Une dimension "sanctionnalisante" dans la composition pénale

Une dimension «sanctionnalisante» dans la composition pénale

Deuxième partie : La composition pénale : une mesure proche d’une peine

En étudiant la dimension réparatrice de la composition pénale, nous avions tout de suite précisé que ce n’était qu’une facette de la mesure.

Contrairement aux mesures alternatives aux poursuites de l’article 41-1 du Code de procédure pénale, qui elles ne se soucient que de la réparation, la composition pénale pourrait être qualifiée de « Janus aux deux visages » puisqu’en l’examinant dans son ensemble on se rend compte qu’elle porte en elle un aspect répressif indéniable (chapitre I).

Alors que la sévérité dans les mesures distingue la composition pénale des « alternatives réparatrices », cette même sévérité la rapproche davantage des peines que pourrait prononcer le magistrat du siège si l’action civile avait été mise en mouvement et qu’il avait eu à juger l’affaire.

Toutefois, des caractéristiques essentielles manquent à la composition pénale pour faire de celle-ci une véritable peine à l’instar de celles prononcées par le juge judiciaire (chapitre II).

Chapitre I : L’aspect répressif certain de la composition pénale

La composition pénale est une alternative à l’exercice de l’action publique puisque tendant au prononcé de mesures en amont de l’engagement des poursuites.

C’est pour cela que nous la qualifions, par facilité de langage, d’alternative aux poursuites. Mais il est important de bien comprendre que nous faisons une nuance entre les mesures alternatives aux poursuites de l’article 41-1 du Code de procédure pénale, « alternatives réparatrices », et la composition pénale qui n’est une alternative aux poursuites que parce qu’elle est proposée et exécutée en dehors de celles-ci.

La composition pénale ne saurait être considérée comme une mesure alternative aux poursuites supplémentaire tant les différences qui existent entre ces deux types de mesures sont essentielles.

Le titre du chapitre premier de la loi du 23 juin 1999, intitulé « Dispositions relatives aux alternatives aux poursuites et à la composition pénale », montre d’ailleurs que le législateur n’entend pas les mettre sur le même plan et qu’il a conscience que la composition pénale est une alternative originale à l’engagement des poursuites (section I).

Nous verrons par la suite que les mesures proposées à l’auteur des faits par le procureur de la République dans le cadre d’une composition pénale sont de véritables sanctions qui ressemblent étrangement à des peines (section II).

Section I : Une alternative particulière à l’engagement des poursuites

Tel le « Janus à deux visages », la composition pénale possède deux facettes. Nous avons vu l’importance donnée à la réparation par l’auteur des faits quand une victime est identifiée, il nous reste à constater la dimension répressive de la composition pénale qui en fait une alternative aux poursuites originale (sous-section I).

Alternative aux poursuites d’autant plus originale que le rapport qu’entretient la composition pénale avec l’action publique n’est en rien comparable à ce que nous avions vu lorsque nous avons étudié les caractéristiques des mesures de la « troisième voie » (sous-section II).

Sous-section I : Une dimension « sanctionnalisante » dans la composition pénale

C’est cet aspect de la composition pénale qui constitue la plus grande rupture avec les mesures de la « troisième voie ».

En effet, si les mesures alternatives aux poursuites ne sont que des « alternatives réparatrices », comme nous nous étions plus à les qualifier, la composition pénale est la rencontre, en dehors de toutes poursuites, de la réparation et de la sanction.

Nous insistons beaucoup sur le fait que la composition pénale existe en dehors de l’exercice des poursuites afin d’attirer l’attention sur le rôle joué par le procureur de la République dans cette mesure qui met en œuvre de véritables sanctions pour l’auteur des faits.

Une dimension "sanctionnalisante" dans la composition pénale

1 : Entre alternative réparatrice et alternative « sanctionnatrice »

Ainsi que nous l’avions relevé, nous retrouvons dans la composition pénale, lorsqu’une victime est identifiée, la base des mesures de la « troisième voie ». Ce que les américains appellent la « restorative justice ».

C’est-à-dire une justice sans procès, puisque l’action publique n’est pas mise en mouvement, qui répare et apaise les conflits nés de l’infraction entre l’auteur des faits et la victime.

Comme l’explique Jean Pradel, cette manière de rendre la justice pénale va de pair avec la justice traditionnelle « douce », celle qui exclut la détention provisoire et qui assure la promotion des alternatives à l’emprisonnement29.

Cependant, réduire la composition pénale à cette seule idée c’est passer à côté de sa mission punitive qui en fait une mesure alternative à l’engagement des poursuites tout à fait originale.

29. J. Pradel, « Le Ministère public. Brèves remarques sur son évolution depuis 1959 », Revue pénitentiaire et de droit pénal.

Avant de voir que les mesures énumérées à l’article 41-2 du Code de procédure pénale sont de véritables sanctions, il convient de bien saisir le sens que nous donnons à cette notion afin de ne pas la confondre avec celle de peine.

Si la peine est un châtiment infligé en matière pénale par le juge répressif, la sanction est une punition destinée à faire subir au coupable une souffrance dans sa personne ou dans ses biens infligée par une autorité quelconque.

Dans la composition pénale, cette autorité qui prend la mesure répressive n’est pas un magistrat du siège mais un magistrat du parquet.

Comme le soulignent tous les parquets, les mesures que le procureur prend à l’encontre du délinquant dans le cadre de la composition pénale sont de véritables sanctions. Un examen de ces mesures nous permet d’en juger par nous-mêmes.

Ainsi en va-t-il, par exemple, du versement d’une amende de composition au Trésor public, de la remise du véhicule à des fins d’immobilisation, de la remise au greffe du tribunal de grande instance du permis de conduire ou de la consigne de ne pas paraître dans le ou les lieux dans lesquels l’infraction a été commise.

De plus, le fait que la sanction porte le plus souvent directement sur l’objet qui a permis la commission de l’infraction ou sur le lieu où elle a été commise dénote la volonté du procureur de la République, qui est libre de choisir parmi les mesures de composition pénale énumérées à l’article 41-2, de gêner la personne et d’éviter qu’elle commette à nouveau la même infraction.

La composition pénale est donc plus flexible que les mesures de la « troisième voie » puisqu’elle permet de réparer et de sanctionner en même temps.

Si la spécificité de la composition pénale est son caractère cœrcitif30, l’originalité de la mesure est de donner au Ministère public le pouvoir de sanctionner le délinquant.

30. En ce sens, voir S. Guinchard et J. Buisson, Procédure pénale, Litec, n° 912 : « La particularité de la composition pénale est d’être une alternative punitive mettant en œuvre la coercition ».

2 – La « prépotence » du parquet

Le pouvoir de sanction reconnu au parquet, en plus de constituer une nouveauté en matière de procédure pénale, occasionne un bouleversement de cette dernière.

La loi n° 99-515 du 23 juin 1999, instituant la composition pénale, a brouillé la ligne de partage des compétences entre les magistrats du siège et les magistrats du parquet puisque jusqu’ici ce pouvoir était entre les mains des seuls juges répressifs.

C’est d’ailleurs ce qui a expliqué la mauvaise réception de la mesure par les juges judiciaires qui y voyaient une perte de pouvoirs au profit du Ministère public.

D’autant plus que dans la composition pénale l’humiliation suprême pour les juges est qu’ils interviennent tout de même à la procédure mais sont cantonnés à refuser ou valider la proposition émanant du procureur de la République. Ils ne peuvent pas substituer leurs mesures à celles prises par le parquet quand bien même elles leur sembleraient plus appropriées.

Il convient cependant de relativiser ce propos en rappelant que s’ils ne peuvent décider des mesures de composition pénale que l’auteur des faits devra exécuter, pouvoir réservé aux seuls procureurs de la République, les magistrats du siège ne sont pas dépourvus de toute influence.

En effet, pour que la composition pénale fonctionne bien, une concertation a lieu entre l’autorité de jugement et le Ministère public en amont de sa mise en œuvre pour savoir quelles infractions seront susceptibles de faire l’objet d’une composition pénale.

Sans cet accord, en effet, le procureur de la République serait sans cesse soumis au risque de ne pas voir ses propositions de composition pénale validées.

Le procureur de la République est donc lié par la volonté du juge du siège puisque s’il désire aller à l’encontre de celle-ci et proposer la composition pénale à l’auteur d’une infraction pour laquelle le siège a entendu garder la mainmise, l’excluant de la liste des infractions entrant dans le champ de compétence de la mesure, il n’aurait aucune chance de la voir validée.

Même si, contrairement aux apparences, l’autorité de jugement garde une certaine influence sur les mesures prises par le procureur de la République, c’est tout de même la première fois que dans le droit pénal français des sanctions peuvent être prononcées par le parquet et en dehors de la mise en mouvement de l’action publique.

En principe, quand le procureur de la République estime ne pas avoir à engager de poursuites contre une personne c’est qu’il considère qu’elle n’a pas à être punie et dans ce cas, soit il classe purement et simplement l’affaire, soit il classe l’affaire sous la condition que l’auteur des faits répare le dommage, c’est-à-dire qu’il exécute une mesure de la « troisième voie ».

Désormais, le fait que le procureur de la République n’engage pas les poursuites ne signifie plus forcément pour l’auteur des faits qu’il échappe à une punition.

La composition pénale permet ainsi d’apporter une sanction pénale dans des affaires relativement peu graves qui dans le meilleur des cas, faute de temps et d’encombrement des juridictions répressives, ne donnaient lieu qu’à réparation.

En constatant que les mesures de composition pénale sont de véritables sanctions infligées à l’auteur des faits par le procureur de la République malgré que celui-ci ne mette pas en mouvement l’action publique, nous venons de voir ce qui constitue l’élément fondamental de la distinction entre la composition pénale et les mesures alternatives de la « troisième voie ».

Néanmoins, affirmer que la particularité de la composition pénale parmi les mesures alternatives à l’engagement des poursuites repose sur ce seul élément serait incomplet.

Le rapport qu’entretient la composition pénale avec l’action publique en fait également une alternative particulière.

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
Le Caractère Hybride De La Composition Pénale
Université 🏫: Lille 2, Université droit et santé - Faculté des sciences juridiques politiques et sociales
Auteur·trice·s 🎓:
Emilie Deschot

Emilie Deschot
Année de soutenance 📅: Ecole doctorale des sciences juridiques, politique et sociale (n°74) - 2005/2006
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