Chapitre 3 : Impact des innovations financières sur la performance bancaire : Validation empirique
Il est clair que le financement de l’économie tunisienne est principalement basé sur le système bancaire, voir Ben Naceur (2003). Cette économie d’endettement s’est montrée efficace pour assurer à notre pays un taux d’investissement équivalent à 26% en 2002. Ainsi, il serait nécessaire de faire développer cette industrie afin qu’elle puisse affronter la compétition internationale, en instaurant un environnement plus libéral et en améliorant les mécanismes de protection des déposants.
Le gouverneur de la banque centrale tunisien a signalé que le programme de restructuration du système bancaire, tout en tenant compte des spécificités des banques tunisiennes, vise à l’émergence d’un nouveau paysage bancaire qui sera marqué par une innovation financière.
Donc cette nouvelle architecture financière permettra-t-elle aux banques tunisiennes d’accroître leur efficacité et de mieux résister à la concurrence internationale ?
Il faut noter que l’Etat tunisien a essayé, depuis les années quatre vingt dix à améliorer la structure et le fonctionnement des banques commerciales et d’investissement en encourageant les investissements en matière d’innovations financières dans cette industrie qui représente le nerf de notre économie. C’est dans ce cadre d’analyse que le présent chapitre se penche sur l’effet des innovations financières sur la performance bancaire.
Cependant on envisagera trois sections. La première sera consacrée à présenter une revue de littérature concernant l’impact de l’innovation financière sur la performance bancaire. La deuxième présentera la base de données ainsi que les hypothèses à tester. Enfin, la troisième section discutera les résultats empiriques.
Débat théorique
La question de mesure de performance des banques reste une question d’intérêt, vue la contribution du secteur bancaire et son importance que ce soit au niveau de la croissance économique ou au niveau de la stabilité du système financier.
Sur le plan empirique peu sont les travaux qui ont essayé de modéliser et mesurer la performance des banques tunisiennes, néanmoins, nous pouvons citer Sghaier (2004), Ben Fradj (2004), Ben Naceur (2003) et enfin Mabrouk et Mamoghli (2010). La plupart des travaux en la matière se résume à de simples comparaisons de ratios comptables.
Cette approche comparative ne permet pas de déterminer une hiérarchie claire des banques selon leurs performances, dans la mesure où elle n’offre aucun critère de la performance bancaire. Dans cette étude empirique portant sur l’impact des innovations financières sur la performance des banques, nous allons considérer comme proxy le degré d’efficience bancaire et la part de marché comme mesures de la performance bancaire. Cette dernière est définie comme le taux de rentabilité qu’elle atteint.
Sur le plan empirique plusieurs travaux ont traité l’impact de certaines variables dites variables de contrôle sur la performance des banques.
Les variables mesurant l’innovation financière
L’étude de l’impact de l’innovation financière sur la performance des banques est une question empiriquement complexe. Pour mesurer cet impact les travaux empiriques ont souvent utilisés différents proxies, parmi les quels on a choisi de se pencher sur deux proxies qui sont le degré de diversification et la concurrence.
1. Degré de diversification
Le degré de diversification se mesure généralement par le ratio résultat hors intérêts liés aux prêts sur le résultat opérationnel. Par ailleurs, la relation entre la diversification et la performance a également été étudiée. Il est possible de diviser en deux groupes : ceux qui considèrent que la diversification a un impact positif sur la performance et ceux qui la trouvent avoir un impact négatif.
1. Commençons par les études relevant du premier groupe, notamment l’étude de Dietrich et Wanzenried (2011) conclue à un effet positif de la diversification sur la performance. D’autres travaux affirment qu’il existe une forte relation positive entre la diversification et la performance des banques, Chandler (1997) et Teece (1980). Jensen et Ruback (1983) ont affirmé que la diversification permet aux banques d’explorer de nouveaux marchés, de saisir les meilleures opportunités d’investissement et de créer une synergie entre les différentes régions et secteurs, augmentant ainsi la valeur de la banque et sa rentabilité.
Dans le même sens, Botte et Schmeits (2000) ont montré que la volatilité, la probabilité de faillite et le risque diminuent en recourant à une stratégie de diversification. Chatti (2010) affirme de son coté, que les risques tendent à baisser lorsque les banques sont autorisées à mener de nouvelles activités telles que l’assurance, des opérations sur les produits financiers etc., à côté des activités traditionnelles et par conséquent une meilleure performance sera réalisée.
2. Le deuxième groupe comprend les études qui aboutissent au résultat inverse et qui suggèrent que ce mouvement vers des résultats non liés aux intérêts ne permet pas d’améliorer le couple risque-rentabilité. Ainsi, Huizinga et Demirgüç (2000) montrent que les banques dont une grande part de leurs actifs ne rapporte pas d’intérêts sont moins profitables que les autres. Ils relient ce résultat à l’impact positif du ratio prêts/actifs sur la performance.
Dans cette même orientation, d’autres études empiriques, à l’instar de celles de Barros et al. (2007) trouvent également que les banques plus diversifiées sont moins susceptibles d’être performantes et plus susceptibles d’offrir une piètre performance. De Jonghe (2010) quant à lui, découvre que la diversification au sein d’une institution n’améliore pas la stabilité du système bancaire.
En se basant sur ces résultats et compte tenue de contexte Tunisien, dans ce travail nous allons supposé que la diversification influence positivement la performance des banques.
Nous nous attendions à une relation positive et significative entre cette variable et la performance des banques tunisiennes.
Hypothèse 3 : La diversification affecte positivement la performance bancaire
2. La concurrence
Des travaux empiriques ont utilisés des proxies qui reflètent la concurrence sur la performance bancaire, voir Sghaier (2009). Pour déterminer le niveau de la concurrence deux indices de concentration seront utilisés. Ces indices sont : l’indice Herfindahl-Hirshman (IHH) et le ratio de concentration bancaire.
L’esprit de concentration nécessite la créativité et l’innovation. Ces conditions sont indispensables à toute tentative d’assurer à une banque un changement permanent, un développement durable et, par suite, une survie et une continuité.
En effet, dans le contexte de la Guerre Des Marchés, l’innovation va apporter de forts changements dans la mentalité des marchés, des banques.
Il faudra, cependant, concevoir la durabilité :
- De la pensée innovatrice
- Des changements d’orientation et de développement
- Des risques apportés sur un marché
L’innovation permettra donc de renforcer l’esprit de la concurrence des banques au niveau marque (qualité de service) et au niveau produit. Porter souligne que l’innovation est la clé de la compétitivité des banques parce qu’elle conditionne leur capacité à maintenir des avantages concurrentiels durables sur des marchés évolutifs. Ainsi, innover permet à la banque d’avoir un avantage concurrentiel en termes d’avantages concrets (prix).
Demsetz (1973) and Peltzman (1977) ont montré que l’efficience peut déterminer le comportement concurrentiel des banques. Selon ces derniers, les entreprises ou les banques les plus efficientes, sont censées gagner plus de profits, ce qui leur permet d’avoir mais de part de marché, d’où l’orientation vers un marché moins compétitif.
Dans la même perspective, Gondat-Larrade and Lepetit (2001) ont voulu étudier l’efficience bancaire, et la nature de relation entre le niveau de concentration et le profit. Leur travaux sur les banques des pays d’Europe centrale et orientale sur la période 1992 jusqu’à 1996, montrent que cette relation est positive. En effet, ils montrent que les banques les plus efficientes ne peuvent pas avoir plus de parts de marché, ce qui remet en cause l’hypothèse de l’efficience. En effet, la notion d’efficience ne permet d’avoir des parts de marché que seulement dans les pays dont les marchés bancaires sont concentrés.
Aussi, Grigorian et Manole (2002) ont fait une étude sur le marché bancaire des PECO pendant la période 1995-1998, pour voir la nature de relation entre la concentration et l’efficience des coûts bancaires. Les auteurs ont trouvé que la concentration du marché a un effet positif sur l’efficience de coût des banques.
Dans le même raisonnement, Fries et Taci (2005) ont élargit la période analysée jusqu’à 2001 et ils ont estimé le niveau d’efficience de coût par la méthode paramétrique, appliquant la forme Translog de la fonction de coût des banques. En fait, en utilisant la part de la banque sur le marché des dépôts comme indice de pouvoir de marché, les auteurs ont abouti à une relation positive entre le pouvoir de marché et l’efficience de coût des banques, mais le résultat est significativement faible.
Dans son travail, Sghaier (2009) évalue la corrélation entre l’efficience et la concurrence dans le secteur bancaire tunisien sur la période 1990-2009. Elle a d’abord déterminé le niveau de concurrence sur le marché bancaire tunisien en utilisant l’indice de concentration IHH. Ensuite, en se basant sur la méthode d’Analyse en frontière stochastique (selon la fonction Translog), elle a régressé le niveau d’efficience sur le niveau de concurrence.
Les résultats montrent que la corrélation entre l’efficience moyenne des banques de dépôts tunisiennes et les indicateurs de concentration est une relation négative. Ainsi, plus la concentration est grande, plus l’efficience est faible. Par conséquent, l’augmentation de la concurrence dans le secteur des banques de dépôts tunisiennes a un impact positif sur les efficiences moyennes.
Nous nous attendions à une relation positive et significative entre cette variable et la performance des banques tunisiennes.
Hypothèse 4 : La concurrence a un impact positif sur la performance bancaire
Par ailleurs, d’autres études qui ont étudié l’impact de l’innovation financière d’une manière générale sur la profitabilité des banques, à l’instar de celles de Bernardo et Kassa (2004) ou encore Mabrouk et Mamoghli (2010).
En se basant sur les deux types de l’innovation financière, qui sont l’innovation de produits/services et l’innovation de processus, Bernardo et Kassa (2004) analyse l’expérience des banques commerciales britanniques en matière d’innovation financière toute au long de la période 1960-2003. Leur recherche contribue à la compréhension de l’innovation dans les organisations de services et l’importance des facteurs stimulant et contraignant l’adoption de nouvelles technologies dans les intermédiaires financiers.
Les résultats ont suggéré que l’innovation est associée à des changements importantes à l’intérieur et l’extérieur des organisations bancaires (c’est-à-dire changement radical). L’innovation dans le secteur bancaire est considérée comme un processus de changement progressif. Ce dernier doit être considéré comme un continuum qui modifie les environnements internes et externes des banques.
Nous pouvons aussi nous référer à Mabrouk et Mamoghli (2010) qui étudient la relation entre l’innovation financière et la performance des banques tunisiennes. Ils utilisent des données sur la période de 1987 à 2008 des dix banques commerciales cotées en bourse. Leur étude analyse l’effet de l’adoption de l’innovation financière (l’innovation de produit et l’innovation de processus) sur la performance des banques.
Ils trouvent comme résultat que l’innovation financière a un effet positif sur la rentabilité et l’efficacité. Les banques qui imitent sont moins rentables et moins efficaces que les innovateurs. Être le premier innovateur donne à la banque un avantage concurrentiel et une part de marché supérieure à celle d’imitateurs. En outre, ils constatent que le marché tunisien est plus réceptif à l’adoption des nouvelles technologies.
La multiplication de ces enquêtes traduit certainement la volonté de ces auteurs de mieux connaître l’ampleur de la notion de l’innovation financière. Cette étude vise à mettre l’accent sur la relation entre l’innovation financière et la performance bancaire.
Questions Fréquemment Posées
Quel est l’impact des innovations financières sur la performance des banques tunisiennes ?
L’impact des innovations financières sur la performance des banques tunisiennes est étudié à travers des mesures telles que le degré d’efficience bancaire et la part de marché, qui sont définies comme le taux de rentabilité atteint par les banques.
Comment l’innovation financière influence-t-elle la concurrence des banques tunisiennes ?
L’innovation financière est censée permettre aux banques tunisiennes d’accroître leur efficacité et de mieux résister à la concurrence internationale, en instaurant un environnement plus libéral.
Quelles variables mesurent l’innovation financière dans les banques tunisiennes ?
Pour mesurer l’impact de l’innovation financière sur la performance des banques, l’étude se penche sur le degré de diversification et la concurrence comme variables clés.