Les lieux de vies musicales : missions, pratiques amplifiées

Les lieux de vies musicales

B/ Les lieux de vies musicales

Vies musicales, au pluriel. La diversité est une norme pour les musiques amplifiées. Il y a plusieurs vies dans la musique, plusieurs musiques dans une vie.

On appelle «lieux de vies musicales» ces espaces pensés pour une démocratie musicale totale.

1. Des espaces de vie adaptés aux spécificités des pratiques amplifiées

Présentation du concept

Un lieu de vies musicales est un espace physique construit pour accueillir toute forme de pratique amplifiée. Le profil idéal doit disposer d’une salle de concert, d’un local de répétition, d’une salle d’information, d’un studio d’enregistrement.

Ce lieu est en général pensé par rapport à un territoire et sa population. On réfléchit à l’accueil des usagers les plus divers possibles : musiciens et publics de tous âges.

Le lieu doit être convivial, adapté aux contraintes sonores, aux consignes de sécurité d’accueil des publics.

Ses employés proposent aux musiciens une transmission explicite de techniques, et implicite d’une culture. La relation avec les référents politiques doit aussi être privilégiée. C’est un projet de vie au sein d’une commune qui doit être soutenu.

Pour autant, le travail relationnel ne s’arrête pas aux limites de la ville. Il s’inscrit dans différents réseaux, permettant d’inscrire le lieu dans une politique culturelle globale.

Ces lieux sont souvent subventionnés pour les missions de service public qu’ils exécutent. Ils ne doivent pas concurrencer le secteur culturel privé. Si des entreprises privées des musiques actuelles sont implantées sur le même territoire (locaux de répétition, studios d’enregistrement … ), l’intérêt pour tous est de trouver une complémentarité aux deux activités.

Enfin, nous verrons par la suite qu’ils peuvent occuper une place importante dans la carrière artistique. Le label Smac a d’ailleurs été construit sur ce schéma.

Des valeurs propres au domaine des musiques amplifiées

Les lieux de vies musicales appartiennent pour la plupart au monde associatif. L’enquête menée annuellement par la Fédurok montre qu’en 2008, 95% de ses structures adhérentes sont des associations loi 190169.

  1. Premièrement, les valeurs que ces associations musicales diffusent sont directement héritées du mouvement revendicatif des musiques actuelles.
    Leurs idéaux sont donc en adéquation avec le monde associatif : convivialité, tolérance, apprentissage, socialisation, partage.
  2. Deuxièmement, ce sont des entreprises complexes basées sur une économie publique et commerciale.
    Le statut associatif permet donc la bonne gestion de ces structures à but non-lucratif. Pour autant, nous verrons que ce statut est discutable.

«L’association est, avant tout, un engagement humain. Mais cet engagement constitue également l’un des premiers actes du citoyen, acteur de la cité, qui va accepter de s’organiser collectivement afin de mener une action commune.

L’association participe à la vie de la cité. Elle est un creuset de la démocratie faisant l’interface entre le citoyen et le politique »70.

On retrouve les idées défendues par la pensée d’éducation populaire. L’usager de l’association n’est pas seulement client.

C’est un citoyen. Il tient une place dans l’espace social. Les lieux de vies musicales respectent cette idéologie. Ils ne défendent pas seulement une discipline artistique, mais aussi un art de vivre, un regard sur le monde.

C’est sans doute pourquoi les associations françaises sont principalement culturelles.

Pour exemple, 21, 4 % des créations d’associations en 2004 avaient comme principal objet la culture71. C’est le plus fort taux. Toutes les personnes gravitant autour d’un projet associatif culturel deviennent des citoyens de cette micro-société, particulièrement les travailleurs.

« Si tu n’es pas investi dans ton projet, je ne vois pas l’intérêt d’être dans une association, en plus sur un domaine culturel ». Les employés de ces lieux de vies musicales défendent des idées démocratiques culturelles.

Fabrice Parmentier, militant de la première heure, nous donne sa propre définition des musiques actuelles :

« Moi ce que j’appelle musiques actuelles, c’est les musiques qui ont quelque chose à dire. C’est pas parce que c’est d’un style ou d’un autre.

C’est pas ça la notion de musiques actuelles. Pour moi, c’est : «j’ai quelque chose à dire au moment où je le dis». Billy Holliday, c’est de la musique actuelle. C’est pas du jazz.

C’est quelqu’un qui avait un putain de blues en elle ou … je sais pas, l’idée du hip-hop à l’époque avec les blacks des ghettos qui racontaient ce qu’ils vivaient, c’est de la musique actuelle.

L’idée elle est là, quand on a quelque chose à dire »72.

Le format associatif, sur le fond, colle parfaitement aux propos tenus par les dirigeants de musiques amplifiées : pas d’élitisme ou d’excellence instrumentale, démocratie culturelle, oralité, échange …

69 La Fédurok réalise une enquête sur ses adhérents, basée sur la méthode de l’OPP, Observation participative et partagée. Chaque adhérent répond par le biais du logiciel Coopalis en ligne, et a accès aux réponses des autres.

70 Des associations en général … vers une éthique sociétale, Rapport de Jean-Pierre Decool, Député du Nord au Premier ministre Jean-Pierre Raffarin. mai 2005.

71 Étude menée par le Cerphi (Institut d’étude spécialisée sur la philanthropie et le secteur non marchand) annuellement.

Sur la forme aussi, ce statut juridique est adaptée au domaine musical. L’association, c’est « la convention par laquelle deux ou plusieurs personnes mettent en commun, d’une façon permanente, leurs connaissances ou leur activité dans un but autre que de partager des bénéfices »73.

Cette définition laisse une grande part de souplesse administrative aux structures.

L’économie culturelle étant en équilibre entre deux versants (le marchand et le public), ce choix de structure permet par exemple de percevoir des subventions publiques, tout en gardant une liberté d’agir.

D’autres cadres juridiques pourraient prendre la place du format associatif, comme les SCIC. Pour l’instant, ils ne sont que peu envisagés car ils présentent « encore peu d’avantages concrets »74.

Le choix d’être en association est donc moral, mais aussi économique. Ceci entraîne une situation paradoxale qui peut mettre à mal les valeurs de liberté défendues par les lieux de vies musicales.

« L’esprit de liberté originel du statut associatif s’est progressivement heurté à des contraintes de gestion dans un contexte de crise économique, caractérisée pour les associations gérant des équipements «par la rationalisation des dépenses et l’instrumentalisation des acteurs associatifs mis en concurrence par les pouvoirs publics» »75.

La double contrainte est de faire naître et grandir une reconnaissance publique et en même temps de protéger son indépendance.

Nous l’avons vu, un projet culturel d’un lieu de vies musicales est construit en fonction des données d’un territoire. Il doit être en accord avec la municipalité qui le soutient.

Ces entreprises ne peuvent pour l’instant pas se passer des financements publiques, compte tenu des charges qu’entraînent la diffusion et l’accompagnement musical.

La dynamique associative serait-elle en perdition face à l’obligation de professionnalisation ?

La moyenne des budgets annuels des adhérents Fédurok est de 512.000 euros en 2008.

Cela illustre bien que ces lieux sont de véritables entreprises, à la gestion complexe, qui nécessitent à leur direction des militants, certes, mais aussi des gestionnaires. Rémi Breton nous explique sa situation de directeur- employé-associatif-militant :

« En fait, comme toute association qui a ce niveau de finances, je suis obligé de piloter un peu le CA.

Ce qui ne va pas être le cas dans une association plus amateur où on peut partager plus de choses. Un, j’ai une délégation de pouvoir pour le bon fonctionnement de l’association.

Comme les stratégies, je suis obligé de les faire en amont, par rapport à mon conseil d’administration, ce sont des choses, au moment où on se retrouve, qu’ils sont obligés d’acter parce qu’elles sont déjà dans les tuyaux ».

Le bureau, dans cet exemple, ne tient plus une grande place dans les décisions associatives. Le cas semble être fréquent. L’esprit associatif est détérioré. Les dirigeants associatifs sont pourtant les premiers bénévoles d’une association.

72 Entretien avec Fabrice Parmentier, p 129.

73 Loi du1 juillet 1901 relative au contrat d’association, version consolidée au 2 août 2003, Légifrance.

74 Arthur Gauthier, Le positionnement économique des lieux associatifs de musiques amplifiées : l’apport de l’économie sociale et solidaire, Mémoire de DESS, Université Catholique de l’Ouest, 2005, p52.

C’est donc une situation paradoxale qui se généralise. Par la professionnalisation, la légitimation des pratiques, les associations génèrent une économie croissante qui s’éloigne des valeurs associatives.

Il faut envisager la création d’une nouvelle structure juridique en adéquation avec l’économie particulière des musiques actuelles.

D’après Bruno Colin, il y a un double enjeu qui « ne se situe pas uniquement sur le plan technique de la réduction des déficits économiques, mais aussi sur celui, plus idéologique, de la nécessité d’accompagner des mouvements citoyens de coopération et de solidarité »76.

2. Les missions communes des lieux de vies musicales

Les lieux de vies musicales ont chacun leur identité propre, mais des points essentiels les unissent dans une même problématique : défendre au mieux un projet de société au niveau collectif et un projet de vie au niveau individuel.

Pour cela, leur action est basée sur deux activités prédominantes.

[irp posts=»95433″ ]

La diffusion musicale est l’activité visible de ces lieux. L’accompagnement est moins connu des populations, mais est un élément complémentaire essentiel de la diffusion.

La diffusion

« La diffusion, la programmation de concerts est la (…) partie par laquelle de nombreux «lieux de vies musicales» ont débuté, et souvent le premier contact avec les populations, ne serait-ce que par l’intermédiaire de la communication. (…) Elle participe à l’ouverture, à l’accessibilité de tous et à l’éducation des populations »77.

Elle est le meilleur garant de l’image de marque du lieu, tant pour les publics que pour les financeurs.

[irp posts=»87774″ ]

À chaque concert, il est donc nécessaire pour l’équipe de soigner l’accueil des invités, faire au mieux en fonction des dispositions de la salle : confort acoustique, normes de sécurité, agencements spécifiques (vestiaires, billetterie isolée, loges, point de restauration … ), politique tarifaire.

Les publics peuvent arriver en masse et il faut savoir réagir à cet afflux. Aussi, les artistes n’ont pas tous les mêmes habitudes, mais méritent le même traitement : un accueil qualitatif.

Lors des locations à d’autres producteurs aussi, la réception de tous les usagers doit être particulièrement soignée, pour éviter « l’effet de la «salle polyvalente» qui nuit à l’image et l’esprit de l’établissement »78.

76 Bruno Colin, Sociétés à but non lucratif, une question de statut ? Culture et Proximité, 1997, n°4.

Les choix de diffusion sont complexes et prennent en compte un enchevêtrement de données.

Celles-ci sont liées « à l’organisateur lui-même (particularités locales, position sur le territoire, situation financière propre), au tourneur (motivation et engagement sur le spectacle en question, sur cet artiste en particulier, situation financière propre, rapports avec la maison de disques de l’artiste, etc. ), au musicien (rapports avec son tourneur, existence ou non d’une activité discographique, poids, motivation et engagement financier de la maison de disques, exposition dans les médias, etc. ), ou encore à l’environnement global (genre musical pratiqué par le musicien plus ou moins en vogue auprès du public, contexte plus ou moins propice au spectacle vivant dans son ensemble, etc. ) »79.

D’un autre côté, la plupart des groupes veulent monter sur scène.

Les CD de promotion d’artistes de tous styles amplifiés et de tous niveaux, arrivent de la France entière dans les boîtes aux lettres des établissements. 98% des lieux adhérents de la Fédurok ont une programmation saisonnière, avec une moyenne de 110 groupes diffusés par salle en 2007-200880.

Mais cela ne suffit pas. Chacun travaille à programmer un panel d’artistes locaux, régionaux et nationaux. Ils satisfont ainsi les envies des publics et oeuvrent pour la diversité de la diffusion et la découverte artistique.

Mais lorsque ces groupes ont été accueilli une fois, rares sont ceux qui sont re-programmés sur un projet identique.

Toutes ces conditions de diffusion complexifient le rapport des groupes en développement à la scène. On a vu que la représentation scénique était une étape essentielle dans une carrière. Pourtant, ils ne peuvent assouvir leur désir de jeu.

Solène Lasnier nous exprime cette frustration face à la pénurie de dates :

« J’ai toujours dit que de toute façon, ça recharge les piles (jouer en public). Parce qu’aller passer quatre heures en répète tous les samedis si derrière, il n’y a pas une date où t’es face à des gens pour le faire … Tu voix c’est justement ce côté relationnel qui est vachement important, cet échange. Et des fois, vraiment ça manque ».

Les lieux de vies musicales

Face à la fermeture des petits lieux de diffusions comme les bars et cafés-musique, les artistes en développement n’ont que peu d’occasion de faire leurs preuves.

Quant aux musiciens amateurs, ils jouent pour la fête de la musique, la fête du lycée. Les plus chanceux jouent une fois dans ces lieux de vies musicales.

77 Flavie Van Cohen, op.cit., p29.

78 Opale, Lieux de vies musicales, 1995, p12.

79 Fabrice Nau, La diffusion des groupes amateurs, mémoire de DESS, Université d’Angers, 2004, p30.

80 Fédurok, enquête OPP, op.cit.

La programmation est une alchimie complexe entre ces facteurs de demande, de financement, de découverte … Elle est insuffisante quand on observe le nombre de musiciens qui fréquentent ces lieux sans pour autant monter sur scène.

La pratique musicale

L’accompagnement des pratiques musicales amplifiées est arrivé en complément de la diffusion dans la plupart des lieux de vies musicales.

Aujourd’hui, les deux sont considérés comme indissociables dans le milieu des musiques amplifiées.

Ainsi, chaque lieu, en fonction de ses possibilités humaines, architecturales, financières, propose diverses formes d’accompagnement.

La répétition

L’idée reçue que les musiciens amplifiés apprécient répéter dans des lieux insolites comme des caves, hangars et garages est révolu. Marc Touché a démontré81 qu’ils préfèrent travailler dans de bonnes conditions : matériel de qualité, insonorisation.

Alors qu’on les imagine dans un garage poussiéreux, avec peu d’éclairage, son enquête révèle même que le luxe pour ces musiciens est d’avoir une vue sur l’extérieur. Cette étude a permis de mettre en évidence les carences et les actions à mener pour la répétition amplifiée.

Les lieux de musiques amplifiées proposent donc différents accueils.

Cela va du box de répétition pour soliste à la grande salle pour accueillir les formations du type fanfares, percussions, ou formations pluridisciplinaires. Aussi, chacun n’a pas les mêmes attentes d’un local de répétition.

Certains viennent répéter en studios de répétition par confort, pour leur loisir. D’autres sont en voie de professionnalisation et ont besoin de conseils. Il faut donc prévoir une qualité d’accueil optimale.

81 Marc Touché, Connaissance de l’environnement sonore urbain, l’exemple des lieux de répétition, CRIV-CNRS

La répétition prend une place très importante dans la vie d’un groupe. D’après les estimations de Marc Touché82, un groupe répéterait en moyenne quatre heures par semaine, soit deux-cents heures de répétition par groupe et par an.

« Depuis cinq ans, on répète quasiment tous les week-ends, quatre heures par samedi. Enfin quand on a autre chose de prévu, on fait autre chose. (…) On répétait aussi parfois en semaine avant. Donc ça prend beaucoup de place »83.

À cela, il faut ajouter les heures de non-répétition, ces moments où les groupes ne jouent pas, mais discutent.

Ils parlent, échangent, rencontrent, débattent, s’informent : il sociabilisent avec l’environnement amplifié.

« L’après-répétition constitue dans 92% des cas un temps non négligeable de l’acte de répéter collectivement, en réécoutant les cassettes, en faisant des commentaires, en “s’engueulant”, en préparant les futures rencontres »84.

Cette remarque montre l’utilité d’aménager éventuellement des espaces de détente, qui pourront favoriser les rencontres.

Les filages et résidences

Les filages permettent aux musiciens de se mettre en condition pour la scène. On ne joue pas en répétition comme on joue en public. La scène entraîne une représentation de soi, une confrontation à l’autre.

En répétant dans des conditions de scène, les musiciens peuvent travailler leurs entrées, l’enchaînement des morceaux, le placement des membres du groupe sur scène, le son …

Les résidences sont des périodes de filage plus longues. Elles sont utiles pour les groupes professionnels. Elles permettent de travailler plus en profondeur le spectacle : lumières, jeu de scène … Comme pour la répétition, ces moments participent à la vie du groupe.

Une fois de plus, les musiciens peuvent échanger entre eux, mais aussi avec la structure qui les accueille et les conseille.

82 chiffres tirés de travaux de Marc Touché pour un état des lieux sur les musiques actuelles en Yvelines, en 2005.

83 Entretien avec Solène Lasnier, p.

84 Opale, Lieux de vies musicales, 1995, p13.

Les ateliers et cours

Les chiffres 2008 de la Fédurok85 montrent que 28 % des structures membres ont une activité d’enseignement. Des cours sont dispensés aux élèves ne souhaitant souvent pas apprendre un instrument de manière traditionnelle.

Les professeurs sont avant tout des musiciens, diplômés ou non. La technique instrumentale n’est pas la base de l’apprentissage.

« La pratique collective, l’improvisation, la transmission orale, le travail instrumental, le travail de la matière sonore, la pratique de la scène constituent les principaux identifiants de leur enseignement »86.

Certaines structures ont une activité d’enseignement intégrée à l’activité, comme le Rock School Barbey de Bordeaux.

D’autres, comme l’association Mars, font équipe avec des structures spécialisées dans l’enseignement des musiques classiques et amplifiées. Des formations ponctuelles peuvent aussi être dispensées : des stages de courte durée pour travailler par exemple un style musical, pour découvrir un artiste …

Une fois encore, ces lieux de vies musicales proposent des formules d’apprentissage adaptées à leurs compétences et au territoire local.

L’information et les formations

A côté d’une simple pratique musicale, les lieux de vies musicales peuvent proposer des formations sur l’environnement des musiques amplifiées.

Elles sont destinées aux musiciens, aux professionnels, à tous les acteurs des musiques amplifiées qui souhaitent acquérir des connaissances scientifiques sur ce milieu.

Divers thèmes peuvent être abordés et présentés par des experts : la sécurité dans les spectacles vivants, la communication, l’économie, la gestion, la technique, la création d’un festival …

[irp posts=»45210″ ]

Ces formations sont la plupart du temps gérées par le pôle ressources du lieu de vies musicales.

On entend par pôle ressources, ou pôle information, le lieu où sont réunies les informations scientifiques sur les musiques amplifiées. Cet espace a pour but de réunir le gens autour d’une culture commune, et de les assister dans leurs démarches, leur projet.

Ils présentent une multitude d’outils de recherche que j’ai pu explorer lors de mon stage :

  1. un panneau d’affichage, pouvant contenir des petites annonces de musiciens, l’actualité culturelle à venir
  2. un présentoir à prospectus, réunissant tous les tracts et plaquettes de présentation des événements culturels
  3. un poste informatique, pour un accès permanent à Internet, à une base de données,à des logiciels musicaux ou de graphisme
  4. un point d’écoute permettant la diffusion des artistes que le lieu souhaite soutenir une bibliothèque spécialisée contenant des ouvrages sur la culture, sur les musiques actuelles, et qui peuvent servir de référence aux usagers de l’espace ressources
  5. une presse relatant de l’actualité musicale et artistique

85 Fédurok, enquête OPP, op.cit.

86 Michel Berthod et Anita Weber, Rapport sur le soutien de l’État aux musiques dites actuelles, Inspection générale de l’administration des affaires culturelles, 2006, p38.

Les propositions des espaces de ressources dépendent bien entendu des besoins et caractéristiques du territoire. La personne en charge de ce lieu a pour mission de l’animer, en prenant en compte les demandes et nécessités des usagers.

Elle doit être en mesure de les conseiller, de porter un regard professionnel sur leur projet en le diagnostiquant. Ce doit aussi être un lieu agréable permettant la rencontre et l’échange.

L’enregistrement

L’OPP de la Fédurok87 2008 montre que 56% de ses adhérents proposent des sessions d’enregistrement.

Cette activité est plus rare car elle nécessite non seulement un lieu adéquat, avec une bonne acoustique, mais aussi un équipement coûteux et un personnel spécifique. Sur ces entreprises, seulement 33% possèdent un studio d’enregistrement destiné uniquement à cet usage.

D’autres lieux de vies utilisent leurs studios de répétitions ou les salles de diffusion pour enregistrer.

Cela justifie le fait que seulement 5% des productions phonographiques qui sortent de ces studios font l’objet d’un contrat de licence ou de distribution. Les groupes professionnels intégrés peuvent passer par des studios d’enregistrement privés, plus onéreux, qui travaillent avec leurs structures (labels, tourneurs).

Ainsi, les chiffres montrent que 82% des groupes enregistrés en 2008 sur les lieux Fédurok sont régionaux, départementaux ou locaux.

87 Fédurok, enquête OPP, op.cit.

On en vient ainsi à la justification de ces équipements pour les pratiques amateurs. Le but d’enregistrer aujourd’hui n’est pas de vendre leur album.

Ceux qui ont cet objectif se fourvoient. Fabrice Parmentier nous explique qu’il est très rare de trouver des artistes qui présentent une véritable nécessité d’enregistrer, avec une création « qui (correspond) à un vrai produit, un vrai travail qui mérite d’être divulgué.

Trop souvent, c’est des petits groupes qui viennent, qui font leur enregistrement parce qu’ils ont eu une subvention (…). Et ils font leur auto-production, ils vendent cinquante CD à leur mère et les autres restent dans un carton »88. Observons en quoi l’enregistrement peut être utile et utilisable :

Le disque permet tout d’abord de garder une trace de sa création. Les musiques amplifiées tendent plus vers une transmission orale qu’écrite. Un musicien amplifié n’apprend le solfège que lorsqu’il ressent que ces lacunes le brident dans son travail.

Les musiques amplifiées ne sont pas écrites, contrairement à la musique classique qui dispose d’un vocabulaire scientifique complexe. L’enregistrement permet alors de réécouter ce que l’on a créé, de se souvenir. C’est la partition du musicien amplifié.

Le fait de s’enregistrer ou même se filmer permet aussi d’entendre et voir ce que l’on donne au public. Ce peut donc être un excellent outil de travail, pour noter les défauts et les retravailler.

La session en studio d’enregistrement en soi est aussi une forme d’apprentissage des musiques amplifiées : comprendre le processus de création d’un album ne se fait que pendant ces temps donnés. Enregistrer plusieurs prises.

Être enfermé dans un endroit insonorisé, face au regard professionnel de l’ingénieur du son. Patienter pendant que le batteur enregistre sa piste. Douter. Cela fait partie de l’expérience du musicien amplifié.

Enfin, et c’est là son utilité principale actuellement, le support audio devient un outil de promotion. Un groupe souhaitant démarcher des lieux de diffusion, des producteurs, des tourneurs, peut présenter ce qu’il sait faire.

Ces enregistrements touchent aussi les publics par le biais des sites communautaires du type Myspace, qui proposent des pistes d’écoute au format mp3 sur chaque page personnelle.

« Aujourd’hui, tout le monde peut aller au studio. C’est comme une consécration, mais c’est pas si important que ça. Après, ce qui est important, c’est d’avoir effectivement ta maquette pour envoyer, pour trouver des dates, te faire connaître, etc. (…)

Il y a tout le travail pédagogique, le travail d’approche, comment tu comprends les choses.

Tu sais, quand tu fais deux ou trois jours de studios, tu comprends pleins de choses de ta musique : «ah oui, là je suis pas dedans, là c’est pas carré, là je suis pas en place». Au niveau pédagogique, c’est très utile »89.

Ces ajustements participent à l’intégration de l’habitus musicien.

L’accompagnement des groupes

Pour clore cette liste d’actions non exhaustive, il me semble important de revenir sur l’accompagnement des musiciens.

Selon les configurations des espaces, on peut distinguer plusieurs formes d’accompagnement, du simple conseil échangé lors d’une discussion informelle, au suivi d’artiste en voie de professionnalisation.

La base de l’accompagnement, c’est de travailler sur un projet artistique ou culturel. Ce peut être très simple.

Lors de répétitions, le responsable des locaux peut assister à la répétition et donner son avis sur les failles détectées. Le chargé du pôle ressources peut conseiller un groupe qui souhaite se monter en association. Le programmateur du lieu peut assister à un filage …

L’activité s’amplifie avec les envies des groupes. Ainsi, certaines associations vont soutenir un groupe qui souhaite monter les marches de sa carrière.

Il y a conventionnement (oral comme écrit) entre les deux parties. Les besoins du groupe sont diagnostiqués, évalués. Les membres du lieu présentent ce qu’ils peuvent faire pour aider ce groupe. L’accompagnement professionnalisant est la dernière étape avant l’accompagnement professionnel.

Le terme de «développement» peut sembler mécanique. Mais il définit un groupe qui « a la capacité à s’insérer tout seul. Il faut qu’on lui donne juste les outils, une stabilité, un confort, pour ne plus se soucier du quotidien 90.

Le bien-être de l’amateur

Alors que la reconnaissance des lieux de vies musicales se fait par la programmation de têtes d’affiches, on découvre que toutes les autres activités sont tournées vers les pratiques amateurs.

Ces espaces sont en fait des temples de l’amateurisme. La science qui y est enseignée est le bien-être du musicien. Et même la diffusion est pensée en équilibre avec les artistes en découverte et les artistes reconnus.

Le musicien amateur et le musicien en développement sont les piliers de ces lieux. C’est autour de leur carrière artistique qu’est pensée l’activité de la salle.

Le but est qu’ils s’épanouissent dans leur pratique, qu’ils apprennent, se cultivent et partagent des moment, des émotions autour de la musique. Le groupe Soyuz par exemple, est encadré depuis déjà trois ans par des lieux de vies musicales.

Solène nous exprime ce que lui apporte cette pratique : « J’aime beaucoup ce qu’on fait. Je parle au niveau personnel, c’est vraiment un moyen de me découvrir autrement !

Je m’éclate à faire ça ! »91. Lorsque ces lieux en ont la possibilité, ils offrent donc un panel complet des activités de pratique musicale amplifiée. Cela nécessite des compétences humaines très diversifiées, un cadre architectural performant, un fort réseau d’acteurs culturels.

Nous verrons par la suite que l’association Mars réunit de nombreux critères pour prétendre à un accompagnement complet de ces pratiques.

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
Le métier d’accompagnateur dans la carrière musicale amplifiée
Université 🏫: Université Lumière Lyon 2 - Maîtrise de Sociologie
Auteur·trice·s 🎓:
Clotilde Bernier

Clotilde Bernier
Année de soutenance 📅: Mémoire de Master 2 Anthropologie spécialité Métiers des arts et de la Culture - 2007/2013
Rechercher
Télécharger ce mémoire en ligne PDF (gratuit)

Laisser un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Scroll to Top