Équilibre et stabilité de l’avion
Cette section présente l’approche théorique nécessaire à l’analyse de la stabilité et de l’équilibre d’un aéronef. Ainsi, les notions de stabilité, de marge statique et d’équilibre de l’avion seront présentées.
Notions de stabilité d’un avion
Pour un avion, la stabilité renvoie à la capacité qu’à ce dernier à revenir à l’état de vol stable initial après avoir subi une perturbation. La stabilité d’un avion est une propriété d’extrême importance pour sa validation en conception. En réalité, aucun avion n’est rigoureusement stable ; ils doivent cependant posséder un niveau de stabilité acceptable, pour garantir un pilotage ergonomique d’une part, et le confort des passagers d’autre part. plus un avion est
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stable, plus il est facile à piloter. A contrario, un avion trop stable sera difficile à manœuvrer. Ainsi, les gros avions de ligne sont conçus pour être très stables, ce qui n’est pas le cas avec les avions de chasse ou d’entraînement où une plus grande manœuvrabilité est nécessaire.
Avec les avions conventionnels à tube et aile, l’empennage horizontal joue un rôle primordial pour assurer la stabilité de l’appareil. En dépit de leurs forts potentiels aérodynamiques, les BWB présentent des problèmes de stabilité assez compliqués dus au faible bras de moment et aux mauvaises caractéristiques d’assiette (Okonkwo, 2016). Ceci s’explique en grande partie du fait de l’absence d’empennage horizontal.
Il existe deux formes de stabilité que sont la stabilité statique et la stabilité dynamique. La stabilité statique d’un avion est communément interprétée pour décrire sa tendance à converger vers l’état d’équilibre initial suite à une petite perturbation de l’assiette (trim). La stabilité dynamique quant à elle décrit le mouvement transitoire impliqué dans le processus de rétablissement de l’équilibre suite à la perturbation (Cook, 2012). Ainsi, la stabilité statique renvoie aux actions de contrôle requises, afin d’établir les caractéristiques nécessaires pour garantir l’équilibre de l’avion. Bien entendu, la stabilité dynamique est également importante, en ce sens qu’elle détermine en grande partie les caractéristiques des mouvements transitoires de l’avion, suite à une perturbation autour de sa position de vol stabilisé.
Ce projet se limitera à l’évaluation de la stabilité statique longitudinale du BWB en déterminant les marges statiques et les caractéristiques d’assiette.
Marge statique et conditions de stabilité
La marge statique est un concept utilisé pour caractériser le degré de stabilité statique et de contrôlabilité d’un avion. La marge statique est définie comme étant la distance entre le centre de gravité de l’avion et son point neutre. Le moment de tangage d’un avion sans empennage, dans un vol équilibré quasi stable de masse constante en atmosphère normale et sans effets de compressibilité pour de petits angles d’attaque est donné par l’équation suivante (Okonkwo, 2016) :
C C
C Xcg Xnp
(2.100)
M ,cgM 0,cgL c
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c
En posant hcg Xcg
et hnp Xnp
, l’équation (2.100) devient :
Où :
CM ,cg
CM 0,cg
CM ,cg CM 0,cg CL hcg hnp
est le coefficient de moment par rapport au centre de gravité.
est le coefficient de moment à portance nulle par rapport au centre de gravité.
c
(2.101)
X cg
et Xnp
sont respectivement les distances du centre de gravité et du point neutre, par
rapport au nez de l’avion.
c est la corde moyenne aérodynamique de l’avion.
La dérivée de l’équation (2.101) par rapport à donne l’équation (2.102).
CM CL hcg hnp
(2.102)
Avec : CM
CM ,cg
et CL
CL
La marge statique est définie par la relation suivante :
K CM
n
h h
(2.103)
CL
cgnp
Kn est généralement donnée en pourcentage. Pour que l’avion soit stable, la marge statique
doit être positive ; c’est-à-dire que le centre de gravité devrait se situer devant le point neutre. Si le centre de gravité se trouve derrière le point neutre, l’avion est jugé longitudinalement instable. Pour un avion de transport, la marge statique positive avec le centre de gravité maximum arrière doit être comprise entre 5 et 10 % (Raymer, 2006).
Coefficient de moment et équilibre de l’avion
L’équation (2.101) donne l’expression du coefficient des moments d’un BWB, par rapport au centre de gravité. La dérivée de cette expression par rapport à l’angle d’attaque permet
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d’obtenir un coefficient connu sous l’appellation de « coefficient de stabilité longitudinal », tel que présenté ci-après :
CM ,cg
h
h CL,bwb
(2.104)
CM ,cg
cgnp
Où :
est le coefficient de stabilité longitudinale.
Au regard des équations (2.101) et (2.104), et sachant que le coefficient de portance de l’avion varie linéairement en fonction de l’angle d’attaque, il apparait clairement que les coefficients de moment et de stabilité longitudinale eux aussi varient linéairement en fonction de l’angle d’attaque. L’équation (2.105) ci-dessous donne l’expression de cette droite.
CM ,cg CM 0,cg
CM ,cg
(2.105)
La figure 2.9 présente la variation du coefficient de moment avec l’angle d’attaque.
Figure 2.9 : Variation du coefficient de moment avec l’angle d’attaque (cas stable)
Sur cette figure e
représente l’angle d’attaque absolue à l’équilibre de l’avion, pour une
condition de vol donnée. À cet angle, les forces et les moments agissant sur l’avion se trouvent dans un état d’équilibre.
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Par ailleurs, les conditions nécessaires pour la stabilité d’un avion peuvent être résumées à la satisfaction des équations suivantes (Cook, 2012) :
CM 0,cg 0et
CM ,cg
0
(2.106)
Explicitement, cela revient à dire que :
Le coefficient de moment à portance nulle doit être positif ;
Le coefficient de stabilité longitudinale doit être négatif ;
L’angle d’attaque à l’équilibre doit être compris dans la plage des angles de vol de l’avion.
Cependant, pour pouvoir obtenir l’équation explicite de la droite de coefficient de moment exprimée par les équations (2.102) et (2.105) précédents il faudrait au préalable, déterminer le coefficient de moment à portance nulle de l’avion et, par la suite trouver une expression de son coefficient de portance en fonction de l’angle d’attaque.
À l’équilibre, la somme des moments de tangage au centre de gravité de l’avion est nulle. L’équation d’équilibre des moments s’écrira alors comme suit :
Où :
M 0
Lfus
Mcg M0 Mcg Lfus Mcg Low 0
est le moment de tangage de l’avion à portance nulle.
est la force de portance générée par le corps central de l’avion.
(2.107)
Low est la force de portance générée par l’aile extérieure de l’avion.
L’équation (2.107) peut être réécrite, pour obtenir l’équation (2.108), puis l’équation (2.109) :
1 2 V 2S
ref
c
1 2 V 2S
ref
c
0
ref
1 2 V 2Sc
(2.108)
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MS c
Mcg Lfus
S cMcg Low
0
ref
1 2 V 2Sc
cb fus
ow ow
(2.109)
Sc
ref
1 2 V 2S
fus fus
c
Sc
ref
1 2 V 2S
ow ow
c
À partir de l’équation (2.109), la déduction de l’expression du coefficient de moment à portance nulle est directe.
C Sfuscfus Cfus
Sowcow Cow
(2.110)
m0,cgScm0,cgScm0,cg
Où :
C
et
fus
m0,cg
ow
C
m0,cg
refref
sont respectivement les coefficients de moment à portance nulle du corps
central et de l’aile extérieure.
cfus
et cow
sont respectivement les cordes aérodynamiques moyennes du corps central et de
l’aile extérieure.
Sfus
et Sow sont respectivement les surfaces plan du corps central et de l’aile extérieure.
En général, le coefficient de moment à portance nulle est connu pour les profils d’aile. Pour une aile complète (c’est-à-dire en trois dimensions) d’allongement et d’angle de flèche connus, le coefficient de moment à portance nulle peut être déterminé à partir de la relation d’ajustement donnée par l’équation (2.111) pour de basses vitesses subsoniques (Raymer, 2006).
m0,3D
AR cos2
C
basse.vitesse
Cm0,2D LE
AR 2 cos LE
(2.111)
Pour des vitesses subsoniques élevées (proche de Mach 0,8) les effets du transsonique entrent en jeu et augmentent le moment de tangage. Dans ce cas, le coefficient de moment à portance nulle augmenterait d’environ 30% (Raymer, 2006). L’équation (2.111) ci-dessus deviendrait alors :
AR cos2
Cm0,3D
Mach0.8
1, 3 Cm0,2D LE
AR 2 cos LE
(2.112)
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Pour ce qui est de la droite de portance de l’avion, l’on peut remarquer que les forces de portance agissant sur la BWB au complet proviennent du corps central et de l’aile extérieure. Elles peuvent donc être exprimées comme suit :
Lbwb Lfus Low
(2.113)
Pour une condition de vol donnée, l’expression générale de la force de portance est donnée par l’équation suivante :
L 1 V 2SC
2L
(2.114)
Ainsi, la combinaison des équations (2.113) et (2.114) permet d’obtenir l’expression du coefficient de portance du BWB, en fonction des coefficients de portances du fuselage ( CL,fus ) et de l’aile extérieure ( CL,ow ), eux même fonction de l’angle d’incidence.
CL,bwb
Sfus C
S
L,fus
Sow C
S
L,ow
(2.115)
refref
Les coefficients
CL,fus
et CL,ow
seront explicitement exprimés dans la section suivante, en
fonction de l’angle d’attaque ; ce qui permettra par la suite de déduire une expression du coefficient de portance du BWB en fonction de .
L’objectif de ce chapitre était dans un premier temps de présenter la méthodologie utilisée pour estimer la masse du BWB ainsi que la poussée des moteurs et le dimensionnement des surfaces verticales. Par la suite, la démarche d’évaluation des performances de l’avion à basse vitesse et en croisière a été présentée. Dans le chapitre qui suit, les résultats de l’estimation de la masse de l’avion, des caractéristiques des moteurs, du design des surfaces verticales ainsi que des performances de l’appareil seront présentés et discutés.
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