Les caractéristiques du contrôle des chambres régionales des comptes en terme d’autonomie – Section II :
Le contrôle des chambres régionales des comptes est caractérisé par un important pouvoir d’investigation des magistrats ce qui leur confèrent une autonomie relativement large (§ 1.) mais l’autonomie peut aussi être perçue en terme d’indépendance des chambres entre elles du fait que, par principe, aucune procédure n’est commune aux différentes chambres (2.).
Paragraphe 1 : L’autonomie des magistrats et leurs limites en terme d’opportunité
La chambre régionale des comptes est relativement autonome en ce qui concerne le choix des organismes contrôlés. En effet, dans la plupart des cas, la vérification de la gestion verra l’auto saisine de la chambre régionale des comptes.
Tout d’abord, les magistrats disposent d’une certaine indépendance qui résulte de son statut tel que son inamovibilité, des obligations auxquelles il est tenu, de celles qui découlent de sa prestation de serment ainsi que des garanties procédurales.
Les magistrats130 disposent de pouvoirs d’investigation relativement étendus qui leur sont attribués par le code des juridictions financières qui dispose en son article L. 241- 2 : « les magistrats des chambres régionales des comptes disposent, pour l’exercice des contrôles qu’ils effectuent, de l’ensemble des droits et pouvoirs attribués à la Cour des comptes(…) » soit, selon l’article 12 du décret n° 83- 224 du 22 mars 1983 : « les rapporteurs procèdent, sur pièces et sur place, aux vérifications qui leurs sont confiées (…) ». Ces articles tendent à mettre en évidence un large pouvoir de communication. En effet, rien ne peut leur être opposé puisqu’ils ont accès aux logiciels informatiques et aux données (art. 31du décret du 23 août 1995) ainsi qu’aux immeubles (art. 32). Dans ce sens, le secret professionnel est levé puisque les fonctionnaires qui y sont astreints doivent répondre aux auditions des conseillers et ne peuvent leur opposer des informations par ce biais. De plus, l’obéissance hiérarchique ne peut être levée.
Toutefois, la loi du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption a renforcé ce pouvoir d’investigation puisqu’un délit réprimant l’entrave opposée aux juridictions financières dans leur enquête a été institué consistant pour les chambres régionales des comptes à demander au juge pénal de se prononcer sur ce type de délit pouvant être puni jusqu’à 100 000 francs selon l’article L. 241-1 du CJF. Cette innovation apparaît comme relativement efficace et constitue un poids supplémentaire pouvant éviter les désagréments rencontrés chez les contrôlés soit une certaine lenteur dans les réponses aux attentes des conseillers.
Les conseillers peuvent se faire assister d’un expert « pour des enquêtes de caractère technique »131 dont les prérogatives sont énoncées dans la lettre de service du président de la chambre régionale des comptes affectant le magistrat et son assistant à la vérification d’un tel organisme.
Cette intrusion dans la vie de la collectivité ou de l’organisme concerné est souvent mal ressentie. Face à cela, certains élus n’hésitent pas à présenter une totale transparence dans le but que cette attitude positive minimise la « sévérité » des observations. Le code des juridictions financières (art. L. 241-12) prévoit que les ordonnateurs d’une collectivité puissent avoir recours à un avocat en tant qu’assistant ou représentant. Toutefois, cette option est rarement utilisée sauf si la situation s’y prête réellement.
Une atteinte relative peut être portée à l’autonomie de la chambre régionale des comptes dans son pouvoir d’auto saisine. En effet, la loi n° 92- 125 du 6 février 1992 a mis en place la procédure des demandes motivées permettant au représentant de l’Etat dans la région ou le département ou à l’autorité territoriale de faire une demande de contrôle de la gestion à la chambre régionale des comptes. L’inconvénient est la définition des autorités territoriales. En effet, CASTELNAU et BOYER132 considère que ce terme tend à réserver les demandes motivées aux seuls ordonnateurs de la collectivité. Cette approche ne serait-elle pas trop réductrice en ce sens qu’un administré voyant la gestion d’une collectivité se dégrader n’aurait pas intérêt à agir ? surtout que cette procédure est motivée par « l’intention d’améliorer la transparence des gestions locales »133. En réalité, la pratique tend à prendre en considération ces lettres anonymes pour la plupart motivées de l’intervention des citoyens, protecteur des deniers de leurs impôts. Ainsi, si ces demandes sont rejetées pour défaut de qualité du demandeur, celles-ci pourront être intégrées, si les remarques sont pertinentes, dans le cadre d’une future programmation.
Bien entendu la demande doit concerner un organisme susceptible de pouvoir faire l’objet d’un contrôle. En outre, le président de la chambre conserve la faculté de refuser de programmer ce contrôle et cette demande n’équivaut pas à saisine même si, lorsqu’elle décide de regarder la gestion, elle contrôle l’ensemble de la gestion134. Cela permet aux chambres si elles répondent favorablement à leur interlocuteur de délimiter le champ d’investigation, n’étant pas borné aux appréciations du demandeur.
En effet, « ni délais, ni critères, ni modalités d’acceptation ou de refus n’ont été prévus ou réglementés.(…) La volonté du législateur semble donc ne pas avoir été de préserver en l’espèce l’autonomie de décision des chambres dans la programmation de leurs contrôles135 ». Il apparaît que cette procédure est relativement peu utilisée sauf, en 1995, année de renouvellement électoral. En effet, ce phénomène est peu surprenant puisque les candidats cherchent via le contrôle de la gestion du maire sortant à attirer les voix en leur faveur et force est de constater que dans cette mesure le contrôle de la gestion dispose d’un impact important.
Une atteinte manifeste à l’autonomie du magistrat se voit en terme de l’opportunité. En effet, les magistrats ne peuvent porter de jugement sur les choix des élus à savoir sur l’intérêt de la construction de telle réalisation. Toutefois, l’évaluation des politiques publiques locales qu’elles effectuent poussent les magistrats à apprécier l’impact des choix des élus mis en exergue par des preuves financières. Ainsi, si l’opportunité de fait n’est pas franchie, le contrôle que tend à exercer les magistrats présentent la solution contraire. La véracité de cette analyse tient dans la pertinence de l’utilisation du terme d’opportunité. Mais il est nécessaire de rappeler que les magistrats ne se bornent aux constats étant donné que les projets sont, en général, réalisés a priori.
Enfin, les magistrats sont confrontés à une demande croissante de soutien de la part des gestionnaires locaux. Ainsi, un certain nombre de contrôlés sont demandeurs d’une évolution de leur rapport avec la chambre afin de supprimer la frontière contrôleur-contrôlé ce qui apporterait une autre image à la chambre et, en conséquence, permettrait une meilleure appréciation des remarques qu’elle pourrait formuler.
Le deuxième argument avancé au développement de cette perspective serait l’amélioration de l’efficacité de la gestion car les remarques seraient formulées a priori et ne seraient plus cantonnées à un simple constat d’une mauvaise gestion passée.
Face à cela, la chambre régionale des comptes et plus précisément les magistrats financiers demeurent très réticents. En effet, la fonction de conseil avancée tend à se heurter à une appréciation de l’opportunité de la gestion et des choix, barrière que les magistrats ne peuvent franchir en vertu des dispositions récemment rappelées par l’article 36 de la loi du 21 décembre 2001: « …L’opportunité de ces objectifs (à propos des objectifs que doit fixer l’assemblée délibérante) ne peut faire l’objet d’observations. » De plus, cette fonction équivaut en quelque sorte à une certaine cogestion ce qui semble négatif au regard de l’impact de la chambre mais aussi source de malversation car la fonction de « gendarme » de la chambre n’existerait plus. Dans le même temps, la chambre ne peut être conseil d’une collectivité et ensuite formuler des observations sur sa gestion. Ces deux fonctions apparaissent incompatibles si l’on veut conserver une certaine qualité au contrôle de la gestion136.
Ainsi, la meilleure solution serait que la collectivité demande l’assistance d’experts pour ne pas contrevenir à la fonction de contrôleur de la gestion des magistrats.
Si cette autonomie des magistrats s’exprime à l’échelon national et dans toutes les chambres régionales des comptes, il apparaît que la manière de procéder en terme de contrôle soit relativement différente d’une chambre à l’autre.
Ainsi, Didier Roguez a exprimé ce courant de penser qui tend à investir les chambres régionales des comptes sur une codification de certains points de la procédure en terme d’examen de la gestion même si cette idée tend à limiter la chère autonomie des vérificateurs.
Lire le mémoire complet ==> (L’évaluation de l’efficacité de la dépense publique dans le contrôle de la gestion opéré par les Chambres Régionales des Comptes)
Mémoire de DEA – Mention FINANCES PUBLIQUES – Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales
Université Lille 2 – Droit et santé – Ecole doctorale n° 74

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