Les effets liés au prononcé de la nullité partielle du contrat

Les effets liés au prononcé de la nullité partielle du contrat

B. Les effets liés au prononcé de la nullité partielle du contrat

Contrairement aux effets de la nullité touchant l’ensemble du contrat de travail, ceux attachés au prononcé de la nullité partielle de celui-ci se résument en une conséquence essentielle : la survie du contrat (1). En effet, débarrassé de la clause déclarée non-valide, le contrat de travail peut continuer de s’exécuter normalement.

Cependant, cette survie suppose dès le départ que le contrat s’exécute toujours au jour de l’instance et n’a donc pas été rompu par l’une des parties contractantes. Dans le cas contraire, le contrat ne peut ressurgir du fait de la nullité partielle d’une de ses clauses.

De plus, la nullité partielle du contrat de travail ne produit pas d’effet qu’au regard de la survie ou non du contrat de travail. Bien au contraire, celle-ci a également vocation à produire des effets quand bien même plus aucune relation ne lierait le salarié à l’employeur. On prendra ici pour exemple caractéristique, la clause de non-concurrence (2). En effet, celle-ci n’a vocation à produire de conséquences qu’au jour de la rupture du contrat de travail. Dès lors, en cas de nullité imputable à cette seule clause, quels va être les effets d’une telle sanction ?

1. La survie du contrat de travail

Cette solution semble tout à fait logique ; le contrat de travail n’est pas nul, seule la clause litigieuse subit cette sanction. C’est d’ailleurs tout l’intérêt de celle-ci au contraire de la nullité touchant l’ensemble de la relation de travail. Cependant, cet effet donné à la nullité partielle du contrat suppose au préalable que celui-ci soit toujours en vigueur. En effet, personne ne saurait prétendre, en cas de rupture du contrat antérieure à l’action présentée devant les juges prud’homaux, à la résurgence de la relation de travail ayant liée le salarié à l’employeur.

Dès lors, la rupture du contrat de travail qui reposerait sur une prétendue violation de la relation de travail s’avère être un licenciement sans cause réelle et sérieuse. En effet, dans une telle hypothèse, le salarié agit devant le Conseil de Prud’hommes afin d’obtenir des indemnités de licenciement ou même la nullité de la clause qu’il aurait violé ; l’employeur invoque comme cause justifiant la rupture de la relation de travail le non-respect de la clause du contrat. Or, les juges se prononcent en faveur d’une nullité partielle.

Dès lors, le contrat n’est nul qu’en ce qui concerne la clause visée par les juges prud’homaux. De ce fait, le contrat devait continuer à produire ses effets notamment quant au maintien du salarié dans l’entreprise. A défaut, la rupture dont est victime ce dernier ne repose sur aucun fondement et ce salarié aura donc droit à des indemnités pour rupture abusive du contrat de travail319.

Dès lors, l’intérêt d’une telle sanction réside donc dans la technique dissuasive que représente son application. En effet, « celui qui tient à l’insertion de la clause court le risque de voir demander à la fois l’exécution du contrat et la nullité de la clause »320. Ainsi, l’employeur qui aurait inséré cette clause dans le contrat de travail se voit dans une telle hypothèse contraint de poursuivre la relation de travail avec le salarié sans pouvoir bénéficier des dispositions de ladite clause déclarée nulle.

La technique de la nullité partielle du contrat de travail paraît donc redoutable. En effet, soucieux des intérêts des cocontractants mais également des tiers à cette relation, les juges prud’homaux confèrent donc au contrat de travail un sort que parfois aucune des parties n’auraient pu présager.

Il convient de plus de souligner que cette technique, si elle est applicable en France, a également reçu depuis longtemps un certain succès en droit communautaire. En effet, on peut citer pour exemple l’article 7 §4 du règlement 1612/68 du 15 octobre 1968 relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté lequel dispose : « toute clause…portant sur l’accès à l’emploi, l’emploi, la rémunération et les autres conditions de travail et de licenciement, est nulle de plein droit dans la mesure où elle prévoit ou autorise des conditions discriminatoires à l’égard des ressortissants des autres Etats membres »321.

De même, selon l’article 4 de la directive 75/117 du 10 février 1975 ayant trait au rapprochement des législations des Etats membres relatives à l’application du principe de l’égalité des rémunérations entre les travailleurs masculins et les travailleurs féminins, les Etats membres de la Communauté se doivent de prendre les dispositions nécessaires pour que les clauses figurant dans les contrats de travail contraires au principe de non- discrimination entre hommes et femmes puissent être déclarées nulles322.

319 Cf. pour exemple CA Paris 30 avril 1963, op. cit (à propos d’une clause de célibat).

320 En ce sens, SIMON-SUISSE (F.), Nullité et contrat de travail, mémoire de DEA de droit social, op. cit.

321 JOCE n°L 257 du 19 octobre 1968 ; Rect. JOCE n°L 295 du 7 décembre 1968.

322 JOCE n°L 45 du 19 février 1975.

Cependant, cette sanction de la nullité partielle du contrat de travail n’est pas sans subir quelques critiques. En effet, selon monsieur GHESTIN, la nullité d’une partie seulement du contrat de travail se justifie essentiellement par la notion de cause déterminante du consentement. Or, selon lui, « l’utilisation constante des notions de cause impulsive et déterminante et d’indivisibilité apporte à la matière une part d’obscurité qui caractérise leur usage de façon générale.

Ensuite et surtout, la jurisprudence dominante, qui reste inspirée, semble-t-il, par le dogme de l’autonomie de la volonté, limite sa recherche et, en tout cas, la justification de ses solutions, à l’influence exercée dans l’accord des volontés par l’élément irrégulier.

Ici encore le dogme de l’autonomie de la volonté fait considérer le respect de l’intention des parties, au moins en apparence, comme un principe de solution unique. Or, sur le fond, la volonté des parties, si respectable soit-elle, ne peut prévaloir sur la règle dont il s’agit d’assurer la sanction »323. Il est vrai que la référence à la volonté des parties au contrat ne peut pas tout permettre aux juges dans le prononcé de leur décision qui plus est dans un contrat de travail où c’est le plus souvent l’employeur qui impose le contenu du contrat au salarié.

Cependant, la référence à ces volontés dans le but de justifier le prononcé de cette nullité partielle du contrat de travail est imparable. Ainsi, comme le souligne également plus loin dans ses développements monsieur GHESTIN, « l’hostilité ou, tout au moins les réticences, des juges à l’égard de certaines causes de nullité peuvent ainsi s’abriter derrière une interprétation de la volonté commune des parties qui, en fait, échappe à la critique et même, le plus souvent, au contrôle de la Cour de cassation »324.

Dès lors, en matière de nullité du contrat de travail, la jurisprudence se montre en général très favorable au prononcé de la nullité de seulement certaines clauses du contrat. Ainsi, le salarié serait dans une situation très favorable puisqu’il obtiendrait dans une telle hypothèse les faveurs des juges prud’homaux, ces derniers considérant que la clause invalidée n’était pas déterminante du consentement des parties, que le contrat de travail reste donc valable et sans que la Cour de cassation ne puisse venir remettre en cause cette affirmation.

Or, toute la difficulté pourrait résulter d’une divergence d’appréciation entre juridictions du fond des éléments prouvant le caractère déterminant ou non de la clause vis à vis du consentement des parties au contrat ! Reste que la chambre sociale de la Cour de cassation peut cependant toujours sortir de sa réserve…

323 J. GHESTIN, Traité de droit civil-Les obligations, op. cit., n°900.

324 Idem.

Le principal effet du prononcé de la nullité partielle du contrat de travail est donc la survie de cette convention. Cependant, il n’est pas le seul. En effet, le contrat de travail peut déjà être rompu le jour de l’introduction de l’action en nullité de l’ensemble ou d’une partie seulement du contrat de travail. Dès lors, quelle serait l’utilité de la sanction de la nullité partielle dans une telle hypothèse ? Il faut se placer ici du côté de la clause et de son incidence sur la situation du salarié.

En effet, celle-ci peut ne produire ses effets qu’au jour de la disparition de la relation de travail. Or, prononcer la nullité partielle du contrat et donc de cette clause conduit à annihiler toute sorte de relation qui subsisterait entre le salarié et son ancien employeur. Tel est le cas par exemple de la clause de non- concurrence.

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