Les élites locales et les mesures d’aide aux chômeurs durant la crise des années 1930 à Drummondville

Université Du Québec

Mémoire présenté à l’université du Québec à Trois-Rivières

comme exigence partielle de la maîtrise en études québécoises

Les élites locales et les mesures d’aide aux chômeurs  durant la crise des années 1930 à Drummondville

Les élites locales et les mesures d’aide aux chômeurs

durant la crise des années 1930 à Drummondville

par MAUDE ROUX-PRATTE

OCTOBRE 2002

Remerciements

Je tiens d’abord à remercier mon directeur, Yvan Rousseau, pour sa grande disponibilité, ses encouragements généreux et sa confiance.

Il a su calmer mes inquiétudes, souvent, et m’aider, par des conseils judicieux, à dénouer les impasses intellectuelles auxquelles pareille recherche donne lieu. Toute ma gratitude aussi à mon co-directeur, Claude Bellavance, pour l’intérêt spontané qu’il a porté à mon travail et pour ses remarques précieuses.

Je suis également reconnaissante à mes collègues de classe, notamment Caroline Coulombe, Annie Desaulniers et Martine Tousignant, pour leur soutien moral et leurs suggestions toujours appréciées. Toujours à l’université, je ne pourrais passer sous silence les bons mots et l’estime palpable de France Normand et Lucia Ferretti, dont les avis éclairés m’ont beaucoup nourrie.

Un grand merci à mes parents, mon conjoint et ma famille pour leur support de tous les instants, leur fierté et leur rôle de premiers lecteurs, tellement important.

Enfin, je veux souligner l’aimable collaboration de Brenda-Lee Leblanc, à la Société historique de Drummondville, et l’appui financier majeur du Fonds pour la formation de chercheur(e)s et l’aide à la recherche (FCAR).

Résumé

Auparavant pris en charge par des réseaux privés d’assistance, les chômeurs se retrouvent en nombre sans précédent durant la crise des années 1930, forçant ainsi l’État à légiférer dans un nouveau domaine d’intervention.

Les gouvernements fédéral et provincial conçoivent en effet de vastes programmes d’aide (secours directs et travaux publics), dont ils laissent cependant la gestion et les modalités d’application aux municipalités.

Ces dernières élaborent aussi des mesures parallèles (aménagement de bureaux de placement, système de cartes d’identité, etc.).

En fait, la décentralisation des politiques gouvernementales crée une situation dans laquelle la gestion des mesures d’assistance revient aux élus municipaux et aux associations, dont la Chambre de commerce et la Ligue des propriétaires, qui partagent les pouvoirs des autorités locales.

En effet, la présente étude démontre que, malgré des tensions palpables, les organisations qui participent à la mise en œuvre des politiques d’aide aux chômeurs entretiennent principalement des rapports de coopération, du moins dans ce contexte précis.

Cette collaboration, qui prend diverses formes!-par exemple, la consultation des organismes au sujet des mesures sociales-,!est avantageuse pour chacune des parties en présence.

Les enjeux sont nombreux pour les notables locaux: maintenir la bonne réputation de la ville, s’assurer que les chômeurs puissent payer leur loyer, etc.

Cette recherche, qui prend pour terrain d’enquête Drummondville, s’intéresse à l’organisation des mesures d’aide aux chômeurs dans cette ville moyenne, ainsi qu’aux acteurs qui participent à l’élaboration et à l’application de ces politiques.

Dans un premier temps, nous abordons les effets de la crise à Drummondville, notamment la situation du chômage dans cette localité.

Nous étudions ensuite les différentes politiques d’assistance et le rôle majeur de la municipalité dans ce dossier. Puis, il est question des responsables des mesures de secours, à la fois les conseillers municipaux et les dirigeants d’associations qui collaborent avec eux dans cette entreprise.

Enfin, nous analysons les rapports qui s’établissent entre les différentes organisations qui participent à la mise en œuvre des politiques d’aide aux chômeurs dans la cité.

Introduction

À une époque où le néolibéralisme affirme à grands cris les vertus du laissez- faire économique et dénonce l’intervention des gouvernements dans les domaines sociaux, les études se multiplient sur la crise de l’État providence.

Dans un tel contexte, il apparaît pertinent de poser à nouveau un regard sur la grande dépression des années 1930, comme une charnière dans le développement des politiques sociales, au Canada et ailleurs en Occident.

Durant la crise, les chômeurs et les démunis sont en nombre croissant et appellent un plus grand interventionnisme de l’État. En fait, les trois paliers de gouvernement (fédéral, provincial et municipal) sont amenés à élaborer et à gérer des programmes sociaux pour venir en aide aux populations touchées par la situation économique.

De toutes les provinces, c’est d’ailleurs le Québec qui demande aux municipalités l’effort le plus important sur le plan financier1.

À ce jour, l’élaboration et la mise en œuvre des premières mesures d’assistance publiques ont surtout été appréhendées selon des perspectives d’analyse privilégiant le point de vue de l’État central. En revanche, les réalités locales sont moins connues.

Quelles étaient les responsabilités du gouvernement municipal en matière d’aide aux chômeurs?

À quels niveaux se situe l’intervention du monde associatif?

Quelles relations développent les autorités politiques locales et les dirigeants d’associations?

Quels sont les enjeux locaux associés à la mise en œuvre des mesures d’assistance, à l’allocation des ressources?

1 Rapport Rowell-Sirois, cité dans Gonzalve Poulin, L’assistance sociale dans la province de Québec,  1608-1951, Québec, Commission royale d’enquête sur les problèmes constitutionnels, annexe 2, 1955, p.76.

Certes, les politiques d’aide aux chômeurs sont conçues par le gouvernement fédéral. Toutefois, une large part de la gestion et du financement de ces politiques revient aux municipalités.

En effet, les gouvernements locaux peuvent déterminer les critères d’admissibilité, décider des montants accordés aux familles et mettre sur pied des mesures d’assistance parallèles: par exemple, établir un bureau de placement.

Ainsi, les élites locales, à l’intérieur de lieux d’intervention comme le conseil de ville et différents groupes d’intérêts, peuvent façonner les politiques sociales et participer à la mise en place des nouveaux mécanismes de l’assistance publique.

Pour apporter un éclairage nouveau sur ces questions, l’étude du cas de Drummondville paraissait tout indiquée. Cette petite ville québécoise, comme tant d’autres, connaît un essor important durant l’entre-deux-guerres, avec tous les bouleversements que l’industrialisation provoque sur les réalités sociales.

Drummondville devient au cours de cette période une ville ouvrière et industrielle, qui attire en son sein de nombreux ruraux et citadins en quête d’emploi.

Avec la crise, ces nouveaux venus continuent à affluer vers la Ville de la Soie2 et confrontent les autorités locales à la recherche de solutions pour endiguer un chômage grandissant.

Les objectifs principaux de ce mémoire sont les suivants: cerner le rôle de la municipalité dans l’organisation des mesures d’aide aux chômeurs et analyser les rapports qu’entretiennent les différents acteurs impliqués dans la mise en œuvre de ces politiques.

2 On a surnommé Drummondville ainsi en raison de la prédominance des industries textiles sur son territoire.

Le premier chapitre situe le mémoire dans un cadre plus large et définit l’angle de cette recherche. Nous présentons d’abord l’évolution des politiques sociales durant l’entre-deux-guerres et l’état de la question, pour ensuite préciser la problématique et les grands traits de la méthodologie.

Puis, un court chapitre expose les impacts socio-économiques de la dépression à Drummondville, de même que la situation du chômage et le portrait des chômeurs. Cette seconde partie se termine par un bref survol des doléances exprimées par des personnes sans emploi au conseil de ville.

Le troisième chapitre traite des mesures d’aide aux chômeurs à Drummondville. Le rôle des sociétés de bienfaisance y est d’abord abordé, surtout pour montrer le déclin des anciennes formes d’assistance et la nécessité de mettre en place des mesures sociales publiques plus efficaces en cette période de crise. Nous abordons ensuite l’organisation de ces politiques, leur financement et les critères d’admissibilité qui prévalent.

Il s’agit de mettre en relief le rôle majeur qu’est appelée à jouer la municipalité dans ce nouveau domaine d’intervention.

Le quatrième chapitre dresse le portrait des acteurs liés à la mise en œuvre des mesures d’assistance, à l’intérieur des principaux lieux d’intervention (conseil de ville, sociétés de bienfaisance et groupes d’intérêts) qu’ils investissent dans ce contexte.

Nous analysons aussi les réseaux de relations qui s’établissent entre les organisations étudiées.

Enfin, le dernier chapitre met en scène ces acteurs, en portant attention aux rapports de collaboration et aux tensions qui tendent à s’exprimer entre le conseil de ville et les groupes d’intérêts qui participent à l’élaboration et à l’application des politiques sociales.

Nous proposons en terminant quelques hypothèses pour expliquer la prédominance de ces relations de coopération.

Table des matières

Introduction 1
Chapitre I: Les mesures d’aide aux chômeurs et leurs acteurs: le cas de Drummondville 5
1.1 La mise en place des politiques sociales durant l’entre-deux-guerres 5
1.2 Une étude localisée 10
1.3 Drummondville comme terrain d’enquête 16
1.4 Les sources 21
Chapitre II: La crise, le chômage et les chômeurs 25
2.1 La situation économique et les finances municipales 26
2.2 Le problème du chômage 30
2.3 Les salaires et le coût de la vie 36
2.4 Le profil des chômeurs et chômeuses 39
Chapitre III: Les mesures d’aide aux chômeurs 44
3.1 L’aide distribuée par les sociétés de bienfaisance 45
3.2 Les mesures d’assistance publique 49
3.2.1 Les secours directs 49
3.2.1.1 Bons distribués, bons remboursés 50
3.2.1.2 Accès limité 57
3.2.1.3 Contribution financière plus mince que promise 59
3.2.1.4 Travaux compensatoires 61
3.2.2 Les travaux publics 65
3.2.3 Les cartes d’identité et le bureau de placement 71
Chapitre IV: Acteurs, organisations et réseaux 76
4.1 Les organisations et leurs dirigeants 77
4.1.1 Le profil général des acteurs 78
4.1.2 Le conseil de ville 81
4.1.3 Les sociétés de bienfaisance 84
4.2.2.1 Société Saint-Vincent de Paul 85
4.2.2.2 Amicale de la Présentation 87
4.1.4 Les groupes d’intérêts 89
4.2.3.1 Association des manufacturiers canadiens 89
4.2.3.2 Chambre de commerce 92
4.2.3.3 Ligue des propriétaires 95
4.2 Les réseaux de relations 98
Chapitre V: Les relations entre le conseil de ville et le monde associatif 105
5.1 Les sources de conflit 106
5.1.1 Les sujets de discorde avec les propriétaires 106
5.1.2 La résistance des manufacturiers 111
5.2 Les formes de collaboration 113
5.2.1 La consultation des associations 114
5.2.2 L’union fait la force 116
5.2.3 Un droit de parole dans des assemblées politiques 118
5.2.4 Une participation directe à l’application des mesures d’assistance 119
5.2.4.1 Siéger sur les comités du conseil de ville 120
5.2.4.2 Gérer les mesures d’assistance 122
5.3 Une collaboration intéressée 123
5.3.1 Une juste représentation des groupes sociaux 123
5.3.2 Un équilibre entre les intérêts de la municipalité et des associations 125
5.3.3 Préserver une image positive aux yeux des entrepreneurs 126
Conclusion

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
Les élites locales et les mesures d’aide aux chômeurs durant la crise des années 1930 à Drummondville
Université 🏫: Mémoire présenté à l’université du Québec à Trois-Rivières comme exigence partielle de la maîtrise en études québécoises
Auteur·trice·s 🎓:
MAUDE ROUX-PRATTE

MAUDE ROUX-PRATTE
Année de soutenance 📅:
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