La croissance et les secteurs de l’économie haïtienne

Croissance économique et dette extérieure en Haïti – Chapitre IV :
Avant son indépendance en 1804, la république d’Haïti fut l’une des colonies des plus riches de la France, grâce à sa vocation agricole.
Après son indépendance jusqu’à nos jours, le pays demeure toujours un pays à vocation agricole. Tout au long de son histoire, l’instabilité politique, la mauvaise gouvernance institutionnelle, les coups d’états se sont succéder à travers le temps, empêchant ainsi le pays d’emboiter le pas vers le développement.
Ce chapitre nous propose une rétrospective de l’analyse du PIB et de la dette extérieure haïtienne.
4.1. La croissance et les secteurs de l’économie haïtienne
Pour atteindre l’objectif d’un niveau de croissance économique élevé, il faut prioriser certaines filières en faisant un choix judicieux et intelligent, compte tenu de nos dotations en facteurs de production.
C’est l’économiste Ecossais Colin Clarke qui a eu l’idée de définir trois secteurs économiques principaux selon la nature de l’industrie, de même pour un pays : soit le secteur primaire qui concerne la collecte et l’exploitation directe de ressources naturelles; soit le secteur secondaire qui concerne les industries de transformation (agissant sur une matière) et le Secteur Tertiaire regroupant les industries du service.
A cet effet, analysons le PIB et ses différentes composantes selon la publication de l’Institut Haïtien de Statistique et d’Informatique (IHSI).

4.1.1. Evolution de la croissance du PIB

Dans les années 1960 et au début des années 1970, le pays a connu un climat relativement favorable du point de vue économique, avec des exportations qui ont atteint des niveaux records pour des produits tels que : le café, le cacao et le riz. Le secteur agricole et le secteur du tourisme était en pleine croissance. Ces deux secteurs ont été les véritables moteurs de croissance de l’économie.
Les prix de certains produits étaient en partie administrés par les magasins de l’Etat et le taux de change était fixé à 5 gourdes pour un dollar US ceci en fonction l’accord de 1919 signé avec le gouvernement des États-Unis.
Au cours des années 1990 marqué par l’embargo en 1994, l’économie a dû faire face à de sérieux problèmes ayant comme conséquences la chute de la production agricole accompagnée d’une croissance économique qui se ralentit.
De 2000 à 2014, le PIB per capita est passée de 462 $Us/habitant à 818 $US/habitant après avoir connu son niveau le plus bas en 2003 de 319 $US/habitant. Au cours de ces dernières décennies, un problème constant de croissance se pose dans l’économie haïtienne. Les efforts réalisés ne sont pas suffisant, ce qui fait que la courbe de croissance a toujours évolué en zigzag.
Graphe 2 : Evolution du PIB réel (MG) et son taux de croissance % (2000-2013)
économie haïtienne - Evolution du PIB réel (MG) et son taux de croissance % (2000-2013)
Source : MEF/BRH
Le début des années 2000 marqué par des fortes troubles socio-politiques en 2003 et 2004, fut une période observant une croissance plutôt faible, inférieur à 1% quand elle n’était pas négative. Pourtant la tendance observée annonçait la fin d’une croissance négative avec des taux de croissance de 1.8, 2.3% et 3.2% pour les années 2005, 2006 et 2007 respectivement.
Les effets de la crise alimentaire qui ont débouchés sur des émeutes de la faim paralysant ainsi les activités économiques, et les cyclones Fay, Gustav, Hanna et Ike qui se sont succédé en l’espace d’un mois, ont renoué le pays avec un taux de croissance à la baisse en 2008.
Après la traversée du désert de 2010, où le pays a connu le taux de croissance le plus bas (après celle obtenu lors de l’embargo en 1994, -11.9%) de ces 30 dernières années, -5.5%, conséquence du tremblement de terre qui a détruit le centre-ville de la capitale économique du pays. Les agents économiques tant du secteur public que privé se sont surpassés pour revitaliser l’économie.
Ainsi l’économie haïtienne a renoué avec la croissance au cours de l’exercice fiscal 2010-2011 avec une augmentation du PIB, de 5.5% mais le désengagement de l’État à accompagner le développement économique n’ont pas permis au gouvernement de maintenir la stabilité du taux de croissance sur le reste de la période.
Si les recettes de l’Etat ne s’accroissent et que le niveau de croissance économique est bas, alors la dette de l’État ne fera qu’augmenter.
La croissance et les secteurs de l’économie haïtienne

4.1.2. Analyse des secteurs de l’économie

C’est un truisme de dire qu’Haïti est un pays essentiellement agricole, l’agriculture occupe une place importante dans le PIB mais, de moins en moins à cause de la tertiarisation.
Donc le secteur primaire n’est pas le plus important qui alimente le PIB, d’où l’importance de l’analyse des autres secteurs dit secondaire et tertiaire.

4.1.2.1. Le secteur primaire

Selon la classification des comptes nationaux de l’Institut Haïtien de Statistiques et d’Informatique (IHSI), le secteur primaire regroupe l’agriculture, la sylviculture, l’élevage, la pêche et les industries extractives. Depuis plusieurs années, le secteur primaire est en décroissance. Sa contribution dans le produit intérieur brut s’amenuise de plus en plus.
Cela s’explique par la baisse continue de la production agricole. En raison des faiblesses structurelles qui la caractérisent et sous l’effet de la libéralisation de l’économie, l’agriculture est évincée et n’arrive pas à résister à la concurrence des produits importés.
On doit quand même retenir que le pays est toujours à la croisée des intempéries qui en général, provoquent d’énormes pertes. C’est un secteur à tendance irrégulière, tantôt à la hausse, tantôt à la baisse.
La part du secteur primaire dans le PIB était de 26% en 2005 mais à stagner à la baisse au cours de la période pour terminer avec un score de 22% en 2015. Sa contribution au PIB reste en moyenne de 25% sur les années compris de l’étude.

4.1.2.2. Le secteur secondaire

Ce secteur, regroupant, entre autres, les industries manufacturières (industrie d’assemblage, de transformation locale), électricité et eau, bâtiment et travaux publics, ne représente pas une grosse composante du PIB en raison de la faiblesse du niveau d’investissement en Haïti, que ce soit l’investissent direct étranger ou l’investissement local.
Le secteur industriel en Haïti est contrôlé par des compagnies sous-traitantes. Le plus fort pourcentage de ce secteur a été enregistré entre les années 1994 et 1995, passé de 22.23 à 30.39% soit un bond de 8.17%.
En ce qui concerne les industries textiles ou industries d’assemblage, elles demeurent de loin le secteur le plus important dans la structure des exportations haïtiennes, avec une contribution moyenne de plus de 50% aux exportations totales au cours des dix dernières années.
Toutefois, sa part s’est réduite à 33 % environ entre 2004 et 2009. C’est aussi l’un des principaux secteurs générateurs d’emplois (après la fonction publique) dans l’économie formelle, avec 25 000 emplois en moyenne.
L’industrie textile haïtienne devrait profiter de la loi Hope II ratifiée par le Congrès Américain en juin 2008 qui accorde une plus grande flexibilité que celle de Hope I (votée en 2007) en termes de réglementation d’origine pour les articles vestimentaires fabriqués en Haïti et expédiés aux États-Unis hors droits de douane jusqu’à l’équivalent de 70 millions de mètres carrés de tissus tissés pour tous types de vêtements et de 70 millions de mètres carrés de tricots originaires de pays tiers.
De plus, des sous-vêtements féminins, des pyjamas, des valises, des sacs à main et à dos, des casquettes et chapeaux en tissus peuvent être fabriqués en Haïti en quantité illimitée et ce quel que soit l’origine des tissus et matériaux utilisés.
Ces articles bénéficieront tous d’un accès hors droits de douane sur le marché des États-Unis d’Amérique. Sur la période étudié, ce secteur n’a pas contribué amplement à la croissance du PIB. Sa part du PIB reste en moyenne, autour de 17%.

4.1.2.3. Le secteur tertiaire

Regroupant selon les comptes nationaux, le commerce, restaurants et hôtels, transport et communications, autres services marchands et non marchands.
Le secteur tertiaire est celui qui supporte l’économie, c’est dans ce secteur qu’est effectué le plus de transactions économiques. Son poids représente en moyenne 58% des activités économiques. Sa contribution dans le PIB est donnée dans le tableau suivant.
Le graphe ci-dessous montre son apport dans le PIB où son ratio a toujours été plus élevé que ceux des deux autres. C’est le seul secteur à avoir connu une progression de plus de 50% sur toute la période.
Graphe 3 : Evolution des secteurs économiques en % du PIB de 2000 à 2013
Secteurs de l’économie haïtienne - Evolution des secteurs économiques en % du PIB de 2000 à 2013
Source : IHSI/DSE
Ce pays, qu’on disait essentiellement agricole, l’est de moins en moins aujourd’hui, les activités agricoles sont de plus en plus négligées par une très grande partie de la population, presque tout le monde se concentre vers le commerce. De nos jours, le pays enregistre un niveau d’exportation anémique alors que 72 % de la consommation intérieure globale provient des importations (IHSI, 2011).
Au sein de celles-ci, les denrées agricoles et produits alimentaires occupent une place grandissante. Haïti est devenu plus dépendante des États- Unis et de son voisin limitrophe, la République dominicaine, pour nourrir son peuple. Pour alimenter ses diverses sortes de commerce, Haïti importe dudit voisin pour près de 2 milliards de dollars de biens et services alors qu’il n’y exporte que pour 50 millions (MEF, 2011).
C’est la forme rurale de la tertiarisation de l’économie haïtienne. La tertiairisation haïtienne évolue sous une forme semi-formelle dans les zones urbaines avec des services très diversifiés tels que : restauration à l’ haïtienne (« chen janbe »), cybercafés (télécommunications et informatique), pharmacies, cabinets médicaux, laboratoires, multiservices (réparation de téléphone, photocopie, impression…), de micro-entrepreneurs ruraux (épiciers, détaillants de produits non-agricoles, etc.
Le commerce informel est un phénomène qui touche le pays entier. Contrairement à ce qu’on peut observer dans certains pays développés et émergents où la tertiairisation est dominée par des services aux entreprises de types : bureau d’études, cabinet de conseil, société d’ingénierie avec une prédominance de la technologie.
En Haïti, ce sont des services dominés par le commerce au gros et au détail qui n’exigent pas toujours un niveau élevé de qualification académique, encore moins de haute technologie. Donc, la tertiairisation contribue très faiblement en termes de qualité à l’augmentation de la valeur ajoutée nationale.
La tertiarisation de l’économie haïtienne est incapable de générer des économies d’échelle. Aussi, elle se concentre dans des activités commerciales qui pour leur part financent le déficit de la balance commerciale du pays à travers l’importation massive de produits étrangers.
Un exemple impressionnant est celui des vêtements déjà utilisés (pèpè). Le développement ce type de commerce est en contradiction avec l’évolution des métiers du textile haïtien. Le même exemple s’est répété dans l’agriculture, le pays devient de plus en plus dépendant de l’extérieur pour les produits alimentaires.
Il est important de noter en même temps que le commerçant haïtien n’est pas réellement un entrepreneur dans le sens où il ne crée ni n’adopte d’innovation technologique (sens schumpétérien du terme).
Dans le cas du commerçant haïtien, son choix s’apparente à une solution de facilité ou d’accommodation, il ne produit pas, et choisit d’importer des produits prêts à l’emploi et tire son profit. Si cette stratégie est rentable d’un point de vue microéconomique, elle est loin de l’être au niveau macroéconomique.
Cela nous permet de comprendre que ce poids élevé du tertiaire dans l’économie n’est donc pas une condition suffisante de création de richesse et de développement du pays et ne permet pas aux agents économiques de sortir de la pauvreté.

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