Solutions de design du jeu autres que l’augmentation de la difficulté

Solutions de design du jeu autres que l’augmentation de la difficulté

b. Des solutions de design autres que l’augmentation de la difficulté

En parallèle des solutions de design visant à augmenter la difficulté, de nombreuses autres solutions de design ont été évoquées par nos participants. Nous avons estimé que toute solution de design ne correspondant pas à l’un des deux cas déterminés par Aponte et ses collègues serait une solution alternative. Ces solutions n’augmentent pas la difficulté, mais elles renouvèlent le challenge, elles introduisent de la variation.

Les upgrades

Le participant 5 décrit la solution des upgrades pour conserver le challenge :

Participant 5 : Le système d’upgrades, comme dans notre jeu, c’est super populaire. Donc tu joues, tu gagnes de l’argent, avec l’argent tu achètes des upgrades, avec les upgrades tu te rends plus loin avec ton cash, etc., etc., etc. Tu peux faire ça pendant des heures et des heures.

La traduction d’upgrade serait « amélioration », mais l’expression semble aujourd’hui passée dans le langage des designers, au même titre que « gameplay », et sous- entend qu’il existe un système pour acheter lesdites améliorations.

Un système d’amélioration permet d’allonger la durée de vie du jeu, puisque les challenges sont renouvelés. Les systèmes d’amélioration permettent parfois d’introduire de nouvelles mécaniques (ce qui revient à combiner les challenges et donc à augmenter la difficulté), mais pour ce participant upgrader signifie améliorer une fonctionnalité déjà présente. Dans ce type de système, les compétences du joueur sont augmentées artificiellement : ce ne sont pas les compétences propres au joueur qui sont poussées vers le haut, mais celles de l’avatar. Le jeu n’a pas été rendu plus difficile si l’on se réfère aux solutions de design décrites par Aponte et al (Aponte et al., 2009), puisque les compétences du joueur n’ont pas subi de progression, mais le challenge est renouvelé.

Le nombre de « jeux d’upgrade » sur les portails de jeux casual est assez conséquent. Il existe même un jeu presque uniquement composé de mécaniques d’amélioration nommé Upgrade Complete19. Ce dernier illustre bien l’intérêt éprouvé par les joueurs à poursuivre le processus d’upgrade bien que la difficulté des challenges n’augmente pas.

Variation plutôt que combinaison

Il est aussi possible de varier les challenges sans les combiner. C’est le principe des mini-jeux, qui ont été utilisés dans plusieurs des titres sur lesquelles nos participants ont travaillé. Un mini-jeu introduit un nouveau challenge, mais sans le combiner aux autres challenges. Chaque mini-jeu se concentre généralement sur un type de challenge : dextérité, mémoire, logique, etc (Feil & Scattergood, 2005). La difficulté n’est pas augmentée, mais les challenges sont renouvelés. Il existe donc une forme d’évolution dans le jeu, même si celle-ci ne se s’appuie pas sur la progression de la difficulté.

Le contexte, l’environnement

Le participant 3 propose une autre solution permettant d’introduire de la variété : il utilise un même type de challenge (ici un challenge de dextérité consistant à appuyer au bon moment sur la manette) mais il varie le contexte du challenge :

Participant 3 : La course ce sont des circuits rectilignes, où on demande au joueur d’effectuer une action. Si le joueur fait l’action au bon moment, le chien va plus vite, s’il ne fait pas l’action au bon moment, le chien va moins vite. […] Donc il y avait la course, ensuite il y avait le lancer de frisbee.

L’idée c’était que des cibles apparaissaient à l’écran, et le joueur avait un certain laps de temps pour pointer le contrôleur vers la cible, et puis cliquer en pointant. Donc on avait ça, on avait un jeu de danse. Tu peux t’imaginer Dance Dance Revolution […]. Tu as un « beat » sur ta musique, il y a des mouvements qui apparaissent à l’écran, on demande au joueur de faire les mouvements; lorsque le joueur fait les mouvements correctement, le chien fait des actions comme sauter sur place, faire des roulades, faire des choses comme ça, qui sont timées avec la musique.

19 Ce jeu est disponible en ligne à cette adresse : http://armorgames.com/play/3955/upgrade-complete

Le participant 4 a aussi montré que le challenge d’un jeu musical peut être renouvelé grâce au vaste choix de chansons proposé. Le participant 5 propose de « rajouter du crémage » autour d’une mécanique (ici la mécanique d’empilement du jeu Stack’hem), avec un thème absurde où un roi mange des gâteaux :

Participant 5 : On a rajouté du crémage autour de la mécanique. On savait que la base marchait, on l’avait déjà vue. On savait qu’on partait sur une base solide. Après c’était de voir ce qu’on pouvait faire de plus avec ça. C’est là qu’on a ajouté la mécanique du roi qui mange. En fait au début le roi ne se faisait pas propulser. Ce n’étaient que des gâteaux qui tombaient, tu déplaçais juste le roi de gauche à droite, mais on trouvait ça plus absurde qu’il se fasse propulser.

Il est à noter que développer l’environnement ou le thème du jeu est une solution de design utilisée dans des jeux non casual pour renouveler le challenge, comme le montre cette étude :

Maximizing enjoyment in computer games is possible by optimizing gaming challenges and adjusting difficulty levels, but it should not be forgotten that player psychology is also affected by personal factors such as needs, motives and goals, as by situational factors such as opportunities and possible incentives provided by the environment (Bostan & Öğüt, 2009b).

Récompenses originales

Nous avons vu précédemment que les participants 5 et 8 considèrent que les systèmes de récompenses peuvent proposer un challenge sans pour autant jouer sur la difficulté. L’exemple de Flower, où le participant souhaite ramasser le plus de pétales possible pour que son arbre final soit recouvert de fleurs, est pertinent, car il n’est pas difficile de ramasser les pétales. Il suffit de se promener dans le monde du jeu. C’est la récompense, grandiose, qui motive ce participant à passer du temps à se promener et non l’idée d’acquérir une nouvelle compétence.

Certains achievements, terme traduit en français par « accomplissement », peuvent eux aussi jouer sur la découverte, plutôt que sur la difficulté. Ce type de récompenses originales peut surprendre le joueur et le pousser à continuer à jouer même si la courbe de difficulté n’augmente pas.

La dimension sociale

Les solutions de design en rapport avec la sociabilité ont aussi été évoquées par nos participants. Le participant 8 a ainsi décrit son envie de rejouer si le jeu lui propose d’affronter ses amis : « Je ne joue pas trop online, mais quand je joue et que je vois que dans le leaderboard local qu’il y a un de mes amis qui a joué et qui a un score plus haut que moi : je rejoue ! ». Le participant 4, lui, montre que son jeu de danse privilégie la dimension sociale plus que la performance :

Participant 4 : On veut juste que tu danses. Tout le monde embarque, personne n’est intimidé. Vu que tu ne te vois pas vraiment à l’écran, tu n’as aucune idée de si tu es bon ou pas, tu fais des scores pareil, des fois à la fin de la partie celui qui gagne c’est pas nécessairement celui qui dansait le mieux, c’est celui qui était le plus dedans. Ça fait une très grande différence, en bout de ligne…

Les compétences du joueur ne semblent pas évaluées en tant que telles, le score semble calculé sur d’autres paramètres (l’implication sociale), et ainsi la progression n’est pas axée sur la difficulté.

5.3.3 Conclusion sur la progression

Il existe probablement de nombreuses autres solutions de design permettant de conserver un bon niveau de challenge qui ne correspondent pas à une augmentation de la difficulté. Nous avons ici recensé celles que nos participants ont évoquées.

Il nous a semblé que les solutions en rapport avec la difficulté sont toujours utilisées, mais elles sont souvent couplées avec des solutions axées sur la variation, faisant ainsi de la difficulté un élément non central de la progression. Les challenges difficiles sont utilisés par petites touches, par exemple pour débloquer les derniers objets bonus d’un jeu, et moins comme des étapes à franchir pour pouvoir poursuivre la progression.

Un jeu casual peut donc proposer aux joueurs un certain nombre de challenges difficiles, mais les designers semblent privilégier le renouvèlement des challenges et la variation du gameplay ou du contexte plus que l’augmentation de la difficulté.

La figure 8 (page suivante) permet de comparer visuellement les deux extrêmes : la progression axée sur la difficulté, où les challenges sont peu variés, mais deviennent de plus en plus difficiles, et la progression axée sur la variation, où les challenges sont nombreux et variés, mais où la difficulté reste modérée.

Comparaison entre la progression axée sur la difficulté et la progression axée sur la variation

Figure 8 : Comparaison entre la progression axée sur la difficulté et la progression axée sur la variation

Pour conclure sur ces deux premières sections concernant le système d’appréciation des designers de jeux casual, on peut dire que dans un jeu casual le rapport entre challenges et compétences doit être particulièrement bien équilibré, et cet équilibre progresse mais n’est pas uniquement dépendant de la difficulté du jeu.

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
Casual games : définition à l’aide du savoir professionnel des designers de jeux
Université 🏫: Université de Montréal - Faculté de l’Aménagement
Auteur·trice·s 🎓:
Laureline Chiapello

Laureline Chiapello
Année de soutenance 📅: Mémoire présenté à la Faculté des Études Supérieures et Postdoctorales en vue de l’obtention du grade de M. Sc. A. en Aménagement - Août 2012
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