiques et la localisation géographique.
Cet excercice est révélateur de la persistance des schémas inégalitaires de répartition du chômage au sein de la Tunisie, où s’illustre de façon marquante un schéma de type centre-périphérie décrit par les théories de l’économie géographique. Pourtant, la diminution des coûts d’interaction, suite à la baisse des coûts de transport et à la consolidation du processus d’intégration régionale, mais aussi le développement rapide des technologies de la communication et les restructurations économiques de la dernière décennie, auraient pu avoir pour effet de diminuer plus clairement l’emprise de conditions locales dans la croissance économique et de réduire davantage l’isolement des régions de l’intérieur.
D’autre part, elle permet d’évaluer les liens existant entre ce schéma de disparités et le dynamisme économique des régions pauvres par les politiques de développement structurel et de cohésion.
Dans un tel contexte, notre analyse reste donc essentiellement empirique et se focalise sur les liens entre la localisation géographique des régions au sein du pays et leur situation économique, que nous apprécions par le taux de chômage. Plus précisément, notre objectif est d’analyser la dynamique spatiale de la distribution des emplois en Tunisie sur les 262 délégations pour détecter la forme de l’autocorrélation dans notre échantillon. En effet, dans ce contexte particulier, l’autocorrélation spatiale positive se caractériserait par la concentration spatiale de régions souffrant de taux de chômage régionaux similaires et conduirait à distinguer les concentrations de régions plutôt amorphes des concentrations de régions dynamiques.
Nous nous appuyons pour cela sur les méthodes récemment développées de l’analyse exploratoire des données spatiales. Nous examinerons d’abord (section 1) la dimension régionale du chômage en développant les travaux empiriques en rapport avec cette problématique appliquées au cas tunisien afin d’aboutir à une spécification avec un effet spatial. Nous présenterons par la suite (section 2) les données utilisées dans le présent travail en veillant à ressortir le différentiel régional en terme de chômage et d’activité économique locale. Un traitement économétrique standard (section 3) sera effectué avant de procéder au traitement exprimant la structure spatiale des données (section 4) en consacrant un paragraphe à l’implémentation informatique des outils de l’économétrie spatiale. Les implications principales de ces résultats sur l’estimation seront soulignées dans la conclusion.
2.1 La dimension régionale du chômage :
L’analyse des politiques de l’emploi se concentre généralement sur l’évolution des marchés du travail au niveau national. On relève cependant, à un niveau infranational, des disparités régionales tenaces concernant les performances en matière d’emploi. Certaines régions par exemple souffrent d’absence d’infrastructure, d’autres connaissent en permanence un chômage élevé à cause de leur faible attractivité. Il est donc important de déterminer dans quelle mesure ces disparités persistent et d’évaluer les facteurs d’autocorrélation spatiale sous-jacents, et de s’interroger sur les politiques qui seraient susceptibles d’atténuer ce phénomène.
Dans Amara et Ayadi (2011), il apparaît que les inégalités entre la côte et l’intérieur tunisiens en terme de performance économique et d’emploi sont dûes à des facteurs institutionnels et de structures industrielles. Par ailleurs, une analyse de la diffusion des activités innovatrices entreprise dans Belhedi (2003) a permis de déceler une forte concentration des unités de production au niveau des grandes villes du fait de la qualité de l’infrastructure. L’analyse économétrique dans Elbekri (2007) menée sur des données régionales du travail et du chômage en Tunisie, démontre la pertinence empirique de l’approche en termes de fonction d’appariement pour mettre l’accent sur le dysfonctionnement des marchés de l’emploi au niveau régional.
Ces observations peuvent être reliées à différents résultats des théories de l’économie géographique car ces dernières aboutissent le plus souvent à des schémas de type centre-périphérie et de développement inégal. Par ailleurs, elles mettent en lumière le rôle joué par les effets de débordements géographiques dans les mécanismes de l’emploi. Tout d’abord, ces résultats impliquent que les régions similaires en termes de chômage ont tendance à se regrouper. En conséquence, les estimations économétriques basées sur des données géographiques doivent tenir compte du fait que les phénomènes économiques peuvent être spatialement autocorrélés. Ensuite, si les effets d’interaction spatiale influencent effectivement l’emploi, il est intéressant d’estimer leurs impacts et la façon dont les des régions interagissent entre elles. Nous considérons que la prise en compte de l’autocorrélation spatiale constitue une voie alternative permettant d’améliorer cet examen dans le contexte tunisien.
En prenant en compte les résultats des travaux précités nous posons dans un premier temps une expression de la causalité entre le taux de chômage et les différents déterminants de la manière suivante :
ch = f e−ts, t + , t + , con∼so, t∼ + + u
i
ANAL
P AUV
ASS , D
i
où i désigne la délégation i et ui un terme d’erreur.
Tableau 2.1 : Définition des variables explicatives | |
---|---|
Variable | Description |
NHAB | nombre d’habitants |
tANAL | taux d’analphabétisation |
tPAUV | taux de pauvreté |
ets | nombre d’entreprises en activité |
conso | dépénses de consommation par ménage |
ch | taux de chômage |
tASS | le taux de raccordement au réseau d’assainissement |
D | accès aux services (distance par rapport au centre d’activité en km) |