Effets des F&A, performance technologique à l’innovation

Effets des F&A sur la performance technologique à l’innovation

1.2 Effets des F&A sur la performance technologique

Les gains dynamiques associés aux opérations de F&A font principalement référence à l’introduction de nouveaux produits/procédés ou à leurs améliorations. Plusieurs conséquences des F&A peuvent en effet contribuer à une meilleure performance technologique.

Mentionnons, entre autres, les économies d’échelle et de gamme pouvant affecter le investissements de R&D, l’exploitation conjointe de droits de propriété intellectuelle, l’obtention de ressources plus importantes et plus stables pour financer les projets de R&D que la firme seule ne pourrait entreprendre autrement, la diversification du risque associé à la R&D et l’acquisition de nouvelles compétences (voir notamment Perry & Porter, 1985 ou encore Farrell & Shapiro, 1990).

Dans les industries de haute–technologie, l’effet des F&A sur la performance à l’innovation n’est pas à négliger. Pour certains observateurs, cet effet dynamique des F&A est sans doute celui qui a le plus grand impact sur le bien-être social (Brodley, 1996).

Le progrès technologique est en effet le facteur le plus important supportant la croissance du monde industrialisé et il aurait représenté plus de la moitié des gains liés à l’activité de F&A des USA sur de longues périodes (Brodley, 1987 ; Gilbert & Sunshine, 1995).

Roberts & Salop (1995) ont de plus montré que les bénéfices liés à l’innovation se transmettent d’autant plus facilement aux consommateurs que la diffusion des connaissances techniques est un processus naturel. Pour autant, ces gains dynamiques sont souvent difficiles à estimer.

Au delà des F&A, plusieurs études ont été menées afin d’appréhender la relation entre concentration des industries et performance à l’innovation, à la suite notamment des intuitions schumpéteriennes.

1.3 Autres gains possibles

Dans certains travaux théoriques fondateurs, les F&A sont une stratégie qui permet aux firmes de répondre à l’incertitude de l’environnement économique, industriel ou technologique (Pfeffer, 1972 ; Sutton, 1980 ; Williamson, 1996).

L’absorption d’une partie de leur environnement par le biais d’acquisitions est donc une des alternatives envisagées par ces firmes pour réduire cette incertitude, accroître leur contrôle de l’environnement ou réduire leur dépendance vis-à-vis de celui-ci (Hagedoorn & Duysters, 2000).

Selon Pfeffer (1972), l’absorption d’une partie de l’environnement par des opérations de F&A en vue de réduire l’incertitude se fait soit par l’intégration de firmes appartenant au(x) secteur(s) où la firme est déjà présente, soit par la diversification si la firme se trouve être trop dépendante de son environnement direct.

MacDonald (1985) puis Link (1988) parviennent aux mêmes conclusions en suggérant que l’accroissement du contrôle qu’une firme exerce sur son environnement est un élément stratégique majeur dans les industries intensives en R&D et qui, par conséquent, sont en constante évolution.

Ce type de gains se rapproche des efficiences dynamiques et ils sont probablement importants dans notre contexte. En effet, l’industrie pharmaceutique s’est récemment mû avec de nouvelles méthodes de recherche et l’obsolescence technologique semble s’être particulièrement accélérée ces dernières décennies (cf. le chapitre introductif).

Le rythme de cette obsolescence semble d’ailleurs avoir été déterminé par la durée de vie du brevet ce qui accroît l’importance stratégique de la maîtrise du changement technologique.

L’industrie pharmaceutique possède plusieurs caractéristiques importantes qui justifient l’intérêt d’y étudier les effets des F&A. Tout d’abord c’est une industrie de haute technologie faisant de l’innovation un facteur déterminant de son développement.

Ainsi, l’industrie pharmaceutique est constamment en évolution au gré de l’innovation et le renouvellement technologique, souvent rythmé par la durée de vie du brevet, joue un rôle très important pour le maintien des firmes sur le marché.

La pharmacie, comme beaucoup d’industries de haute technologie, présente néanmoins d’importantes barrières à l’entrée car les investissements nécessaires pour réaliser, puis introduire sur le marché, un nouveau médicament sont très importants.

Rappelons en outre que, selon les études de DiMasi et al. (1991, 2003), ces coûts ont fortement augmenté pour atteindre en 2000 plus de 800 millions de dollars par médicament.

L’importance de ces barrières à l’entrée donne alors aux firmes établies un avantage notable qui, combiné avec l’importance du renouvellement des produits, rend des F&A “technologiques” (acquisitions de firmes intensives en R&D) particulièrement stratégiques.

Comme nous l’avons vu dans le chapitre précédent, il se trouve que beaucoup d’acquisitions dans la pharmacie ont visé des entreprises qui se trouvaient relativement en amont du secteur.

Les acquéreurs semblaient ainsi surtout détenir des compétences de développement, de production et de commercialisation, compétences qui se situent plus en aval (voir aussi l’étude de Gans & Stern, 2003).

Ainsi la vague de F&A a principalement concerné, en volume (nombre d’opérations), des entreprises plus ou moins intégrées d’une part et des entreprises spécialisées possédant des connaissances parfois très spécifiques d’autre part.

En valeur (valeur des transactions), ce sont néanmoins naturellement des entreprises plutôt intégrées qui sont le plus représentées (c’est à dire les fusions entre grands laboratoires comme Sanofi-Synthélabo et Aventis) ce qui n’est pas nécessairement représentatif de la vague de F&A.

Les opérations qui ont été réalisées dans l’industrie pharmaceutique des années 1990 semblent donc particulièrement propices à l’étude des efficiences dynamiques.

Elles ont en effet consacré de nombreuses réunions de compétences complémentaires, qui devraient se traduire par des progrès notables en matière d’innovation (voir notamment les études de cas de Morgan, 2001).

Ensuite, l’industrie pharmaceutique est une industrie où le brevet joue un rôle fondamental et son marché est fortement dépendant du progrès technique. Le brevet implique des courses à l’innovation pour monopoliser des segments de marché.

Le secteur se structure alors en une succession de “monopoles temporaires” de sorte qu’il y a peu de concurrence en prix tant que le brevet reste valide. Cette organisation de l’industrie est souvent référée par le terme de “rivalité schumpeterienne” (Katz & Shelanski, 2004).

Ce type de structuration ne pose donc pas les problèmes classiques liés au pouvoir de marché des firmes sur les produits finis, mais plutôt des problèmes liés à la concurrence qui s’opère en matière d’innovation.

En effet, dans la plupart des secteurs, les F&A sont souvent vues comme un moyen de parvenir à accroître ses parts de marché de manière plutôt directe.

Dans l’industrie pharmaceutique, les fabricants de princeps sont nécessairement en monopole jusqu’à l’expiration du brevet qui protège leur innovation. Les principales menaces se trouvent donc au niveau de la genèse de ces innovations.

Enfin, s’il est généralement difficile de mesurer les gains dynamiques découlant d’acquisitions, à cause notamment du recul qui est nécessaire pour lier fusion et innovation, l’utilisation de données de brevets et surtout de citations de brevets peut se révéler appréciable.

En effet, si un médicament est long à développer (entre 12 et 15 ans), ce n’est pas le cas des dépôts de brevets qui peuvent être très rapides (voir Hall et al. 1986).

Si ensuite la qualité de ces brevets est mesurée a posteriori (les citations sont reçues après le dépôt du brevet de telle sorte que nous pouvons tenir compte à un moment donné de la qualité future d’un brevet), il devient alors possible d’évaluer plus facilement l’efficience dynamique d’une opération de F&A dans des délais courts, c’est à dire sur les quelques années suivant l’opération.

Ainsi, avec les citations de brevets nous pouvons avoir une mesure des gains d’efficience dynamique relativement fiable et précise.

Effectivement, comme nous l’avons déjà souligné l’industrie pharmaceutique est un secteur où le recensement des citations est relativement exhaustif (à cause de l’importance stratégique de bien délimiter l’état de l’art).

Ensuite, ces citations de brevet permettent de mesurer, relativement à l’ensemble du secteur, l’influence et la dépendance technologique des firmes. Celles-ci sont alors susceptibles d’évoluer suite aux acquisitions technologiques.

2. Revue de la Littérature Empirique

Bien qu’il existe un nombre important d’études empiriques traitant de l’impact des F&A, le débat concernant leurs effets sur la productivité, la valeur des firmes, ou encore le bien-être social, est loin d’être tranché.

Probablement la diversité des F&A, des firmes analysées puis des contextes industriels envisagés ne permet pas d’obtenir des conclusions générales.

L’étude de ces travaux permet de distinguer deux types d’études traitant des effets des F&A sur les performances économiques (voir Tichy, 2002 et les nombreuses références qui y sont citées). Les premières, dans la tradition néoclassique, sont proches de la littérature financière.

Elles s’intéressent aux effets allocatifs des opérations de F&A et suggèrent la possibilité d’une meilleure affectation et une meilleure utilisation des ressources, notamment grâce à un management des entreprises plus efficace. Ces études cherchent à vérifier ce type d’hypothèse en examinant la réaction des marchés financiers à l’annonce de l’acquisition.

Les secondes, plus proches de l’économie industrielle, sont plus sceptiques quant à l’efficience allocative des marchés et donc à l’éventualité de ce type de gains découlant des F&A. Ces études s’appuient sur des données comptables et tendent à montrer que les F&A sont rarement profitables, même pour les acquéreurs.

De nombreux travaux ont montré que les firmes expérimentent généralement une diminution de leur profitabilité durant une certaine période suivant la F&A, notamment à cause des coûts associés à l’intégration de la cible et parfois de ses faibles performances financières (Caves, 1989 ; Cosh, et al., 1989 ; Mueller, 1986 ; Ravenscraft & Scherer, 1987 ; Scherer, 1988 ; Tichy, 2002). D’autres contributions empiriques parviennent cependant à mettre en évidence des résultats positifs sur le long terme.

C’est le cas lorsque les F&A permettent de diversifier le portefeuille de produits de l’acquéreur (Odagiri & Hase, 1989 ; Scott, 1993) ou dans le cas d’opérations horizontales (Hitt et al., 1998 ; Kusewitt, 1985 ; Lubatkin, 1987 ; Montgomery & Wilson, 1986 ; Singh & Montgomery, 1987).

Enfin, à partir d’une étude à large échelle des effets des opérations sur une période de 15 années, Gugler et al. (2003) concluent que dans près de 57% des cas, les F&A conduisent à une augmentation des profits après 5 années mais aussi à une diminution des chiffres d’affaires combinés des deux parties.

Leurs résultats sont d’ailleurs communs aux différents pays, types d’opérations (transfrontalières ou non) ainsi qu’aux secteurs (manufacturiers ou de services) qui sont analysés.

Ils trouvent cependant que les opérations conglomérales ont un impact plus négatif sur les chiffres d’affaires que les opérations horizontales. Finalement, le profit augmenterait et le chiffre d’affaires total diminuerait pour les opérations qui conduisent à un accroissement des parts de marchés, soit plus du quart d’entre elles.

Alors que l’étude des relations entre R&D et innovation a fait l’objet de nombreux travaux (voir notamment Hall et al., 1986 ; Griliches, 1990), les F&A comme vecteur d’acquisition de connaissance ont été beaucoup moins étudiées (Granstrand & Sjolander, 1990 ; Hubert, 1991 ; Gerpott, 1995).

Pourtant les acquisitions de nouvelles connaissances, techniques notamment, sont apparues comme des facteurs de plus en plus pertinents pour expliquer les activités de F&A (voir Link, 1988 ; Granstrand et al., 1992 ; Chakrabarti et al., 1994 ; Wysoki, 1997a, b), principalement dans les secteurs de hautes technologies (voir chapitre précédent).

Les travaux qui s’intéressent à ces questions concluent généralement sur une amélioration des performances technologiques de l’acquéreur si ce dernier a conservé une capacité d’absorption proportionnelle à la capacité d’innovation de la cible.

Ainsi, au niveau intra-industriel, Ahuja & Katila (2001) concluent que les acquisitions technologiques dans l’industrie chimique (c’est-à-dire les acquisitions de firmes possédant des brevets), la taille absolue de la base de connaissance de la firme cible (le nombre de brevets qu’elle détient) améliore le gain de performance à l’innovation que l’acquéreur peut retirer de l’opération.

En revanche, la taille relative de cette base de connaissance, par rapport à celle de l’acquéreur, a un impact négatif sur ses performances à l’innovation, de sorte que le différentiel technologique entre les deux parties ne doit pas être trop important pour que l’opération soit technologiquement profitable.

Enfin, les acquisitions non technologiques n’ont, quant à elles, aucun impact sur les performances d’innovation de l’acquéreur.

Des résultats similaires sont obtenus par Cloodt et al. (2006) à partir d’une étude des effets des F&A sur quatre industries de haute-technologie (aérospatiale & défense, informatique, pharmacie et télécommunications).

Seules les acquisitions de cibles détentrices de brevets et d’une capacité d’innovation importante et proportionnelle aux capacités d’absorption de l’acquéreur ont un impact positif sur les dépôts de brevets des acquéreurs.

A l’inverse, les acquisitions non technologiques (lorsque la cible ne dépose pas de brevet) ont un impact plutôt négatif sur les performances à l’innovation de l’acquéreur.

Il en va de même pour les acquisitions où la base technologique de la cible est trop importante relativement à celle de l’acquéreur. Enfin, ils montrent aussi que l’acquéreur n’accroît ses performances à l’innovation que lorsque la cible n’est ni trop proche, ni trop éloignée, de sa base de connaissance.

Des résultats sensiblement similaires sont obtenus par Cassiman et al. (2005) à partir d’une étude basée sur des données qualitatives concernant 31 opérations de F&A dans des industries de moyennes et hautes technologies.

Les opérations regroupant des entités technologiquement complémentaires ex-ante, ont pour conséquence l’accroissement des investissements de R&D. A contrario, lorsque les firmes ont des technologies substituables, les dépenses de R&D sont plus productives et se réduisent donc des suites de l’opération.

Le gain d’efficacité des dépenses de R&D augmente plus fortement lorsque les firmes sont technologiquement complémentaires (plutôt que technologiquement substituables).

Ces résultats montrent alors que les gains des F&A en matière de R&D découlent plus d’économies de gamme que d’économies d’échelle.

Enfin, lorsque les firmes innovent dans le même domaine technologique avant de fusionner, la réduction des investissements en R&D est plus importante tandis que ces gains d’efficience en matière de R&D sont les plus faibles si les firmes étaient préalablement des rivales sur le marché.

Hagedoorn & Duysters (2000) qui s’intéressent plus directement à un secteur de haute technologie (celui de l’informatique) montrent que les ajustements stratégiques et organisationnels entre les firmes impliquées dans une F&A sont essentiels pour que les acquéreurs retirent de l’opération une augmentation de leurs performances à l’innovation.

A l’instar de Ahuja & Katila (2001), l’indicateur de performance technologique utilisé est le nombre de brevets déposés par l’acquéreur des suites de l’acquisition.

Hagedoorn & Duysters (2000) montrent alors que l’efficacité des opérations d’acquisitions technologiques, c’est à dire le fait qu’elles permettent ou non d’améliorer les capacités d’apprentissage et les compétences technologiques de l’acquéreur, dépend fortement de l’ajustement organisationnel et stratégique des firmes entre elles.

L’efficience des F&A technologiques dépendraient alors fortement de la capacité des parties à s’adapter l’une à l’autre. Rappelons sur ce point que dans le précédent chapitre nous avons constaté que les acquéreurs de l’industrie pharmaceutique développant des capacités d’absorption avant de faire une acquisition.

Cela permet de supposer que ces acquéreurs cherchaient bien à s’ajuster aux cibles afin de maximiser leurs chances de réussite.

Les données de R&D que nous avons utilisées ne nous ont cependant pas permis de vérifier si l’incrément d’investissement en R&D des acquéreur au préalable de l’opération portait effectivement sur les domaines technologiques de la cible.

Comme la littérature théorique le suggérait (Pfeffer, 1972 ; Sutton, 1980 ; Williamson, 1996), les F&A peuvent aussi répondre à un changement d’environnement. Ce cadre néoclassique d’analyse de la dynamique des structures industrielles revient à lier les activités de F&A avec des chocs sectoriels.

Cela implique alors de supposer que la structure d’une industrie, incluant le nombre et la taille des entreprises, est fonction de facteurs comme la technologie, le cadre réglementaire ainsi que les conditions de demande et d’offre.

Un choc technologique peut par exemple rendre nécessaire l’intégration de nouvelles compétences, soit par croissance interne soit par expansion externe, et il apparaît que les F&A sont souvent la méthode la moins coûteuse pour le faire (Michell & Mulherin, 1996).

Plusieurs contributions mettant en valeur les connaissances de la firme (Barney, 1986, 1991 ; Wernerfelt, 1984) combinées avec les travaux s’intéressant à l’importance de l’innovation et de l’apprentissage organisationnel (Levitt & March, 1988 ; Nonaka, 1991 ; Conner & Prahalad, 1996 ; Grant, 1996) permettent ainsi d’avoir un autre regard sur la vague de F&A que nous analysons.

En effet, les opportunités d’apprentissage augmentent à mesure que les firmes ont de nouvelles idées qui se basent sur les différences de compétence technologiques entre acquéreurs et cibles (Goshal, 1987 ; Hitt et al., 1996).

L’acquisition de diverses sources de connaissances externes se trouve aussi être un facteur important pour expliquer les performances à l’innovation des acquéreurs (Michell & Mulherin, 1996). D’autres facteurs plus exogènes peuvent modifier l’environnement des firmes.

La dérégulation (comme, par exemple, celle des télécoms en France), est apparue comme un facteur important pour expliquer les F&A des années 1990 (Andrade et al., 2001). Ce dernier type d’explication n’apparaît cependant pas pertinent pour le cas de l’industrie pharmaceutique.

Plusieurs études se sont intéressées plus spécifiquement aux effets des F&A dans la pharmacie. Ravenscraft & Long (2000) ont réalisé une étude d’événements portant sur 65 opérations de F&A réalisées dans l’industrie pharmaceutique entre 1985 et 1996. La valeur de marché des cibles augmente en moyenne de plus de 13% et celle des acquéreurs diminue de plus de 2%.

L’impact combiné sur les deux firmes est nul. Toutefois, pour les opérations horizontales ou transfrontalières, l’effet combiné est plutôt positif. L’étude de Ravenscraft & Long (2000) n’examine cependant pas les déterminants de ces résultats ni le détail de ces performances post-acquisitions.

Ornaghi (2005) analyse les effets des F&A sur les performances technologiques des acquéreurs durant la période 1989-2001.

S’intéressant à la fois aux variables économiques et aux variables d’innovation (brevets et citations), son principal résultat est d’identifier un effet négatif des acquisitions sur le nombre de brevets importants (au regard du nombre absolu de citations reçu par brevets) déposés par l’acquéreur des suites de l’opération.

Il est cependant possible que ce résultat soit dû à un biais statistique découlant de la censure à droite des citations reçues et de la concentration des opérations en fin de période d’analyse. En effet, Ornaghi utilise le nombre moyen de citations reçues par brevets pour identifier les brevets les plus cités.

Comme il analyse une vague de F&A qui culmine dans le milieu des années 1990, la fenêtre d’observation des citations reçues permettant de mesurer les performances post-acquisitions demeure trop petite de sorte que la causalité entre le nombre de brevets importants et les acquisitions est fragilisée.

Enfin, Danzon et al. (2004) concluent que, pour les firmes de taille importante, les F&A dans l’industrie pharmaceutique n’affectent pas le profit ou la valeur de marché de l’entreprise.

Qu’elles aient ou non fait une acquisition, les firmes qui avaient une forte propension à le faire une année donnée, connaissent, les trois années suivantes, des taux de croissance plus faibles de leur chiffre d’affaires, du nombre d’employés ou des investissements en R&D que les firmes qui n’avaient pas de prédispositions à faire des acquisitions.

Cela soutient donc l’hypothèse selon laquelle les firmes importantes font souvent des acquisitions en réponse à une situation qui se dégrade : les prédispositions qu’ont ces firmes à faire des acquisitions semblent en effet liées à une dégradation de certains fondamentaux économiques.

La deuxième année suivant une F&A, la diminution du nombre d’employés des firmes ayant effectivement fusionné apparaît être particulièrement importante.

Néanmoins, le contrôle de la propension des firmes à faire une acquisition annihile la significativité de cette variable. Cela indique donc que l’effet sur l’emploi ne résulte pas de l’opération, mais est la conséquence des caractéristiques qui ont conduit la firme à faire une acquisition.

La troisième année suivant l’opération, les acquisitions sont en moyenne associées à un relativement faible taux de croissance du profit et, en contrôlant par la propension à faire des acquisitions, il apparaît même que la baisse du profit atteint plus de 50% en comparaison avec les firmes n’ayant pas fait d’acquisitions.

Concernant les petites firmes il apparaît que le profit décroît aussi sensiblement l’année suivant l’opération et que contrôler par la propension à fusionner augmente l’ampleur de cette baisse (l’impact des F&A sur le profit est d’autant plus fort que les firmes avaient de fortes propensions à faire des acquisitions).

Comme cette baisse n’est significative que l’année suivant l’opération, cela suggère que l’intégration des cibles est plus aisée pour les petites firmes que pour les grandes.

Dans cette étude, Danzon et al. se concentrent exclusivement sur les opérations les plus importantes (dont le montant de l’opération en valeur excède 500 millions de dollars). Cela les conduit à ne pas prendre en compte les opérations qui vont concerner l’acquisition de firmes relativement petites.

Dans le contexte d’opérations “technologiques”, qui sont souvent le fait d’acquisitions de petites firmes très spécialisées, une telle limitation peut conduire à sous-estimer le rôle et l’impact des compétences technologiques des firmes cibles.

En effet, comme nous l’avons vu dans les chapitres précédents, se sont souvent en premier lieu les petites firmes (chapitre II), puis en second lieu les firmes ciblées dans des opérations d’acquisitions (chapitre III), qui sont les plus influentes sur le plan technologique.

De plus, les grosses opérations ne sont pas représentatives du volume total des opérations même si elles représentent une part importante des transactions en valeur.

Si nous voulons étudier la vague de F&A des années 1990, il faut donc avoir un échantillon représentatif de l’ensemble de la vague et donc inclure toutes les opérations.

Conclusion

Un des résultats clés de ce chapitre concerne l’impact des F&A sur les comportements d’innovation des acquéreurs, notamment en ce qui concerne les biotechnologies. Comme nous l’avons précédemment souligné, les biotechnologies sont un facteur vital du développement du secteur.

Suivant l’opération d’acquisition, les firmes tendent à changer de comportement pour être plus proactives avec les biotechnologies qu’elles ne l’étaient avant. Ce résultat est robuste à nos deux méthodes d’analyse.

Nous avons aussi pu constater que des gains d’efficience statique ont lieu après des acquisitions. Ces estimations n’ont cependant pas été robustes à celles effectuées par la méthode d’appariement dite de “différence–en–différence”.

Il est vraisemblable que ces deux méthodes ne convergent pas sur tous les résultats principalement parce qu’elles opèrent avec des échantillons, et des contrôles, de tailles différentes.

En effet, la méthode d’appariement des acquéreurs aux témoins ayant les caractéristiques les plus proches (selon les scores de propension à faire une acquisition) nous a conduit à ne considérer que 167 opérations contre 319 avec la méthode du contrôle par les scores de propension.

Le nombre d’opérations reste néanmoins toujours inférieur à celui analysé dans le chapitre précédent parce que nous avons dû nous limiter aux opérations “isolées”, c’est à dire à celles qui n’étaient pas suivies, ni précédées, d’une autre opération.

Ces contraintes illustrent la difficulté d’obtenir des études contrefactuelles à la fois précises et fiables. Nous interprétons les résultats communs aux deux méthodes comme étant les plus représentatifs de la réalité.

Au final, nous retiendrons donc que les F&A qui ont eu lieu dans l’industrie pharmaceutique ont incontestablement stimulé la recherche en biotechnologie des acquéreurs.

De la sorte, elles ont permis à ces firmes de mieux maîtriser les enjeux technologiques qui les ont conduit à mener des stratégies d’acquisition de connaissances et de compétences par le biais de F&A.

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
Innovation et stratégies d’acquisitions dans l’industrie pharmaceutique
Université 🏫: L’Université de Paris I Panthéon-Sorbonne
Auteur·trice·s 🎓:
M. Gautier DUFLOS

M. Gautier DUFLOS
Année de soutenance 📅: Thèse Pour obtenir le grade de Docteur - Discipline : Sciences Économiques - 4 Juillet 2007
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