L’automobile française : une filière dynamique en mutation

L’automobile française : une filière dynamique en mutation

République française

Avis et rapports du conseil économique et social

L'automobile française : une filière dynamique en mutation

L’automobile française : une filière majeure en mutation

Rapport présenté par

M. Roland Gardin

Année 2006

Avis du Conseil économique et social sur le rapport présenté par M. Roland Gardin au nom de la section des activités productives, de la recherche et de la technologie (dont le Conseil économique et social a été saisi par décision de son bureau en date du 22 mars 2005 en application de l’article 3 de l’ordonnance n° 58-1360 du 29 décembre 1958 modifiée portant loi organique relative au Conseil économique et social)

AVIS adopté par le Conseil économique et social au cours de sa séance du mercredi 28 juin 2006

Première partie : Texte adopté le 28 juin 2006

Le 22 mars 2005, le Bureau du Conseil économique et social a confié à la section des activités productives, de la recherche et de la technologie, la préparation d’un rapport et d’un projet d’avis sur « L’automobile française : une filière majeure en mutation »1.

La section a désigné M. Roland Gardin, comme rapporteur.

1 L’ensemble du projet d’avis a été adopté au scrutin public par 161 voix et 34 abstentions (voir le résultat du scrutin en annexe).

Introduction

168 millions : c’est le chiffre de déplacements automobiles en 24 heures dans les seules grandes villes françaises.

Si ce nombre tient à l’organisation de nos sociétés, à nos habitats, à la structure de nos échanges, à nos habitudes de vie, il n’en demeure pas moins que cette « mobilité » consomme de l’énergie, génère des gaz à effet de serre, présente des risques d’accidents et engendre un certain nombre de nuisances qui apparaissent de plus en plus incompatibles avec notre niveau d’exigence en matière d’environnement et de sécurité.

L’automobile, symbole de la mobilité individuelle, ne fait plus aujourd’hui l’unanimité.

Cependant, la mobilité obéit à des besoins essentiels pour l’humanité. Nos déplacements génèrent et accompagnent le progrès économique et social partout où des échanges de plus en plus importants sont constatés.

La Chine, dont le marché automobile est en pleine croissance, en est l’une des meilleures illustrations.

L’enjeu n’est pas de diminuer la demande de mobilité, mais de dégager des solutions pour qu’elle soit moins consommatrice d’énergies fossiles et émettrices de polluants.

Économiques, sociales et environnementales, les conséquences engendrées par notre mobilité ne se marient pas toujours aisément. Cependant, de l’équilibre entre ces composantes dépend notre futur.

De nombreux exemples étayent le débat sur la « dépendance » de nos sociétés à l’égard de l’automobile. Ils expriment parfois une certaine méconnaissance des réalités technologiques, économiques et humaines de la filière.

Le décalage est, souvent, patent entre la représentation de l’automobile dans l’opinion publique, les innovations techniques et leurs contraintes, les profits qui en sont issus pour la collectivité nationale.

Les prescripteurs expriment par rapport à l’automobile des attentes fortes qui tendent parfois à se contredire. Le produit et sa filière font ainsi simultanément l’objet de tous les éloges et de toutes les critiques.

Ces critiques, souvent légitimes, ne sauraient pour autant occulter ni la continuité des efforts entrepris pour produire des véhicules « propres et sûrs » ni l’importance de la contribution de la filière au dynamisme économique national.

L’automobile s’inscrit durablement dans notre histoire industrielle, qu’elle a contribué à enrichir et à façonner, en ce qu’elle est fondatrice du concept de production de masse et de grande consommation.

Elle est partie intégrante de notre patrimoine social, dont certains sites en sont les témoins, par les hommes et les femmes qui ont forgé son histoire.

Le contraste entre les prédictions et la réalité contemporaine mérite également d’être souligné.

Il y a vingt ans, peu d’observateurs auraient imaginé que deux constructeurs français seraient encore indépendants et classés parmi les dix premiers sur le plan mondial.

Il a d’ailleurs été choisi de concentrer le présent avis sur les constructeurs ayant leur centre de décision en France.

L’automobile française, qui obtient aujourd’hui des résultats honorables, vit par ses performances propres malgré un environnement économique difficile.

Alors que la compétition mondiale a fait disparaître des concurrents européens et menace aujourd’hui les géants américains, le dynamisme de la filière lui a permis de mieux résister au mouvement de désindustrialisation qui a frappé d’autres pays européens.

En particulier le Royaume-Uni, tout en apportant une contribution significative à l’emploi ou au solde du commerce extérieur.

Les principaux facteurs de succès sont multiples :

  1. méthodes industrielles fondées sur la qualité et l’innovation en articulation avec les équipementiers et les fournisseurs,
  2. une faculté à anticiper la demande des consommateurs,
  3. un réseau dynamique d’entreprises de distribution et de services,
  4. ainsi qu’une stratégie d’implantations à l’étranger qui semble adaptée à la nouvelle donne mondiale.

Enfin, la compétition entre les deux constructeurs nationaux n’a exclu ni certaines coopérations ni des stratégies complémentaires.

La filière automobile française s’attache à faire face à ses responsabilités, en particulier dans le domaine sociétal.

Ses efforts de recherche se sont notamment concentrés dans les domaines de l’environnement et de la sécurité, parvenant ainsi à résoudre une part non négligeable des problèmes inhérents à son développement.

Beaucoup reste encore à faire. Il est cependant permis de penser qu’elle est en capacité de continuer à proposer des solutions techniques conformes aux attentes de la collectivité.

Dans la logique du concept de « mobilité durable » qui s’est progressivement intégré au cœur de sa stratégie.

Le passé, même récent, enseigne cependant que les situations ne sont jamais définitivement acquises.

Si la filière automobile en France s’est imposée sur le marché international, elle se trouve confrontée à un cycle de profondes mutations et à un certain nombre de problèmes susceptibles de la fragiliser de manière structurelle.

Il importe d’en prendre la mesure afin de développer toutes les conditions propres à son dynamisme industriel et commercial.

I – Une filière dynamique en mutation
A – Panorama de la filière automobile française

1. Un enjeu majeur pour la France

En occupant un salarié français sur dix, soit 2,5 millions de personnes, dont près de la moitié dans la filière proprement dite, l’automobile est le premier secteur d’emploi privé de l’hexagone.

Elle contribue à la vitalité et à l’aménagement du territoire national en jouant un rôle majeur en tant qu’employeur, investisseur et formateur.

En 2004, la production de l’industrie automobile représentait plus de 11 % de la production industrielle française – soit une part stable depuis plusieurs années.

La production de la branche industrie automobile (97,7 milliards d’euros) est supérieure à la production agricole française (79,3 milliards d’euros).

La production de la branche commerce et réparation automobile a pour sa part connu une croissance d’environ 10 milliards d’euros en seulement 7 ans pour représenter aujourd’hui près de 13,5 % du commerce français.

La production automobile a par ailleurs un impact significatif sur l’essentiel des autres secteurs économiques.

Dans un contexte de dégradation de notre balance commerciale, l’industrie automobile dégage un solde positif de 8,6 milliards d’euros en 2005.

Outre sa contribution à la production industrielle et commerciale française, la filière constitue une importante source de recettes fiscales pour l’État, évaluée à 40 milliards d’euros, soit 18 % environ des recettes fiscales de l’État.

Au-delà de ces chiffres, c’est l’importance du poids économique et social, voire affectif, de la filière qu’il convient de prendre en compte, une spécificité française qui ne se retrouve pas ou peu dans d’autres pays.

2. Une stratégie mondiale

Aujourd’hui, 10 groupes de constructeurs et 300 équipementiers réalisent 80 % des 61 millions de véhicules fabriqués annuellement dans le monde et se trouvent, chacun en termes d’implantation industrielle, présents sur tous les continents.

L’automobile française est devenue un acteur d’envergure mondiale avec deux groupes nationaux dans le peloton de tête.

Près de 10 % de la production mondiale est réalisé par Renault et PSA Peugeot Citroën, positionnant ainsi la France au quatrième rang des pays constructeurs.

Les Français ont su tirer parti du mouvement de mondialisation qui caractérise le marché depuis près de vingt ans. Les marchés étrangers représentent ainsi les trois quarts de leurs débouchés.

Le parc automobile mondial, de l’ordre de 800 millions de véhicules, se partage en deux marchés distincts. D’une part, un marché de renouvellement : celui des pays développés; d’autre part, le marché d’acquisition des pays émergents.

Affichant une croissance substantielle, l’ensemble de ces pays ne représente cependant qu’un peu moins du tiers du marché automobile mondial.

Le continent européen demeure le marché le plus important et le plus concurrentiel au monde. C’est ici que « la guerre des prix » est la plus soutenue et par voie de conséquence, que la rentabilité y est la plus fragile.

Le marché national, à l’instar du marché européen, est essentiellement devenu un marché de renouvellement.

Cette spécificité est renforcée par la faible croissance du niveau de vie des ménages, la fiabilité croissante des véhicules et la saturation du taux d’équipement.

Face à la maturité du marché européen, le ciblage des pays émergents constitue désormais l’axe majeur des stratégies adoptées par les constructeurs français.

Ces implantations se distinguent nettement des stratégies de délocalisation puisqu’elles se traduisent par une localisation de l’activité au plus près des marchés sans pour autant que la production proche des marchés « matures » disparaisse, ce qui ne garantit pas des risques, à moyen terme, notamment pour l’emploi.

Les équipementiers et les fournisseurs, occupant aujourd’hui le quatrième rang mondial et le deuxième rang européen, jouent un rôle essentiel au sein de la filière. (conseil-national-industrie)

L’industrie française de l’équipement se constitue de 300 entreprises (plus de 210 000 emplois) qui génèrent chaque année un chiffre d’affaires de 28,8 milliards d’euros.

Entraînée par le dynamisme des deux constructeurs nationaux, la production industrielle des équipementiers a augmenté d’environ 10 % en cinq ans.

Les autres coopérants de la production (mécanique, plasturgie, électronique et fonderie) totalisent près de 200 000 emplois et réalisent un chiffre d’affaires de l’ordre de 25 milliards d’euros.

À ce jour, une voiture particulière sur quatre vendues en Europe, et une sur dix dans le monde, est française. La part des ventes des constructeurs français sur les marchés mondiaux hors Europe occidentale atteint 28 %.

À terme, les Français se sont fixés pour objectif de commercialiser un tiers de leur production hors Europe occidentale, notamment sur les marchés émergents.

La capacité des constructeurs français à réaliser de petits et moyens véhicules et la diversification de leurs gammes, à vocation internationale, s’avèrent être des atouts essentiels.

Compte tenu de l’évolution des aspirations des consommateurs, l’on est passé d’une culture du « une voiture pour tous » à celle du « une voiture pour chacun » :

D’où l’importance cruciale des choix stratégiques retenus pour satisfaire au mieux ce besoin de diversité, à la fois contrainte industrielle et environnementale et atout commercial.

3. Des mouvements de recomposition

Laboratoire de la production de masse, l’industrie automobile a connu de sensibles mutations qui ont entraîné des changements profonds dans l’organisation du travail et la qualité de l’emploi.

Au « fordisme » a succédé le « toyotisme » dont le concept de « plate-forme industrielle » constitue l’exemple contemporain.

https://wikimemoires.net/2013/03/la-production-automobile-du-fordisme-au-toyotisme/

Le dernier stade connu de cette organisation : l’entreprise dite « élargie » tend aujourd’hui à s’imposer.

Le travail décomposé, mécanisé, cadencé et simplifié à l’extrême, assuré par des milliers d’ « OS » – qui était la marque de l’usine automobile du XXè siècle – tend à faire place à une activité plus diversifiée qui requiert une plus grande réactivité de la part de salariés dont le niveau de qualification a augmenté.

Si une grande part de l’effort physique a disparu, nombre d’aléas de production reposent désormais sur la « polyvalence » et non plus sur la « chaîne impersonnelle », ce qui implique à la fois d’autres formes de participation et de fatigue pour les opérateurs.

Les autres acteurs, équipementiers, fournisseurs, distributeurs ou réparateurs, ne sont plus de simples « satellites » des constructeurs mais sont progressivement devenus leurs partenaires tout au long du cycle de vie du véhicule.

Les interdépendances conduisent à considérer la filière comme un véritable « système ».

Les constructeurs, détenteurs du pouvoir lié à la marque dans l’imaginaire du consommateur, continuent d’être placés au cœur de ce système, même si, depuis le début des années 1990, les rapports de force y subissent une mutation dont l’issue est encore difficile à prévoir.

Les gains de productivité ont été recherchés autant au niveau de la distribution que de la fabrication.

Ainsi, par exemple, les mouvements de concentration ont été fréquents dans la distribution, la performance étant recherchée par des économies d’échelle et l’essor de groupes multimarques.

Aux côtés des constructeurs et des équipementiers, le secteur de la distribution et des services de l’automobile fort de 92 000 entreprises, en majorité des PME, emploie 493 000 salariés et réalise un chiffre d’affaires de 114 milliards d’euros, soit, fait notable, un montant quasi équivalent à celui de l’industrie automobile et de l’ensemble de ses sous-traitants.

Les services liés à l’automobile interviennent sur un parc de 36 millions de véhicules. Ce secteur, relativement méconnu, constitue un potentiel d’emplois répartis sur tout le territoire national.

Ses acteurs forgent le lien entre une industrie fortement innovante et un marché ultra-concurrentiel et assurent la complémentarité de nombreux métiers du début à la fin de vie des véhicules.

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
L’automobile française : une filière dynamique en mutation
Université 🏫: République française
Auteur·trice·s 🎓:
M. Roland Gardin

M. Roland Gardin
Année de soutenance 📅: Avis et rapports du conseil économique et social - Année 2006
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