L’approbation de la loi de finances au Sénégal est un processus crucial, impliquant le vote des députés et la promulgation par le Président. Cet article analyse les procédures et les acteurs clés, tout en soulignant les réformes visant à renforcer la transparence et l’efficacité des finances publiques.
CHAPITRE II : L’APPROBATION DU PROJET DE LOI DE FINANCES
L’approbation est entendue, ici, dans le sens du vote par les députés et de la mise en vigueur éventuelle de la loi de finances par le Président de la République, autorité en charge de la promulgation des lois. D’après l’article 71 de la Constitution, « après son adoption par l’assemblée nationale, à la majorité absolue des suffrages exprimés, la loi est transmise sans délais au Président de la République pour promulgation.
» La procédure d’approbation et de promulgation du projet de loi de finances obéit tant aux règles du droit parlementaire qu’aux dispositions strictes de la procédure budgétaires. La structuration du projet de loi de finances a des implications juridiques strictes sur la procédure de vote. En effet, reprenant les dispositions constitutionnelles, l’article 59 de la LOLF dispose que la seconde partie de la loi de finances ne peut être mise en discussion devant le parlement avant l’adoption de la première partie.
Pour le conseil constitutionnel Français,
« en subordonnant la discussion de la 2ème partie de la loi de finances au vote de la 1ère partie, ‘la constitution ne fait que tirer des conséquences au plan de la procédure législative du principe fondamental qui tend à garantir qu’il ne sera pas porté atteinte lors de l’examen de dépenses aux grandes lignes de l’équilibre préalablement définies, tel qu’il a été arrêté par le parlement1 ».
Pour prendre définitivement la forme de loi, le projet de loi de finances doit être validé par le Parlement suivant une procédure normale tracée par les règles financières (Section 1). Ce vote est circonscrit dans des délais bien définis, prescrits par les textes pour permettre au gouvernement de pouvoir dérouler son plan d’action à temps ; dès le mois de janvier de l’année budgétaire. Il est toutefois prévu des alternatives de mise en vigueur de la loi de finances par l’exécutif en cas de retard dans la procédure ou d’absence d’approbation (Section 2).
Section 1 : La procédure normale d’approbation
Voter la loi de finances est une prérogative exclusive de l’Assemblée Nationale. Ce vote est public et concomitant à sa discussion en séance plénière. Durant la procédure, une première délibération est engagée sur la première partie du projet et donne suite à la validation de la seconde. Il est ainsi interdit aux parlementaires de mettre en discussion la seconde partie du projet de loi de finances tant que la première n’est finie d’être discutée et validée. Ainsi, après le vote définitif sur la totalité de la loi de finances (Paragraphe 1), celle-ci peut être soumise à un contrôle de constitutionnalité avant que le Chef de l’Etat ne procède à sa mise en vigueur ; c’est-à-dire sa promulgation et sa publication éventuelle (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Le vote du projet de loi de finances
Au Sénégal comme un peu partout ailleurs le pouvoir de légiférer appartient à l’Assemblée parlementaire. Aux termes de l’article 67 de la Constitution, « L’Assemblée Nationale détient le pouvoir législatif. Elle vote seule la loi. »2 Toutefois, en matière budgétaire elle est liée par le respect de la procédure indiquée par la Loi organique relative aux lois de finances. A ce sujet l’article 68 de la Constitution du Sénégal dispose que « Le Parlement vote la loi de finances dans les conditions prévues par une loi organique ».3 Ce pouvoir parlementaire peut être appréhendé à la lumière de l’article 14 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 Août 1789 qui dispose que
« Tous les Citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement d’en suivre l’emploi, et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée. » De cette disposition résulte la nécessité et la légitimité de l’autorisation de la représentation nationale qui porte la voix du peuple. Ainsi donc, la loi de finances emportera l’adhésion populaire4 sans laquelle son application serait, en principe de fait et non de droit.
Par ailleurs, son vote suit la logique de sa structuration qui, en guise de rappel, se compose de deux parties distinctes et d’annexes explicatives. La première partie autorise la perception des ressources publiques, fixe les conditions générales de l’équilibre financier, et évalue le montant des ressources d’emprunt et de trésorerie. Pour cette partie, le Parlement évalue et vote les grandes masses de ressources et de dépenses. La seconde partie, intitulée « Moyens des services et dispositions spéciales » comporte principalement les autorisations relatives aux dépenses des différents ministères. Les annexes explicatives, elles, renseignent sur les choix gouvernementaux en matière budgétaire. Il s’agit notamment du rapport économique et financier. Ce rapport retrace
les résultats économiques connus et les perspectives à venir ainsi que l’exposé de la politique budgétaire. Il est à retenir que dans la nouvelle gestion des crédits, le chapitre à fait place désormais au programme qui devient ainsi l’unité de spécialisation des crédits. Ces crédits, dans les programmes et dotations, constituent des plafonds de dépenses dans l’exécution. C’est-à-dire la limite supérieure au-delà de laquelle aucune dépense ne peut plus être engagée. Le programme est alors l’unité de structure tant pour l’autorisation que pour l’exécution.5
Dans la procédure, il est d’abord approuvé les recettes avant les dépenses. Toutefois il y a lieu pour nous de distinguer entre la période d’avant reforme et celle d’après reforme. En effet, avant la réforme introduisant la budgétisation par programmes, les évaluations de recettes faisaient l’objet d’un vote d’ensemble pour le budget général et d’un vote par budgets annexes et par catégories de comptes spéciaux,6 d’une part.
D’autre part, pour le budget général, les dépenses faisaient l’objet d’un vote unique en ce qui concerne les services votés7 et d’un vote par ministère et à l’intérieur du ministère par titre en ce qui concerne les autorisations nouvelles8. Pour les dépenses des budgets annexes et des comptes spéciaux du trésor, elles étaient votées par budgets annexes ou par catégories de comptes spéciaux dans les mêmes conditions que les dépenses du budget général.
Ce dernier reste le compte le plus important de la loi de finances.9
En France, depuis l’avènement de la LOLF, le vote des lois de finances a évolué de manière significative, associant budgétisation au premier euro, vote par mission et adoption des lois de finances au sein d’un système dont l’économie générale doit permettre une rationalisation de la procédure d’adoption et une rénovation du pouvoir d’amendement des parlementaires. La loi organique du 1er août 2001 a substitué aux titres des missions en tant que nouvelles unités de vote des lois de finances. Les crédits de ces missions doivent être justifiés à l’euro près par le Gouvernement auprès du Parlement.10 Pareillement au schéma français, au Sénégal et plus généralement dans l’espace UEMOA, la reforme a modifié le processus de vote des recettes budgétaires. En effet, celui-ci se fait désormais par programme. Ce dernier est devenu ainsi la nouvelle méthode de présentation, de spécialisation et de vote des crédits budgétaires et son périmètre reste ministériel. Des objectifs précis étant donc associés à ces programmes et arrêtés en fonction de finalités d’intérêt général et des résultats attendus.11
Dans le processus de vote, on remarque une différence qui est relative aux composantes de la loi de finances. En effet il est observé un vote d’ensemble sur certaines portions de la loi, d’autres subissent un vote unique et d’autres encore sont votées par programme. D’abord les évaluations de recettes font désormais l’objet d’un vote d’ensemble pour ce qui concerne le budget général.
De même, pour ce qui est des budgets annexes et des comptes spéciaux du trésor, les évaluations de recettes font l’objet d’un vote d’ensemble, aussi bien par budget annexe que par compte spécial du Trésor. Ensuite, relativement aux autorisations de dépense, désormais pour le budget général, les crédits font l’objet d’un vote par programme et par dotation.
Les votes portant à la fois sur les autorisations d’engagement12 et les crédits de paiement13. En outre, les plafonds des autorisations d’emplois rémunérés par l’Etat ainsi que les évaluations de ressources et de charges de trésorerie font l’objet d’un vote unique.14 Au moment où les crédits des budgets annexes et des comptes spéciaux du Trésor sont votés par budget annexe et par compte spécial du Trésor.
A la fin de ce processus de validation, c’est-à-dire lorsque les députés ont fini de se prononcer sur toutes les parties du projet et qu’ils ont voté définitivement la loi de finances dans son ensemble, celle-ci est transférée sans délai au Président de la République qui peut saisir la juridiction constitutionnelle pour vérification de conformité avant de la promulguer et de la publier éventuellement dans le journal officiel de la République.
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1 Décision 79-110 DC du 24 décembre 1979, loi de finances pour 1980. ↑
2 Loi constitutionnelle n°2016-10 du 05 avril 2016. ↑
3 Article 68, alinéa Premier de la Constitution du Sénégal de 2001. ↑
4 Les députés étant les représentants et portant la voix de la population. ↑
5 Mamadou CISS, Doctorant en Droit Public, « Le Programme dans le Nouveau Droit Budgétaire Sénégalais ». ↑
6 M.Youssou DIOP, Module de Finances Publiques, Ecole Nationale D’administration, Cours Commun 2005, P.68. ↑
7 Volume de crédits considérés comme nécessaire pour reconduire à périmètre constant les actions publiques qui ont fait l’objet d’une autorisation budgétaire l’année précédente ; (c’était dans le cade des budgets de moyens). ↑
8 Volume de crédits présentés dans la loi de finances annuelle qui vient en différence des services votés l’année précédente. Ces crédits peuvent ainsi correspondre au financement de nouvelles dépenses ou à la prise en compte de surcoûts d’actions publiques en cours ou de représenter des économies réalisées sur des actions en cours. ↑
9 M. Youssou DIOP, Op. cit. ↑
10 Stéphanie DAMAREY, L’essentiel des Finances publiques, Gualino, 8ème édition, 2020, P.63 ↑
11 LuxDev – Défis de la réforme des finances publiques en Afrique de l’Ouest, P.4 ↑
12 Limite supérieure des dépenses pouvant être engagées au cours d’un exercice budgétaire. Les autorisations d’engagement correspondent à l’engagement juridique de la dépense, phase de la dépense en préalable à la consommation effective des crédits au cours de laquelle l’ordonnateur réalise la première étape des actions qui mèneront au paiement effectif de la prestation. Les AE sont entièrement consommées dès l’origine de la dépense, lors de la signature de l’acte qui engage juridiquement l’État. Dans le cadre particulier des Directives de l’UEMOA les autorisations d’engagement (AE) sont associées aux crédits de paiement uniquement pour les dépenses d’investissement et les contrats de partenariats publics-privés (PPP). ↑
13 Constituent la limite supérieure des dépenses pouvant être payées pendant l’année pour la couverture des engagements contractés dans le cadre des autorisations d’engagement (AE). ↑
14 Article 60 de la Loi Organique relative aux Loi de Finances de 2020 et 61 du Directive n°6-2009/CM/UEMOA. ↑