Antagonisme réductible : Gestion d’affaires et Société créée de fait

Un antagonisme réductible entre gestion d’affaires et société créée de fait – Titre premier :
15. – De prime abord, la distinction entre gestion d’affaires, et société créée de fait semble nettement relayée sur un plan formel. En effet, on estime traditionnellement que la gestion d’affaires s’intègre dans la catégorie des faits juridiques, à l’inverse de la société créée de fait, qu’on rattache à celle des actes juridiques.
Plus avant, cette distinction se mue en opposition, si on envisage cette catégorisation comme summa divisio, autour de laquelle s’articulent des sous-catégories ayant vocation à rationnaliser et systématiser l’ensemble du droit des obligations. (Chapitre premier).
Ainsi, il pourrait paraître vain de tenter de rapprocher deux mécanismes s’inscrivant chacun dans un volet de la distinction, tant celle-ci est, dans l’esprit des juristes, vectrice de divergences. Néanmoins, nous monterons que cette opposition doit, en l’occurrence, être relativisée (Chapitre second.)

Chapitre premier : L’opposition formelle entre gestion d’affaires et société créée de fait

16. – On enseigne traditionnellement, comme règle de base de toute classification, que celle- ci est gouvernée par une summa divisio, division fondamentale au sein de laquelle tout élément à qualifier doit avoir une place, et ne peut avoir qu’une place. Or, cette impossibilité d’ambivalence au sein des catégories destinées à structurer une matière marque bien le rapport antagoniste que celles-ci sont censées entretenir.
Il en va ainsi, en droit des obligations, de la distinction de l’acte juridique et du fait juridique. Ainsi, de la même manière que l’acte s’oppose au fait, la société créée de fait devrait s’opposer à la gestion d’affaires, puisqu’en effet, parmi les actes juridiques, le plus emblématique semble être le contrat, et c’est au sein du Titre IX du Livre III consacré au contrat de société, que le Code civil réglemente en l’article 1873, la société créée de fait, comme espèce de ce genre spécifique (Section première ).
La gestion d’affaire, quant à elle, s’inscrit, en tant que quasi-contrat, dans le volet opposé du fait juridique, traitée par le codificateur dans le Titre IV de ce même livre intitulé « Des engagements qui se forment sans convention. » (Section seconde).

Section 1 : La société créée de fait, une variété d’acte juridique

17. – Comme nous l’avons évoqué, la société créée de fait s’insère dans la catégorie du contrat de société, variété d’acte juridique. Cette appartenance formelle, liée à l’insertion de la réglementation de la société créée de fait, au sein des dispositions relatives au contrat de société, est relayée par les conditions posées par la Cour de Cassation quant à la reconnaissance de l’existence de ce groupement.
En effet, celle-ci a eu l’occasion d’affirmer que « l’existence d’une société créée de fait exige la réunion des éléments constitutifs de toute société »20.
Ainsi, une société créée de fait ne peut accéder à cette qualité qu’à la condition de s’inscrire dans la matrice de la société en tant que genre, qui, d’après l’article 1832 du Code civil, « est instituée par deux ou plusieurs personnes qui conviennent par un contrat d’affecter à une entreprise commune des biens ou leur industrie en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l’économie qui pourra en résulter », tout en s’engageant à contribuer aux pertes éventuelles.
18. – Pour autant, cette définition ne rend qu’imparfaitement compte d’une réalité juridique plus complexe. Elle fonde en effet la société sur le contrat, et il s’agit bien là de la conception traditionnelle de la notion, qui veut que celle-ci trouve avant tout sa source dans l’accord de volonté des futurs associés.
Mais cette vision des choses a pu être critiquée, certains auteurs estimant qu’une telle conception apparaissait comme une description trop réductrice du phénomène social, qui se concevrait davantage comme une institution21. La situation de société engendre en effet l’application d’un corpus de règles exclusives de la volonté des parties, et dérogatoires aux principes mêmes qui sous-tendent la philosophie contractuelle.
Entre ces deux positions extrêmes, un consensus semble s’être établi au sein de la doctrine. De l’avis d’un auteur, celle-ci « se détourne de cette discussion théorique [et] considère que la société naît d’un contrat par lequel les fondateurs concluent un acte de société et qu’elle devient ensuite une institution dont l’organisation et le fonctionnement sont régis par des règles auxquelles ses membres ne peuvent échapper. »22
19. – Mais cette discussion apparaît d’autant plus académique dans le cadre de la société créée de fait, que l’essentiel des dérogations évoquées, trouve application en matière de sociétés personnes morales.
Or, le groupement qui nous intéresse ici en est dépourvu, et on constate ainsi que sa constitution comme son fonctionnement s’établissent globalement selon une logique contractuelle. Par conséquent, c’est donc dans la voie classique que nous nous inscrirons au sein de cette étude.
20. – Cette définition laisse alors apparaître une césure au sein des conditions d’existence de toute société. En effet, d’une part, trouvant sa source au sein d’un contrat, la société créée de fait ne saurait dès lors exister que moyennant le respect des exigences de droit commun présidant à la validité de toute convention, telles que recensées au sein de l’article 1108 du Code civil23.
Mais, d’autre part, ce dénominateur commun ne permettrait pas de rendre compte de la spécificité inhérente à la situation envisagée, laissant ainsi transparaître la nécessité de réunir en sus d’autres conditions permettant d’en faire part.
21. – Au final, de l’ensemble de ces éléments, on s’accorde à considérer que cinq sont particuliers à la situation de société, soit qu’ils soient spécifiques à cette circonstance, soit qu’ils s’éclairent d’un jour nouveau dans le cadre de ce contrat, et devront être réunis cumulativement pour en permettre l’existence, que l’on peut regrouper en éléments matériels (§1), et intentionnels (§2).

22 D. Gibirila, Société-Dispositions générales-Constitution de la société-Contrat de société, Fascicule Litec n° 10, 2006, n°4.
23 Lequel exige « Le consentement de la partie qui s’oblige ; Sa capacité de contracter ; Un objet certain qui forme la matière de l’engagement ; Une cause licite dans l’obligation. »

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Mémoire de fin d’études – Master 2 Contrat et Responsabilité
Université de Savoie Annecy-Chambéry

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