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Analyse du ciblage de l’inflation en République Démocratique du Congo

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🏫 UNIVERSITE DE LUBUMBASHI - FACULTE DES SCIENCES ECONOMIQUES ET DE GESTION - DEPARTEMENT D’ECONOMIE
📅 Mémoire de fin de cycle en vue de l'obtention du diplôme de diplôme d’études approfondies en sciences économiques - 2018-2019
🎓 Auteur·trice·s
KAOMBA MUTUMBA Jean Bosco
KAOMBA MUTUMBA Jean Bosco

Le ciblage de l’inflation en RDC est analysé à travers les déterminants de l’efficacité de la politique monétaire, mettant en lumière le faible impact des canaux du taux d’intérêt, du taux de change et du crédit sur l’économie réelle. Cette étude soulève des questions critiques sur la pertinence des stratégies monétaires actuelles.


Sommaire

    1. Le ciblage de l’inflation
      1. Motivation et présentation

Depuis une quinzaine d’années, de nombreuses banques centrales ont adopté une stratégie de ciblage de l’inflation. La différence entre un objectif de stabilité des prix et une stratégie de ciblage de l’inflation est importante. Lorsqu’une banque centrale adopte un objectif de stabilité des prix, elle s’engage à produire un certain résultat à MT.

Sa performance ne peut qu’être évaluée ex post. Étant donnés les délais d’action de la politique monétaire, cela signifie qu’il faut en pratique entre un à deux ans pour juger des résultats de l’action conduite. En effet, la Banque Centrale ne peut être tenue responsable d’un accroissement soudain de l’inflation qui peut être causé par des chocs économiques.

En revanche, elle ne doit pas laisser une inflation élevée s’installer.

Les banques centrales manquent par conséquent d‟un objectif immédiat à atteindre, un objectif qu‟elles peuvent essayer d‟atteindre chaque année et sur lequel sa performance peut être jugée.

L‟objectif d‟inflation est l‟objectif final mais n‟est qu‟un objectif à moyen terme sur lequel elle ne peut pas être jugée mois après mois.

Quel objectif intermédiaire adopter ? La Banque Centrale doit adopter comme objectif intermédiaire la croissance de la masse monétaire sur lequel elle était jugée. Mais cette référence comporte de nombreux défauts comme un manque évident de contrôle à court-terme de la masse monétaire. L’adoption d’une règle de Taylor ferait un objectif intermédiaire plus intéressant mais les Banques Centrales se refusent à se lier les mains de cette façon.

Les politiques de ciblage d‟inflation prennent un autre objectif intermédiaire plus opérationnel : la prévision d‟inflation à moyen terme. Une stratégie de ciblage de l’inflation consiste non seulement à annoncer un objectif, mais aussi à publier en temps réel les prévisions d’inflation, et à adopter des mesures correctrices à chaque fois que l’inflation anticipée diffère de l’objectif. Elle peut être évaluée ex ante.

Une telle stratégie se caractérise par un objectif d’inflation explicite et publiquement annoncé et par la publication de prévisions d’inflation à moyen terme. Dans ces conditions, la banque centrale se doit d’agir dès que les prévisions ne sont pas en ligne avec l’objectif.

Le grand changement de paradigme a été amorcé en 1989 lorsque la Nouvelle-Zélande a changé le statut de sa banque centrale, la rendant formellement indépendante et lui confiant comme mission de cibler le taux d’inflation. Cette définition de la tâche d’une banque a rapidement fait des émules.

Aujourd’hui, un grand nombre de banques centrales ont aussi adopté la stratégie de ciblage de l’inflation: c’est le cas au Royaume-Uni, en Suède, en Pologne, en Israël, au Mexique, au Chili, etc., et même, sous une forme altérée par des conditions spéciales, au Japon depuis peu. Parmi les grandes banques centrales, la Réserve fédérale et la BCE n’ont pas adopté la stratégie de ciblage de l’inflation.

La BCE poursuit un objectif d’inflation, puisque telle est la mission que lui a assignée le traité de Maastricht. Elle publie ses prévisions d’inflation mais souligne avec insistance que ces prévisions sont purement indicatives et ne constituent en aucun cas un engagement en ce qui concerne la conduite de la politique monétaire.

Les projections jouent un rôle utile, mais limité, dans la stratégie.

Un modèle avec ciblage d’inflation

Pourquoi cibler l‟inflation anticipée à deux ans. La Banque Centrale ne contrôle qu‟imparfaitement l’inflation en raison de délais, de chocs d’offre et de demande Ces difficultés peuvent être résolues en prenant comme objectif intermédiaire la prévision d’inflation.

Courbe d’offre (ou courbe de Phillips + loi d‟Okun): l’inflation dépend de l’inflation passée et de l’écart de produit y passé (de moyenne nulle) + choc d’offre :

𝜋𝑡+1 = 𝜋𝑡 + 𝛼𝑦𝑡 – 𝜀𝑡+1

𝜋𝑡+1est l’inflation entre la date t et t+1, 𝑦𝑡est l’écart de produit (𝛼> 0), et 𝜀𝑡+1est un choc d’offre de moyenne nulle. Choc d’offre négatif : 𝜀𝑡+1< 0 => l‟inflation contemporaine augmente la transmission du choc de coût sur les prix. Si l‟écart de produit augmente, tensions inflationnistes également.

Courbe de demande (ou courbe IS): l’écart de produit dépend de l’écart passé et du taux d’intérêt réel + choc de demande :

𝑦𝑡+1= 𝛽1𝑦𝑡 – 𝛽2(𝑖𝑡 – 𝜋𝑡) + 𝜂𝑡+1

𝛽1, 𝛽2 > 0

Le taux d‟intérêt nominal est l‟instrument de la Banque Centrale. 𝑖𝑡 – 𝜋𝑡est une approximation du taux d‟intérêt réel. Délai d‟un an pour la transmission de la politique monétaire. Une augmentation du taux nominal aujourd‟hui augmente le produit demain et l‟inflation après-demain (courbe d’offre en t+2 dans laquelle 𝑦𝑡+1est remplacée par son expression dans la courbe de demande:

𝜋𝑡+2= 𝜋𝑡+1 – 𝛼𝑦𝑡+1 – 𝜀𝑡+2

= 𝜋𝑡+1 + 𝛼𝛽1𝑦𝑡 – 𝛼𝛽2(𝑖𝑡 – 𝜋𝑡) + 𝛼𝜂𝑡+1 + 𝜀𝑡+2

Objectif de la Banque Centrale : minimiser la déviation de l’inflation à sa cible 𝜋* (au carré) et y (au carré) avec un coefficient (fonction de perte intertemporelle actualisée) :

min {𝐸𝑡 ∑ 𝛿𝑟(𝜋𝑖+𝑟– 𝜋*)2 + 𝜆𝑦² }

𝑖𝑡

𝑡+𝑟

L‟objectif est un peu plus simple avec 𝜆 = 0. On parle dans ce cas de ciblage d‟inflation pur :

min 𝐸𝑡 ∑ 𝛿𝑟(𝜋𝑖+𝑟– 𝜋*)2

𝑖𝑡

Il vient directement en raison des décalages temporels que la Banque Centralene peut espérer lutter contre l‟inflation en t et t+1 à l‟aide du taux d‟intérêt en t. L’inflation courante n’est pas contrôlable en raison des chocs et des délais. Elle ne peut donc stabiliser l‟inflation qu‟à partir de t+2.

Quand le coefficient 𝜆 est égal à 0 (ciblage d’inflation pur), une condition nécessaire et suffisante pour que l’objectif soit satisfait est que le taux nominal soit tel que l’inflation en t+2 anticipée soit égal à 𝜋* :

Et(𝜋𝑡+2|𝑖𝑡)= 𝜋*

Si l‟anticipation d‟inflation est supérieure à 𝜋*, la Banque Centrale devrait augmenter le taux d‟intérêt. Si l‟anticipation d‟inflation est inférieure 𝜋*, la Banque Centrale devrait baisser le taux d‟intérêt. Le taux d‟intérêt devrait être ajusté jusqu‟au point où les prévisions à profil futur constant de taux rejoignent le niveau cible.

En pratique, la banque centrale utilise ses modèles de prévision macroéconomique pour fixer le taux d‟intérêt approprié. Le ciblage est à l’horizon : permettre une stabilisation du produit tout en donnant des assurances que l’inflation retournera au niveau de moyen-terme désiré.

La méthode nécessite de sélectionner le bon horizon pour stabiliser l‟inflation. Il existe en théorie un horizon optimal pour cibler l‟inflation anticipée. Si l’horizon est trop court, la Banque Centrale ne contrôle que partiellement l’inflation dont la partie prédéterminée est importante. Elle ne prend pas en compte les effets maximums de sa politique de taux. Si l’horizon est trop long, l’incertitude croissante rend périlleuse toute politique active.

La stabilisation de l‟anticipation d’inflation en t+1 ne suffit pas, car la Banque Centrale ne prend pas en compte toute l’information présente (y et 𝜋) pour cibler l’inflation de long-terme (= t+2). Notamment, i a un impact sur y en t+1, lequel a un impact sur 𝜋 en t+2! La prévision d‟inflation de moyen-terme (t+2) est la variable contemporaine la plus corrélée avec l’objectif final qui est l‟inflation, tout en étant plus facilement contrôlable que l’objectif affecté par des chocs et des délais, c’est vérifiable à chaque instant et pas ex post, l’objectif est transparent et intuitif, cohérent avec son activité qui est de prévoir l’inflation, et avec des publications régulières sur les prévisions et sur les modèles qui sont à la base.

Stabiliser l‟inflation anticipée en t+2 ne signifie pas stabiliser l‟inflation en t+2 en raison des chocs d‟offre et de demande qui surviennent dans l‟intervalle. Ecart à la cible :

𝜋𝑡+2= 𝜋𝑡+1 = 𝛼𝜂𝑡+1 + 𝜀𝑡+1 + 𝜀𝑡+2

Aide les agents à ancrer leurs anticipations d’inflation. L’objectif est centré sur ce que peut réellement la Banque Centrale. Ce que l’on demande est plus qu’un exercice de prévision: il faut savoir comment varie la prévision en fonction de l’instrument.1

Si le coefficient 𝜆 est positif, on parle de ciblage d’inflation flexible.

L’ajustement à la cible devrait être graduel:

𝐸𝑡𝜋𝑡+2= 𝜃𝜋* + (1 – 𝜃)𝐸𝑡𝜋𝑡+1

Au lieu d‟ajuster à chaque instant l‟anticipation d‟inflation, la banque centrale devrait réagir graduellement aux chocs qui affectent l‟inflation à t+2. Par exemple, en cas de choc de demande en t, la production s‟accroît, augmentant du même coup l‟anticipation d‟inflation en t+1 et en t+2.

La nouvelle règle implique une réaction moins forte de la Banque Centrale en terme de hausse du taux d‟intérêt. En terme de règle de Taylor, cela implique de donner un poids plus important à 𝑦𝑡 . Plus le poids sur y est important, plus 𝜃 est faible et plus long sera l‟ajustement de la prévision d‟inflation à sa cible.

En conclusion, la prévision d‟inflation est le bon objectif intermédiaire. La Banque Centrale devrait ajuster son taux d‟intérêt de telle manière que sa prévision soit égale à sa cible ou revienne progressivement vers sa cible. C‟est un instrument qui prend en compte les délais d‟action et les chocs affectant l‟économie.

Si on explicite la règle derrière l‟objectif de ciblage d‟inflation, on aboutit à une règle qui ressemble finalement à une règle de Taylor :

𝐸𝑡𝜋𝑡+2= 𝐸𝑡𝜋𝑡+1 + 𝛼𝛽1𝑦𝑡 – 𝛼𝛽2(𝑖𝑡 – 𝜋𝑡) + 𝐸𝑡𝛼𝜂𝑡+1 + 𝐸𝑡𝜀𝑡+2 = 𝜋*

⟹ 𝐸𝑡𝜋𝑡+1 + 𝛼𝛽1𝑦𝑡 – 𝛼𝛽2(𝑖𝑡 – 𝜋𝑡) = 𝜋*

Par ailleurs :

𝐸𝑡𝜋𝑡+1 = 𝜋𝑡 + 𝛼𝑦𝑡

1La BC ne doit prendre en compte que la moyenne d’inflation future. Résultat de contrôle optimal quand l’objectif est quadratique est l’incertitude sur l’état de l’économie et les mécanismes de transmissions entrent linéairement dans les contraintes.

⟹ 𝜋𝑡 + 𝛼𝑦𝑡 + 𝛼𝛽1𝑦𝑡 – 𝛼𝛽2(𝑖𝑡 – 𝜋𝑡) = 𝜋*

⟹ 𝑖𝑡 = 𝛼𝑦𝑡 + 𝑏(𝜋𝑡 – 𝑐𝜋*) : Quasi – règle de Taylor

Il est intéressant de noter que la règle de ciblage d‟inflation pure conduit à une quasi-règle de Taylor qui prend en compte l‟inflation courante mais aussi l‟écart de produit ! (le coefficient risque cependant d‟être plus faible que s‟il est pris directement en compte). En effet, un accroissement de l‟écart de produit signale une inflation future élevée. Par exemple, un choc de demande en t (t) augmente la production en t puis l‟inflation en t+1 via la courbe de Phillips puis l‟inflation en t+2 en raison de la persistance de l‟inflation. Un choc d‟offre en t augmente l‟inflation en t et fait baisser l‟output gap en t.

Attention toutefois : ciblage d’inflation et règle de taux ne se confondent pas. La règle de taux est une politique définie par les moyens mis en œuvre (politique d‟instrument). Le ciblage ne dit rien sur les moyens mais est définie en termes d‟objectif et de résultat2.

Avantages et inconvénients du ciblage de l’inflation
Avantages

Par rapport à une règle de taux, la stratégie de ciblage de l‟inflation est plus robuste en cas de changement dans la structure de l’économie (ce qui signifierait un changement dans les coefficients de la règle de Taylor), en cas d’événements extrêmes ou en cas d’incertitude sur le bon modèle de l’économie. Comme elle ne conditionne pas son action à des variables contemporaines, elle est plus riche en terme de comportements qu’une simple règle.

Si la stratégie de ciblage d‟inflation est plus explicite quant à l‟objectif poursuivi, elle est plus une boîte noire concernant les moyens mis en œuvre pour atteindre l‟objectif. Dans le même temps, elle est mieux acceptée par les Banque Centrale. C’est une théorie qui concède un pouvoir discrétionnaire à la Banque Centrale, qui met l’accent sur son jugement, c’est exactement ce que souhaitent les banques centrales: ne pas être dépouillées de leurs prérogatives.

2Pour prendre un exemple, quelqu’un qui souhaite perdre du poids peut viser un poids cible à moyen-terme ou définir une règle de comportement comme faire du jogging deux fois par semaine. La perte de poids à MT est l’objectif final. Le jogging hebdomadaire est l’objectif intermédiaire sur lequel la personne peut être jugée chaque semaine.

Le second avantage est un degré élevé de transparence. La communication avec le public est extrêmement simple à mettre en œuvre. Une banque centrale indépendante mais non élue démocratiquement a une responsabilité vis-à-vis de la population qu’elle sert. Un moyen intéressant pour elle de rendre compte de leur mandat est de pratiquer un niveau élevé de transparence.

Inconvénients

Un inconvénient est qu’elle est moins facilement contrôlable de l’extérieur, même si elle doit s‟accompagner d’une prévision du sentier d’évolution du taux d’intérêt. Il y’a là également une confusion des rôles car la Banque Centrale est contrainte par une prévision d’inflation … qu’elle fabrique elle-même. Il y’a potentiellement un risque de manipulation des prévisions.

Les analystes doivent dans une certaine mesure faire confiance aux prévisions d’inflation future d’autant que celles-ci dépendent des scénarios de politique monétaire. Par exemple, les Banque Centrale communiquent sur l’inflation conditionnellement à la mise en œuvre future de la politique monétaire. Il y’a un risque de manipulation des projections car l’inflation revient mécaniquement dans sa bande à moyen-terme. Une information complémentaire et utile consisterait à fournir les prévisions d’inflation à moyen terme à taux d’intérêt futurs inchangés.

De même, les prévisions sont incertaines par nature L’imprécision des prévisions d’inflation est une difficulté qui affecte toutes les banques centrales, quelle que soit leur stratégie. La stratégie de ciblage de l’inflation fait ressortir cette difficulté de manière particulièrement explicite. Le ciblage est fortement limité par la possibilité de formuler des prévisions relativement fiables à un horizon pertinent. Or les prévisions à plus d’un an sont d’une précision faible. La politique monétaire opère sur un horizon sensiblement plus long.

Enfin, certains craignent que le ciblage de l‟inflation en rejetant explicitement l‟objectif de régulation du cycle, conduise la banque centrale à donner trop d‟importance à l‟inflation par rapport à l‟objectif de stabilisation de la production. Dans ce cas le ciblage de l’inflation risque de conduire à plus d’instabilité dans la sphère réelle. Cela peut également déstabiliser le taux de change, ce qui contribue à la volatilité de la production dans les économies ouvertes.

Le problème de négligence de l’objectif de stabilisation du cycle se pose principalement en cas de chocs d’offres puisque dans ce cas l’inflation et la croissance évoluent en sens inverse. Toutefois, il ne faut pas exagérer les différences de comportement entre les banques centrales.

Toutes les Banques Centrales ciblent plus ou moins l’inflation, même celles qui officiellement ciblent la masse monétaire. La différence est que certaines Banque Centrale ont formalisé l’objectif et en ont fait un élément central de leur communication, notamment en publiant leur prévision à deux ans.

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1 La BC ne doit prendre en compte que la moyenne d’inflation future. Résultat de contrôle optimal quand l’objectif est quadratique est l’incertitude sur l’état de l’économie et les mécanismes de transmissions entrent linéairement dans les contraintes.

2 Pour prendre un exemple, quelqu’un qui souhaite perdre du poids peut viser un poids cible à moyen-terme ou définir une règle de comportement comme faire du jogging deux fois par semaine. La perte de poids à MT est l’objectif final. Le jogging hebdomadaire est l’objectif intermédiaire sur lequel la personne peut être jugée chaque semaine.

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