L’école et les relations professionnelles antérieures
3.3.2. L’école et les relations professionnelles antérieures dans les modes d’obtention de l’emploi sur la décennie quatre-vingt-dix pour les jeunes sortants de formation
3.3.2.1. Les modes d’obtention de l’emploi à la sortie de l’école durant la décennie quatre-vingt-dix
Il s’agit donc des jeunes, âgés de 15 à 29 ans, qui ont commencé à travailler pour leur entreprise il y a moins d’un an, et qui étaient en formation ou au service militaire en mars de l’année précédant l’enquête. Les tableaux 16 et 17 suivants fournissent les données sans et avec l’item « relation professionnelle antérieure ».
Tout d’abord, l’incorporation de l’item RPA ne modifie pas sensiblement la hiérarchie des modes d’accès pour les jeunes.
Pour trouver leur emploi, les jeunes recourent d’abord aux démarches personnelles : elles arrivent en tête des moyens mobilisés (près d’un tiers), suivies des relations personnelles (14-16 %), puis à parts sensiblement équivalentes de l’école, l’ANPE et la famille (8-13%).
L’incorporation de l’item « emploi antérieur » baisse le poids de toutes ces catégories sans modifier ni leurs écarts ni leur classement relatif, cet item lui- même prenant tout de même la seconde position : 15 à 20 % des jeunes obtiennent un second emploi chez un employeur déjà connu.
Tableau 16. Modes d’accès à l’emploi (réponses à la question « Comment M… a-t-il trouvé son emploi ? »). Source enquête Emploi INSEE
EnquêteEmploi | Autre | Démar- che person- nelle | Famille | Relation person- nelle | Con- cours | Annonce | ANPE, org. place- ment | Ecole | Contacté par l’em- ployeur | Mis à son compte | En– semble |
1990 | 4,1 | 29,7 | 11,0 | 16,5 | 4,0 | 8,5 | 12,6 | 10,2 | 2,6 | 0,6 | 100,0 |
1994 | 3,9 | 34,5 | 10,6 | 15,9 | 4,4 | 5,4 | 8,1 | 13,1 | 3,1 | 1,1 | 100,0 |
1998 | 3,1 | 35,5 | 8,4 | 13,8 | 5,2 | 6,1 | 11,3 | 12,6 | 3,5 | 0,7 | 100,0 |
Tableau 17. Modes d’accès à l’emploi recomposés avec ajout de l’item « emploi antérieur ». Source enquête Emploi INSEE
EnquêteEmploi | Autre | Démar- che person- nelle | Famille | Relation person- nelle | Concour s | Annonce | ANPE, org. place- ment | Ecole | Contacté par l’em- ployeur | Mis à son compte | RPA (emploi anté– rieur) | En– semble |
1990 | 3,2 | 24,7 | 9,2 | 14,9 | 3,6 | 8,2 | 11 | 7,9 | 1,7 | 0,6 | 15,1 | 100,0 |
1994 | 2,8 | 28,3 | 7,8 | 13,6 | 3,5 | 5,2 | 6,8 | 10,2 | 1,6 | 1,0 | 19,2 | 100,0 |
1998 | 2,1 | 29,0 | 6,1 | 11,4 | 4,7 | 6,0 | 8,6 | 9,6 | 1,8 | 0,7 | 20,2 | 100,0 |
Par ailleurs, tout en restant prudent étant donné la petitesse de l’échantillon et la sensibilité des réponses, quelques évolutions apparaissent pendant la décennie quatre-vingt-dix.
De plus en plus de jeunes travaillent à nouveau dans une entreprise où ils ont déjà travaillé : doit-on y voir l’effet de l’augmentation des contrats courts récurrents, quel que soit leur statut (Marchand 1996) ? Les démarches personnelles augmentent aussi nettement, peut-être au détriment de la famille et des relations personnelles.
Par contre, une fois allégée des cas de retour chez un employeur déjà connu (près de la moitié des réponses !), la part de ceux contactés par un employeur, et y travaillant pour la première fois, reste stable et ne concerne qu’une toute petite part de jeunes.
On peut tenter d’isoler la part des moyens relevant d’un capital social. Dans un article centré sur les liens entre capital social et emploi (1997), Michel Forsé a mené une analyse similaire, à partir des seules données de l’enquête Emploi de 1994, mais portant cependant sur l’ensemble des personnes ayant changé d’emploi au cours de l’année précédant l’enquête, et pas seulement sur ceux qui étaient auparavant étudiant ou au service national.
Il n’a pas recomposé un item RPA, et identifie, de façon assez prudente, quatre items de nature explicitement relationnelle comme indicateur de la présence d’un capital social dans l’obtention de l’emploi :
- par la famille
- par des relations personnelles
- par l’école ou un organisme de formation
- en ayant été contacté par un employeur.
Ce choix s’imposait dans la mesure où il est impossible de subdiviser les autres catégories de réponses… Nous avons en effet montré plus haut qu’une partie des autres moyens qualifiés de formels comprenaient des cas de retour chez un employeur déjà connu, en particulier les « démarches personnelles », ou qu’une part importante des emplois obtenus dans le cadre de l’ANPE pouvait relever de phénomènes relationnels. Bref, ce choix contraint sous-estime probablement le nombre des cas où le capital social est intervenu.
Si l’on s’en tient à la définition de M. Forsé, 35% des personnes ayant changé d’emploi en France en 1994 l’ont trouvé grâce au capital social ; nos propres données sur 1994 (et 1998), correspondant aux seuls jeunes de 15 à 29 ans, donnent un résultat un peu supérieur, de 37,7%, et cette part augmente légèrement en 1998.
Tableau 18. Le poids du capital social dans le mode d’obtention de l’emploi occupé au moment de l’enquête pour les personnes ayant commencé à travailler pour l’employeur actuel moins d’un an avant l’enquête. Comparaison jeunes/tous publics. Source enquête Emploi INSEE
Mode d’obtention de l’emploi | Ensemble despersonnes ayant pris un emploi. Source : Forsé 1997, EE 1994 | Jeunes de 15 à 29 ans précédemment enformation ou au service national ayant pris un emploi. Sources : nos analyses,
EE 1990 EE 1994 EE 1998 |
||
par la famille | 6,3 | 11,0 | 10,6 | 8,4 |
par des relations personnelles | 19,5 | 16,5 | 15,9 | 13,8 |
par l’école ou un org. de formation | 4,1 | 10,2 | 13,1 | 12,6 |
contacté par un employeur. | 5,7 | 2,6 | 3,1 | 3,5 |
Total | 35,6 | 40,3 | 42,7 | 38,3 |
Source Enquêtes Emploi INSEE
Le capital social interviendrait-il plus souvent pour les jeunes dans l’obtention de leur emploi ? En tout état de cause, celui-ci n’est pas de même nature. La famille et l’école, les deux instances de socialisation qui viennent d’accompagner leur parcours, sont privilégiées ; disposer de relations personnelles susceptibles de fournir une aide dans l’obtention d’un emploi ou être contacté par un employeur demandent une certaine ancienneté d’engagement dans la vie active, qui peut faire défaut aux plus jeunes.
En effet, à ce stade de vie, la plupart des relations dont ils disposent pour accéder à un emploi ne sont sans doute pas les plus pertinentes : la famille peut jouer un rôle quand l’espace professionnel des parents est congruent avec celui visé par les enfants, la catégorie « relations personnelles » est trop imprécise ici, et être contacté par un employeur suppose, on l’a dit, une certaine intégration dans le monde du travail ; seule l’école dispose a priori d’une pertinence maximum si on convient que les jeunes qui en sortent recherchent dans le domaine professionnel correspondant à la formation suivie.
On peut remarquer par ailleurs que le poids du capital social –selon la première définition retenue ici- diminue nettement entre 1994 et 1998, après avoir augmenté. Qu’en est-il si le nouvel item « emploi antérieur » y est ajouté ?
Tableau 19. Le poids du capital social dans le mode d’obtention de l’emploi occupé au moment de l’enquête pour les jeunes de 15 à 29 ans ayant commencé à travailler pour l’employeur actuel moins d’un an avant l’enquête. Source enquête Emploi INSEE
Mode d’obtention de l’emploi | EE 1990 | EE 1994 | EE 1998 |
par la famille | 9,2 | 7,8 | 6,1 |
par des relations personnelles | 14,9 | 13,6 | 11,4 |
par l’école ou un org. de formation | 7,9 | 10,2 | 9,6 |
contacté par un employeur. | 1,7 | 1,6 | 1,8 |
a déjà travaillé pour l’employeur actuel | 15,1 | 19,2 | 20,2 |
Total | 48,8 | 52,4 | 49,1 |
Si on ajoute comme autre indicateur de capital social le fait d’avoir déjà travaillé pour l’employeur actuel, l’intervention du capital social dans l’obtention d’un emploi concerne la moitié des jeunes de 15 à 29 ans. L’évolution d’ensemble est moins marquée, mais il s’agit cette fois plutôt d’une petite baisse entre 1994 et 1998, après une hausse conséquente (4 points, soit près de +10%) entre 1990 et 1994.
Une analyse en terme de liens forts/liens faibles selon la distinction de Granovetter basée sur l’intensité, entre autre affective, des liens est-elle possible ? Michel Forsé (1997) est tenté de le faire, mais reconnaît que la distinction à partir des catégories reconnues par l’enquête Emploi ne le permet pas.
Selon lui, à titre d’hypothèse, la famille correspondrait assez bien aux liens forts ; l’école et un contact par l’employeur seraient plutôt des liens faibles ; la catégorie des relations personnelles est trop indistincte et mêle sans doute les deux ; nous ajoutons les relations professionnelles antérieures aux liens faibles.
Au total, en écartant les relations personnelles, les liens forts (uniquement la famille, ce qui est certainement insuffisant) auraient tendance à diminuer au profit des liens faibles (de près de 25 à plus de 31%).
Cette évolution est très grossière et largement hypothétique étant donné l’incertitude pesant sur le classement des réponses « relations personnelles ». Il serait possible cependant de relier cela aux deux constats suivants, non exclusifs l’un de l’autre :
1) l’élévation sans précédent du taux d’accès au baccalauréat dans la décennie quatre-vingt- dix79 entraînerait un décalage croissant entre d’une part les milieux professionnels potentiellement atteignables par les jeunes dont le niveau d’ensemble s’est accru et d’autre part les milieux professionnels de leurs parents. Cela rend du même coup obsolète une partie des liens familiaux qui auraient pu jouer un rôle dans d’autres contextes.
Autrement dit, si beaucoup de jeunes sont aujourd’hui à même d’entrer dans les branches d’activités tertiaires avec un baccalauréat, une partie d’entre eux est nécessairement issue du milieu ouvrier : or, la contraction de ce milieu professionnel, qui n’est plus à démontrer aujourd’hui, rend inopérantes les fortes solidarités familiales qui étaient à l’œuvre auparavant.
Cela stimule d’autant l’intérêt des ressources liées à l’école par définition, et celles de tous les réseaux de nature professionnelle auxquels on a accès une fois la première étape (le premier emploi) franchie.
79 Le taux d’accès en terminale atteint 70 % en 1998, et n’était que de 30% vingt ans plus tôt (Rose 1998, pp. 78-80).
2) les modifications du passage à l’âge adulte et des rythmes d’entrée dans la vie active ont déjà été présentées (chapitre 1, §1.3.) : il s’agit de l’apparition d’une phase de jeunesse, après la sortie de l’école et avant la stabilisation en couple et dans un emploi fixe, nécessitant moins de référence aux moments qui l’encadrent (« des jeunes plus seuls dans la mise en scène d’eux-mêmes », Nicole-Drancourt), donnant plus de poids à la compagnie des pairs (Galland), et mettant l’accent sur les expérimentations menées par essais/erreurs (Dubar, Dubet).
Ces changements diminuent la pertinence des ressources relationnelles familiales et d’une manière générale des ressources des adultes proches (les relations personnelles ?), et renchérissent la culture du « coup par coup » et des réseaux correspondants permettant de chaîner les étapes (d’où l’augmentation des jeunes travaillant à nouveau pour un même employeur), culture en phase avec la pratique des contrats récurrents mise en place par nombres d’employeurs (Rose).
Enfin, quelles qu’en soient les causes, l’intervention de l’école dans les modes d’accès à l’emploi a tout de même nettement augmenté durant la décennie quatre-vingt-dix, même si son poids se tasse en 1998.
3.3.2.2. L’école dans les modes d’accès à l’emploi selon les publics : niveau du diplôme indifférent, influence de l’origine sociale
Une fois mise en évidence l’intervention de l’école dans l’obtention de l’emploi pour les jeunes qui en sortent, quelques variables susceptibles de moduler ce mode d’usage ont été observées, en conservant la comparaison 90-94-98 pour saisir d’éventuelles évolutions.
La petitesse des effectifs de l’échantillon n’autorise cependant pas les analyses fines. Deux séries de tableaux détaillés sont proposées en annexe 2 : la première correspond aux réponses d’origine à la question sur le mode d’obtention de l’emploi, la seconde, similaire, a été recomposée en ajoutant la possibilité d’avoir obtenu son emploi grâce à une relation antérieure.
Dans quelle mesure l’intervention de l’école comme réseau d’accès à l’emploi varie-t-elle selon les caractéristiques sociales de ces jeunes ? Est-ce plutôt l’apanage des jeunes femmes que des jeunes hommes ? Comment joue l’origine sociale ou le niveau du diplôme atteint, voire le niveau d’urbanisation du lieu de résidence ?
Le genre affecte quelques-uns des moyens mobilisés, à la différence de ce que constate Forsé (1997) quel que soit l’âge des personnes interrogées.
Cela concerne cinq moyens d’accès : en premier lieu, l’école concerne plutôt les jeunes femmes, même si tout au long de la décennie quatre-vingt-dix l’écart tend à se réduire avec les jeunes hommes ; ensuite les jeunes femmes obtiennent un peu plus souvent leur emploi par concours.
Second point, la famille intervient près de deux fois plus souvent dans l’obtention d’un emploi pour les jeunes hommes que pour les jeunes femmes : l’écart est important et se maintient au cours du temps, même si le poids global de ce canal d’accès baisse.
Enfin, deux évolutions marquantes apparaissent : si jeunes hommes et jeunes femmes effectuent de façon équivalente des démarches personnelles en 1990 (autour de 30%), la part des jeunes hommes utilisant ce moyen reste stable au cours du temps, tandis que celle des jeunes femmes augmente indiscutablement (39% en 1998) ; et l’intervention des relations personnelles connaît un mouvement inverse en baissant fortement pour les jeunes femmes et en restant à peu près stable pour les jeunes hommes.
Dans leur article de 1991, Degenne et alii avaient déjà repéré ces différences de comportement, qui ne concernent cependant que les catégories populaires.
L’analyse de l’Enquête Jeunes complémentaire à l’enquête Emploi de 1986 montre que les garçons de l’enquête, qui, majoritairement, n’ont pas atteint le niveau du bac et occupent un emploi d’ouvrier80, bénéficient plus souvent de l’intervention de la famille, tandis que les filles, qui elles non plus n’ont majoritairement pas atteint le niveau du bac mais sont plutôt classées dans la catégorie des employées81, effectuent plutôt des démarches personnelles.
A l’autre bout de l’échelle sociale, les enquêtes menées auprès des ingénieurs diplômés82 montrent au contraire qu’il n’y a pratiquement aucune différence entre hommes et femmes.
Les jeunes femmes manifestent ainsi une ouverture plus grande quel que soit leur milieu social et leur niveau d’étude, alors que les jeunes hommes peu titrés des catégories populaires sont plus centrés sur la famille.
Ceci n’est pas sans similitude avec les travaux d’Olivier Galland (1993, 1997) sur les transformations des modèles de passage à l’âge adulte, présentés dans le 1er chapitre, les garçons des couches populaires restant plus dépendants d’un modèle traditionnel fondé sur la famille, une mise en emploi et en couple sans délai après la sortie simultanée de l’école et de la famille d’origine, celle-ci constituant un référent auquel on reste très lié, etc. ; les jeunes femmes de même catégorie sociale adoptent de leur coté d’emblée le comportement des catégories plus aisées, poursuite d’études plus longues, disparition des seuils traditionnels d’entrée dans la vie adulte, report de la maturité familiale associé, au moins pour les filles, à un désir d’autonomie financière et résidentielle mettant à distance la famille, et se traduisant par une installation dans un logement propre et une prise d’emploi plus rapides83.
On retrouve ces phénomènes en terme de niveau de diplôme 84. Deux groupes sont distingués dans les tableaux : jeunes de niveau d’étude inférieur au bac, et jeunes détenteurs du baccalauréat ou d’un diplôme de l’enseignement supérieur.
Il s’avère que les moins diplômés bénéficient plus souvent des ressources de la famille (près de deux fois plus) et l’ANPE, tandis que les plus diplômés, de manière écrasante, passent beaucoup plus souvent des concours ou utilisent les annonces.
Les retours chez un employeur déjà connu concernent toujours un peu plus les plus diplômés, mais ce mode d’accès est de plus en plus courant au cours de la décennie quel que soit le niveau de diplôme.
Enfin deux évolutions opposées apparaissent. Les démarches personnelles concernent de façon équivalente 30% des jeunes en 1990, mais elles croissent au cours de la décennie pour ceux dont le niveau d’études est inférieur au bac (40%), tout en restant stable pour les autres.
Inversement, les relations personnelles sont plus fréquentes pour les moins diplômés en 1990, mais elles interviennent de moins en moins souvent au cours de la décennie, peut-être au profit de ces démarches personnelles.
En ce qui concerne l’école, l’évolution de son poids sur la décennie 90 apparaît un peu bousculée, laissant percevoir un attrait légèrement croissant de la part des plus diplômés (de 10 à 13%), sachant que la proportion la plus forte concerne tout de même les moins diplômés en 1994 (14%)… Globalement, ce moyen n’est pas vraiment affecté par le niveau d’étude atteint par ces jeunes, et c’est là une différence assez nette d’avec les résultats de Michel Forsé.
Comment l’expliquer ? Forsé constate que les plus diplômés ont plus souvent recours à l’école que les autres, mais il s’intéresse à l’ensemble des personnes ayant pris un emploi durant l’année précédant l’enquête. Nous avons retenu les plus jeunes (15-29 ans) se trouvant en formation ou effectuant leur service national, et qui se situent donc en début de vie active.
L’explication suivante peut être avancée : quel que soit le niveau d’étude atteint, tous les jeunes sortant de formation s’appuient sur les réseaux liés à l’école pour trouver un emploi après l’avoir quitté, pendant les premiers moments de la vie active, mais la pratique d’appel à ces réseaux diffère ensuite au cours du temps selon le niveau d’étude.
Les personnes titulaires d’un diplôme égal ou supérieur au bac continuent de bénéficier des effets de ce réseau tout au long de leur parcours professionnel (par les associations d’anciens probablement), tandis que les moins diplômés cessent après cette phase de vie.
Même si le poids de cette pratique devient faible, elle ne disparaît jamais avec l’âge comme le montre le tableau 4 de l’article de Forsé (1997, p. 157), passant de 1,9% pour les 30-30 ans à 1% pour les 50-64 ans !
80 Resp. 80% et 64% (Degenne et alii 1991).
81 Resp. 70% et 84% (Degenne et alii 1991).
82 Enquêtes FASFID nationale et LASMAS-IFRESI Nord-Pas de Calais (Degenne et alii 1991).
83 Avec ses éventuels risques corollaires de solitude et de déclassement professionnel.
84 Nous n’avons pas croisé les deux variables de genre et de niveau d’étude, étant donné la taille de l’échantillon….
L’effet de l’origine sociale a été aussi observé ; elle mesurée dans ce cas par la catégorie socioprofessionnelle du père de la personne interrogée, ce qui la distingue du travail de Forsé (ou du CEE d’ailleurs) qui traite la CSP des personnes interrogées elles-mêmes.
Quatre regroupements de CSP ont été retenus, à savoir : indépendantes, supérieures, intermédiaires, populaires. C’est ici que l’effet est le plus net : les réseaux de l’école concernent surtout les jeunes issus d’un milieu « cadre-profession intellectuelle supérieure », ceux issus des catégories intermédiaires les rejoignant au cours du temps (resp. 16,1% et 14,5% en 1998).
Ces deux types d’origine sociale ont aussi en commun le fait de trouver assez fréquemment leur emploi grâce à des relations personnelles, proportion qui reste à peu près stable au cours de la décennie (entre 14 et 18%).
La famille est très nettement l’apanage des jeunes issus des catégories d’indépendants : se retrouvent ici les phénomènes de reproduction sociale à l’œuvre chez les artisans, voire les commerçants ou les petits entrepreneurs qui constituent une grande part de cette catégorie.
Et bien que non prépondérant, ce recours à la famille, comme attendu, baisse au cours du temps pour les jeunes issus des milieux populaires (ouvriers, employés). Ces jeunes trouvent toujours plus souvent leur emploi par l’intermédiaire de l’ANPE.
Mais ils rejoignent surtout la catégorie des enfants d’indépendants à la fois dans un emploi de plus en plus intensif des démarches personnelles au cours de la décennie, atteignant respectivement 38% et 39% des modes d’obtention de l’emploi en 1998, et dans une fréquence croissante des retours chez un employeur déjà connu.
Enfin, dernier point, l’envergure de l’agglomération de résidence joue un rôle dans la répartition des modes d’accès à l’emploi pour ces jeunes (comme pour les autres, Forsé 1997), même s’il est malaisé à déchiffrer.
Dans le cas de l’école, la part des jeunes de 15-29 ans précédemment en formation obtenant un emploi grâce à ses réseaux augmente assez clairement avec la taille de l’agglomération de résidence, avec un pic pour Paris.
La mobilisation de l’école étant assez indifférente au niveau de diplôme atteint par les jeunes, ce ne serait donc pas dû au fait que la présence de l’enseignement supérieur dans les villes croît avec leur taille.
Il est probable que d’autres phénomènes plus proprement urbains interviennent ici : on sait ainsi que des phénomènes de voisinage, de spécialisation/différenciation ou d’organisation interne des espaces urbains selon leur taille jouent vraisemblablement un rôle dans la structuration des réseaux sociaux (cf. Degenne et Forsé 1994) : nos milieux de vie, fournissant nos relations sociales, sont aussi associés ou plutôt ancrés dans des territoires identifiés, fréquentés, vécus, organisés autour des implantations physiques de nos lieux de résidence et de nos lieux de travail (l’entreprise) ou de formation (l’école).
Enfin, à l’inverse de l’école, la famille intervient de manière stable dans l’accès à l’emploi des jeunes plutôt dans les petites villes, concernées aussi par les relations professionnelles antérieures qui semblent intervenir de moins en moins dans les grandes agglomérations ; et l’ANPE et les démarches personnelles sont plus fréquentes dans les villes de taille moyenne.
* Synthèse : l’école dans l’activité du marché du travail pour les jeunes de 15 à 29 ans en début de vie active sur une année
D’une façon générale, obtenir un emploi grâce à l’école concerne principalement les jeunes de 15 à 29 ans qui se trouvaient en formation ou au service national l’année précédant l’enquête ; elle représente 10 à 13%85 de leurs recrutements contre par exemple 4,1% en 1994 dans l’étude de Forsé (1997) pour l’ensemble des personnes ayant pris un emploi quel que soit leur âge.
Ce mode d’accès concerne un peu plus les jeunes femmes, mais il faudrait plutôt dire qu’il concerne moins les jeunes hommes, et surtout parmi eux les moins titrés et issus d’un milieu populaire.
Lorsque l’on oppose le fait d’être titulaire d’un diplôme égal ou supérieur au bac au fait d’avoir un niveau d’étude inférieur, il n’est pas aisé de distinguer de grandes différences. En début de vie active, l’accès à l’emploi via l’école serait donc peu sensible au niveau de formation atteint par les individus.
Ceci distingue les jeunes de l’ensemble des actifs, comme le montrent les études de Forsé (ou du CEE) centrées sur l’ensemble des actifs, et dans lesquelles l’école jouait un rôle légèrement plus fort pour les titulaires d’un diplôme égal ou supérieur au bac (Forsé 1997) ou supérieur à bac + 2 (Lagarenne et Marchal 1995).
Relevons cependant que les titulaires d’un diplôme supérieur ou égal au bac semblent bénéficier un petit peu plus de ce moyen d’accéder à l’emploi au cours de la décennie 1990 (10,5 – 12,5 – 13%).
Par contre, une origine sociale supérieure favorise clairement l’obtention d’un emploi par les réseaux liés à l’école ; et sur la décennie 1990, les catégories intermédiaires et populaires sont de plus en plus fréquemment concernées par ce mode d’accès. Enfin, le poids de l’école augmente légèrement avec la taille de l’agglomération de résidence, avec une pointe pour Paris.