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Évaluation du contrôle des services de santé au travail en Côte d’Ivoire

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🏫 Université Catholique de l’Afrique de l’Ouest-Unité Universitaire à Abidjan (UCAO-UUA) - Faculté de Droit Civil
📅 Mémoire de fin de cycle en vue de l'obtention du diplôme de Master - Mars 2024
🎓 Auteur·trice·s
ADEOUMI Aboubakar-Sidik Akinlola
ADEOUMI Aboubakar-Sidik Akinlola

Paragraphe II :

La réforme des organes de contrôle des services de santé au travail

Les organes de contrôle sont des instances qui veillent au respect des règles de santé et de sécurité au travail, et qui sanctionnent les manquements constatés. Ils comprennent notamment le médecin du travail, le comité de santé et de sécurité au travail ainsi que le ministère du Travail à travers la Direction générale du travail.

En Côte d’Ivoire, ces organes de contrôle sont régis par le Code du travail et par des textes spécifiques. Toutefois, leur efficacité est limitée, ce qui appelle à une modernisation de leur action. Il s’agit notamment d’améliorer le contrôle des services de santé au travail (A), d’une part, et la surveillance des salariés (B) d’autre part.

A- Le renforcement du contrôle de la qualité des services de santé au travail

Le service de santé au travail est soumis à un contrôle, qui vise à vérifier sa conformité aux normes et aux règles en vigueur, ainsi qu’à évaluer sa qualité et son efficacité. Ce contrôle peut être interne ou externe, selon l’origine de l’autorité qui l’exerce. Le contrôle interne est assuré par les organes de gestion du service de santé au travail, tels que le conseil d’administration, le comité technique, ou le comité d’hygiène et de sécurité.

Le contrôle externe est assuré par les autorités publiques, telles que le ministère du Travail à travers la direction générale du travail et le médecin inspecteur du travail. Le contrôle du service de santé au travail présente des avantages, mais aussi des inconvénients.

D’un côté, il permet de garantir le respect des obligations légales et réglementaires, ainsi que l’amélioration continue du service. D’un autre côté, il pose des problèmes de fréquence, de critères, et de sanctions.

En effet, le contrôle du service de santé au travail est rarement effectué, en raison du manque de moyens et de personnel des autorités de contrôle. Il n’existe pas non plus de critères clairs et objectifs pour apprécier la qualité et l’efficacité du service. Enfin, les sanctions en cas de manquement ou de faute du service sont souvent faibles ou inexistantes, ce qui réduit l’impact et la crédibilité du contrôle.

Par conséquent, des mesures doivent être prises pour le renforcement du contrôle du service de santé au travail et cela passe par l’augmentation et la diversification des acteurs et des modalités de contrôle, qui visent à vérifier et à évaluer la conformité, la qualité et l’efficacité des services de santé au travail137.

137 Commission Européenne, Des conditions de travail plus sûres et plus saines pour tous – Moderniser la législation et la politique de l’Union européenne en matière de sécurité et de santé au travail, op cit., p.19

En premier lieu, il s’agit de renforcer le contrôle interne et le contrôle externe du service de santé au travail, en impliquant davantage les acteurs concernés, et en utilisant des modalités variées138.

Le contrôle interne doit être assuré par les organes de gestion du service de santé au travail, mais aussi par les travailleurs et leurs représentants, qui doivent être informés et consultés sur le fonctionnement et les résultats du service139. Le contrôle interne doit être effectué de manière régulière, participative et transparente.

Le contrôle externe doit être assuré par les autorités publiques, mais aussi par les organismes indépendants, tels que les associations professionnelles ou les syndicats de travailleurs. Ce contrôle doit être effectué de manière périodique, indépendante et objective. Les modalités de contrôle doivent être diversifiées, en combinant des méthodes quantitatives et qualitatives, telles que les audits, les enquêtes, les visites, les entretiens, les questionnaires, etc.

En second lieu, il s’agit de définir et d’appliquer des critères clairs et objectifs pour apprécier la conformité, la qualité et l’efficacité des services de santé au travail, ainsi que des sanctions proportionnées et dissuasives en cas de manquement ou de faute. Les critères de contrôle doivent porter sur les aspects suivants : le respect des normes et des règles en vigueur, la satisfaction des besoins et des attentes des employeurs et des travailleurs, l’impact sur la santé et la sécurité au travail, l’efficience et la performance du service, etc.

Ces critères doivent être élaborés en concertation avec les partenaires sociaux, et être adaptés aux spécificités des différents services de santé au travail140. Les sanctions de contrôle doivent être graduées et proportionnées à la gravité du manquement ou de la faute, et être appliquées de manière effective et équitable. Les sanctions de contrôle doivent être prévues par la loi, et être prononcées par les autorités compétentes, après avoir entendu les parties concernées.

138 Commission Européenne, Des conditions de travail plus sûres et plus saines pour tous – Moderniser la législation et la politique de l’Union européenne en matière de sécurité et de santé au travail, op cit., pp.17-18

139 ibid., p.19

140 ibid., p.12

En somme, le renforcement du contrôle de la qualité des services de santé au travail vise à garantir que les services de santé au travail remplissent leurs missions conformément aux normes et aux procédures établies par l’organisme national de gestion des services de santé au travail.

B- Le renforcement du suivi médical des salariés

L’amélioration de la surveillance des salariés vise à assurer le suivi médical des travailleurs et à détecter les éventuelles altérations de leur état de santé liées au travail. En effet, les salariés sont soumis à des visites médicales obligatoires, réalisées par le médecin du travail, qui évalue leur aptitude au poste de travail, leur propose des mesures de prévention ou d’adaptation, et leur délivre un certificat médical.

Cependant, le médecin du travail doit renforcer la surveillance médicale pour les salariés exposés à des risques particuliers, car ils sont plus vulnérables et susceptibles de maladies professionnelles et d’accident de travail141. Il en va ainsi que les salariés exposés à des risques particuliers sont ceux qui sont soumis à des agents ou à des procédés de travail susceptibles de provoquer des maladies professionnelles, des intoxications, des infections ou des lésions.

Il s’agit notamment des salariés exposés à des contraintes ergonomiques, psychosociales ou organisationnelles, telles que les postures, les gestes répétitifs, le bruit, la chaleur. Il s’agit également des salariés exposés à des agents chimiques dangereux, les rayonnements ionisants, le bruit, la manutention manuelle, le travail sur écran, le stress ou le harcèlement142.

141 Commission Européenne, Des conditions de travail plus sûres et plus saines pour tous – Moderniser la législation et la politique de l’Union européenne en matière de sécurité et de santé au travail, op cit., p.17

142 MINÉ (M.) & MARCHAND (D.), op cit., p.343

Pour mener à bien sa mission, le médecin du travail doit identifier les salariés exposés à des risques particuliers en se basant sur les informations fournies par l’employeur, les représentants du personnel ou encore les travailleurs eux-mêmes. Ces salariés doivent bénéficier d’un traitement particulier de la part du médecin en raison de leur vulnérabilité, de la gravité des conséquences et des risques qu’ils encourent.

Cette surveillance spéciale implique, à la différence de la surveillance ordinaire, des visites médicales plus fréquentes pour les salariés déjà embauchés et des visites médicales d’embauches plus poussées pour les nouveaux venus. De ce fait, le médecin du travail doit les informer des risques auxquels ils sont exposés, des moyens de prévention à mettre en œuvre, des modalités de surveillance médicale et des conséquences possibles sur leur santé143.

Toutefois, même si le médecin du travail reste généralement seul juge de la nature et de la fréquence des visites et contrôles, dans certains cas la loi lui fait certaines recommandations144.

143 Article 3 al 5 du Décret n° 2020-955 du 9 décembre 2020 portant attributions, composition et fonctionnement du Comité de santé et sécurité au travail de la République de Côte d’Ivoire, JO n°14 du 18/02/2021

144 DYEVRE (P.) & LEGER (D.), op cit., p.49

À ce propos, s’agissant des travailleurs de nuit, le législateur ivoirien prévoit que « le travailleur régulièrement employé à un travail de nuit doit bénéficier d’un contrôle de son état de santé au moins deux (2) fois par an, en vue d’apprécier son aptitude au poste de travail occupé »145. Cette disposition vise à protéger la santé des travailleurs qui sont exposés aux risques liés au travail de nuit, tels que la fatigue, le stress, les troubles du sommeil, les maladies cardiovasculaires, etc.

145 Article 11 du Décret n°96-204 du 7 mars 1996 relatif au travail de nuit de la République de Côte d’Ivoire, JO n°19 du 09/05/1996

Elle impose à l’employeur de faire passer à ces travailleurs un examen médical au moins deux (2) fois par an, afin de vérifier leur aptitude au poste de travail occupé. Elle s’inspire de la convention n°171 de l’Organisation internationale du travail (OIT) sur le travail de nuit, adoptée en 1990, qui prévoit à son article 4 que les travailleurs de nuit ont droit d’obtenir sans frais un contrôle à intervalles réguliers de leur état de santé au cours de leur affectation146.

146 Article 4 de la Convention n°171 de l’Organisation internationale du travail (OIT) sur le travail de nuit, adoptée en 1990, disponible en ligne : https://www.ilo.org (consulté le 09/01/2024 à 19 h 01 min)

Concernant les travailleurs exposés à des agents chimiques dangereux et les rayonnements ionisants, le législateur n’est pas resté silencieux. Il prévoit de nombreuses obligations et recommandations pour la protection de ces travailleurs, notamment à travers le décret d’application portant sûreté et sécurité nucléaires et protection contre les dangers des rayonnements ionisants.

Ainsi, il prévoit que les travailleurs exposés aux sources de rayonnements doivent être reconnues médicalement aptes sur le plan physique et psychique147 et bénéficier de certaines protections notamment à travers la limitation des doses des rayonnements auxquelles ils peuvent être exposés, l’exigence de dispositif de protection contre les rayonnements pour prévenir aussi bien les risques de contaminations internes que les risques de contaminations externes. Plus loin, il affirme que « l’employeur doit assurer la surveillance médicale de ses travailleurs exposés aux rayonnements ionisants par un service médical de travail agréé par l’Ordre des médecins »148.

147 Article 26 du Décret n°2014-362 du 12 juin 2014 d’application de la loi n°2013-701 du 10 octobre 2013 portant sûreté et sécurité nucléaires et protection contre les dangers des rayonnements ionisants de la République de Côte d’Ivoire, JO n°10 du 12/06/2014

148 Article 37 du Décret n°2014-362 du 12 juin 2014 d’application de la loi n°2013-701 du 10 octobre 2013 portant sûreté et sécurité nucléaires et protection contre les dangers des rayonnements ionisants de la République de Côte d’Ivoire, JO n°10 du 12/06/2014

Le médecin du travail qui est à la tête du service médical doit par ricochet assurer la surveillance des travailleurs exposés aux rayonnements. Cette surveillance vise à garantir la protection de la santé des travailleurs contre les effets nocifs des rayonnements ionisants, qui peuvent provoquer des cancers, des mutations génétiques ou des lésions tissulaires. La surveillance médicale consiste à réaliser des examens médicaux périodiques, à évaluer les conditions des travailleurs et à leur fournir des conseils et des informations sur les risques et les mesures de prévention.

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