Remise en cause des idéologies – Louis-Ferdinand Céline

Remise en cause des idéologies – Louis-Ferdinand Céline

Chapitre III Remise en cause des idéologies

« Le malheur, c’est que les gens vous jugent toujours d’après leurs propres tendances1. »

Dans ce présent chapitre, nous allons, tout d’abord, aborder la période délicate de Louis-Ferdinand Céline qui s’étend entre 1937 et 1945 ; c’est-à-dire durant la publication de ses pamphlets antisémites, et ce dans le but de mettre en exergue le message véhiculé par ces derniers, ainsi que la réception de ses écrits avant et durant la guerre pour déterminer l’origine de ce discours subversif.

Ce qui nous amène à traiter la question du collaborationniste chez Céline, afin de préciser s’il a oui ou non collaboré avec les nazis. Ensuite, nous nous attarderons sur son exode vers l’Allemagne à la fin de la Seconde Guerre mondiale, ainsi que sur son exil et son emprisonnement au Danemark. Pour finir, nous nous pencherons sur son retour en France et sa réhabilitation dans la littérature française.

1. Les haines retrouvées

Est-ce durant son séjour en U.R.S.S. que Céline a eu l’occasion de lire Les Protocoles des sages de Sion, un des livres les plus célèbres qui dénonçaient un complot judéomaçonnique ? A t – il été initié aux théories du complot ? Cela est fort probable, car l’auteur dès son retour en France lance une croisade contre les Juifs, en dénonçant un complot judéomaçonnique qui est en train de se dérouler en France, avec une guerre mondiale à la clef.

Il écrit le 12 mai 1937 au début de sa frénésie que « Je veux bien être seul contre tous. Il me plaît même parfaitement d’en arriver là. Toute approbation à quelque chose de dégradant et de vil […] Il m’est agréable de chier sur n’importe quelle puissance2. ».

Après le succès de Mea Culpa, « des communistes menaçaient de le tuer 1», mais l’auteur se plaît dans son nouveau statut de polémiste. Il entame la rédaction de son deuxième pamphlet Bagatelles pour un massacre.

Un pamphlet tout à fait singulier, car en plus de compter plus de deux cents pages, alors que de coutume le pamphlet est un écrit court, ce dernier s’ouvre et se clôt sur deux ballets ayant pour titre « la naissance une fée et Van BAGADEN » qui seront publiés par la suite dans Ballet sans musique sans personne sans rien2.

La présence des personnages est aussi à noter, puisque, tout au long de l’œuvre, un dialogue tourne entre Ferdinand et Léo Gutman, un médecin juif.

Céline reproche aux Juifs de l’avoir saboté, après avoir demandé à son ami de faire jouer son ballet à l’exposition internationale de 1937. Cette discussion laisse par moment place à un monologue intérieur, où Ferdinand évoque un complot judéobolchévique qui a frappé l’empire russe. Puis de rebondir sur la situation politique européenne de cette période. Il fait aussi intervenir son ami

« Popaul », ainsi que son Gustin Sabayote qui viennent soutenir sa thèse.

Dans Bagatelles pour un massacre, Ferdinand Destouches reprend un discours antisémite qui n’est nullement nouveau, car la France du XXe siècle était réputée pour son aversion envers la communauté juive qui la considérait comme la source des problèmes. Quant aux écrivains français, Céline n’est pas le premier à avoir rédigé une œuvre antisémite.

Bien avant lui, Charles Maurras a écrit d’innombrables écrits contre cette communauté qu’il jugeait dangereuse. Cependant là où Céline diffère des autres antisémites de l’époque, c’est qu’il a écrit l’œuvre antisémite la plus virulente du XXe siècle, nourrie par son style novateur qui n’a laissé personne indifférent, depuis la publication de Voyage au bout de la nuit. C’est pour cette raison que le pamphlet peut être considéré comme un « véritable traité de style3. », ayant pour thème central la question juive.

D’un point de vue littéraire, l’auteur, encore une fois, excelle dans l’écriture pamphlétaire. Il choque son lecteur par son verbe cru et outrancier, envers les juifs, mais pas seulement les juifs, car dans Bagatelles pour un massacre les Aryens sont tout aussi critiqués, les estimant être « le cocu, l’alouette immanquable de toutes les entreprises youpines1… », tout en annonçant dans un futur proche que « Les quinze millions de Juifs enculeront les cinq cent millions d’Aryens2. ».

Cependant, l’auteur, tombe par moment dans un délire aberrant qui n’est nullement à la hauteur de l’écrivain, ni du médecin, comme par exemple, lorsqu’il prétend que « Les youtres c’est comme les punaises…Quand t’en prends une seule dans un plume, c’est qu’elles sont dix mille à l’étage ! Un million dans toute la crèche3. »

Certaines personnalités du monde littéraire, comme André Gide ont affirmé que les outrances prononcées, par Céline ne sont qu’une forme de sa poétique et « Quand il fait le Juif responsable de sa mévente, il va de soi que c’est une plaisanterie4. ».

Un humour, certes scabreux qui se rapproche fortement de celui de François Rabelais, mais qui reflète l’opinion du peuple français envers les Juifs, et c’est pourquoi Gide affirmait qu’ « Il fallait voir dans Bagatelles pour un massacre autre chose qu’un jeu5. ».

Cette haine chez Ferdinand Céline ne vient pas ex nihilo, étant donné que depuis son passage à l’armée, une animosité envers la classe bourgeoise est née en lui. Celle-ci n’a fait que se muer avec le temps et à chaque nouvel épisode de sa vie, Céline a acquis des connaissances et une expérience qui l’ont induit à soutenir cette théorie du complot, car pour le pamphlétaire la guerre est le produit de l’argent et les Juifs ont la main mise sur l’argent.

1 Louis-Ferdinand CÉLINE, op, cit, 1938, .p95.

2 Stephan ZAGDANSKI, Louis-Ferdinand Céline seul, Gallimard, Paris, 2013, p.120.

Véronique ROBERT, Lucette DESTOUCHES, Céline secret, Grasset, Paris, 2001, p.15.

2 Louis-Ferdinand CÉLINE, Ballet sans musique sans personne sans rien, Gallimard, Paris, 1959, p.197.

3 Stephan ZAGDANSKI, op.cit, .2013, p.20.

1 Louis-Ferdinand CÉLINE, op.cit., 1937, p.149.

2 Ibid., .p.147.

3 Ibid., p.76.

4 André GIDE, Essais critiques, Bibliothèque de la Pléiade, Paris, 1999, p. 302.

5André GIDE, « Les juifs, Céline et Maritain », NRF n° 295, Paris, 1er avril 1938.p.604.

6 Louis-Ferdinand CÉLINE, op.cit., .1937, p.132.

Ainsi, les Juifs sont la cause principale de toutes les guerres et les révolutions et il ira même à soutenir que

« Le monde est une société anonyme, un Trust dont les Juifs possèdent toutes les actions. Trust à filiales : La communiste… La Royaliste… La Démocratique et peut être bien La Fasciste6. ». Ce discours est argumenté par des livres, des lettres et des témoignages critiquant la machination des Juifs tels que : German Bolchevik Conspiracy1, The surrender of an empire2, ainsi que les Protocoles.

Il faut souligner que dès sa parution, le livre a été largement contesté par les historiens et les intellectuels, certains historiens tels que : Pierre Charles. Ce dernier est le premier à avoir mené une étude comparative entre Les Protocoles et Dialogue aux enfers entre Machiavel et Montesquieu3, à travers son étude critique intitulée «Les Protocoles des sages de Sion «4. Il démontre que dans Les protocoles « Le discours de Machiavel dans le dialogue est transposé ; l’internationale juive y remplace l’empereur des Français 5».

En effet, nous pouvons lire dans ce pamphlet des phrases qui font l’apologie au complot juif, ainsi qu’à la domination des autres peuples :

Quand nous aurons créé par tous les moyens cachés dont nous disposons à l’aide de l’or, qui est tout entier entre nos mains, une crise économique générale, nous lancerons dans la rue des foules entières d’ouvriers simultanément dans tous les pays d’Europe. (…) Elles ne toucheront pas les nôtres ; parce que le moment de l’attaque nous sera connu et que nous aurons pris des mesures pour garantir les nôtres (Quatrième Protocole)6.

Voire des phrases qui annoncent explicitement le projet de conquête par les Juifs et les francs-maçons, en précisant que « Les mêmes principes nous guideront qui ont donné à ce jour à nos sages la conduite des affaires mondiales. Nous dirigerons la pensée de toute l’humanité. (Vingt-Quatrième Protocole) 7».

Par la suite d’autres chercheurs et intellectuels se sont penchés sur le livre pour arriver à la conclusion que Les Protocoles des sages de Sion est un faux, créé de toute pièce par le journaliste russe Mathieu Golovinsk.

En étant sous la pression de l’Okhrana, la police secrète du Tsar, le journaliste aurait rédigé Les Protocoles en plagiant le Dialogue aux enfers entre Machiavel et Montesquieu, afin de justifier les pogromes en Russie entre 1881 et 1921.

Cette version a longtemps été acceptée par les historiens, notamment par Pierre-André Taguieff qui avait soutenu l’hypothèse de la falsification par Golovinsk dans son livre Les Protocoles des sages de Sion. Faux et usages d’un faux1.

En 2009, Il a fini par revenir sur ses affirmations dans l’hebdomadaire Marianne2. Le rôle de Golovinsk a aussi été contesté par d’autres historiens comme Michael Hagemeister dans son article The Protocols of the Elders of Zion: Between History and Fiction3.

Cependant, la question ne réside pas sur l’authenticité de Les Protocoles des sages de Sion, ou de sa paternité, mais sur les révélations avancées par ce livre, car avec le temps certaines d’entre elles se sont montrées véridiques avec le temps, comme nous le verrons dans le deuxième chapitre.

Ses sources ne se constituent pas seulement des détracteurs de la communauté juive, mais aussi des penseurs juifs et des personnalités influentes d’origine juive comme Blumenthal qui écrit dans le « Judisk Tidskrift » :

Notre race a donné au monde un nouveau prophète, mais il a deux visages et porte deux noms, d’un côté son nom est Rothschild, chef des grands capitalistes, et de l’autre côté Karl Marx, l’apôtre des ennemis du Capitalisme4.

Le pamphlétaire cite aussi le journal « Univers israélite » une revue mensuelle fondée en 1844 par Simon Boch et sous-titrée « Journal des principes conservateurs du judaïsme », ainsi que le Talmud, afin de démontrer une forme de racisme juif qui prend forme en France contre les Aryens, ce qui permet de considérer le pamphlet comme « Un véritable cri de révolte des indigènes 5».

Lors de la parution de Bagatelles pour un massacre, le pamphlet reçoit un succès retentissant dans le monde littéraire. Avec l’arrivée au pouvoir de Léon Blum, une nouvelle vague d’antisémitisme a vu le jour en France.

Celle-ci a joué un rôle crucial dans la vente du pamphlet, car sa sortie corrélait avec l’actualité sociopolitique de cette année. Quant à la presse, elle a encensé Bagatelles pour un massacre.

Une première depuis Voyage au bout de la nuit, du fait que Céline n’a reçu que des avis négatifs sur ses œuvres postérieures. Jules Rivet, journaliste dans Le Canard Enchainé déclarait que « Voici de la belle haine bien nette, bien propre, de la bonne violence à manches relevées, à bras raccourcis, du pavé levé à plein biceps ! […] C’est une barricade individuelle, avec, au sommet, un homme libre qui gueule, magnifiquement1. ».

Seules quelques critiques négatives se sont dressées contre le pamphlet, à l’instar de Ely Halpérine-Kaminsky qui consacre un ouvrage acerbe sur Céline intitulé Céline en chemise brune. Durant son analyse du texte célinien, il affirme que :

Pour rendre Céline inoffensif, il suffit de le démasquer. Ce qui est inadmissible c’est qu’il vende sa camelote nazie pour de la littérature originale. Ce qui est nécessaire, c’est de mettre en lumière qu’il ne s’agit pas ici d’art ou de psychologie, mais de propagande hitlérienne2.

Pendant cette période, Ferdinand Céline quitte le dispensaire de Clichy et déménage chez sa mère, rue Marsollier. Le succès de son pamphlet incite son éditeur à continuer sur la même lancée, c’est-à-dire publier un autre pamphlet polémique.

1 Edgar GRANT, German Bolchevik Conspiracy, Wentworth Press, Londre, 2016.

2 Nesta.H.WEBSTER, The surrender of an empire, Boswell Printing & Pub. Co ; 3rd edition, 1987.

3 Maurice JOLY, Dialogue aux enfers entre Machiavel et Montesquieu, A.Martens et fils, Bruxelles, 1864.

4 Pierre CHARLES, « Les Protocoles des sages de Sion », Nouvelle Revue théologique, vol. 65, 1938.

5 Loc.cit, p.967

6 Les Protocoles des Sages de Sion, cité dans : Saul FRIEDLÄNDER, « Hitler et les Juifs », In : Les Collections de L’Histoire, n° 3 (Auschwitz, la Solution finale), octobre 1998, p. 17.

7 Saul FRIEDLÄNDER, Loc.cit., p.18.

1 Pierre-André TAGUIEFF, Les Protocoles des sages de Sion. Faux et usages d’un faux, , Berg et Fayard, 2004, Paris.

2 Pierre-André TAGUIEFF, « Qui a fabriqué des textes antijuifs ? », Marianne, numéro du 19 décembre 2009 au 1er janvier 2010.

3 Michael HAGEMEISTER, « The Protocols of the Elders of Zion: Between History and Fiction », New German Critique, vol. 35, N° 1, printemps 2008.

4 « Judisk Tidskrift », N° 57, 1929, cité dans Louis-Ferdinand CÉLINE, op. cit., .1937, p.297.

5 Je suis Partout, 15 avril 1938, Cité dans David ALLIOT, op.cit., p.83-84.

1 Le Canard Enchaîné, 12 janvier 1938, Cité dans David ALLIOT, op.cit., p.86.

2 Ely Halpérine-KAMINSKY, Céline en chemise brune, Éditions Champ Libre, Paris, 1938, p.54.

Céline est favorable à l’idée, car il estime qu’il n’a pas terminé d’exposer le fond de sa pensée, plus particulièrement, à cause de la situation géopolitique en Europe. Une atmosphère d’hostilité règne entre les quatre grandes puissances en Europe (la France, l’Allemagne, l’Italie et l’Angleterre) bien que l’accord de Munich ait été signé par les dirigeants de ces pays, la guerre semble inévitable, comme l’indique Winston Churchill : « Ils devaient choisir entre le déshonneur et la guerre. Ils ont choisi le déshonneur, et ils auront la guerre1. »

Depuis 1937, Ferdinand Céline présageait cette guerre insensée. Bagatelles pour un massacre qui était un appel à la paix avant tout, n’a pas été pris en considération par les hommes politiques, ni par le peuple. Le pamphlétaire dans un excès de colère et une ultime tentative de sauver la France, ainsi que le peuple français de cette guerre, rédige L’École des cadavres.

Ce pamphlet peut être considéré comme le seul qui obéit aux caractéristiques de l’écriture pamphlétaire. Céline abandonne les ballets, les personnages, ainsi que le monologue intérieur.

Dans celui-ci, le pronom personnel « Je » est prédominant, les mots prononcés ne sont ni de Léon Gutman, comme dans Bagatelles, ni d’aucun autres personnage, mais bel et bien de Ferdinand Destouches. Quant à l’épaisseur du livre, il ne compte que 97 pages dans l’édition de 1942, ce qui est relativement court par rapport aux 250 pages de Bagatelles pour un massacre.

Le livre s’ouvre sur des lettres reçues par Céline de la part de ses détracteurs juifs, dont la colère ne cesse de s’intensifier à son égard, depuis la publication de son premier pamphlet. Les missives laissent rapidement place au discours virulent de Céline envers les Juifs et les hommes politiques qu’il qualifie d’ « enjuivés ».

Son discours n’évolue nullement de celui de Bagatelles pour un massacre et continue de crier au complot judéomaçonnique qui pousse le monde dans une catastrophe. À leur tête « Londres l’hypocrite qui garde la haute main, le pouvoir très absolu, (par l’Intelligence Service) de guerre et de paix2. ». Les francs- maçons sont aussi accusés de cette conspiration contre l’Aryen, puisqu’ils aident les Juifs dans leur quête de domination.

Il définit le Maçon comme « un Juif volontaire, un Juif synthétique. Enjuivé jusqu’au noyau, il n’appartient qu’aux Juifs, corps et âme. Il a cessé d’être aryen, d’être des nôtres, au moment précis où il se vendait aux Loges1. ».

Céline va encore plus loin envers les Maçons en les accusant d’avoir joué un rôle dans la Révolution française, ainsi que dans la décapitation de Louis XVI et Marie-Antoinette, où il affirme que :

Ce sont les Maçons aux ordres du Juif Ximenès qui ont fait guillotiner Marie-Antoinette et Louis XVI. La plus fantastique calomnie maçonnique jamais déclenchée par Israël et menée tambour battant, triomphalement, jusqu’à la lunette de Samson, juif2.

Cette théorie du complot a vu le jour, grâce au comte François-Henri de Virieu, un franc-maçon d’une loge martiniste qui dénonçait, sept ans avant le déclenchement de la Révolution française, un complot en cours que « ni la monarchie, ni l’Église ne pourraient en réchapper3 » et « [re] naîtra un demi- siècle plus tard, à l’avènement de la IIe République. Grâce à un «profane», Alphonse de Lamartine 4»

En guise de solution, Céline propose une coalition avec l’Allemagne nazie, ainsi que les pays fascistes, dans le but d’éviter une guerre perdue d’avance par la France, car il « trouve Hitler, Franco, Mussolini fabuleusement débonnaires, admirablement magnanimes, infiniment trop, à [son] sens, pacifistes bêlants pour tout dire5. » et confirme avec certitude que « Les États fascistes ne veulent pas de la guerre.

Ils n’ont rien à gagner dans une guerre. Tout à perdre6 ». Ce soutien envers Hitler et le national-socialisme est dû à sa visite de Berlin en 1933, lorsqu’il découvre la misère qui règne en Allemagne.

La situation de ce pays s’améliore de façon notable, en quelques années, grâce au programme du nazisme. C’est pourquoi, Céline affichait un soutien envers Hitler et le Fascisme qui « réalisent […] entre Aryens, sans or, sans Juifs, sans francs-maçons, le fameux programme socialiste, dont les youtres et les communistes ont toujours plein la gueule et ne réalisent jamais7 », car comme nous l’avons vu, le pamphlétaire s’est toujours tenu au côté du peuple.

Après, la Deuxième Guerre mondiale, l’auteur revient sur ses propos en déclarant que « j’ai péché en croyant au pacifisme des hitlériens -mais là se borne mon crime1. »

L’École des cadavres est aussi imprégné d’un racisme délirant proféré par Céline, qui est d’un tout autre degré de ce que les lecteurs de Bagatelles pour un massacre ont pu découvrir.

En effet, l’auteur porte par moment des propos ridicules qui frisent l’aliénation, certes l’auteur avait habitué les lecteurs à ses errements qui « contiennent un savoir existentiel 2» indéniable, sauf que dans celui-ci, le ton d’exagération frôle la folie, par exemple lorsqu’il décrit les Juifs comme « des monstres, des hybrides loupés, tiraillés, qui doivent disparaître.

Tout ce qu’ils trafiquent, tout ce qu’ils manigancent est maudit3.». La colère et la peur d’une nouvelle guerre entraînent Céline dans ce délire incongru qui altère son message pacifique, en le faisant passer pour un fou. Tous ses révélations et témoignages se voient balayés, par ce genre de phrases qui ne sont nullement à la hauteur de l’écrivain du Voyage au bout de la nuit.

Néanmoins, le pamphlétaire commente ses pamphlets en 1957 durant un entretien avec Louis-Albert Zbinden et fait une révélation capitale qui change radicalement la lecture de ses pamphlets polémiques, lorsqu’il déclare « J’ai accroché une secte qui n’était pas si déméritante que je l’ai dit peut-être, mais c’est un [… ]la preuve est à faire, elle se fera par l’histoire4. ».

Ainsi, les injures exprimées par Céline étaient destinées à un groupe de Juif qui formaient une secte et non pas toute à la communauté juive et il le confirme en ajoutant que « Je me trouve nulle part en conflit avec les sémites… y’a pas de raisons… mais qu’ils constituaient une secte comme les Templiers ou les Jansénistes5. ».

  • 1 Jean GUIFFAN, Histoire de l’Europe au XXe siècle, t. II : De 1918 à 1945 : de la fin de la Grande guerre à l’écroulement du nazisme, Bruxelles, Complexe, coll. « Questions au XXe siècle » (N° 72), 1995, p.252.
  • 2 Louis-Ferdinand CÉLINE, op.cit., 1938, p.26.
  • 1 Ibid., p.33.
  • 2 Ibid, .p.35.
  • 3 Charles-Albert Costa DE BEAUREGARD, Le Roman d’un royaliste sous la Révolution. Souvenirs du Comte de Virieu, Libraire Plon, Paris, 1982, p.44.
  • 4 Daniel LIGOU, « En retard d’une Révolution », Historia, N° 93, janvier-février 2005, p.01.
  • 5 Louis-Ferdinand CÉLINE, op.cit., 1938, p.22.
  • 6 Ibid., p34.
  • 7 Ibid., p.34.
  • 1 Louis-Ferdinand CÉLINE, op.cit., 2016, p.56.
  • 2 Milan KUNDERA, Les Testaments trahis, Gallimard, Paris, 1995, p.241.
  • 3 Louis-Ferdinand CÉLINE, op.cit., 1938, p.37.
  • 4 Le petit CELINIEN, Louis-Ferdinand CÉLINE : Entretien avec Louis-Albert ZBINDEN, Meudon, 1957 YouTube, 04 aout 2014, Consultée le 16 février 2020, URL : https://www.youtube.com/watch?v=3g-QDh7PlHY
  • 5 Ibid,.

Le pamphlet est mis en vente en octobre 1938, bien qu’il ne se différencie pas de Bagatelles pour un massacre, sur le fond, ainsi que sur la forme. L’École des cadavres reçoit une critique mitigée, la presse estime qu’il n’y’a aucune évolution dans ce nouveau pamphlet sur le plan des idées avancées par l’auteur et en résumé, c’est un sous – Bagatelles pour un massacre.

Le climat politique a aussi influencé l’insuccès du pamphlet, car le peuple français se préoccupe de plus en plus des événements politiques, en particulier, après l’abandon de la Tchécoslovaquie, par les Occidentaux à Hitler.

L’ombre de la guerre est plus présente et cette fois-ci, les élucubrations de Céline n’intéressent plus l’opinion publique. Une année après la publication du livre, Céline et Denoël décident de retirer les deux pamphlets de la vente et laissent en circulation Mea Culpa.

Durant la même année, la tension politique arrive à son paroxysme, Hitler envahit la Pologne. L’Angleterre et la France déclarent la guerre au IIIe Reich et une nouvelle guerre commence. Le massacre semble désormais inévitable.

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