Des textes législatifs spécifiques aux zones humides

Une réglementation diverse pour protéger les zones humides – Section 2
La prise en compte progressive de l’environnement pendant la seconde moitié du XXe siècle a progressivement inclus l’intérêt de la protection des zones humides. Ainsi, leur protection et leur sauvegarde ont été institutionnalisées.
Il n’y a pas d’instrument spécifique de protection des zones humides. Le seul instrument spécifique serait la Convention de Ramsar mais, c’est un outil de droit international, peu contraignant juridiquement. Aussi, cette convention a pour objectif la conservation des zones humides nécessaires à la conservation des oiseaux d’eau, et ne visent pas les zones humides en leur qualité et fonction intrinsèques.
La sauvegarde et la protection des zones humides n’est que rarement spécifique mais est le plus souvent englobée dans divers outils et réglementations plus larges : les espaces naturels, les espèces menacées ou protégées, la ressource en eau, ou encore l’aménagement du territoire. Environ 58% de la superficie des zones humides « d’importance majeure » est protégée à un titre ou à un autre.52 Le droit communautaire prend d’ailleurs de plus en plus de place dans le domaine de la protection de l’environnement et donc de celle des zones humides. Le droit de préservation et protection des zones humides comprend les règles d’utilisation des ressources naturelles que contiennent les milieux : eau, chasse, pêche, carrière, ainsi que les règles relatives à l’occupation et à la protection de l’espace : risques naturels, aménagement, espace rural.
Il convient donc d’étudier les différents textes, qui spécifiquement ou par l’intermédiaire de divers domaines de protection et de sauvegarde, traitent de celles des zones humides.

52 Données IFEN.

Sous-Section 1 Des textes spécifiques aux zones humides
1. La convention de Ramsar
Le but de cette convention est la conservation des zones humides nécessaires à la conservation des oiseaux d’eau. L’accent est plus porté sur la protection des habitats que celle des espèces.53 Cette Convention est le seul traité sur l’environnement consacré à un écosystème.
Il s’agit d’un traité de droit international, signé dans la ville de Ramsar en Iran le 2 février 1971. Entrée en vigueur en 1975, elle fut amendée à plusieurs reprises.54 La France y est partie depuis 1986. Dans un premier temps, la France n’a inscrit que la Camargue sur la liste des zones humides d’importance internationale. Dans l’ensemble, en 2006, près de 1600 sites d’importance internationale sont regroupés sous l’égide de cette convention, représentant environ 134 millions d’hectares à travers les 150 parties contractantes à la convention. La France compte 22 sites à ce jour.55
Bien que juridiquement peu contraignante, elle est un outil pour la protection des zones humides. Elle constitue un label de reconnaissance internationale, et non une véritable protection réglementaire.56 Sa mission est en effet la conservation des zones humides par des actions locales, régionales et nationales et par la coopération internationale.

53 BOURHIS Laurence / CHOQUET Anne, « Vers une stratégie publique de préservation des zones humides », précité, p. 600.
54 à Paris en 1982, et à Regina (Canada) en 1987.
Loi n°94-480 du 10 juin 1994 autorisant l’approbation d’amendements à la convention du 2 février 1971 relative aux zones humides d’importance internationale, particulièrement comme habitats des oiseaux, adoptés par la conférence extraordinaire réunie à Regina, Canada, le 28 mai 1987 (J.O n° 134 du 11 juin 1994, p. 8450) ;
Décret n° 95-143 du 6 février 1995 portant publication des amendements à la convention du 2 février 1971 relative aux zones humides d’importance internationale, particulièrement comme habitats des oiseaux, adoptés par la conférence extraordinaire réunie à Regina, Canada, le 28 mai 1987 (J.O n° 36 du 11 février 1995, p. 2322). 55 6 sites ont par exemple été ajoutés à la liste lors de la Conférence des parties du 16 juin 1993 : lac de Grandlieu, marais salants de Guérande, Grande Brière, Grand Cul de Sac Marin (Guadeloupe), marais de Kaw et de Basse Mana (Guyane). Les autres sites étant : Baie du Mont Saint Michel, Basses Vallées Angevines, Camargue, Etang de Biguglia (Corse), Etangs de la Champagne humide, Etangs de la Petite Woëvre, golfe du Morbihan, La Brenne, Marais du Cotentin et du Bessin, Baie des Veys, La Petite Camargue, Rives du Lac Léman.
56 BOURHIS Laurence / CHOQUET Anne, « Vers une stratégie publique de préservation des zones humides », précité, p. 600.

Les Etats partis ont l’obligation de désigner au moins un site qui respecte les critères énumérés par la convention. Ce sont des zones humides d’importance internationale d’un point de vue écologique, botanique, zoologique, limnologique ou hydrologique. Les sites choisis doivent respecter le principe d’utilisation rationnelle de ces zones et le maintien des caractéristiques écologiques. La protection et la gestion sont cependant laissées à la discrétion des Etats.
La Convention de Ramsar a permis de développer une forte prise de conscience sur la nécessité de sauvegarder les zones humides.
2. Des déclarations au niveau communautaire
Deux déclarations sont spécifiques aux zones humides au niveau communautaire.
Tout d’abord, la communication de la commission de 1995.57 Il n’y avait pas jusque-là de référence aux zones humides dans la politique communautaire de l’environnement. Cette communication y remédie en reconnaissant explicitement la préservation des zones humides. La commission tire un bilan mitigé de l’action des communautés envers la protection des zones humides, et propose une gestion intégrée en renforçant notamment l’instrument législatif des Etats et en accentuant l’effort de recherche et d’éducation par rapport à ces espaces. La nécessité d’observer et de contrôler l’état des zones humides est soulignée.58
Une résolution du Parlement de 199659 vient compléter cet effort de prise en compte communautaire des zones humides. Ainsi, le Parlement propose une intégration des zones humides dans le droit existant, et veut que la commission propose une véritable politique des zones humides au niveau communautaire. Entre autres, le Parlement propose un classement des zones humides, ainsi qu’une adhésion de l’UE à la convention de Ramsar.60

57 Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen, « Utilisation rationnelle et conservation des zones humides », 29 mai 1995, COM (95) 189 Final. Orientation générale approuvée en Conseil des Ministres le 4 mars 1996 (Bulletin de l’Union Européenne, Commission européenne, n° 3, 1996).
58 BOURHIS Laurence / CHOQUET Anne, « Vers une stratégie publique de préservation des zones humides », précité, p. 601.
59 Résolution du Parlement européen sur la communication de la commission sur l’utilisation rationnelle et la conservation des zones humides, 12 décembre 1996 (JOCE n° C 20, 20 janvier 1997, p. 179).

3. Le Plan d’action nationale des zones humides
A la suite du rapport « Bernard »61, le gouvernement adopte, le 22 mars 1995, en Conseil des ministres, un Plan d’action gouvernementale pour les zones humides. Ce plan se structure autour de quatre thèmes qui sont la connaissance des zones humides (inventorier et renforcer l’outil de suivi et d’évaluation), une mise en cohérence des politiques publiques, la reconquête des zones humides, et l’amélioration de l’information et la sensibilisation des gestionnaires et des usagers des zones humides. Le pilotage du Plan est confié à l’Institut Français de l’environnement (IFEN) alors que le Museum national d’histoire naturelle est chargé de la coordination scientifique.
Dans l’ensemble, sont abordés les différents thèmes de la désignation et l’inventaire des zones, le recensement des mesures défavorables aux zones. Les différentes mesures de protection (labels, fonds divers, soutien à l’élevage extensif) sont aussi étudiées. Enfin, le Plan propose diverses méthodes pour améliorer le dispositif de protection et d’information sur les zones humides.
Le Plan a été accompagné de la mise en place d’un Programme National de Recherche sur les Zones Humides, ainsi que de la création de l’Observatoire National des Zones Humides, dont la première production fut un « atlas » des zones humides présentant une carte, respectant la nomenclature CORINE-Land-Cover, de l’occupation des sols. Cet observatoire n’a cependant pas de compétences de gestion des zones humides. Des guides techniques doivent être par ailleurs rédigés regroupant les différentes caractéristiques des zones humides ainsi que les données écologiques et juridiques les concernant.

60CIZEL Olivier, « Textes juridiques européens sur les zones humides », Zones Humides Infos, n° 53, 3ème trimestre 2006, pp. 9-10.
61 Rapport précité.

Enfin, des pôles relais zones humides ont été mis en place pour assurer le suivi des politiques et apporter aux acteurs de terrain les orientations générales. Ils jouent le rôle d’experts scientifiques et gestionnaires. Chaque pôle se rapporte à un grand type de zone humide. Ainsi, ont été institués les pôles lagunes méditerranéennes, tourbières, vallées alluviales, zones humides intérieures, marais littoraux de l’Atlantique, de la Manche et de la Mer du Nord, et enfin le pôle mares et mouillères.
4. Les articles 127 à 139 de la Loi sur le développement des territoires ruraux du 23 février 200562
La loi du 23 février 2005 a pour but premier le développement du monde rural. Elle comporte de nombreuses mesures relatives au développement économique de l’espace rural, aux espaces périurbains, à l’aménagement foncier dans les zones rurales, à la forêt, aux espaces pastoraux. Elle est aussi relative aux zones humides.
En effet, cette loi consacre l’existence politique et juridique des zones humides, et marque donc un tournant important dans la reconnaissance de ces zones. Depuis la loi sur l’eau de 1992, les zones humides sont définies juridiquement en France. mais la loi DTR consacre réellement la protection de ces zones, en mettant en avant, juridiquement, leurs fonctionnalités propres, et en ne les reconnaissant non plus simplement comme milieux écologiquement intéressants, ou par les espèces vivants dans ces zones. C’est la fonction même des zones humides qui est l’objet de cette législation. Donc, le traitement des zones humides passe d’un droit historique d’assèchement à celui d’une attention et protection juridique diverse.

62 Loi DTR, précitée.

Les articles 127 à 13963 sont consacrés spécifiquement aux zones humides. L’article 127 constitue le fondement juridique de la politique en faveur des zones humides, qui est l’innovation majeure de cette loi.
L’autre grande innovation de cette loi concernant les zones humides est l’instauration d’une nouvelle fiscalité des zones humides, qui met en place trois régimes d’exonération de la Taxe Foncière sur les Propriétés Non Bâties64. Plus généralement, ces différents articles reviennent sur l’intérêt de la protection de zones humides. De nouvelle définitions et délimitations sont aussi prévues65, ainsi qu’un renforcement des outils traditionnels de protection66. La cohérence des politiques publiques concernant les zones humides est mise en avant.67

63 Soit le Chapitre III, titre IV de la Loi DTR, précitée.
64 TFPNB. Voir « II.B/ ».
65 Article 127, § I de la Loi DTR, précitée.
66 Articles 133 et 136 de la Loi DTR, précitée.
67 Article 127, § II, de la Loi DTR, précitée.

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Mémoire de fin d’études – Diplôme IEP
Université LYON 2 – Institut d’Etudes Politiques de Lyon

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