Les formations en l’entrepreneuriat dans les universités

Les formations en l’entrepreneuriat dans les universités

III- Discussion des résultats

L’objectif principal consiste à s’interroger sur la préférence de l’acte qu’ont les étudiantes vis-à-vis de la création d’entreprise, et sur la manière dont elle peut influencer leurs intentions entrepreneuriales après leurs études.

En générale, le but est de souligner l’importance des formations en l’entrepreneuriat dans les universités. Dans ce cadre, l’intention de créer une entreprise est supposée dépendre de deux éléments : la désirabilité perçue et la faisabilité perçue.

Les résultats confirment l’utilité de la théorie de l’évènement entrepreneurial dans le contexte des étudiantes de filière « Gestion » puisque 40% de la variance de l’intention est restitué.

Suite aux résultats de la régression linéaire, l’attrait que représentent la création d’entreprise (la désirabilité) et la perception d’aptitude à mener à bien une entreprise (la faisabilité) sont deux éléments indispensables à la formation d’intention de créer une entreprise pour les étudiantes filière « gestion ». Nos résultats confirment les résultats de Krueger (1993).

Dans le contexte particulier de notre recherche, le degré de désirabilité de l’acte contribue davantage à la détermination de l’intention de créer une entreprise que les perceptions de faisabilité. La désirabilité, a un effet plus important dans l’explication de l’intention entrepreneuriale.

Ce résultat n’est pas conforme à celui obtenu aux États-Unis sur une population étudiante par Krueger et al. (2000) et en Scandinavie et en Russie par (Kolvereid 1996 ; Kolvereid et Tkachev, 1999) et en France sur une population étudiantes par Aouni et al. (2009), mais conforme aux conclusions d’Audet (2001) sur une population étudiante canadienne et d’ Emin (2003) sur une population française de chercheurs de la fonction publique en sciences dures et de Lévy-Tadjine (2008) qui a menée une enquête exploratoire sur l’intention entrepreneuriale auprès de 110 étudiants Licence et Master en gestion de différentes universités (UL, UI, USJ, CNAM)124.

Ces différences pourraient mettre en évidence un effet culturel et la spécificité des populations interrogées.

Les résultats de notre enquête peuvent être expliqués d’une part par l’incertitude au niveau politique et sécuritaire, et d’autre part, par le goût du risque élevé des étudiantes (60.7% déclaraient avoir le goût de risque).

A la lumière de nos résultats, la formation en entrepreneuriat doit délivrer les compétences techniques en matière d’entrepreneuriat, mais doit aussi et surtout favorisé l’image de l’entrepreneuriat comme un acte désirable et attractif.

Les chercheurs intéressés aux théories de l’intention supposent la similitude entre la théorie du comportement planifié et la théorie de l’évènement entrepreneurial (Krueger, 1993 ; Tounès, 2003 ; Emin, 2003; Audet, 2003 ; Fayolle et al., 2005 ).

En effet, la perception de la désirabilité (ou du degré d’attrait perçu pour un comportement) a été assimilée au concept de la norme sociale perçue et à celui de l’attitude envers le comportement planifié développés par Ajzen.

La faisabilité (ou la perception des variables de soutien et d’aides de différentes natures), à son tour, a été renvoyer au concept du contrôle perçu de la théorie du comportement planifié d’Ajzen.

Nos résultats confirment l’utilité de la dépendance et la liaison des deux théories dans le contexte des étudiantes filière « Gestion » et non pas la ressemblance.

Une série de régressions a permis d’identifier quels sont les facteurs qui expliquent le plus l’intention entrepreneuriale et quelles sont les actions critiques pour que les étudiantes se sentent capable de réussir une création.

Ces résultats peuvent aider à l’orientation du contenu des formations en entrepreneuriat pour influencer d’une manière positive l’intention entrepreneuriale des étudiantes.

Plus précisément, nos résultats confirment les résultats de Krueger (2000) sur la crédibilité d’une opportunité potentielle. La perception des normes sociales influence les perceptions de la désirabilité. A cet effet, un fort soutien social renforcera le désir d’agir de créer une entreprise de l’étudiante.

De même, la prise de décision est l’otage de la façon dont nous avons appris à définir le « désirable» (Krueger, 2000). Donc, la désirabilité perçue dépend de l’attitude entrepreneuriale et des normes sociales perçues.

La faisabilité dépend de la perception de la facilité ou difficulté que nous pensons rencontrer lors du processus créatif. Ainsi, nos résultats ont confirmé que la faisabilité est influencée par le contrôle perçu.

En explorant les fondements des variables mobilisées pour expliquer l’action d’entreprendre, il est difficile de faire abstraction du rôle du genre et de son effet sur le développement du comportement entrepreneurial.

Ainsi, les spécificités de notre population interrogée ont émergé des résultats qui contredisent, en grande partie, la revue de littérature mobilisée. L’attitude est fonction de la motivation, de la proactivité, de l’expérience entrepreneuriale et de l’évaluation des conséquences.

La norme sociale est quant à elle, principalement fonction de la singularité psychologique perçue et de l’influence de l’entourage proche.

Le contrôle perçu est influencé par les compétences nécessaires pour gérer l’entreprise, l’environnement institutionnel et l’accessibilité des ressources. Cependant l’attitude n’est pas influencée par l’expérience professionnelle et l’expérience associative.

Contrairement aux modèles de Tounes (2003), la norme sociale n’a pas été fonction du rôle du modèle et donc ne peut pas se matérialiser à travers la connaissance de modèles d’entrepreneur et le souhait de les imiter.

Bien que la théorie du comportement planifié indique que la mesure de la norme sociale est fonction des motivations à se conformer aux recommandations des référents importants, nos résultats soulignent que la norme subjective n’a pas été fonction de l’influence de l’entourage.

De plus, le contrôle perçu n’est pas relié aux conditions de l’environnement politique et économique, aux compétences perçues nécessaires pour la création et le contrôle perçu.

Selon les résultats de la recherche, la sensibilisation et la formation à l’entrepreneuriat (SFE) n’ont pas d’impact suffisant sur les antécédents de l’intention d’entreprendre.

Contrairement à la revue de la littérature soulignant que la formation en entrepreneuriat influence l’intention et ses antécédents (Block et Stumpf, 1992 ; Gasse, 1996 ; Kolvereid et Moen, 1997 ; Tkachev et Kolvereid, 1999 ; Fayolle, 2002 ; Peterman et Kennedy, 2003, Fayolle, 2004, Boissin et Emin, 2007), nos résultats soulignent que les deux antécédents de l’intention entrepreneuriale (désirabilité et faisabilité) n’ont pas été affectés par la variable formation à l’entrepreneuriat.

Notons cependant qu’il y a une corrélation significative entre les variables liées à la perception de l’étudiant de la FSE (impact perçu, nécessité perçue) et sa désirabilité perçue d’entreprendre.

Nos résultats peuvent être expliqués par les résultats de Fayolle et al. (2006). En effet, ses résultats montrent que « l’impact immédiat du PEE (programme d’enseignement en entrepreneuriat) sur l’intention et ses antécédents ainsi que la persistance de la variation provoquée par le programme, sur une période de 6 mois, sont influencés par le niveau initial de l’intention des étudiants ».

L’auteur résume que les PEE visant à donner une première conscience entrepreneuriale aux étudiants semblent inutiles (existence de contre-effet) pour certains types d’étudiants125.

125 L’impact immédiat du PEE sur l’intention a été beaucoup plus positif pour les étudiants qui n’ont eu aucun entrepreneur dans leur famille. L’impact immédiat du PEE sur l’intention a été beaucoup plus positif pour les étudiants n’ayant eu aucune expérience associative et aucune expérience internationale.

Dans la même veine, l’impact faible de la formation à l’entrepreneuriat au Liban peut être expliqué d’une part par le niveau initiale fort de l’intention d’entreprendre commenté par la spécificité du libanais et de la femme libanaise, et d’autre part par la relation U-E limitée et récente (cf. chapitre 2).

En fait, pour beaucoup des libanais, le libanais est un entrepreneur par essence. Les libanais valorisent l’entrepreneuriat, ils respectent les entrepreneurs, les admirent même. Ainsi, pour le père Joseph Mouwannes (1973), le libanais « a le goût de l’aventure et de l’immédiat ».

Une expérience suffisante, une présence de capital, des relations développées à l’intérieure comme à l’extérieur du pays constituent les avantages à la création d’entreprise au Liban.

Ainsi, il est facile de trouver un entrepreneur libanais dont les membres de la famille étaient dans les affaires auparavant, de sorte que la plupart des banques libanais sont familiales et portent le nom de la famille.

Parmi les caractéristiques premières de l’entrepreneuriat au Liban, figurent l’importance des entrepreneurs internationaux surtout en Afrique, et en Amérique. Au plan politique, l’instabilité n’a pas constitué un frein à l’entrepreneuriat pour la plupart des libanais, le goût du risque et l’héritage phénicien à libérer l’initiative privée.

D’après l’étude faite par M. Riad Tabarra, directeur de Madma « Employment and not unemployment in Lebanon », le taux d’activités des femmes au Liban augmente.

En réalité, il y a eu une augmentation de 13% en 1970, jusqu’à 16% en 1996 avec une prévision d’augmentation de plus de 22% en 2010. Cette évolution remarquable au Liban est due à la libération de la femme libanaise, son besoin d’être autonome et indépendante.

A la lumière de ces motivations, le niveau initial126 de l’intention de la femme libanaise est fort. Notre recherche confirme ce constat car 55% des étudiantes ont une intention forte et 42,4% ont une intention moyenne contre seulement 2,6% à intention faible.

Dans le deuxième chapitre nous avons montré que la relation U-E ait dépassé le stade de l’initialisation mais qu’elle doive encore confronter l’institutionnalisation pour avoir un impact fort sur l’intention des étudiants.

Cela passe par des actions menées en rapprochant les différents centres universitaires concernés et les différentes laboratoires de recherche afin d’accentuer la recherche en entrepreneuriat.

L’homogénéité de l’offre et la coopération entre les différents acteurs favorisent l’émergence d’un véritable milieu entrepreneurial au sein de l’université.

Les universités au Liban ont besoin de se doter d’actions, de moyens et de personnes de plus en plus importants augmentant considérablement les possibilités d’aborder en son sein le domaine de l’entrepreneuriat.

Une piste importante de développement en entrepreneuriat au Liban consiste dans l’élaboration des formations diplômantes en entrepreneuriat.

Il faut noter que l’entrepreneuriat n’a pas encore émergé comme une filière de formation diplômantes à l’exception de l’USJ127.

La plupart des cours souvent optionnels ont une vocation de sensibilisation même si nous pouvons regretter qu’ils demeurent cantonnés aux programmes de gestion. Ainsi, l’intention d’entreprendre ne changera pas selon l’université d’appartenance.

A titre de confirmation, notre étude révèle que la culture entrepreneuriale au sein de l’université n’a pas d’influence sur la désirabilité perçue et sur la faisabilité perçue des etudiantes des deux échantillons.

Ces résultats contredisent les résultats obtenus d’Autio et al., (1997), Lüthje et Franke (2003) et Fayolle (1996) qui soulignent l’impact de l’environnement universitaire sur les attitudes des étudiants vis-à-vis des carrières entrepreneuriales.

Le problème s’accentue au Liban en sachant qu’« il n’existe pas d’actions de sensibilisation et de formation à l’entrepreneuriat pour les scientifiques libanais » (Hamzé, 2007)128.

Ce propos explique la différence de la perception des étudiantes pour l’enseignement de l’entrepreneuriat. En fait, la nécessité perçue de la formation à l’entrepreneuriat des étudiantes influence la désirabilité entrepreneuriale des étudiantes de filière « Gestion » seulement.

126Les résultats montrent que 44% déclarent avoir connu des entrepreneurs dans l’entourage et 86% ont travaillé dans des grandes entreprises (cf. annexe IV). Selon Fayolle, la formation et la sensibilisation à l’entrepreneuriat visant à éveiller à l’entrepreneuriat à ces types d’étudiants semble inutile.

127 Nos résultats confirment l’importance de développer des formations diplomantes car la moyenne de l’intention de créer une entreprise à l’USJ est la plus élevée (0.398).

128 Cité par Levy-Tadjine(2008).

Ce résultat est conforme avec ceux de Parmentier et Romainville (1998) ; Astin (1984) et Willis (1993) qui donnent un intérêt à l’implication de l’étudiant dans le processus d’apprentissage. Ceci explique la contingence de la formation de l’intention entre les étudiantes de filière différente.

Ce faisant, concernant la filière « Sciences », l’intention dépend seulement de la désirabilité perçue des étudiantes. La faisabilité n’est pas un élément indispensable à la formation d’intention de créer une entreprise pour les étudiantes filière « sciences ».

Bien que la plupart des modèles aspirent à une uniformisation de la construction de l’intention entrepreneuriale, nos résultats confirment celui de Krueger et al., (2000) mettant en évidence le changement des effets de l’attitude, de la norme sociale perçue et du contrôle perçu selon les contextes. De plus, la différence significative entre les étudiantes de filière différente a confirmé la nécessite et l’importance de la prise en compte de la filière d’étude dans l’analyse de l’intention entrepreneuriale.

Ce résultat ne doit-il pas remettre en cause la validité des modèles reposant sur le behaviorisme ? De même, ce résultat laisse le champ ouvert à des travaux mettant au jour la complexité du processus de construction à l’intention entrepreneuriale et nous incite à se poser la question de la place de l’opportunité dans les modèles de l’intention qui occultent la question de l’opportunité dans le processus de la formation de l’intention (Bhave, 1994).

Conclusion

Ce chapitre a été consacré à la vérification des hypothèses de recherche proposées sur l’intention entrepreneuriale.

Nous avons cherché à comprendre dans quelle mesure et par quels moyens la préférence de l’acte et les contextes influencent la formation de l’intention entrepreneuriale.

Nous nous sommes focalisés sur deux principales variables explicatives de l’intention entrepreneuriale, à savoir la désirabilité et la faisabilité perçues de l’acte d’entreprendre.

Nous avons retenu l’étude des étudiantes pour comprendre la relation entre l’intention et la sensibilisation et la formation en entrepreneuriat.

Les résultats obtenus dans cette étude nous permettent de conclure que : l’attrait envers la création d’entreprise (désir d’agir) et la perception de sa capacité à mener à bien le projet de création d’entreprise (faisabilité perçue), éléments explicatifs de l’intention de création d’entreprise, sont contingents à la filière d’étude. S’agissant de l’échantillon de référence, c’est le désir d’agir qui présente la dépendance la plus prépondérante.

L’attitude personnelle représentent le pôle qui agit le plus sur la désirabilité perçue entrepreneuriale. La faisabilité perçue est principalement fonction du contrôle perçu. Par contre, contrairement à la revue de littérature, l’enseignement de l’entrepreneuriat n’a aucune influence sur les déterminants de l’intention entrepreneuriale.

Concernant l’échantillon témoin, seules deux hypothèses sont validées. Il s’agit de l’hypothèse 1.1 (Plus la désirabilité perçue est favorable, plus importante sera l’intention entrepreneuriale) et de l’hypothèse 2.1 (Plus l’attitude envers l’entrepreneuriat est positive, plus la désirabilité perçue sera forte).

Compte tenu des relations et des hypothèses vérifiées, nous pouvons reprendre le modèle de recherche valideé de chaque filière dans les figures ci-dessous.

Figure 66. Le modèle validé de l’échantillon de référence

Le modèle validé de l’échantillon de référence

Figure 67. Le modèle validé de l’échantillon témoin

Le modèle validé de l’échantillon témoin

Figure 68. Vue d’ensemble du cheminement de la partie 2

Vue d’ensemble du cheminement de la partie 2

Partie 2. Validation du modèle d’analyse de l’intention entrepreneuriale
Chapitre 4: conception d’un modèle de l’intention entrepreneuriale
Chapitre 5 : les acteurs de la formation en entrepreneuriat
Chapitre 6 : modèle d’analyse validée de l’intention entrepreneuriale dans un contexte de la formation en entrepreneuriat

Conclusion Générale
Quels Apports, limites et perspectives de recherche ?

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
L’intention entrepreneuriale des étudiantes : cas du Liban
Université 🏫: Université NANCY 2 - Institut d’administration des entreprises IAE
Auteur·trice·s 🎓:
Léna SALEH

Léna SALEH
Année de soutenance 📅: Thèse de Doctorat ès Nouveau Régime Sciences de Gestion - 2029
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