Évolution des actes de langage dans la croissance économique

SECTION II :

Analyse conceptuel de la croissance économique

 

Définitions

Pour François Perroux (1903-1987), la croissance est l’augmentation soutenue pendant une ou plusieurs périodes longues, d’un indicateur de dimension, pour une nation, le produit global en termes réels.

La croissance est mesurée à partir des taux de croissance annuels d’un agrégat en volume le Produit Intérieur Brut (PIB). Mais la mesure du PIB pose un certain nombre de problèmes (évaluation des amortissements, de l’inflation, des variations des taux de change, de la destruction du patrimoine naturel, du déplacement de l’économie souterraine, etc.).

La croissance économique

La croissance économique est un phénomène de longue période qui se différencie de l’expansion, terme utilisé dans l’analyse des fluctuations et des cycles. A la suite de F. Perroux, la croissance est également distinguée du progrès économique et du développement économique qui englobe et soutient la croissance. Elle est recherchée par tous les pays dans la mesure où elle devrait permettre de restaurer l’équilibre macro- économique, de diminuer le chômage, de réduire la pauvreté et accroître le bien-être des populations.

La question de la croissance économique est une préoccupation pour tous les gouvernements du monde moderne. Elle est nécessaire pour faire face à la croissance de la population ainsi qu’à la croissance des besoins de cette population. Elle est un préalable à tout développement économique, et les politiques économiques en font un de leurs objectifs précis.

La notion de croissance économique est ainsi devenue une préoccupation pour les économies car au-delà de la satisfaction des besoins de la population, l’objectif de l’économie est aussi de connaître la phase de croissance et de développement économique. Au Cameroun, un taux de croissance à deux chiffres reste une condition nécessaire à un développement économique.

Les indicateurs de la croissance économique

Mesurer la croissance est un exercice difficile, c’est pourquoi de nombreux économistes ont cherché à dépasser le concept du PIB afin d’introduire des indicateurs alternatifs.

Le concept de PIB

Le PIB repose sur un ensemble de conventions. Il opère des choix sur ce qui compte et sur la manière de le compter. Il mesure ce qui est produit, pendant une période donnée par du travail rémunéré. Cette convention traduit un double consentement : en comptabilisant la production marchande à son prix de marché, le PIB exprime le consentement des individus à payer pour obtenir les biens et les services ; en intégrant des dépenses publiques, sur la base de leur coût de production, il reflète également les choix collectifs d’une société donnée. Par son mode de calcul, le PIB rend de grands services, il permet de sommer les valeurs ajoutées de tous les secteurs institutionnels sur un territoire donné. Il est ainsi possible de savoir comment la richesse est créée, utilisée et répartie. Le PIB, en tant qu’outil de la comptabilité nationale est donc un bon moyen de comprendre le fonctionnement d’une économie et de conduire une politique économique.

Les indicateurs alternatifs de la croissance

Les organisations internationales telles que le Programmes des Nations Unies pour le Développement (Pnud), la Banque Mondiale, l’Institut américain Redifining Progress, la Commission Européenne ou les organisations non gouvernementales ont ouvert la voie en prenant une série d’initiatives. Les experts du Pnud utilisent l’IDH : Indice de Développement Humain. Cet indicateur synthétique combine trois critères : le PIB par habitant, l’espérance de vie à la naissance et le niveau d’instruction (taux de scolarisation et taux d’alphabétisation). Il consiste à ramener des grandeurs disparates sur une échelle allant de 0 à 1 puis à les additionner.

La Banque Mondiale a mis au point l’épargne nette ajustée encore appelée, épargne véritable, pour exprimer la variation du capital économique, humain et naturel d’un pays à l’issu d’un cycle de production. A partir de la mesure standard de l’épargne nationale brute, il procède à quatre types d’ajustements : déduction de la consommation de capital fixe, ajout des investissements en capital humain (dépenses d’éducation), déduction de la baisse des stocks de ressources naturelles consommées (énergie, minerais, forêts) et des dommages causés par la pollution (émissions de Co²).

L’institut américain Redifining Progress a proposé en 1995 un indicateur de progrès véritable.Les experts européens disposent de 155 indicateurs pour analyser le développement durable, dont une dizaine d’indicateurs dits de premier rang incarnent les objectifs majeurs (le PIB par habitant doit rendre compte du développement socioéconomique).

Enfin, les ONG réunies au sein du Global Footprint Network utilisent l’empreinte écologique. Cette dernière évalue l’impact de la consommation d’une population donnée selon la surface de sol et d’océan nécessaire pour la produire et pour assimiler les déchets qu’elle génère.

Les facteurs de la croissance économique

La croissance est ainsi assimilée à un phénomène autoentretenu par accumulation de trois facteurs principaux : le capital humain ; le capital public et les progrès technique.

A- Le capital humain

Il a été mis en évidence par deux économistes de l’Ecole de Chicago, Theodor Schultz et Gary Becker, et est au centre des études menées par R.E Lucas (Prix Nobel en 1995). Le capital humain désigne l’ensemble des capacités apprises par les individus et qui accroissent leur efficacité productive. Chaque individu est en effet, propriétaire d’un certain nombre de compétences, qu’il valorise en les vendant sur le marché du travail.

Le capital humain renvoie à l’ensemble des compétences qui peuvent être valorisées économiquement. Cette notion a été introduite par Théodore Schultz qui, dans “Investment in human capital” (1961), fait valoir que les connaissances et les compétences sont une forme de capital et que ce capital est le produit d’un “investissement volontaire”. Il montre alors qu’il existe un lien entre la croissance des pays occidentaux et l’investissement dans le capital humain notamment dans l’éducation.

Quelques années plus tard, Gary Becker dans Human Capital, A Theoretical and Empirical Analysis (1964), reprend à Schultz le concept de “capital humain” et le définit comme un stock de ressources productives incorporées aux individus eux-mêmes, constitué d’éléments aussi divers que le niveau d’éducation, de formation et d’expérience professionnelle, l’état de santé ou la connaissance du système économique. En d’autres

termes, toute forme d’activité susceptible d’affecter ce stock (poursuivre ses études, se soigner, etc.) est définie comme un investissement en capital humain.

B- Le capital public

Il correspond aux infrastructures de communication et de transport. Elles sont au cœur du modèle élaboré par R.J Barro. En théorie, le capital public n’est qu’une forme de capital physique. Il résulte des investissements opérés par l’Etat et les collectivités locales. Le capital public comprend également les investissements dans les secteurs de l’éducation et la recherche.

Robert Barro (“Party politics of growth“, 1994) souligne le rôle positif des investissements publics lorsque ceux-ci restent toutefois dans des budgets équilibrés (selon Barro, l’Etat est inefficace pour agir sur la conjoncture économique au moyen du déficit public, mais son action peut dégager des externalités positives à condition qu’elles compensent l’impact négatif des prélèvements obligatoires sur l’activité économique notamment en aidant la recherche fondamentale et en adoptant une approche favorable à l’existence de monopoles dans les secteurs à forte croissance).

C- Le progrès technique :

On peut analyser le progrès technique comme le résultat d’un investissement qui conduit à la mise au point d’un nouveau procédé de production ou d’un nouveau produit lié à une invention. Le progrès technique peut apparaître comme une source du progrès économique car il contribue à améliorer les conditions de vie des individus, à diminuer la pénibilité du travail, à mieux satisfaire les besoins individuels et collectifs.

Le progrès technique peut désigner à la fois une amélioration qualitative des facteurs de production, du fait d’innovations techniques, ou bien encore de leur utilisation, du fait des innovations organisationnelles telles que le taylorisme par exemple. Au XXe siècle, le progrès technique a joué un rôle fondamental dans la croissance économique. Dans La croissance française (1972), Carré, Dubois et Malinvaud s’appuient sur la méthodologie de Solow pour montrer que, durant la période des Trente glorieuses, la moitié de la croissance totale est due au progrès technique.

II-2 Analyse théorique de la croissance économique

II-2-1 Théories de la croissance économique

Les théories explicatives de la croissance sont relativement récentes dans l’histoire de la pensée économique. Ces théories, sans négliger le rôle de l’ensemble des facteurs de production tendent à mettre en avant parmi ceux-ci le rôle primordial du progrès technique dans la croissance.

Sur le long terme, seul le progrès technique est capable de rendre plus productive une économie (et donc de lui permettre de produire plus, c’est-à-dire d’avoir de la croissance). Toutefois, ces théories expliquent encore mal d’où provient ce progrès, et en particulier en quoi il est lié au fonctionnement de l’économie.

La plupart des économistes de l’école classique, écrivant pourtant au commencement de la révolution industrielle, pensaient qu’aucune croissance ne pouvait être durable, car toute production devait, selon eux, inexorablement converger vers un état stationnaire.

C’est ainsi le cas de David Ricardo pour qui l’état stationnaire était le produit des rendements décroissants des terres cultivables, ou encore pour Thomas Malthus qui le liait à son « principe de population », mais aussi pour John Stuart Mill.

Toutefois, Adam Smith, à travers son étude des effets de productivité induits par le développement de la division du travail, laissait entrevoir la possibilité d’une croissance ininterrompue. Et Jean-Baptiste Say écrivait « Remarquez en outre qu’il est impossible d’assigner une limite à la puissance qui résulte pour l’homme de la faculté de former des capitaux ; car les capitaux qu’il peut amasser avec le temps, l’épargne et son industrie, n’ont point de bornes. » (Traité d’économie politique, Livre I, chapitre XII)

Nikolai Kondratiev est un des premiers économistes à montrer l’existence de cycles longs de 50 ans, et Joseph Schumpeter développe la première théorie de la croissance sur une longue période. Il considère que l’innovation portée par les entrepreneurs constitue la force motrice de la croissance.

Il étudie en particulier le rôle de l’entrepreneur dans Théorie de l’évolution économique en 1913. Pour Schumpeter, les innovations apparaissent par « grappes », ce qui explique la cyclicité de la croissance économique. Par exemple, Schumpeter retient les transformations du textile et l’introduction de la machine à vapeur pour expliquer le développement des années 1798-1815, ou le chemin de fer et la métallurgie pour l’expansion de la période 1848-1873.

L’analyse schumpetérienne est intéressante car elle ne repose pas seulement sur le progrès technique, sur l’évolution des connaissances ou les grandes inventions (avec le cycle des révolutions industrielles successives).

Après la Seconde Guerre mondiale, les économistes Harrod et Domar, influencés par Keynes, vont chercher à comprendre les conditions dans lesquelles une phase d’expansion peut être durable. Ainsi, s’il ne propose pas à proprement parler une théorie de la croissance. Joseph Schumpeter, Les cycles des affaires, 1939 (expliquant son origine sur une longue période), le modèle de Harrod-Domar permet, néanmoins, de faire ressortir le caractère fortement instable de tout processus d’expansion.

En particulier, il montre que pour qu’une croissance soit équilibrée :

  • c’est-à-dire que l’offre de production n’augmente ni moins (sous-production) ni plus (surproduction) que la demande ;
  • il faut qu’elle respecte un taux précis, fonction de l’épargne et du coefficient de capital (quantité de capital utilisée pour produire une unité) de l’économie.

Ce modèle, construit après-guerre et marqué par le pessimisme engendré par la crise de 1929, a toutefois été fortement critiqué. Il suppose, en effet, que ni le taux d’épargne, ni le coefficient de capital ne sont variables à court terme, ce qui n’est pas prouvé Robert Solow propose un modèle néoclassique de croissance. Ce modèle repose essentiellement sur l’hypothèse d’une productivité marginale décroissante du capital dans la fonction de production. Le modèle est dit néoclassique au sens où les facteurs de production sont utilisés de manière efficace et rémunérés à leur productivité marginale. Solow montre que cette économie tend vers un état stationnaire. Dans ce modèle, la croissance de long terme ne peut provenir que du progrès technique (et non plus de l’accumulation du capital). L’une des faiblesses théoriques du modèle de Solow vient du fait qu’il considère le progrès technique comme exogène. Autrement dit, il ne dit rien sur la façon dont le progrès technique apparaît.

II-2-2 Nouvelles théories de la croissance économique

Les théories récentes cherchent précisément à rendre ce facteur endogène c’est-à-dire à construire des modèles qui expliquent son apparition. Ces modèles ont été développés à partir de la fin des années 1970 notamment par Paul Romer, Robert E. Lucas et Robert Barro. Ils se fondent sur l’hypothèse que la croissance génère par elle-même le progrès technique.

Ainsi, il n’y a plus de fatalité des rendements décroissants : la croissance engendre un progrès technique qui permet que ces rendements demeurent constants. La croissance, si elle génère du progrès technique, n’a donc plus de limite. À travers le progrès technique, la croissance constitue un processus qui s’auto-entretient.

Ces modèles expliquent que la croissance engendre du progrès technique par trois grands mécanismes :

Le Learning by doing : plus on produit, plus on apprend à produire de manière efficace. En produisant, on acquiert en particulier de l’expérience, qui accroît la productivité

La croissance favorise l’accumulation du capital humain, c’est-à-dire les compétences possédées par la main d’œuvre et dont dépend sa productivité. En effet, plus la croissance est forte, plus il est possible d’accroître le niveau d’instruction de la main-d’œuvre, en investissant notamment dans le système éducatif. D’une manière générale, la hausse du niveau d’éducation de la population par des moyens publics ou privés est bénéfique ;

La croissance permet de financer des infrastructures (publiques ou privées) qui la stimulent. La création de réseaux de communication efficaces favorise, par exemple, l’activité productive.

Récemment, les théories de croissance endogène ont commencé à s’intéresser beaucoup plus aux implications du commerce extérieur sur la croissance économique notamment à long terme. Les modèles de Rivera-Batiz et Romer (1991) et de Grossman et Helpman (1991) et autres fournissent un cadre théorique liant la politique commerciale à la croissance économique de long terme. Ces théories fournissent les canaux à travers lesquels le commerce extérieur pourrait conduire à long terme à une croissance économique.

D’après ces théories, les échanges commerciaux fournissent quatre (04) opportunités distinctes susceptibles d’impacter positivement la croissance économique de long terme : Effet de communication ; Effet d’intégration et Allocation des ressources.

Conclusion

Au terme de notre chapitre, il est fort de constater que le commerce extérieur affecte alors durablement la croissance par plusieurs canaux différents. D’abord par l’accumulation du capital humain et les effets d’apprentissage dans les secteurs exportateurs en expansion provoque la baisse des coûts moyens et multiplie la variété des produits.

Ensuite par la diffusion internationale du progrès technique permet aux pays en développement de bénéficier de transferts de technologie à moindre coût. Et enfin, la pression concurrentielle sur les marchés extérieurs incite aux gains de productivité. Cependant, le commerce extérieur, par les opportunités accrues d’échanges qu’il offre, peut être un facteur décisif dans la croissance (Grossman et Helpman, 1991).

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
Effet du commerce extérieur des produits agricoles sur la croissance économique au Cameroun
Université 🏫: Université de Maroua - Faculté des sciences économiques et de gestion
Auteur·trice·s 🎓:
ABOUBAKAR IBNOU OUSMAN OUMAR

ABOUBAKAR IBNOU OUSMAN OUMAR
Année de soutenance 📅: Mémoire présenté en vue de l’obtention du Diplôme de Master II
Titulaire d’une licence en Economie .
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