La presse écrite et audiovisuelle – Chapitre II :

« […] La mémoire des hommes dépend des groupes qui les entourent, des idées ou des images auxquelles ces groupes s’intéressent le plus. »
Maurice Halbwachs

A- La presse écrite

Le Hezbollah produit une série des magazines et des revues dans le contexte de complémentarité avec ses médias audio-visuels, qui constituent les outils de communication du parti avec ses partisans et avec ses adversaires. Cette communication « a constitué un des leviers centraux de sa stratégie si bien que son évolution se confond avec l’histoire du parti lui-même 141 ».
On note en premier lieu la revue Hebdomadaire Al-Ahed qui est considérée comme la porte-parole écrite du parti et dans laquelle on trouve les opinions politiques du parti ainsi que les analyses et les interprétations des événements politiques et sociaux sur la scène nationale et internationale, notamment celles qui sont en relation avec le Hezbollah.

1. L’hebdomadaire Al-Ahed (Le serment) :

Le nom de l’hebdomadaire Al-Ahed a changé plusieurs fois depuis sa création en 1984. Son site internet qui est fondé en 1999, est aujourd’hui géré par une équipe professionnelle de haute technicité, qui offre l’opportunité aux lecteurs internationaux de suivre les actualités de l’hebdomadaire, qui sont traduites en français, anglais et espagnole.
On trouve parmi les champs de ce journal : les actualités locales, celles qui concernent le monde arabo-musulman ainsi que les actualités internationales. Cependant, la version française du site est marquée par une différence de celle du site en langue arabe, pour prendre en considération la spécificité des lecteurs occidentaux.
Cette version, de taille un peu allégée, met en disponibilité des lecteurs, les résumés des discours du Nassrallah, les entretiens et les communiqués de presse des responsables du parti, en donnant une grande marge aux actualités occidentales, qui seront analysées du point de vue du Hezbollah.
En outre, Les actualités israéliennes occupent une place importante parmi les sections du journal. Elles sont regroupées dans une section intitulée : « l’œil sur l’ennemi », où on trouve toutes les informations et les articles de presse qui concernent les affaires politiques israéliennes publiés dans la presse internationale, mais on remarque une grande subjectivité dans le choix de ces articles par le journal, lequel essaye de choisir ceux qui critiquent les politiques israéliennes, et qui mettent l’attention sur la cause palestinienne et le conflit israélo-arabe.
À titre d’exemple, le journal a publié un article du quotidien israélien Haaretz, qui parle d’un nouvel aéroport israélien qui sera construit dans le désert en cas de guerre, qui sera une alternative de l’aéroport international Ben Gourion, et qui sera localisé hors de la portée du Hezbollah et du Hamas.
Ce type d’informations montre l’intention des responsables du journal de mettre en avance les affaires de l’ennemi, pour informer les lecteurs locaux et internationaux de la priorité du conflit contre les israéliens dans l’agenda du Hezbollah. Le lecteur a l’opportunité de voir le point de vue du parti à partir des caractères et des contenus des articles choisis142.
Al-Ahed offre des dossiers spéciaux qui servent à diffuser la propagande et l’idéologie du Hezbollah, comme celui qui contient des articles portant sur les personnes de la résistance : l’Ayatollah Khomeiny et la révolution islamique, le Cheikh Ahmad Yassine et son assassinat par les israéliens, la militante Dalal el Moughrabi , Moussa el Sader et Omar el Mokhtar, qui sont tous présentés comme des « héros » de la résistance libanaise dans l’histoire de la lutte contre l’occupant israélien, malgré la différence de leurs appartenances et de leurs identités.
La guerre contre Israël est le point commun entre toutes ces personnes héroïques qui ont marqué l’histoire du conflit israélo-arabe.
En addition, on observe les efforts accomplis par l’hebdomadaire pour conserver la mémoire de la résistance libanaise et la présenter au lecteur étranger dans sa propre langue, et dans un contexte moderne. Cela se manifeste par la publication des biographies et des récits des martyrs volontaires du parti comme Ali Ashmar, un martyr dans les vingtaines, qui a fait son opération de suicide volontaire à proximité de la frontière israélienne en causant plusieurs blessés et morts parmi les soldats israéliens.
Le journal promut cette opération accomplie le 20 mars 1996, dans le contexte politique de cette période durant laquelle une réunion des pays « americo- israéliens » a eu lieu à Sharm el Sheikh en Egypte pour « comploter sur la résistance et la nation » selon le journal, ce qui a stimulé le combattant Ashmar à accomplir son opération « pour renforcer la voie de la résistance ».
On remarque aussi l’importance dédiée au martyr Salah Ghandour, lequel « a offert son sang béni et son corps pur » à ses frères héros de l’Intifada de Hamas et de Djihad islamique, aussi à tous les martyrs opprimés qui ont été bombardés dans un immeuble à Gaza le 2/4/1995 ».
L’opération de ce combattant accomplie le 25/4/1995 a causé la destruction de plusieurs bâtiments militaires et la blessure de trente personnes dans l’attaque. L’article justifie l’importance d’une telle opération et raconte tous les évènements qui y ont suivi et leurs détails (carte militaire, bilan de l’opération, les communiqués de presse…), et il publie la biographie personnelle détaillée de ce martyr 143.
Enfin, on note la présence du dossier des dirigeants martyrs du Hezbollah, Ragheb Harb, Abbas Al-Moussawi, et Imad Moughneyeh qui sont « toujours vivants malgré leur martyrisme » selon les articles qui leur rendent hommage, et qui ajoutent que ces icônes du courage et du sacrifice, qui ont pavé par leur sang le chemin de la résistance libanaise, « vivent toujours en nous ». Ils présentent Abbas el Moussawi comme le gardien de la résistance et le maître des martyrs.
On y montre les témoignages des personnes proches de cette personne qui le décrivent comme un homme humble et modeste, menant une vie simple marquée par la discrétion, comme les héros et comme les combattants croyants qui ont sacrifié leur vie pour défendre leur chère patrie…On mentionne le verset coranique qui glorifie les martyrs : {Ne pensez pas que ceux qui ont été tués dans le sentier d’Allah, sont morts. Au contraire, ils sont vivants auprès de leur Seigneur, bien pourvus} [La Famille d’Imran/169].

2. Le Magazine Mahdi : la résistance dans les revues des enfants

La catégorie des enfants a sa place dans l’échelle des groupes concernés par le parti dans la mission de diffusion de l’idéologie, de la culture de résistance, et de la conservation de la mémoire de guerre, en prenant en considération la spécificité de cette catégorie.
La résistance et la guerre sont les deux thèmes principaux qui s’incarnent dans des personnages qui symbolisent les combattants du parti, dans le but de rapprocher ces deux thèmes au monde des enfants. Les productions qui visent les enfants comportent aussi l’idéologie de Hezbollah comme un sujet principal, qui fait le lien entre la légende de Karbala et la lutte contre l’occupant israélien.
Cependant, et après une observation et une analyse de plusieurs numéros du magazine « Mahdi », qui est le premier magazine spécialisé pour les enfants dans la société du Hezbollah, nous avons constaté la diffusion de la culture de la résistance libanaise même pour les enfants : le héros est un jeune combattant, vêtu de son habit militaire, se trouvant sur une colline et entre les arbres, et portant une bande jaune sur sa tête, ce qui symbolise son appartenance à la résistance Islamique.
Le magazine présente les pages en couleurs claires et convenables pour les mentalités des enfants, en s’éloignant des couleurs sombres. Dans l’affiche qui représente ce jeune combattant, l’expression fitiat al nasr (les jeunes de la victoire) se met en haut, le modèle de ce jeune combattant est perçu comme le modèle idéal des enfants : sa discipline, son ambition, sa fierté de devenir un combattant et un soldat de la résistance libanaise.
La presse écrite et audiovisuelle de la résistance libanaise - La presse écrite et audiovisuelle et la résistance libanaise - Les jeunes combattants de la victoire
Figure 8 « Les jeunes combattants de la victoire, » affiché sur l’un des numéros du magazine
À côté de ces affiches, on trouve des BD courtes qui racontent des évènements de la vie quotidienne des combattants, ou bien qui expliquent l’histoire de la résistance de façon très simplifiée.
On trouve aussi des jeux animés crées dans le but d’encourager les enfants à s’habituer au monde de la résistance, comme un jeu qui demande aux enfants de colorier les matériaux que le combattant utilise durant son combat : les bombes, les Kalachnikovs, et les fusils, etc.
Tous ces matériaux se présentent dans un contexte qui reflète la nature militaire du lieu dans lequel se déroule le jeu.
Un autre jeu pour les enfants, destiné aux plus jeunes, dans lequel l’enfant doit suivre le chemin dessiné pour le combattant, qui sera un enfant aussi vêtu de l’habit militaire, pour l’aider à arriver à la caserne israélienne et y positionne le drapeau du Hezbollah comme un signe de victoire.
En effet, Plusieurs numéros racontent l’histoire de la guerre de juillet 2006144, en abordant les détails de souffrance des enfants durant cette guerre et la peur causée par le bruit des avions et par les bombardements. On invite les enfants aussi à rédiger des petits récits sur la résistance et à retenir les mots des chants du parti.
Le magazine a été le sujet de plusieurs critiques, en l’accusant de promouvoir la culture de guerre chez les enfants, ce qui est considéré comme une mauvaise exploitation de leurs innocences pour servir des buts politiques au Hezbollah.
Sur ce point et après un article de presse publié par l’AFP, le responsable du magazine Abbas Charara a dénoncé une mauvaise falsification par cette agence de presse du contenu d’un entretien fait avec lui, en déclarant qu’elle a utilisé une petite partie de l’entretien, dans laquelle il a expliqué la politique du magazine à travers l’utilisation des thèmes de guerre et de résistance parmi les sujets abordés.
Selon l’article publié, l’auteur considère que « les héros, les princes et les princesses des enfants du Hezbollah sont des combattants qui résistent contre l’ennemi israélien »145, en accusant le magazine de son intention d’enseigner la nouvelle génération « l’idéologie de la haine contre l’Etat juif ».
De son côté, Charara affirme que leur but est d’apprendre aux enfants les valeurs de la résistance, en les encourageant à résister comme les combattants qui ont obtenu la victoire, mais en les invitant à commencer ce trajet à travers leur éducation en premier lieu 146.
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141 LAMLOUM (O), AL-Jazeera, miroir rebelle et ambigu du monde arabe, La Découverte, 2004, P. 22
142 « Israël » : Un nouvel aéroport dans le désert en cas de guerre, publié sur le site web de l’hebdomadaire Al-Ahed, [Enligne], parue le 10/12/2014, disponible sur ce lien : http://www.french.alahednews.com.lb/essaydetails.php?eid=13596&cid=293#.VLPnQ5x8La [consulté le 20/12/2014]
143 L’opération du martyr Salah Ghandour (25-4-1995), article publié sur le site web d’Al-Ahed, disponible sur ce lien : http://www.french.alahednews.com.lb/essaydetails.php?eid=4156&cid=330#.VLP0tpx8LaE , [consulté le 21, 01,2015]
144 Numéros disponibles sur le site Web du magazine : < http://www.mahdimagazine.net/> [Consulté le 24/01/2015]
145 Mohamad Ali Harissi, AFP, « In Hezbollah children magazine, not fairies but fighters”, le 2/12/2014, disponible sur ce lien https://uk.news.yahoo.com/hezbollah-childrens-magazine-not-fairies-fighters-034843510.html#LIetx1v , [consulté le 21/01/2015]
146 Ibid.

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