La culture : Objet de développement durable Agendas 21 culturels

La culture : Objet de développement durable Agendas 21 culturels

1.3.3 La culture comme objet de développement durable : l’exemple des Agendas 21 culturels

Un des actes fondateurs de la politique systémique de développement durable reste l’engagement fort pris à Rio en faveur de l’Agenda 21. Preuve supplémentaire des liens et des perspectives possibles dans les liens entre culture et développement durable, la politique de l’Agenda 21 est dorénavant appliqué au domaine culturel.

Cette état de fait place encore une fois les relations entre culture et développement durable au rang d’une complexité réelle dans la mesure ou une fois de plus, le fait culturel joue sur deux registres différents mais complémentaires.

La culture est en effet partie intégrante du développement durable en tant que quatrième pilier au regard de la métaphore de Brundtland et, est donc à ce propos assujetti aux politiques en faveur du développement durable mais est tout à la fois un élément général du développement durable en tant que construction culturelle.

Les Agendas 21 globaux se doivent donc d’intégrer en leur sein la notion de culture notamment dans son interrelation avec les autres piliers (notamment économique et social).

La culture se voit cependant bénéficier de démarche Agendas 21 qui lui est propre. Il apparait donc que la culture se présente comme un élément particulier dans la construction de la notion de développement durable.

En ce sens, il est intéressant non seulement d’analyser la construction du développement durable en tant qu’objet culturel (à l’image de son évolution détaillée dans le propos précédent) mais également de noter les interrelations et la dimension globale de la culture dans une démarche de durabilité.

Le principe de l’Agenda 21 se trouve donc décliné et intégré dans un aspect plus culturel. Cette approche particulière de l’outil Agenda 21 s’explique pour de nombreuses raisons relatives notamment aux impacts annexes de la culture sur le développement des sociétés et des mentalités.

En effet, la convention sur la diversité culturelle de l’UNESCO en 2001 proclame que « les seules forces du marché ne peuvent garantir la préservation et la promotion de la diversité culturelle, gage d’un développement humain durable ».

La culture est donc avant tout considérée comme un bien à inscrire dans la durabilité et que cette inscription ne peut se faire si et uniquement si un programme spécifique est mis en place.

Cette affirmation de la limite du marché en terme de pérennité des systèmes culturels est par ailleurs intéressante à constater dans la mesure ou cette position tranche de manière plus ou moins formellement avec la vision traditionnelle et libérale d’un marché porteur de toute les espérances et de toutes les possibilités.

Les différents Etats sont donc priés de faire de la culture un véritable objet de développement durable et par ailleurs de reconnaitre la culture en tant que pilier fondateur de la notion tout en appliquant une politique culturelle elle-même porteuse de durabilité.

De la même manière, la culture est aujourd’hui considérée comme un véritable outil de développement pour les Etats et à ce titre, occupe une véritable place dans les stratégies mais également dans le principe de développement qui devient lentement inhérent au principe de développement lui-même.

Notons par ailleurs que l’UNESCO considère que cette stratégie incluant le fait culturel se doit d’intervenir à toutes les échelles territoriales qu’elles soient internationales (traité international sur la diversité culturelle, reconnaissance de la culture comme quatrième pilier du développement durable…), nationales (Agendas 21 en tous genre) ou locales (politiques culturelles volontaristes, stratégie de développement territorial…).

A l’image de l’Agenda 21 réalisé au Québec, l’ambition de ce document est avant tout de mettre en perspective la notion de culture notamment à travers une redéfinition de celle-ci au regard du développement durable mais également dans sa nature même tant ses principes sont complexes et ambivalents.

C’est en fait une véritable nouvelle approche culturelle dans un prisme global qui est visé par l’écriture de ce document. Celui-ci permet également la vision globale des effets de la culture tant d’un point de vue de ses interrelations avec les autres piliers du développement durable : comment la culture peut créer du lien social, participer à la protection de l’environnement ou être un véritable levier économique par exemple.

C’est également un moyen pour la puissance publique de pouvoir mobiliser l’ensemble des acteurs de toute responsabilité (décideurs publics, citoyens, acteurs culturels…) autour d’un enjeu collectif. Enfin, l’Agenda 21 culturel est également entrevu comme une possibilité de considérer la culture comme un levier de développement à part entière.

Depuis maintenant plusieurs années (et notamment la déclaration de la diversité culturelle de 2001 ou le sommet de Johannesburg en 2002), la culture est régulièrement élevée au rang de pilier du développement durable. En ce sens, elle à donc un rôle à jouer en tant que moteur de ce développement et cela, à toutes les échelles et dans tous les pays.

C’est en ce sens qu’un collectif international de villes, le CGLU (Cités et Gouvernements Locaux Unis) à validé le 8 mai 2004 le principe d’Agenda 21 culturel dont l’ambition est « d’établir les bases d’un engagement des villes et des gouvernements locaux en faveur du développement culturel ».

Ayant par ailleurs milité pour la reconnaissance de la culture comme quatrième pilier du développement durable, ce collectif présidé par la ville de Barcelone et par ailleurs coprésidée par la ville de Lille a pour vocation de servir de base à l’établissement de politiques volontaristes en terme culturel visant à instaurer les conditions favorables à l’épanouissement des valeurs universelles que sont les droits de l’homme, la diversité culturelle, le développement durable, la démocratie participative et la création de conditions pour la paix.

Cet Agenda 21 culturel est constitué de trois parties que sont respectivement la définition des principes évoqués précédemment, le rôle des gouvernements locaux au regard de leurs compétences et de leurs engagements ainsi qu’une dernière partie de recommandations dans laquelle apparaissent les impératifs de reconnaissance de la vocation centrale de la culture et sur la manière de mettre en lumière cette vocation à travers les budgets alloués ou encore l’importance institutionnelle donnée au sujet.

Cet Agenda 21 culturel que chaque gouvernement local est appelé à ratifier peut également se décomposer en plusieurs grandes sections plus thématiques.

Au regard des autres piliers du développement durable, deux de ces thématiques sont axées autour de la culture et de l’économie (financement, stratégie, rôle économique de la culture) ainsi que de la culture et de la cohésion sociale (démocratisation culturelle, reconnaissance de l’importance de la culture dans la construction sociale de la société et de l’individu).

Par ailleurs, ces thématiques s’organisent également autour des relations entre culture, territoire et durabilité (qui sont finalement les cœurs de cible de l’action culturelle durable) en soulignant notamment le rôle anthropologique, éthique et ethnologique de la culture.

La question des liens entre culture et gouvernance prend également une place prépondérante dans ce texte notamment à travers les aspects coopératifs (locaux ou non) et la dimension participative des enjeux culturels.

Enfin, et de manière cohérente relativement aux textes internationaux en la matière, une partie est consacrée aux liens entre culture et droit de l’homme dans une considération humaniste du développement humain en considérant la culture comme facteur de progrès pour l’homme.

Notons par ailleurs que les relations entre culture et environnement ne sont pas ou peu repris dans ce texte et que la culture dans sa dimension socio-économique reste le prisme principal d’interprétation de la culture dans un contexte de durabilité.

Ce texte et l’organisation internationale qui l’accompagne militent ainsi pour une identification systémique de la culture et c’est en ce sens un tournant pour la considération de la notion.

En effet, la culture y est à la fois perçue comme un facteur de développement à part entière mais également analysée dans son approche la plus globale dans le sens qui est développé dans le début de ce chapitre.

L’Union Européenne n’est pas en reste dans la reconnaissance de l’importance de la culture. L’histoire de sa construction et les finalités politico-philosophiques de sa création laissent à penser que l’Europe est pleinement une création culturelle et que cet aspect culturel existait bien avant les premiers traités européens.

C’est en ce sens que cette partie du Monde, au regard de son histoire et de son identité ne pouvait pas échapper à ce travail particulier. Denis de Rougemont, philosophe suisse et précurseur du fédéralisme européen a avancé le fait que « La culture est l’ensemble des rêves et des travaux qui tendent à la totale réalisation de l’homme.

La culture exige ce pacte paradoxal: faire de la diversité le principe de l’unité, approfondir les différences, non pour diviser, mais pour l’enrichir encore plus. L’Europe est une culture ou elle n’est pas. ».

Cet impératif culturel européen est inscrit dans le traité ratifiant l’Union Européenne et notamment à travers son article 151 qui spécifie que l’Union à vocation à tenir compte des aspects culturels de ses Etats membres, à créer les conditions de la coopération ainsi qu’à viser l’épanouissement des cultures tout en mettant en avant l’héritage culturel commun.

Le principe de subsidiarité confirme le rôle prépondérant des Etats membres dans leurs compétences culturelles, malgré tout, le fait de s’engager dans un ensemble coopératif tel que l’Union Européenne impose à celle-ci une forme d’engagement en faveur de la question culturelle.

C’est en ce sens que des programmes concrets existent à l’image du programme culture 2007-2013 soutenant la création culturelle dans toute l’Union et encore des programmes de financements annexes qui ont un impact observable sur le milieu culturel.

Les initiatives telles que les capitales européennes de la culture comme ce qui a pu se dérouler à Lille en 2004 favorisent également le dialogue culturel et le portage de projet européen sur la question. Le travail s’est notamment organisé en 2006 autour d’une consultation à l’échelle européenne sur la question d’un agenda européen de la culture.

Cet agenda thématique aurait vocation à remplir trois objectifs distincts mais dont le point commun serait de faire de la culture le point central d’action en faveur d’un développement européen. Le premier objectif recoupe celui de l’UNESCO, à savoir la promotion de la diversité culturelle et du dialogue interculturel.

Ce premier objectif vise à l’épanouissement culturel à travers la reconnaissance de la nature multiculturelle des sociétés et des Etats membres. Ce vivre ensemble serait rendu possible à la fois par des critères favorisant l’échange entre les cultures (visant construction et solidification d’un multiculturalisme) ainsi que la mise en avant d’un patrimoine commun, fruit de mélanges et de cultures originellement différentes.

La démocratisation culturelle est également un des éléments fondamentaux de cet objectif dans la mesure ou seule une culture partagée et comprise pourra s’élever au rang de ciment de la société. La seconde ambition de cette politique culturelle est l’utilisation de la culture en tant que levier de développement économique.

Cette ambition est d’autant plus forte que la culture y est considérée comme un moyen de parvenir aux objectifs de la stratégie de Lisbonne arrêtée en 2000 et qui constitue, rappelons le, la stratégie économique principale de l’Union entre 2000 et 2010 à travers notamment l’idée d’une région la plus compétitive et innovante du Monde.

Le secteur culturel occupant plus de 2.5% du PIB européen, celui-ci de part notamment son fort potentiel de créativité et donc d’innovation, est pris au sérieux dans la stratégie économique de l’Union.

Le rôle de l’éducation et de la formation est également souligné dans cet objectif particulier mais à travers notamment le renforcement du potentiel commercial du secteur culturel…

Enfin, la culture y est analysée comme un moyen pour l’Union de renforcer sa politique extérieure à travers un dialogue interculturel international dont le dessein serait de pouvoir axer la diplomatie en fonction des spécificités culturelles des pays partenaires.On parle alors d’intégration et de respect des cultures dans une optique diffusionniste d’échanges et de mélanges culturels.

Pour parvenir à ces fins, l’agenda culturel de l’Union propose d’axer sa construction autour d’un dialogue renforcé avec le secteur culturel rendu possible grâce à une structuration progressive du milieu (organisations représentatives…), cette politique ayant de facto une influence sur l’organisation du domaine culturel dont le particularisme est tout de même reconnu (hétérogénéité des acteurs, particularité du domaine…).

Fruit de cette première approche, l’agenda culturel se construit également à travers une méthode qui se veut participative et fondée sur un plan de travail commun dénommé MOC pour Méthode Ouverte de Coordination et qui consiste dans les faits à la fixation d’objectifs régulièrement évalués et à une communication permanente entre parties prenantes.

Enfin, cet agenda serait rendu possible via une élaboration qui se veut factuelle car étant basée sur des objectifs évaluables et évalués ainsi qu’intégrés dans des dispositifs d’action politique qui se veulent pertinents.

La culture est donc interprétée à l’échelle européenne comme un moyen de rayonnement et de développement. Le positionnement ici présenté ne laisse que très peu de place au concept de durabilité mais fait de la reconnaissance du domaine culturel un moyen de développement notamment économique pour l’Union.

Cet état de fait est critiquable dans la mesure ou la finalité de la reconnaissance de l’efficience et de l’utilité de la culture n’est pas forcement conçue dans une optique de durabilité contrairement aux Agendas 21 culturels.

Notons tout de même que cette première étape pourra servir de base pour des réflexions plus axées autour du développement durable comme la reconnaissance des vertus de la diversité culturelle par l’UNESCO permis au sommet de Johannesburg de considérer la culture comme pilier supplémentaire du développement durable.

La culture est donc reconnue et ses composantes acceptées voire protégées par différents textes engageant Etats et gouvernements locaux.

Le degrés d’engagement de ces acteurs reste cependant variable à l’image du Québec qui fait de son Agenda 21 culturel une véritable « politique de civilisation » pour paraphraser Edgar Morin ou de l’Union Européenne qui reste pour l’instant dans une vision utilitariste de la culture comme moyen de développement en omettant parfois le concept de durabilité.

L’Agenda 21 culturel, déclinaison de l’idée fondatrice du sommet de Rio en 2002 reste cependant un exemple typique des interrelations entre culture et développement durable en reprenant tout à la fois les définitions sémantiques, sociologiques ou encore anthropologiques des deux notions et en les associant au sein de démarches systémiques qui pourront servir de base à l’écriture de projets culturels durables.

Conclusion du chapitre premier

Considérer deux notions à priori excessivement différentes demande avant tout un travail profond de définition. Notons par ailleurs que les termes de culture et de développement durable contiennent un potentiel sémantique presque inépuisable tant les débats et travaux sont nombreux sur la question et les notions très riches de contenu.

Ces définitions furent cependant réalisées au prisme l’une de l’autre, axant ainsi précisément l’angle d’étude notamment concernant le développement durable. Le terme de culture fut en effet développé de manière moins orientée dans la mesure où la complexité de la notion et le flou d’interprétation nécessitaient un travail plus global.

Les différents courants et auteurs ont donc qualifié la culture de différentes manières desquelles ont émergé le lien fort entre la définition de Tylor et le principe de fait social total de Marcel Mauss.

De la même manière, le développement durable étudié au prisme de la culture offre de nombreuses perspectives d’analyses. Différentes voies d’interprétation ont été proposées, allant du développement durable en tant que construction culturelle à la culture comme objet de développement durable.

Les conclusions principales de ces travaux furent de noter la complexité de la notion de culture et toute la composante culturelle du développement durable en plus de pouvoir étudier les perspectives notables de ces liens notamment en terme d’externalités positives économiques et sociales.

Etudier les liens entre la culture et le développement durable en préalable à l’écriture d’un management des projets culturels durables peut interroger.

En effet, les liens ne sont entre les deux approches ne sont pas des plus évident. Il convient donc de dresser ici une première explication de ce qui peut être considérer comme un postulat particulier.

Ce premier chapitre aura tout d’abord permis de comprendre la nature profonde et duale des notions de culture et de développement durable qui restent les deux objets d’étude globaux déclinés respectivement à travers le projet culturel et son management comme dans la recherche d’effets durables et soutenables, fruits de cette même approche managériale.

Ainsi, le prisme managérial ici proposé fait appel de manière précise à deux notions générales bien particulières que sont la culture et le développement durable.

Ce premier chapitre se propose, au-delà de la définition conjointe qui est proposée, de prendre conscience et connaissance des potentialités empiriques en terme de déclinaison d’une relation qui se veut à cette étape très générale.

Ainsi, dans une optique de cohérence, il apparaissait important de pouvoir fixer le cadre général de réflexion mobilisant deux notions très vastes pour pouvoir ensuite proposer une déclinaison de réflexion plus particulière.

Le choix de recherche ici présenté est de travailler aux bases d’une méthode de management des projets culturels dans une optique de durabilité. Bien qu’un sujet différent aurait pu être arrêté tant cette première approche vise à créer un contexte de réflexion déclinable en fonction des aspirations de l’étude.

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
Politiques culturelles et durabilité : Introduction au management de projet culturel et durable
Université 🏫: Université d'Artois - UFR EGASS (Economie, Gestion Administration et Sciences Sociales)
Auteur·trice·s 🎓:
Romain Plichon

Romain Plichon
Année de soutenance 📅: Mémoire de Master 2 Professionnel, Développement des Territoires, Aménagement, Environnement - 2010/2011
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