Étude universitaire (2005) sur le polyhandicap : définitions, origines et symptômes. Analyse d’une technique éducative innovante de soutien de la main sur écran tactile permettant l’apprentissage et l’accès à l’informatique des personnes polyhandicapées.
Université De GENEVE
Faculté de Psychologie et des Sciences de l’Education
Section des Sciences de
l’Education Cursus Recherche et Intervention Education Spéciale
Mémoire de licence
Une technique de soutien de la main sur écran tactile avec des personnes présentant un polyhandicap.
Fidélité et effets d’apprentissage.
Joséphine Duc
Laurence Gauchat
Membres de la commission :
Prof. Fredi Peter Büchel (Directeur)
André Baechler
Dr. Marco G. P. Hessels
Février 2005
Introduction
Notre recherche s’est focalisée sur une méthode d’apprentissage destinée aux personnes présentant un polyhandicap. Ces personnes ont des besoins particuliers dans de nombreux domaines et subissent une réduction extrême de leur autonomie, ce qui entraîne une grande dépendance au niveau de tous les actes de la vie quotidienne.
Malgré ces caractéristiques, il est reconnu que les personnes présentant un polyhandicap peuvent s’inscrire dans un processus d’apprentissage. La plupart des méthodes dites « éducatives » ou « thérapeutiques » qui leur sont destinées sont fondées sur le principe d’une stimulation motrice ou sensorielle.
La particularité de la méthode de soutien de la main sur écran tactile, qui a été l’objet de notre recherche, est qu’elle combine deux aspects complémentaires. Elle prend en compte l’aspect moteur, mais aussi l’apprentissage cognitif, ce qui n’est pas le cas de toutes les méthodes éducatives destinées aux personnes présentant un polyhandicap, même s’il est actuellement reconnu que ces personnes ont aussi des besoins cognitifs.
Depuis quelques années, l’utilisation de l’informatique dans le contexte éducatif s’est généralisée et de plus en plus de programmes ont été conçus pour les personnes présentant un handicap mental.
L’accès à l’informatique reste cependant toujours très limité en ce qui concerne les personnes polyhandicapées. La technique de soutien de la main a précisément pour but de leur permettre l’accès à l’ordinateur en facilitant l’utilisation de l’écran tactile, grâce à une aide physique apportée par un médiateur.
Pendant environ quatre mois, nous avons suivi quatre personnes présentant un polyhandicap et résidant au centre médico-éducatif La Castalie. Pour chacun d’eux, nous avons assisté à une dizaine de séances individuelles à l’écran tactile avec soutien de la main.
Le centre médico-éducatif La Castalie, dans lequel nous nous sommes rendues, est une institution accueillant des personnes vivant avec un handicap mental. Il offre un cadre de vie et de formation adapté à des enfants, adolescents et jeunes adultes jusqu’à 23 ans, dont l’efficience intellectuelle et l’adaptation sociale peuvent être limitées par un handicap mental, neurologique, affectif ou relationnel, ainsi que des adultes polyhandicapés sans limite d’âge ni de handicap.
Ce sujet nous a particulièrement intéressées pour plusieurs raisons. Nous avions toutes les deux déjà eu l’occasion de travailler avec des personnes présentant un polyhandicap et cela nous a plu de pouvoir renouveler cette expérience très enrichissante.
Nous avons également été séduites par le fait que cette recherche pouvait avoir un impact direct sur les suites données à la méthode étudiée. Nous trouvions intéressant de pouvoir collaborer avec un établissement renommé comme La Castalie et d’avoir la possibilité d’intégrer une équipe de professionnels afin d’étudier une pratique effective.
De plus, nous avons été attirées par l’aspect quelque peu innovateur de cette méthode et avons été enthousiastes de pouvoir apporter notre contribution à son développement.
Partie théorique
1. Le polyhandicap
1.1 Définition du polyhandicap
La multiplicité des termes utilisés pour désigner la notion de polyhandicap, l’évolution incessante du vocabulaire indique que ce concept touche à une réalité complexe, qu’il n’est pas facile de cerner de façon satisfaisante. Néanmoins, voici les définitions qui nous paraissent tenir compte de cette réalité.
Le groupe de travail du Centre Technique National d’Etudes et de Recherches sur les Handicaps et les Inadaptations [CTNERHI], dirigé par le Dr Zucman, définissait en 1985 ce concept comme « un handicap grave à expressions multiples, associé à une restriction extrême de l’autonomie et une déficience intellectuelle sévère ».
Ce groupe de travail considère dans sa dernière définition que le polyhandicap peut être défini comme « une association de déficiences graves avec retard mental moyen, sévère ou profond, entraînant une dépendance très importante à l’égard d’une aide humaine et technique permanente proche et individualisée » (1995). Cette définition a évolué dans le sens où, en 1985, elle faisait uniquement référence à la déficience intellectuelle.
Dans la circulaire du 6 mars 1986, l’accent est mis sur la déficience mentale sévère comme handicap dominant : « un handicap grave à expressions multiples chez lequel la déficience sévère est associée à des troubles moteurs, entraînant une restriction extrême de l’autonomie. » (Pandelé, 1991).
Le Groupe Romand pour la personne Polyhandicapée Profonde [GRPP] donne également en 1990 une nouvelle définition de la notion de polyhandicap : « Il s’agit de personnes qui, dans tous les domaines principaux (psychomoteur, affectif, communication, social et cognitif) souffrent de déficits extrêmes. ». Le GRPP est sur le point d’élaborer une nouvelle définition, qui devrait vraisemblablement voir le jour en 2005.
Nous retiendrons comme définition de base plus particulièrement celle du décret du 29 octobre 1989, instituant la fameuse annexe 24 Ter consacrée aux enfants et adolescents polyhandicapés : « un handicap grave à expression multiple, associant déficience motrice et déficience mentale sévère ou profonde, entraînant une restriction extrême de l’autonomie et des possibilités de perception, d’expression et de relation ».
A la lecture de cette dernière définition, on peut constater la disparition d’un handicap dominant et l’apparition d’un handicap unique, dont la particularité est la coexistence des déficiences motrices et mentales (Pandelé, 1991).
Une nouvelle définition a entre-temps été adoptée par le conseil d’administration du Groupe Polyhandicap France, qui définit la notion de polyhandicap comme suit :
Situation de vie spécifique d’une personne présentant un dysfonctionnement cérébral, précoce ou survenu en cours de développement, ayant pour conséquences de graves perturbations à expressions multiples et évolutives de l’efficience motrice, perceptive, cognitive et de la construction des relations avec l’environnement physique et humain.
Il s’agit là d’une situation évolutive d’extrême vulnérabilité physique, psychique et sociale au cours de laquelle certaines de ces personnes peuvent présenter de manière transitoire ou durable des signes de la série autistique. (D. Wolf, communication personnelle, 16 novembre 2004)
Au niveau symptomatologique, le Groupe Polyhandicap France souligne que ces personnes présentent des déficiences à plusieurs niveaux.
Tout d’abord, ces personnes sont atteintes d’une déficience intellectuelle qui entraîne des difficultés à se situer dans le temps et dans l’espace ainsi que des difficultés de mémorisation, des troubles de raisonnement, de mise en relation des situations entre elles et qui entraîne le plus souvent l’absence de langage ou un langage très rudimentaire. Toutefois, sont souvent préservées les possibilités d’expressions des émotions, de contact avec l’environnement.
Les troubles moteurs sont également pratiquement constants. Les différentes déficiences motrices observées sont : l’Infirmité Motrice Cérébrale, l’hypotonie massive, des troubles de l’organisation motrice, ainsi que des troubles moteurs secondaires.
En outre, l’épilepsie atteint quarante à cinquante pourcent des sujets polyhandicapés et, dans un cas sur cinq, ces épilepsies sont difficiles à équilibrer. Pour terminer, les troubles sensoriels font très souvent partie des problèmes invalidants de la personne polyhandicapée, surtout lorsqu’elle avance en âge. Il s’agit principalement des troubles de l’audition et de la vision. (Euforpoly, 2001).
Le Groupe Polyhandicap France ajoute que la situation complexe de la personne polyhandicapée, pour son éducation et la mise en place de son projet de vie, nécessite « le recours à des techniques spécialisées pour le suivi médical, l’apprentissage des moyens de relation et de communication, le développement des capacités d’éveil sensori-moteur et intellectuelles, l’ensemble concourant à l’exercice d’autonomies optimales. » (D. Wolf, communication personnelle, 16 novembre 2004).
1.2 Les causes du polyhandicap
Le polyhandicap, atteinte cérébrale grave, touche plusieurs domaines de l’activité neurologique (intelligence, motricité, sensorialité). Il réalise des associations cliniques très diverses.
Son origine est une agression cérébrale durant la période de développement du système nerveux central, c’est-à-dire durant les deux ou trois premières années de la vie de l’individu. Les causes du trouble cérébral peuvent être d’origine génétique ou acquise et peuvent remonter aux périodes pré-, péri- ou post-natales.
Chez trente à quarante pourcent des enfants polyhandicapés, aucune cause ne peut être actuellement trouvée.
Il est probable qu’une grande partie d’entre elles soit génétique et concerne des gènes du développement du cerveau. Il est également important de souligner que « les handicaps sévères profonds sont souvent le résultat d’une somme d’événements. Il faut donc se distancier de l’idée d’une origine monocausale. » (Fröhlich, 1993, p.12).
En effet, il est probable que dans de nombreux cas, plusieurs causes cumulent chez la même personne. Ces lésions touchent les systèmes cérébraux qui dirigent et coordonnent la perception, le mouvement et l’intégration. Il est ainsi possible de trouver les causes du fonctionnement anormal pour la plupart des personnes.
Mais pour cela, il est indispensable que la personne soit suivie par une équipe spécialisée de neurologie pédiatrique le plus régulièrement possible. C’est une recherche attentive qui pourra permettre de trouver les causes à l’origine de la déficience.