La qualité de l’eau au Bénin est mise en péril par la pollution chimique et microbiologique du cours d’eau du ranch faunique de Gbadagba. Cette étude révèle les impacts de ces contaminants sur les écosystèmes aquatiques et la mortalité des poissons dans la région.
SYNTHESE BIBLIOGRAPHIQUE
Cette partie présente toutes les informations jugées nécessaires pour la compréhension de la problématique et les outils pouvant aider à trouver des solutions.
1. CLARIFICATION CONCEPTUELLE
Environnement :
Le mot environnement est polysémique. Selon le dictionnaire Nouveau Petit Robert (1993) l’environnement est défini comme étant le contour, l’ensemble des conditions naturelles (physique, chimique, biologique) et culturelles (sociologiques) dans lesquelles les organismes vivant (en particulier l’homme) se développe. Selon la norme ISO 14001 relative au management de l’environnement, c’est le milieu dans lequel un organisme fonctionne, incluant l’air, l’eau, le sol, les ressources naturelles, la flore, la faune, les êtres humains et leurs interrelations.
Selon la loi cadre sur l’environnement en République du Bénin (1999), l’environnement est défini comme l’ensemble des éléments naturels et artificiels ainsi que des facteurs économiques, sociaux et culturels qui influent sur les êtres vivants et que ceux-ci peuvent modifier. Dans le présent document la définition selon la loi-cadre sera retenue.
Eau
En latin aqua, qui a donné aquatique, et en Grec hydro qui a donné hydrique, l’eau est un corps incolore, inodore, insipide, sous forme liquide à la température ordinaire et un excellent solvant (Merzoug et al., 2020). Selon le dictionnaire petit Larousse (2015), l’eau est une substance liquide naturelle inodore, incolore et transparente quand elle n’a subi aucune altération physico-chimique ou microbiologique.
A l’échelle chimique, elle est constituée de deux atomes d’hydrogène liés à un atome d’oxygène dans une structure tétraédrique. Elle constitue un excellent solvant à l’état liquide à cause de sa grande stabilité et son pouvoir dipolaire. Disposant d’une très grande énergie latente de vaporisation, elle représente un fluide caloporteur dans les grandes usines et industries de toutes échelles car son changement d’état nécessite un apport important d’énergie.
En dehors de tout ceci, l’eau est un dissolvant hors du commun et est capable de dissoudre plusieurs solutés et pour cela, devient un vecteur de transport de solutés sur des distances inimaginables de quelques heures à plusieurs années. Parmi ces solutés qui sont susceptibles d’être solubilisés par l’eau, figurent aussi des polluants physico-chimiques, organiques, inorganiques et/ou microbiologiques que l’eau peut charrier à des différentes
phases de son cycle selon la nature desdits polluants. A cet effet, on assiste à un déséquilibre chimique, physique, physico-chimique et microbiologique à l’origine de plusieurs perturbations qui peuvent être la croissance accentuée de la jacinthe d’eau et/ou des algues, la contamination des ressources halieutiques affectant directement la chaîne trophique jusqu’au prédateur suprême qu’est l’homme selon que le soluté dispose des facteurs de bioaccumulation et de bioamplification élevé ou non.
Selon la loi-cadre sur l’environnement en son chapitre II article 23, on entend par « eaux », l’eau de surface et l’eau souterraine, où qu’elles se trouvent. Selon la loi n°2010-44 du 24 Novembre 2010 portant gestion de l’eau en République du Bénin, l’eau est définie comme masses d’eau qui constituent les eaux superficielles et les eaux souterraines ainsi que l’eau en tant qu’élément des écosystèmes terrestres et aquatiques.
Dans le présent document les trois dernières définitions seront considérées.
Eau de surface ou eau superficielle
Selon la loi n°2010-44 du 24 Novembre 2010 portant gestion de l’eau en République du Bénin, les eaux superficielles regroupent les eaux intérieures à l’exception des eaux souterraines, les eaux de transition et les eaux côtières. Selon le CEEau, l’eau de surface est une masse d’eau stagnante ou en écoulement qui est en contact direct avec l’atmosphère.
Les eaux de surface regroupent l’ensemble des masses d’eau courantes ou stagnantes en contact direct avec l’atmosphère. Ces eaux peuvent être douces, saumâtres ou encore salées selon leur emplacement. Selon Degrémont (2005), ce terme englobe toutes les eaux circulant ou stockées à la surface des continents. Elles ont pour origine, soit des nappes souterraines dont l’émergence constitue une source, soit les eaux de ruissellement.
Ces eaux se rassemblent en cours d’eau, caractérisés par une vitesse de circulation appréciable. Elles peuvent se trouver stockées en réserves naturelles (lacs) ou artificielles (retenues de barrages) où peut apparaitre une grande hétérogénéité de la qualité selon la profondeur. La composition chimique des eaux de surface dépend de plusieurs facteurs naturels et/ou anthropiques dont la nature des terrains rencontrés durant leur parcours, des échanges à l’interface eau-atmosphère, de l’activité métabolique des organismes aquatiques au sein de l’eau et des influences anthropiques.
Eau usée industrielle
Il s’agit ici d’une eau issue du fonctionnement d’un ou plusieurs équipements industriels. Selon le décret n°2001-109 du 04/04/2001 fixant les normes de qualité des eaux résiduaires
en République du Bénin, une eau usée industrielle est une eau qui transporte des substances solides, liquides ou gazeuses provenant d’un procédé ou d’un établissement industriel (Décret portant Normes de qualité des eaux résiduaires en République du Bénin). Ces pratiques malsaines de rejet des eaux usées sans traitements préalables est presque partout dans le monde entier.
Manquant de moyens pour le traitement des eaux usées avant rejet ou ignorant les effets néfastes de ces rejets, les industriels rejettent clandestinement ces eaux dans les cours et plans d’eau malgré les réglementations en vigueur. Par exemple en Côte d’Ivoire, les industries aux alentours de la lagune Ebrié y jettent les eaux usées issues de leurs procédés industriels sans aucun traitement en amont.
Les études réalisées sur ladite lagune a révélé une pollution avérée qui suscite des interrogations afin d’une part d’opter pour des corrections si possibles et d’autre part tenir rigueur en terme de rejet des eaux usées (Yao-assahi et al., 2021 ; Yao et al., 2009).
De très grande quantité de polluants biologiques peuvent être contenus dans les eaux usées ; d’autres substances chimiques polluantes issues des habitations (toilettes, WC) et des champs agricoles se retrouvent également dans les eaux. Une fois dans les eaux, ces polluants peuvent s’infiltrer dans le sol jusqu’à atteindre la nappe, polluant ainsi l’eau considérée par la majeure partie de la population comme potable et leur servant d’eau de boisson sans aucun traitement (Vissin et al., 2016).
L’eau étant à la fois un solvant et un vecteur est capable de solubiliser des substances chimiques hydrosolubles des roches rencontrées sur son parcourt et les charrier jusqu’aux cours et plans d’eaux. Certaines de ces substances hydrosolubles présentes dans l’eau polluent les cours d’eaux dans lesquels les eaux de ruissellement se jettent.
Notion de Polluant
Selon le dictionnaire environnement (2015), un polluant est tout agent responsable de la modification des qualités d’un milieu même si ce dernier est présent dans le milieu à un niveau inférieur à son seuil de nocivité. Selon la nature, la composition, la famille du polluant, on peut distinguer plusieurs catégories de polluants à savoir les polluants physiques comme la lumière, la chaleur, le son, la vibration… les polluant chimiques organiques ou inorganiques comme les PCB, les retardateurs de flamme, les colorants, les détergents, …, les
polluants microbiologiques liés à la présence de bactéries et de virus, essentiellement d’origine fécale et provenant principalement des eaux usées et des élevages agricoles comme les coliformes totaux, fécaux et de streptocoques fécaux. Selon la loi-
cadre sur l’environnement on entend par polluant, tout rejet solide, liquide ou gazeux, tout déchet, odeur, chaleur, son, vibration, rayonnement ou combinaison de ceux-ci susceptible de provoquer une pollution. Atteia, (2015) définit comme pollution diffuse «un processus ayant libéré une quantité suffisamment importante de polluants pour que ceux-ci soient présents sur des surfaces importantes (plusieurs dizaines d’hectares) ou à de grandes distances de la source rendant l’identification précise de la source difficile ».
A l’opposé d’une pollution diffuse, on a une pollution ponctuelle dont la source est identifiable et la pollution ne concerne qu’une zone restreinte. En dehors des pollutions ponctuelles ou diffuses auxquelles sont soumises les eaux superficielles, il peut avoir aussi des pollutions accidentelles qui peuvent provenir des industries, des agricultures, de l’élevage, … Elles sont très dangereuses à cause de leur caractère éphémère, la non-maîtrise de la probabilité de leur survenue et aussi les dégâts physiques, matériels et économiques qu’elles peuvent causer.
Ces pollutions surviennent par déversements dans l’environnement des eaux usées industrielles non épurées, des produits chimiques et qui ont pour conséquences : la pollution de plusieurs kilomètres de cours ou plans d’eau rendant difficile l’approvisionnement en eaux potables des riverains, la mortalité piscicole prononcée (Ropars-Collet et al., 2018).
Pollution
Au sens étymologique, polluer signifie : profaner, souiller, salir, dégrader (Ramade, 2007). Selon la loi-cadre sur l’environnement en République du Bénin, la pollution est définie comme toute contamination ou modification directe ou indirecte de l’environnement provoquée par tout acte susceptible d’affecter défavorablement une utilisation du milieu profitable à l’homme ; ii) de provoquer une situation préjudiciable à la santé, la sécurité, le bien-être de l’homme, de la flore et de la faune, ou à la sécurité des biens collectifs et individuels.
La pollution, dit ce rapport, est une modification défavorable du milieu naturel qui apparaît en totalité ou en partie comme un sous-produit de l’action humaine, au travers d’effets directs ou indirects altérant les critères de répartition des flux de l’énergie, des niveaux de radiation, de la constitution physico-chimique du milieu naturel et de l’abondance des espèces vivantes.
Ces modifications peuvent affecter l’homme directement ou au travers des ressources agricoles, en eau et autres produits biologiques. Elles peuvent aussi l’affecter en altérant les objets physiques qu’il possède, les possibilités récréatives du milieu ou encore en enlaidissant la nature (Agence de protection de l’environnement USA, 1965 in Ramade, 2007). Quel que soit le compartiment de
l’environnement contaminé, toutes les formes de pollution convergent vers les ressources en eaux quelles soit de surface ou souterraine. On parle alors de pollution des eaux (Gbaguidi, 2018).
La Pollution des eaux ou pollution aquatique
La pollution aquatique est la dégradation physico-chimique ou microbiologique ou la combinaison des deux types de dégradation qui est susceptible de perturber les êtres vivants aquatiques ou de les nuire. Cette dégradation peut survenir après un rejet intentionnel direct (par exemple l’usage des produits phytosanitaires comme technique de pêche) ou non de substance indésirable dans le milieu aquatique (Dakouri, 2021 ; Kodjoh, 2019 ; Gbaguidi, 2014 ; Hampoh, 2014).
Eutrophisation :
Ce mot dérive du mot grec eutrophos, ‘‘bien nourri, nourrissant’’, de préfixe eu- ‘‘bien’’ et de trophê ‘’nourriture’’. Selon le décret n°2001-109 du 04/04/2001 fixant les normes de qualité des eaux résiduaires en République du Bénin, c’est « le processus d’enrichissement de l’eau par les nutriments tels que le phosphore, l’azote, causant une croissance accélérée des algues et des plantes aquatiques qui perturbent l’équilibre des organismes présents dans l’eau ou la qualité ».
C’est aussi l’enrichissement de l’eau, qu’elle soit douce ou saline, par des nutriments, en particulier par des composés azotés et phosphorés qui accélèrent le développement d’algues et des formes plus développées de la vie aquatique causant l’asphyxie et la dégradation de l’ensemble de l’écosystème aquatique (Atteia, 2015 ; Yapo, 2002 ; AFNOR, 1994).