Définition de la politique culturelle en France

Chapitre II :

Politiques culturelles et événementielles : définition, contexte et enjeux

L’objet de ce mémoire de recherche est avant tout d’explorer les possibilités d’un mode de gouvernance des projets culturels notamment dans une optique de durabilité.

Le premier chapitre s’est donc proposé d’établir les liens entre les deux thématiques majeures qui conditionnent la réflexion et qui sont porteuses tout à la fois des notions de culture, politique culturelle ainsi que de durabilité à travers la notion de développement durable.

Une fois ces préalables importants établis et la prise de conscience des liens à explorer entre la culture et le développement durable, par extrapolation entre la gouvernance de la culture et les politiques de durabilité, il convenait de pouvoir établir le cadre de réflexion plus empirique du champ d’analyse arrêté.

L’orientation générale de la recherche, à savoir l’établissement d’une gouvernance des projets culturels à travers un management précis dans une optique de durabilité est à garder à l’esprit. Néanmoins, ce second chapitre ne se propose pas d’enter immédiatement dans le détail du sujet.

En effet, comme il était nécessaire de légitimer les liens entre la culture et le développement durable, il convient tout à la fois de définir et d’étudier le cœur de sujet du domaine qui se veut être soumis à un nouveau mode de management.

En effet, comment pouvoir établir les bases d’un nouveau type de management des projets culturels vers plus de durabilité avant d’avoir non seulement établi les bases et la nature des politiques culturelles que nous proposons de gouverner sous un nouvel angle d’approche mais également d’en étudier ses différentes déclinaisons. La notion de politique culturelle, notamment en France, est assujettie à de nombreux enjeux politiques très importants.

Etablir un mode de gouvernance nouveau sur cette question n’est autre que de proposer une nouvelle politique de gestion des projets culturels et en ce sens, nécessite une large connaissance des enjeux de pouvoir et de compétences lisibles tant dans l’histoire que dans les déclinaisons plus contemporaines des politiques culturelles.

A ce propos, une présentation, même incomplète à ce stade, de l’évolution des politiques culturelles notamment au regard de l’approche événementielle de plus en plus visible, est un impératif. Manager implique de connaitre, pour pouvoir proposer un cadre en adéquation avec la nature et les aspirations du domaine soumis à gouvernance.

En ce sens, s’interroger sur la dimension événementielle des politiques culturelles en basant la réflexion sur l’exemple actuel de Béthune 2011, capitale régionale de la culture est un outil d’analyse précieux.

Il apparait donc important dans ce second chapitre non seulement d’approfondir la notion de politique culturelle, y compris dans sa déclinaison événementielle parfois décriée, afin de pouvoir inscrire les bases d’un management des projets culturels vers plus de durabilité.

2.1 Les politiques culturelles en question

2.1.1 Définition de la politique culturelle

Le système politique et culturel notamment en France est bien souvent symbolisé par un Etat centralisateur et par une certaine tendance à la lourdeur administrative. Ce sont du moins quelques-uns des stéréotypes véhiculés par les divers acteurs du milieu culturel (institutions, artistes, médiateurs ou médias).

Ce lourd passif politique sera décrit dans la seconde partie de cette première approche consacrée aux politiques culturelles et avant toute autre chose, à leur définition. En effet, avant d’entrer dans le cœur du sujet, d’un point de vue notamment managérial, décrire et prendre conscience de la nature et des enjeux liés aux sujets de réflexion est important.

En ce sens, la définition de ce que l’on entend par la notion de politique culturelle reste un préalable incontournable de ce travail de recherche. La politique culturelle est par nature et organisation emprunte à de nombreux clichés.

Pour étudier plus en détail ce qui est bien souvent considéré comme un phénomène organisationnel diffus, il convient tout d’abord de réaliser une étude étymologique concernant les notions de politique culturelle.

Par la suite, établir la nature éminemment publique des politiques culturelles et plus généralement de la politique publique en tant que telle est nécessaire tant pour la compréhension de la nature de la politique publique, les politiques culturelles étant des politiques publiques à part entière mais également pour cerner la nature particulière du milieu culturel.

Notons par ailleurs que cette distinction graduelle dimension publique puis déclinaison culturelle interviendra également lorsqu’il conviendra d’établir les bases d’un management de projet culturel en basant notamment la réflexion sur les propositions d’Annie Bartoli et de son ouvrage Le management dans les organisations publiques.

Enfin et afin de comprendre la dimension opérationnelle et empirique de ce nous considérerons comme une politique culturelle, l’étude des compétences et des responsabilités publiques dans sa déclinaison ponctuera ce panorama qui servira de base tout à la fois à la réflexion consacrée au management de ces politiques culturelles mais également à sa discussion au regard notamment des nouvelles tendances événementielles des enjeux culturels.

La politique, mot très connoté par les aspects partisans, reste cependant un mot lourd de sens et ne saurait se satisfaire des définitions simples voire simplistes qui le caractérise.

Etymologiquement, le mot « politique » présente une histoire qui indique la définition première bien que depuis toujours emprunte des notions de civilité, de citoyenneté et de gouvernance.

En effet, la notion de « politique » tient en premier lieu son origine du Grec Ancien politikos signifiant ce qui est « urbain, civil, municipal » et présentant la même racine que le mot « citoyen ». Plus tard, sa déclinaison latine, politicus, symbolisera tout ce qui est relatif au « gouvernement de la ville ».

Aussi, l’histoire du mot « politique » induit indubitablement les caractéristiques suivantes : gouvernance, civilité ainsi que la présence sous jacente mais très visible d’une dimension de gestion dite publique dans l’intérêt collectif. Trois définitions principales sont faites de la politique.

Il s’agit tout d’abord de ce qui est « relatif à l’exercice du pouvoir dans une société organisée » ou encore de « ce qui concerne la manière de gouverner, d’établir des relations avec les autres » et enfin de « l’ensemble des affaires publiques » (dictionnaire Le Robert). L’étymologie comme les définitions qui sont données du mot « politique » nous apprennent nombre d’informations utiles pour comprendre ses enjeux.

Tant à l’origine que dans la dimension de gouvernance qui conditionne le mot, la notion de politique entend avant toute chose la manière de gouverner, de gérer et d’appliquer des décisions dans un intérêt qui se veut collectif voire citoyen, civique selon l’étymologie grecque. Cette nature du bien commun se fond à une nature plus organisationnelle et directive issue de l’étymologie latine.

Pour simplifier une première définition qui pourrait être donnée de la politique, dans une optique de politique publique et culturelle serait la suivante : « ensemble de règles, dispositions et choix opérés dans un cadre publique et dans l’intérêt du bien commun ».

En ce sens, la direction principale du mémoire de recherche axée autour d’un management des politiques culturelles vers plus de durabilité est en soit une approche politique par nature.

Après avoir défini la politique et souligné sa dimension très publique, tournée vers la gouvernance du collectif, de son organisation et des projets qui peuvent en être le fruit, il convient de noter préalablement quelques indications concernant la notion de politique publique.

La politique, comme nous l’avons prouvé au regard de l’étymologie, est de nature publique et en ce sens, la politique culturelle est une politique publique. Or pour définir la politique culturelle, il faut en définir l’ensemble des composantes, y compris la politique publique.

La politique publique pourrait être considérée comme un ensemble d’actions décidées par une autorité représentative des intérêts collectifs (donc publique) en vue de régler un problème, un ensemble de problèmes en interaction et de répondre à des enjeux d’avenir.

François Colbert dans son article intitulé Les éléments des politiques culturelles distingue cinq étapes fondamentales dans la réalisation d’une politique publique. Ces cinq étapes rapidement présentées permettront de comprendre la nature des politiques culturelles ainsi qu’une déclinaison possible en terme de politique culturelle.

La première étape représente traditionnellement et conformément à la définition proposée de la politique culturelle, la définition d’un enjeux ou d’un problème à régler en vertu des compétences de l’autorité publique, autrement appelée, Gouvernement.

Concernant la culture, le problème soulevé ou l’enjeux présenté est bien souvent de nature corporatiste, autrement dit, émanant du milieu de la culture (budget, prospective, politique artistique…) ou des services publiques concernés (portage de projet culturel, développement du territoire…).

La seconde étape importante reste la réflexion autour d’une solution à apporter au questionnement soulevé. Les études, tables rondes, échanges entre services, approches participatives et autres rendez-vous professionnels sont en charge d’apporter des réponses et de travailler à l’opérationnalité de celles-ci dans un cadre empirique.

La troisième étape d’une politique publique est consacrée à la prise de décision officielle suivant la réflexion préalable, la plus large possible (relativement aux enjeux participatifs de plus en plus présents au sein des politiques publiques et notamment des politiques culturelles).

Le consensus, parfois difficile à obtenir doit cependant être le plus représentatif possible. Afin de rendre opérationnel les décisions globales, la mobilisation de l’ensemble des acteurs est nécessaire.

Comme présentée dans l’essai Culture et développement durable précédent ce travail de recherche, la mise en relation d’acteurs territoriaux aux visions, obédiences politiques et compétences différentes est un impératif parfois difficile à mettre en œuvre mais pourtant fondamental (Plichon, 97). Cependant, celle-ci est nécessaire ne serait ce que pour pouvoir décliner sur le terrain les décisions gouvernementales.

L’exemple du lieu d’exposition le Garage, dans le cadre de Béthune 2011, capitale régionale de la culture, regroupant les financements, orientations et décisions du Conseil Régional, de la ville de Béthune et de la communauté d’agglomération ArtoisComm’ représente une déclinaison concrète des contextes pouvant être observables dans le cadre d’une coopération institutionnelle conditionnant le bon fonctionnement d’un des lieux les plus importants d’une saison culturelle de grande ampleur.

Enfin, la cinquième et dernière étape consistera en l’évaluation des politiques mises en place. En effet, une fois les décisions arrêtées et appliquées, il convient de pouvoir juger de leur efficacité comme de leur efficience.

C’est d’ailleurs tout l’enjeux de la politique volontariste d’évaluation portée par le Conseil Régional en collaboration avec le bureau d’études et de recherches AxeCulture dans le cadre de Béthune 2011, capitale régionale de la culture. Cinq étapes principales établissent donc la nature d’une politique dite publique et qui s’accorde totalement avec la notion de politique culturelle au niveau méthodologique.

Cette constatation et les quelques éléments de comparaisons empiriques proposés dans le déroulé de la démonstration légitiment une fois de plus les politiques culturelles comme étant des politiques publiques à part entière, tant dans leur finalité que dans leur modélisation.

Néanmoins, la politique culturelle n’est pas une politique comme les autres. Il n’est pas utile de revenir ici sur une définition approfondie de la culture, le premier chapitre se voulant être un préalable à la réflexion actuellement menée.

Malgré tout, il convient de rappeler la dimension duale de la culture étant tout à la fois un élément palpable porté par l’art dans toute sa richesse mais également dans une dimension plus anthropologiquement centrée et faisant référence notamment aux modes de vie, de socialisation et d’évolution des groupes humains organisés.

Le rôle des politiques culturelles est donc empreint d’une grande responsabilité car devant répondre tout à la fois aux enjeux artistiques mais également s’inscrire dans une optique large et complexe de développement culturel humain à l’image des thèses structuralistes avancées par Claude Lévi-Strauss. D’une manière très large, l’UNESCO donne de la politique culturelle la définition suivante :

« L’ensemble des usages et de l’action ou absence d’action pratiqués consciemment et délibérément, dans une société, destinés à satisfaire certains besoins culturels par l’utilisation optimale de toutes les ressources matérielles et humaines se trouvant à la disposition de cette société à un moment donné ».

La définition officielle de la politique culturelle reste cependant relativement imprécise et nécessite une approche plus schématique proposée par François Colbert qui en substance, considère la politique culturelle comme un instrument utilisé par un pouvoir public pour valoriser et pour protéger les traits distinctifs d’une société.

A cet impératif anthropologique, il convient également de noter que la politique culturelle a également vocation à porter une politique artistique.

Considérée par l’auteur comme une politique sectorielle, il convient de noter qu’une telle politique peut cependant répondre à l’enjeux global de la politique culturelle notamment au niveau des déclinaisons en terme de développement culturel, territorial et humain pouvant être porté par les politiques culturelles dans une approche artistique de la question.

Enfin, la notion de politique culturelle s’inscrit irrémédiablement dans un ensemble de politiques plus précises et visant l’objectif général de maintient des traits distinctifs d’une société.

Ainsi, les politiques déclinées (sectorielles selon Colbert) pourront tout autant toucher la langue, l’histoire, la cohésion sociale, le patrimoine et sa protection, l’éducation au même titre que l’approche artistique. Cependant, et dans un premier temps, nous nous contenterons de décliner l’approche artistique qui en premier lieu, correspond plus au cadre empirique de réflexion.

Enfin, et de la même manière que l’adage « On ne peut pas ne pas communiquer », incluant le fait que refuser la communication est en soit, une sorte de communication, le fait ne pas porter de projet culturel est en soi un choix pouvant être considéré comme une approche particulière des politiques culturelles.

Enfin, dans l’optique de conclure cette première sous partie consacrée à la définition de la politique culturelle, il convient de dresser un rapide panorama des compétences en la matière par institution.

Le fait de connaitre la situation en terme de portage public de projet est un élément important de la définition d’un management des politiques culturelles. Avant toute chose, précisons que la responsabilité principale incombe à l’Etat.

Néanmoins, nous ne détaillerons pas les politiques étatiques concernant la culture dans la mesure où la seconde sous partie sera consacrée à l’histoire politique et donc étatique de la politique culturelle, cette déclinaison des compétences se voudra donc plus territorialisée dans un premier temps.

Tout d’abord, l’échelon le plus modeste à porter une politique culturelle reste la commune. Proportionnellement, les communes sont les échelons politiques à consacrer le plus important budget à la culture.

En effet, le budget communal consacré aux politiques culturelles augmente en moyenne de 5% par an et ce, quel que soit la nature de la commune (village, ville ou grande agglomération). Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette implication forte en faveur de la politique culturelle.

Parmi eux, la volonté politique voire programmatique des élus de la commune restant un élément fondateur d’une politique culturelle désirée et projetée.

Les raisons de cette volonté sont diverses, pouvant tout à la fois être la conséquences d’une implication politique des militants associatifs et culturels dans les conseils municipaux, de la volonté d’établir une politique culturelle comme moyen de marketing territorial et de développement local ou encore de maintenir ou améliorer les offres en terme d’infrastructures culturelles dont les municipalités sont souvent propriétaires.

De la même manière, la demande sociale peut également être à l’origine d’une politique municipale active en terme culturel, les habitants ou futurs habitants désirant pouvoir prétendre à un ensemble de prestations culturelles (tissu associatif, écoles, équipements et animations culturelles et sportives…).

Enfin, les relations contractuelles avec l’Etat sont également un élément déterminant de l’activité culturelle des villes à l’image par exemple des conventions de développement culturel signées entre Etat et communes dans les années 1980 pour inciter à l’innovation et à l’activité culturelle localement.

Les Départements jouent un rôle important également en terme culturel même si cette compétence n’est pas dans leurs attributions originelles, en plus d’avoir à gérer un lourd patrimoine à vocation culturel représentant la moitié des budgets en moyenne, les Départements agissent également au niveau de l’animation culturelle (pratiques amateurs, soutien aux associations et aux communes rurales…) ainsi qu’en terme de formation (école de musique, soutien aux festivals et saisons théâtrales…).

En ce sens, les Départements ont un rôle qui pourrait être qualifié de structurel au sein de la politique culturelle globale d’un Etat. Enfin, les Régions ne présentent un investissement culturel que très relatif de manière globale.

Néanmoins, il existe autant de politiques culturelles régionales que de Conseils Régionaux et il convient de noter que la Région Nord-Pas de Calais fait de la politique culturelle un des fers de lance de sa politique générale et mobilise un positionnement politique sur cette question.

Les Régions sont à la base créées pour veiller principalement à l’aménagement du territoire et au développement économique. En ce sens, la politique culturelle n’apparait pas théoriquement comme une priorité.

Les Régions ayant la charge de supporter les initiatives se déroulant sur leur territoire tout en ayant la responsabilité des lycées (pouvant créer les bases d’une politique culturelle), pouvant présenter un volontarisme politique couplé aux lois de décentralisation créant un budget à part entière consacré aux politiques culturelles, il est à noter que les Régions disposent malgré tout d’un certain pouvoir en terme culturel bien que les budgets y étant proportionnellement consacrés sont en moyenne sept fois inférieurs à ceux des communes.

Définir la politique culturelle au regard de l’étymologie de la notion, de sa dimension éminemment publique et des compétences des collectivités locales en la matière permet de comprendre la base de ce qui constitue la réflexion globale.

Pour achever ce panorama, il convient maintenant de dresser un rapide historique de la dimension politique et étatique de la notion de politique culturelle.

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
Politiques culturelles et durabilité : Introduction au management de projet culturel et durable
Université 🏫: Université d'Artois - UFR EGASS (Economie, Gestion Administration et Sciences Sociales)
Auteur·trice·s 🎓:
Romain Plichon

Romain Plichon
Année de soutenance 📅: Mémoire de Master 2 Professionnel, Développement des Territoires, Aménagement, Environnement - 2010/2011
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