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TVA et parrainage en nature : obligations fiscales liées à la remise du bien au sponsoré

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🏫 Université DE PARIS NORD-(Paris XIII)
📅 Diplôme d’Etudes Approfondies DROIT DES AFFAIRES - 2000- 2001
🎓 Auteur·trice·s
JESUS-FORTES BILLE
JESUS-FORTES BILLE

Découvrez comment la remise de biens au sponsoré génère pour le parrain des obligations fiscales en matière de TVA : facturation, règles d’assiette, régularisation des déductions et particularités liées aux biens immobilisés.


SECTION 2 – La remise du bien au sponsoré

Il convient de distinguer selon qu’il s’agisse d’un transfert de propriété (§1) ou d’une simple mise à disposition du bien (§2).

§1- LA REMISE DU BIEN EN PROPRIETE

La remise du bien au sponsoré engendre pour le parrain l’obligation de facturer sa prestation à son cocontractant. Le commanditaire est alors redevable de la TVA ayant grevé le bien transféré (A).

Le plus souvent, le parrain procède à l’achat du bien qu’il fait entrer dans son patrimoine. A cet effet, il bénéficie du droit à déduction de la taxe afférente. Lors de la remise du bien au sponsoré, il sort le bien de son patrimoine. Cela peut lui imposer une obligation de régularisation (B).

96 CE 21 décembre 1994, La lettre des annonceurs, n° 413, 15 juin 1995, p. 15

A- LE COMMANDITAIRE REDEVABLE DE LA TVA

L’entreprise parrain peut être redevable de la taxe sur la valeur ajoutée dans le cadre qui nous occupe du parrainage par aide en nature.

Le domaine est vaste et les modalités doivent être précisées.

a) Le domaine de la TVA due par le commanditaire

Le commanditaire peut à titre de rémunération du parrainé lui apporter une aide matérielle. Celle-ci peut revêtir différentes formes. En effet s’il est courant que le parrain fournisse le matériel à l’aide duquel le sponsoré effectuera sa prestation, il est d’autant pour des menus avantages en nature qui passent presque inaperçus mais qui nécessitent des moyens financiers et temporels non négligeables.

A titre d’exemple le commanditaire peut :

  •  fournir une aide logistique ou technique consistant en l’impression sur son propre matériel les programmes de la manifestation ou assurer la gestion de la billetterie sur son matériel informatique ;
  •  mettre à la disposition du bénéficiaire pour une durée déterminée des chaises, des ordinateurs ou des locaux dont il est propriétaire ou loués à cet effet. Cette mise à disposition s’apparente à un prêt ;
  •  mettre à la disposition du parrainé, pour une durée déterminée des personnes faisant partie de son personnel ou engagées à l’occasion de l’activité de parrainage qui seront rémunérées par le sponsor.

La contrepartie de ces aides en nature (prestations de services ou livraisons de biens) s’analyse en la prestation de service à laquelle s’engage le parrainé. Par conséquent le caractère onéreux, un des critères d’application de la TVA, est présent.

b) Les modalités d’imposition du commanditaire

Hormis les cas d’exonération, les règles d’imposition de l’aide de parrainage en nature sont définies par l’article 76-1 de l’Annexe III du CGI aux termes duquel « la valeur des objets reçus en contrepartie de ceux livrés, éventuellement majorée du montant de la soulte encaissée » constituent l’assiette de la taxe.

La somme ainsi déterminée est acquittée par le commanditaire et sera à fortiori facturée au sponsoré.

Dans les faits, cette opération donnera lieu à un échange de facture entre le parrainé et le parrain, dont les montants doivent pour respecter une certaine logique être identiques. Il y aura ainsi, une compensation financière entre les deux factures.

L’exigibilité de la taxe au niveau de chaque prestation faisant l’objet de l’échange est déterminée par la nature de la prestation (livraison de bien ou prestation de service).

B- LES REGULARISATIONS DES DEDUCTIONS PRATIQUEES ANTERIEURMENT

En principe, lorsque la déduction de TVA répond aux exigences légales, elle est définitive. Néanmoins certains événements peuvent remettre en cause ce principe, entraînant par là un impératif de régularisation de la situation.

La régularisation consiste dans le versement au trésor d’une fraction de la taxe initialement déduite97.

a) Les opérations concernées

Le sponsor a pu déduire la taxe afférente à l’acquisition du bien immobilisé lors du paiement du prix. Le fait de sortir ce bien du bilan et de le remettre au bénéficiaire engendre pour le sponsor l’obligation de régulariser la situation. Par conséquent, il est tenu de reverser à l’administration fiscale la taxe dont il a pu jouir (article 210 de l’annexe II du CGI).

Cependant, la régularisation à laquelle peut être tenu le commanditaire répond à des règles qu’il convient de préciser. Toutes les opérations donnant lieu à l’aide en nature ne sont pas susceptibles de régularisations fiscales.

Il ne peut être question de régularisation lorsque l’opération « d’échange » est elle-même soumise à la TVA.

Nous avons vu que l’aide en nature pouvait consister en la mise à disposition pas le commanditaire de personnel qui est rémunéré par lui pour la période de la manifestation; elle peut aussi consister en la dispense de conseils au parrainé. Dans ces cas, la prestation du commanditaire ne porte pas sur un bien, et par conséquent il n’y a pas lieu à régularisation de TVA.

A l’inverse il faudra procéder à une régularisation dans les cas suivants :

– lorsque le commanditaire remet à titre définitif au sponsoré le bien objet de l’avantage en nature; le bien sort définitivement du patrimoine du parrain. Cela s’analyse en une opération de cession de bien corporel au sens de l’article 210 de l’annexe II du CGI.

Avant 1989, lorsque le bien était d’occasion, sortie de l’actif de l’entreprise parrain, la cession donnait lieu à régularisation mais aussi à application du régime fiscal de plus et moins values.

– mise à disposition d’un bien exonéré de TVA, par exemple prêt d’un local nu ou d’un terrain non aménagé. On part du principe qu’il y a eu un changement d’affectation ou d’utilisation du bien entraînant une modification de sa situation au regard du droit à déduction98

97 H. LENA, op. cit. n°1

98 Article 226 bis de l’Annexe II du CGI

b) Les conditions légales de régularisation

La régularisation doit être effectuée suivant un délai déterminé à l’expiration duquel elle est prescrite. Ce délai varie en fonction de la nature du bien en cause.

Lorsque l’opération a consisté en la remise ou la mise à disposition d’immeubles par le commanditaire au parrainé, la régularisation doit intervenir avant le commencement de la neuvième année qui suit celle de leur acquisition ou de leur achèvement.

A défaut, la déduction de la taxe afférente à l’acquisition du bien devient définitive.

Pour toutes les autres immobilisations le délai expire au commencement de la quatrième année qui suit l’année de l’acquisition ou de la première utilisation.

c) Le montant de la régularisation et les formalités à accomplir

En matière d’immeubles, le montant de la régularisation, c’est-à-dire la fraction de la taxe initialement déduite qui devra être reversée au trésor, correspond à la déduction initiale diminuée d’un dixième par année civile ou fraction d’année civile écoulée depuis la date d’acquisition ou d’achèvement.

Pour les autres immobilisations, le reversement est égal à la déduction initiale diminuée d’un cinquième par année civile ou fraction d’année civile écoulée depuis la date d’acquisition ou de la première utilisation du bien.

Le reversement de la taxe antérieurement déduite par le commanditaire au trésor, entraîne simultanément une autre obligation à l’endroit du sponsoré.

Le parrain est tenu de délivrer au parrainé une attestation faisant mention du montant de la taxe ayant initialement grevé le bien, diminué dans les conditions précédentes.

Cette attestation permettra au parrainé de pratiquer à son tour une déduction à condition que le bien constitue pour ce dernier une immobilisation.

§2- LA REMISE DU BIEN A TITRE DE PRÊT

L’administration fiscale voit dans cette remise une opération d’échange de prestations réciproques entre les deux protagonistes. La remise du bien par le sponsor s’analyse comme une mise en location. Selon Monsieur CHADEFAUX, cette construction a des bases juridiques incertaines et des conséquences fiscales étonnantes. Chacune des parties devra facturer à l’autre la TVA assise sur le prix de sa propre prestation, et par voie de conséquence pourra déduire la TVA correspondante99.

Jusqu’au 31 décembre 1989, le législateur exonérait de TVA les remises de biens par le commanditaire au parrainé lorsque ces biens étaient d’occasion inscrit à l’actif du bilan du sponsor et constituaient des immobilisations100.

Ce régime a été modifié par la loi de fiances pour 1990. L’opération de remise de biens d’occasions constituant des immobilisations n’est exonérée de TVA que lorsque le bien en question n’avait pas ouvert droit à déduction de la taxe lors de son acquisition.

99 Rép. min. REYMANN, n°4143, J.O. A.N. Q, 4 août 1986, p. 2460

100 Article 261-3 1°a du CGI

Conclusion

Le phénomène du parrainage, né de la pratique, connaît un essor remarquable. A long terme, cette technique de communication sera sans doute préférée par les entreprises au détriment du mécénat et de la publicité. Cela se justifie par le fait que cet outil allie opportunément les intérêts du sponsor et du sponsoré.

Original et d’un intérêt certain pour les entreprises, le parrainage emprunte son régime juridique au droit fiscal général.

Qu’il s’agisse des impôts directs ou des impôts indirects, le droit fiscal général s’adapte avec plus ou moins de facilité. Mais il n’existe pas de cadre législatif et fiscal propre au parrainage. Cette absence est d’autant plus remarquée face à l’importance que revêt aujourd’hui la matière. Certaines activités sportives risqueraient de ne pas avoir lieu en l’absence de sponsor.

Cette situation n’est pas propre au domaine du parrainage. Elle se retrouve dans divers techniques nées de la pratique et auxquelles le droit a dû s’adapter. Ainsi par exemple de l’informatique ou de l’Internet. Dans ce dernier cas, on a d’abord tenté d’adapter le droit existant101, puis a été suggéré la création d’un droit spécifique.

L’intervention du législateur est-elle opportune dans le domaine du parrainage afin de poser clairement le cadre juridique et fiscal?

101 La loi dite Informatique et Liberté du 6 juillet 1978 portant création de la CNIL a permis l’appréhension de certain problèmes posés par ces matières, cependant, elle s’est avérée insuffisante.

Conclusion

Une double observation s’impose :

1- Il serait plus aisé aux entreprises de faire appel au parrainage si elles trouvaient un cadre fiscal clair et précis propre à la matière. On peut penser que les praticiens y recouraient plus facilement si la technique leur paraissait moins complexe. Notamment du point de vue de la TVA dont l’originalité ne cache pas la difficulté d’appréhension. Le même constat peut être fait en ce qui concerne le parrainage international.

2- Toutefois, en l’absence d’un tel cadre spécifique, la matière ne semble pas décourager les entreprises à compléter leur communication par la publicité, d’une communication par le parrainage. Il apparaît par conséquent inutile d’encombrer les parlementaires de ce thème. Le recours aux outils connus et répertoriés semble suffisant.

Nonobstant, si l’intervention du législateur n’est pas à prodiguer, une autre voie peut être suggérée. L’administration fiscale, plus proche des réalités du terrain semble la mieux à même pour définir, par sa doctrine, un cadre clair et détaillé pour l’ensemble de activités du parrainage en tenant compte des particularités existantes.

Cet effort de clarification pragmatique par l’administration fiscale aurait sans aucun doute pour conséquence un attachement encore plus grand des entreprises vers le parrainage qui leur semble être une technique plus en rapport avec leur finalité.

Par conséquent, l’intervention législative dans le domaine de la fiscalité du parrainage ne semble pas nécessaire, étant donné que le cadre actuel est suffisant et s’adapte parfaitement à la technique.

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