Le fabricant de médicaments et le consommateur : un lien juridique

C. La nature juridique du lien entre le fabricant et le consommateur : responsabilité contractuelle ou extracontractuelle ?
Comme nous l’avons déjà mentionné, dans les deux systèmes à l’étude, la responsabilité civile du fabricant pourra être engagée lorsqu’un préjudice est causé en raison de la transgression d’une norme de diligence (responsabilité extracontractuelle) ou lorsque le fabricant ne respecte pas ses engagements contractuels (responsabilité contractuelle). En nous limitant cependant à la responsabilité du fabricant de médicaments, le lien entre lui et les consommateurs est-il de nature contractuelle ou extracontractuelle ? À l’égard des tiers, quel est le régime de responsabilité applicable ? En réalité, chacun de ces systèmes a ses spécificités. Il convient donc de les analyser.
Au Brésil, le Code du consommateur, s’inspirant de la Directive européenne224, a aboli la bipartition entre la responsabilité contractuelle et extracontractuelle225, afin de protéger de manière équitable toutes les victimes exposées aux risques résultant de la consommation 226. En raison de l’unification, il n’est pas donc important de déterminer si le consommateur d’un médicament l’avait acheté d’un pharmacien ou directement du fabricant, ou encore si le produit lui a été fourni gratuitement. En fait, le fabricant doit assurer, en toutes circonstances, la qualité et la sécurité du médicament (art. 12 C.D.C)227, sauf exclusion expresse (art. 12, paragraphe 3 C.D.C.). Nous reviendrons ultérieurement sur ces moyens d’exonération228.
De cette façon, le code consacre la préoccupation du législateur d’octroyer aux consommateurs une protection plus efficace, en simplifiant la défense de leurs droits et en les reconnaissant comme la partie vulnérable de la relation de consommation229. Il paraissait évident que le modèle traditionnel de responsabilité n’était plus opérant dans le contexte consumériste, notamment concernant les préjudices venant du produit ou du service.

224 Directive 1985/374/CE du Conseil du 25 juillet 1985.

225 Une solution identique a été adoptée aux États-Unis, où le Restatement écarte la distinction entre les régimes contractuel et extracontractuel. Pierre-Gabriel JOBIN, La vente, 3e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2007, nº 255, p. 311.
226 Z. DENARI, préc., note 177, p. 183, en citant l’auteur portugais João CALVÃO DA SILVA, Responsabilidade civil do produtor,Coimbra, Editora Almedina, 1990, p. 478.
227 Code du consommateur, préc., note 54, art. 12.
228 Voir à cet égard, titre F.
L’intention du législateur d’imposer une norme de diligence plus élevée aux fabricants et de faciliter l’indemnisation des consommateurs se traduit non seulement par l’adoption de la responsabilité objective230 comme règle ou par l’unification des régimes contractuels et extracontractuels, mais également par l’étendue de l’application de la loi. Nous avons vu que le code réfère à des concepts élargis de consommateur et de fournisseur et ce, dans le but de toucher plusieurs agents qui interviennent dans les relations de consommation.
Malgré l’unification du régime, le Code du consommateur a néanmoins consacré un article aux tiers, et cela, afin d’écarter de possibles débats sur son application par les personnes qui ne font pas partie d’une relation de consommation mais qui ont subi un préjudice en raison d’un produit. L’article 17 (C.D.C.) assimile toutes les victimes du produit à des consommateurs231 et donc garantit aux tiers l’utilisation des recours fondés sur le code, ce qui s’avère indubitablement plus avantageux. Ainsi, un enfant qui a subi un préjudice pendant sa gestation en raison du défaut d’un médicament consommé par sa mère ou un piéton heurté par une voiture en raison d’un défaut des freins232 auront un recours basé sur le Code du consommateur.

229 Avant l’adoption du Code du consommateur, on rencontre trois autres législations qui ont servi de fondement au développement de la responsabilité des fabricants et des fournisseurs de services : i) le Décret 2681 (le 7 décembre 1912), qui au début n’a réglé que la responsabilité des chemins de fer, mais qui après s’est élargi aux moyens de transport en général ; ii) le Décret 7039 (le 10 novembre 1944), qui a imposé la théorie du risque professionnel ; iii) la Constitution de 1946, qui a prescrit la responsabilité objective de l’État.

230 Code du consommateur, préc., note 54, art. 12.
231 Id., art. 17. Pour la version originale, voir Annexe II.
232 Z. DENARI, préc., note 177, p. 209.
Pour donner un exemple de l’étendue de l’article 17, mentionnons l’affaire Emílio Athiê c. Oliveira Silva Taxi Aéreo Ltda.233. Dans cette affaire, le demandeur réclame les dommages matériels et moraux résultant de l’écrasement sur sa maison d’un avion propriété de la compagnie défenderesse sur sa maison. Le tribunal Supérieur de Justice a alors souligné que, considérant que l’accident a eu lieu pendant l’exécution d’un contrat de transport conclu entre l’entreprise défenderesse et la Banque du Brésil, une relation de consommation existait bel et bien et que ses effets s’étendaient également aux tiers. Ainsi, malgré le fait que M. Athiê ne faisait pas partie de la relation de consommation, le tribunal a reconnu l’incidence du Code du consommateur sur la cause en question. Selon le tribunal, lorsqu’un accident se produit dans le cadre d’un rapport de consommation, toutes les victimes touchées sont alors considérées comme des consommateurs.
Au Québec par contre il n’y a pas eu une telle unification du régime de responsabilité. Même si la loi québécoise octroie à la victime d’un dommage causé par la consommation directe ou indirecte d’un médicament un recours contre le fabricant, le fondement de ce recours diffère selon la nature du lien qui les unit.
D’une part, lorsque le préjudice est subi par le consommateur ou le sous- acquéreur, ce sont les normes de la Loi sur la protection du consommateur234 qui s’appliquent. Si une lecture isolée de l’article 2 L.p.c. pourrait laisser croire que seul le contrat conclu entre un consommateur et un commerçant est visé par cette loi, il n’en est rien. En effet, afin de faciliter la protection et la défense du consommateur, le législateur a mitigé le principe de l’effet relatif des contrats pour lier le fabricant directement au consommateur, même si techniquement, il n’existe pas entre eux un lien contractuelle (art. 53 L.p.c.)235.

233 Emílio Athiê c. Oliveira Silva Taxi Aéreo Ltda, [2003] Recurso especial Nº 540.235 – SP (2003/0059595-9), Min. Castro Filho, p. 4-5. (ci-après « Athiê »)

234 L.p.c., note 56, art. 53, alinéas 1 et 4.
235 Id., Art.53 Le consommateur qui a contracté avec un commerçant a le droit d’exercer directement contre le commerçant ou contre le fabricant un recours fondé sur le vice caché du bien qui a fait l’objet du contrat, sauf si le consommateur pouvait déceler ce vice par un examen normal.
D’autre part, si des dommages sont subis par un tiers236, c’est-à-dire en dehors de toute relation de consommation, le régime qui s’applique est celui prévu à l’article 1468 C.c.Q, qui établit la responsabilité extracontractuelle du fabricant pour ce préjudice causé par un défaut de sécurité de son produit237. Notons qu’on parle de défaut de sécurité238 lorsque le produit n’offre pas la sécurité à laquelle on pouvait s’attendre d’un tel bien, soit en raison d’un vice de conception ou de fabrication, de la conservation ou de la présentation inadéquate, ou encore dans le cas d’un défaut d’information concernant les risques ou le danger du produit (art. 1469 C.c.Q.).
Il importe de remarquer que le sous-acquéreur, malgré qu’il soit un tiers dans la relation contractuelle originale, peut également se prévaloir du recours direct contre le fabricant, que ce soit dans le cadre d’une relation de consommation (art. 53 al. 4L.p.c.)239 ou d’un contrat régi par le Code civil (art. 1442 et 1730 C.c.Q). En ce qui a trait à l’article 1442, ce dernier a en fait codifié la règle posée dans l’arrêt Kravitz240, laquelle a reconnu la garantie de qualité du vendeur comme un accessoire du bien vendu et qui, par conséquent, se transmet à l’acheteur suivant. Pour ce qu’est de l’article 1730 C.c.Q, il a crée un lien direct entre le sous-acquéreur et le fabricant.241
En définitive, au Québec, le fabricant de médicaments est assujetti à deux régimes de responsabilité différents, et ce, selon la nature de la relation existante. D’une part, lorsqu’il existe un lien juridique immédiat entre les parties, la responsabilité du fabricant est de nature contractuelle et est régie par la Loi sur la protection du consommateur (art. 53 L.p.c.)242. De l’autre, si la victime est un tiers, à l’exception du sous-acquéreur243, ce sont les règles du régime extracontractuel prévues au Code civil que s’appliqueront (art. 1468 C.c.Q)244. Notons que le Québec n’a pas adopté la même conception élargie de tiers, comme le Brésil dans l’affaire Athiê245.

236 Jobin mentionne comme exemple de tiers le conjoint de l’acheteur ou du sous-acquéreur d’un produit. P.-G. JOBIN, préc., note 225, nº 197, p.271; Nous ajoutons comme exemple de tiers, les enfants victimes des effets néfastes de la thalidomide.

237 La règle de l’alinéa 1 est étendue à ceux qui distribuent les biens en son nom, aux fournisseurs et aux importateurs (art. 1468, alinéa 2).
238 C.c.Q., note 55, Art. 1730.
239 L.p.c., préc., note 56, art. 53, alinéa 4 : Le recours contre le fabricant peut être exercé par un consommateur acquéreur subséquent du bien.
240 General Motors Products of Canada Ltd . c. Kravitz , préc., note 203.
241 Jeffrey EDWARDS, La garantie de qualité du vendeur en droit québécois, 2e éd., Montréal, Wilson et Lafleur, 2008.
242 Le régime de responsabilité contractuelle édicté par le Code civil du Québec ne s’applique pas aux utilisateurs de médicaments, étant donné l’existence d’un contrat de consommation. Par conséquent, dans le cadre de ce mémoire, nous n’envisageons pas le régime contractuel du Code civil du Québec, car les circonstances où il pourrait s’appliquer (du moins en matière de médicaments) sont peu nombreuses.
Il importe d’ajouter que cette dualité de régime avait fait l’objet de vifs débats lors de la réforme du Code civil, avant que finalement, l’unification soit écartée. Le Projet de loi 125, déposé en 1990, consacrait à cet égard la responsabilité extracontractuelle du fabricant pour les préjudices corporels causés à « autrui », ce qui comprenait non seulement le tiers, mais également les cocontractants (art. 1464)246. Néanmoins, lors de la promulgation du Code civil du Québec, le terme « autrui » fut remplacé par « tiers », réaffirmant la dualité du régime.
Pourquoi le législateur a-t-il refusé l’unification 247? D’après Nathalie Vézina, même si les motifs du rejet ne sont pas clairement mentionnés dans les travaux parlementaires, l’exonération fondée sur l’état des connaissances scientifiques et techniques en matière de responsabilité du fait des produits248 aurait eu une influence «déterminante dans la position finale retenue par le législateur québécois ». Cela s’expliquerait du fait que le régime extracontractuel du Code civil prévoit l’exonération fondée sur le risque de développement, ce qui est refusé par le régime contractuel de la Loi sur la protection du consommateur.249. Autrement dit, unifier les responsabilités aurait signifié diminuer la protection du consommateur- cocontractant250.

243 Supra, note 239.

244 En analysant la question du point de vue de la common law canadienne, nous constatons que deux régimes de responsabilité du produit s’appliquent : un fondé sur le contrat, et l’autre résultant d’un délit civil. En règle générale, le régime contractuel se limite à la relation acheteur-vendeur énoncée par la Sale and Goods Act de chaque province (par exemple, Sale of Goods Act, L.R.O. 1990, chap. S.1;
Sale of Goods Act, R.S.B.C. 1996, c. 410). De cette manière, si le produit cause à l’acheteur un dommage ou si ce dernier n’est pas satisfait de la qualité de celui-là, il possède un recours contre le vendeur fondé sur les garanties légales du produit. Par contre, en l’absence de contrat, la responsabilité sera délictuelle et basée sur la négligence. Lewis KLAR, Tort law, 3 éd., Toronto, Thomson Carswell, 2003, 331-332; Allen M. LINDEN, La responsabilité civile délictuelle, 6e éd., vol. 2, Ottawa, Centre
Franco-Ontarienne de Ressources pédagogiques, 2001, p. 647-648; En outre, au contraire de ce que prévoit le Code civil du Québec (art. 1458, al. 2), dans la common law, lorsque sont présents les éléments constitutifs de la responsabilité contractuelle et de la responsabilité délictuelle, le demandeur peut opter pour fonder sa poursuite sur l’un ou sur l’autre régime. L’existence du contrat cependant empêchera une action basée sur le droit de délit, s’il prévoit une clause de restriction à cet égard (Central Trust Co. c. Rafuse, [1986] 2 R.C.S. 147 et BG Checo International Ltd. c. British Columbia Hydro, [1993] 1 R.C.S. 12)
245 Emílio Athiê c. Oliveira Silva Taxi Aéreo Ltda, préc., note 233.
246 Nathalie VÉZINA, « Grandeurs et misères de l’unification des régimes de responsabilité du fait des produits en France et au Québec », dans Pierre-Claude LAFOND (dir.), Le droit de la consommation sous influences, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2007, p. 44.
247 Selon Nathalie Vézina, l’unification sert à simplifier le droit applicable, dispensant la recherche de la nature de l’obligation en jeu et garantissant le traitement équitable des victimes. Id., p. 40.
À notre avis, la dualité de régime met en place un traitement inéquitable des victimes. Prenons à titre d’exemple un médicament qui a entraîné des dommages à celui qui l’a directement consommé (consommateur). Dans cette situation, malgré l’absence de lien contractuel direct entre le patient et le fabricant, le premier est assuré d’un recours contre le dernier fondé sur la Loi sur la protection du consommateur (art. 53) 251.
Par contre, si un tel médicament cause des dommages à un tiers, supposons à un descendant du patient, le recours de ce dernier sera d’ordre extracontractuel et donc régi par le Code civil (articles 1468, 1469 et 1473 C.c.Q.)252. Dans ce cas, le demandeur ne bénéficiera pas de la présomption absolue de connaissance du défaut du produit établi dans la L.p.c. (art. 53, al. 3 L.p.c.). Au contraire, le fabricant pourrait alors s’exonérer de toute responsabilité en démontrant, par exemple, que l’état des connaissances scientifiques de l’époque n’était pas assez évolué et donc ne permettait pas de prévoir le dommage (art. 1473, al. 2 C.c.Q.). Force est donc de constater que les règles de la Loi sur la protection du consommateur s’avèrent plus bénéfiques à la victime, car elles véhiculent une présomption absolue de responsabilité, à la différence du Code civil, qui prévoit certains cas spécifique d’exonération de responsabilité (art. 1473), sur lesquels nous reviendrons.

248 C.c.Q., préc., note 55, art. 1473.

249 N. VÉZINA, préc., note 246, p. 48.
250 Nous reviendrons sur l’iniquité législative à la Section II.
251 Il convient de préciser qu’en établissant que le consommateur « a le droit d’exercer directement contre le commerçant ou contre le fabricant un recours fondé sur le vice caché du bien », l’article 53 sert de controverse quant à l’existence d’un droit d’option en faveur du consommateur, qui pourrait choisir les règles extracontractuelles du C.c.Q. La question est jusqu’à maintenant sans réponse. N. VÉZINA, préc., note 246, p. 61.
252 Le tiers victime d’un fait du produit, est-il un vrai tiers? Au contraire de la loi brésilienne (art. 17 C.D.C.), en droit québécois, le tiers n’est pas considéré un consommateur au sens de la Loi sur la protection du consommateur, bien qu’il soit un utilisateur du produit.
En résumé, lorsqu’au Brésil un médicament entraîne un dommage chez une personne, la responsabilité civile du fabricant sera analysée en fonction des règles du Code du consommateur. La présence d’un contrat entre la victime (consommateur ou tiers) est indifférente, puisque les régimes de responsabilité ont été unifiés. Au Québec, par contre, il existe deux possibilités. D’un côté, on applique la Loi sur la protection du consommateur aux rapports entre le consommateur direct, y compris le sous-acquéreur, et le fabricant et d’un autre côté, le Code civil du Québec lorsqu’il s’agit d’un tiers (non sous-acquéreur).
D. La nature juridique de la responsabilité du fabricant : la faute comme élément indispensable de la responsabilité ou la responsabilité objective ?
Nous avons déjà souligné qu’au Brésil, les rapports entre le fabricant de médicaments et l’acheteur-consommateur, ou entre celui-ci et le tiers sont définis comme une relation de consommation. Par conséquent, ce sont les règles du Code du consommateur qui s’appliquent.
Avant le Code du consommateur, aucune loi n’était suffisamment efficace pour protéger le consommateur, puisque toutes les lois se basaient exclusivement sur la faute, dont la preuve incombait au consommateur ou au tiers. Or, considérant qu’un tel fardeau s’avérait assez lourd, empêchant même dans certains cas la réparation du préjudice, le code a instauré un système basé sur la présomption de responsabilité du fabricant253.
La législation brésilienne prévoit une règle de responsabilité objective (art. 12 C.D.C.), c’est-à-dire que celui qui subit un préjudice en raison d’un médicament n’a qu’à prouver que le vice du produit et le lien de causalité entre lui et le dommage, ce qui n’est évidement pas toujours facile.

253 Le Code du consommateur prévoit une exception à la règle de la responsabilité objective à l’égard des professionnels libéraux. Le paragraphe 4 de l’article 14 édicte que leur responsabilité « [traduction] sera retenue par la vérification de la faute. » Pour la version originale,

En droit québécois, que ce soit dans le cadre de la Loi sur la protection du consommateur (art. 53 L.p.c.) ou dans celui du Code civil du Québec (art. 1468
C.c.Q.), le fabricant est présumé responsable du défaut de sécurité de son produit. Par conséquent, la preuve du demandeur se limite à l’existence du défaut, du préjudice et du lien de causalité entre eux. Par ailleurs, la présomption de responsabilité de l’article 1468 C.c.Q. n’est pas absolue. Le législateur a déterminé des causes qui permettent au fabricant d’écarter sa responsabilité (art. 1473 C.c.Q.).
Dans le cadre de la Loi sur la protection du consommateur, le fabricant doit garantir la qualité de ses produits, y compris l’usage normal254 et la durabilité raisonnable des biens255, ainsi que procurer des renseignements à propos de leur sécurité256. Entre autres, le fabricant est réputé connaître les vices cachés du produit257. Autrement dit, une présomption de responsabilité est appliquée de façon absolue au fabricant, qui sera responsable de tous les dommages causés par son produit. Ainsi, dans le cas d’un médicament « dangereux », le consommateur doit prouver qu’il l’a consommé, de même que démontrer le lien de causalité258 entre le préjudice subi et la prise du médicament. D’ailleurs, La Loi sur la protection du consommateur, au contraire de la loi brésilienne (art. 12, paragraphe 3 C.D.C.) et du Code civil du Québec (art. 1473 C.c.Q.), n’admet aucune cause d’exclusion de responsabilité.
Il est certain que le fait de prouver un défaut de sécurité s’avère plus simple que d’avoir à prouver la faute du fabricant, puisqu’en démontrant que le préjudice a été causé par le bien – malgré son usage normal et selon les informations du fabricant –, le défaut de sécurité est par conséquent ainsi démontré. Toutefois, dans le domaine pharmaceutique, la preuve du lien de causalité entre le médicament et le dommage subi peut aussi présenter un certain degré de difficulté.
Pour illustrer la situation, prenons l’exemple de l’affaire D.E.S, dans laquelle une substance présente dans certains médicaments a causé des problèmes de stérilité des enfants de femmes qui l’auraient pris. En analysant deux affaires françaises259 en la matière, nous avons constaté que le grand défi des demanderesses a d’abord consisté à prouver la prise du médicament par leur mère dans la période considérée comme à risque, puis de démontrer le lien de causalité entre les dommages corporels subis et le médicament260.
Dès que le lien causal est prouvé, on présume que le médicament ne présentait pas la sécurité à laquelle le public était en droit de s’attendre. Ainsi, dans le cas particulier des médicaments, une fois la faute écartée, le défi est réduit à la preuve du lien de causalité, ce qui s’avère déjà une tâche ardue pour la victime261.

258 Comme nous l’avons déjà souligné, la preuve du lien de causalité n’est pas toujours facile à établir, et s’agissant d’un médicament, il faut recourir à des experts.

259 Bien que des médicaments à base de DES aient été distribués au Canada, il n’y a pas eu, à notre connaissance, de poursuite ou de jugement à ce sujet. Cependant, dans le but d’apporter un exemple juridique pratique, on a repéré une affaire française qui a eu une répercussion mondiale, puisqu’il s’agit de la première décision rendue par la Cour de cassation à ce sujet.
260 Bobet c. UCB Pharma Inc, [2002] Tribunal de grande instance de Nanterre ; Criou c. UCB Pharma Inc., [2006] Cour de cassation, Chambre civile 1, no 04-16.179.
261 Il est à noter que le lien de causalité et les dommages suite à la prise d’un médicament pourraient être envisagés dans une optique d’aggravation de la situation de la santé d’une victime, nul besoin n’étant alors de prouver que le médicament a occasionné une situation nouvelle. La seule preuve qu’il a aggravée une condition de santé déjà fragile suffirait. À cet égard, voir Bergeron c. Promutuel Lévisienne-Orléans, EYB 2007-124547 (C.Q.).
Lire le mémoire complet ==> (La responsabilité civile de l’industrie pharmaceutique : le risque de développement)
Étude comparative des droits brésilien et québécois
Mémoire présenté à la Faculté de droit en vue de l’obtention du grade de Maîtrise en droit (LL.M.)
Université de Montréal – Faculté des études supérieures et postdoctorales

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