Les domaines d’activités du géomètre-expert

5 Etat des lieux des sinistres rencontrés
Dans ce chapitre, les domaines d’activités sont classés par ordre décroissant de fréquence de sinistralité.
5.1 Statistiques générales
5.1.1 Hypothèses de classement
Il paraît logique, quand on veut résoudre un problème précis, de rechercher les causes de ce problème. Si on veut réduire le problème de la sinistralité, il convient d’en rechercher les causes. Or, les chiffres fournis par l’assureur du contrat groupe se bornent à classer les sinistres par type de travail. Il aurait été intéressant de disposer d’un classement par cause de sinistres. Je me suis attaché, à travers les décisions que j’ai étudiées, à déterminer l’origine de l’erreur. Ces décisions proviennent soit des sites juridiques (LégiFrance, JurisClasseur), soit des décisions transmises par l’assureur après chaque litige. Ces dernières ne remontent que jusqu’à environ 1997, sachant que les plus nombreuses sont relativement récentes, allant de 2004 à nos jours.
Il ressort des décisions trois principales causes de sinistres.
La première concerne les manquements aux règles de l’Art, c’est à dire les erreurs techniques commises lors des travaux réalisés.
Ensuite, les contrats généralement conclus par les géomètres sont très insuffisamment détaillés, puisqu’ils se contentent très souvent de vagues devis ne précisant pas les prestations fournies, et qui sont facilement critiquables lors de contentieux. Sont classées dans cette catégorie toutes les décisions qui interprètent la mission d’un géomètre-expert à partir des éléments disponibles.
Ex : « Par une interprétation souveraine des termes ambigus du règlement du cahier des charges du lotissement, la Cour a considéré que la mission du géomètre ne comportait pas une intervention en tant que géologue ». « la qualité de maître d’œuvre n’est pas établie au vu de la faible rémunération et du devis des travaux ».
Les carences de conseil constituent la dernière source de sinistres. Les décisions ne sont classées dans cette catégorie que si le Juge le mentionne explicitement.
5.1.2 Résultats

Causes des sinistresNombre recensé
Fautes techniques dont67
Implantation26
Manquements au devoir de conseil12
Définition imprécise de la mission20
Total99

Etudions maintenant en détail les erreurs techniques rencontrées.
5.2 Implantation
5.2.1 Statistiques et commentaires
Parmi l’ensemble des sinistres, les travaux d’implantation sont les plus importants tant en fréquence qu’en coût depuis plusieurs années. Ainsi, entre 2000 et 2004, selon les chiffres de l’OGE, le coût des sinistres est passé de 800 000 à 1 300 000€ (soit +60%), pour une fréquence qui varie entre 50 à 60 sinistres par an. Ils représentent environ 25% des sinistres tous les ans pour environ 40% des règlements en coût.
De plus, le coût moyen des sinistres en implantation est deux fois supérieur au coût moyen de l’ensemble des sinistres concernant les géomètres-experts, alors que le chiffre d’affaire en travaux topographiques reste pratiquement stable (+9,6% sur la même période). Ceci montre un véritable problème dans ce domaine.
Cependant, la majeure partie des dossiers d’implantation (autour de 75% entre 2000 et 2003) se règle à l’amiable.

71 cf. plus loin Prévention des fautes techniques/Procédure qualité.
72 cf. précédemment La Responsabilité Décennale.
73 Cass. Civ. 3, 26 mai 2004, N°02-19464.
74 Cass. Civ. 3, 8 Avril 1998, N°96-12119
75 Cass. Civ. 3, 27 Avril 1994, N°92-14854

Les causes des erreurs d’implantation sont regroupées dans le tableau ci-dessous. On remarque que les sinistres proviennent autant d’un manque de préparation préalable que de fautes de manipulations lors des opérations proprement dites. Mais, il ressort aussi qu’il y autant de mises en causes non fondées que de condamnations. Il est vrai que depuis 2004, l’OGE constate une judiciarisation de sa sinistralité, puisque la part des dossiers judiciaires est en constante augmentation depuis cette date (50% en 2000, 66% en 2005).

Fautes techniquesPlaniAltiTotal
Absence d’épure d’implantation71 dont100
Non détermination des limites4
Erreur sur l’alignement ou le prospect2
Absence de vérification du plan fourni4
Fautes87
Références utilisées ( repères de nivellement, stations)11
Fautes (erreurs de conception, de frappe, de méthode)52
Confusion de systèmes14
Appareil non étalonné10
Absence de réserves (Indications sur le plan d’implantation)01
Total18826
Manquement au devoir de conseil2
Définition imprécise de la mission3
Aucune faute retenue contre le géomètre-expert25

5.2.2 La Jurisprudence
5.2.2.1 Texte mis en jeu
Les erreurs d’implantation relèvent-elles du régime de la responsabilité civile professionnelle ou décennale, distinction très importante en matière d’assurance ? Avant la réception, la question ne se pose pas, car par principe, la garantie décennale ne peut s’appliquer72. Cependant, après la réception, cette question a son importance en terme d’assurances, car si le contrat groupe inclut cette garantie, il n’en est pas de même pour d’autres contrats.
Le critère de distinction principal suit en parfaite logique la théorie de la garantie décennale, puisque c’est la solidité et la destination de l’ouvrage qui sont mises en avant pour déterminer le texte à appliquer.
La Cour de Cassation a ainsi censuré une cour d’appel qui avait refusé de déclarer la garantie dommages ouvrage applicable à un immeuble qui avait fait l’objet d’une démolition car mal implanté, « sans rechercher si le non-respect des règles d’urbanisme affectant la construction et aboutissant à sa démolition n’était pas de nature à rendre l’immeuble impropre à sa destination»73.
a) L’immeuble est impropre à sa destination :
Si toutes les conditions sont réunies, la garantie décennale peut être mise en œuvre, même dans un cas d’erreur d’implantation :
« Les époux D. avaient eu connaissance de l’implantation de leur maison à un niveau inondable, postérieurement à la signature du procès-verbal de réception sans réserve et que leur habitation n’était pas conforme à sa destination, la cour d’appel en a déduit, à bon droit, que la mauvaise implantation de leur immeuble constituait un vice caché et que la garantie décennale du constructeur était engagée »74.
« Mais attendu qu’ayant relevé que l’erreur d’implantation, découverte tardivement, affectait l’immeuble des époux […] et que l’erreur d’implantation rendait nécessaire la démolition et la reconstruction »75, la garantie décennale du constructeur est engagée.
b) L’immeuble n’est pas impropre à sa destination :
Les magistrats paraissent considérer au contraire que les victimes d’une erreur d’implantation ne peuvent agir que sur le fondement de la responsabilité de droit commun si l’immeuble n’est pas impropre à sa destination. En effet, un défaut de d’implantation ne constitue pas un vice de construction mais un simple défaut de conformité, comme l’indiquent plusieurs jugements :
« un tel défaut n’est pas de nature à compromettre la destination ou la solidité de l’ouvrage ; que d’ailleurs le défaut n’a jamais été un obstacle à l’utilisation de la maison concernée conformément à sa destination et cela sans critique de sa solidité. »76 «considérant que l’erreur d’implantation de la maison d’habitation ne rend pas celle-ci impropre à sa destination et ne nuit pas davantage à la solidité de l’ouvrage »77.
« les défauts de conformité, telles les erreurs d’implantation horizontales et en altimétrie, n’entraient pas dans le champ d’application de la garantie décennale»78.
5.3 Bornage – Délimitation
5.3.1 Statistiques

LitigesDisciplinairesJudiciaires
Fautes techniques dont209
Non-respect du contradictoire dont82
Matérialisation de la limite sans accord des propriétaires61
Impartialité10
Mauvaise qualité des documents établis33
Non-récusation du géomètre-expert20
Non-examen des titres de propriété3
Manquement au devoir de conseil1
Définition imprécise de la mission2
Total1512
Aucune Faute retenue814

Les bornages et les divisions de parcelles sont la deuxième source de sinistralité des géomètres- experts après l’implantation, mais ne représente que 10% de le totalité des règlements effectués.
5.3.2 Pouvoir de déclencher l’action en bornage
La Jurisprudence est constante sur ce point. Si le géomètre expert n’a pas reçu de mission concernant le bornage, il ne peut pas être condamné pour ne pas avoir provoqué celui-ci au tire du défaut de conseil. Ce pouvoir n’appartient qu’au propriétaire, pris au sens étendu qu’a établi la jurisprudence (titulaire d’un bail à construction, usufruitier,…).79

76 TGI Dunkerque, 4 Septembre 2002
77 CA Versailles, 4ème Chambre, 19 janvier 2004
78 Cass. Civ. 3, 14 mars 2001 N°99-14572 :
79 Cf. Cass. Civ. 3. , 8 Février 1983, N° 81-15.509.

Cependant, des exceptions ont pu être relevées dans la Jurisprudence. En effet, un géomètre expert a utilisé un plan cadastral pour effectuer une demande de certificat d’urbanisme. Le minimum requis par le POS pour qu’une parcelle devienne constructible était que la largeur de celle-ci atteigne 6m, ce qui était mentionné sur le plan. Mais il s’est trouvé que la largeur était en fait de 5,83m, rendant la délivrance du certificat impossible. La Cour a considéré que compte tenu de l’incertitude qui pesait sur la largeur exacte, il appartenait au géomètre de diligenter le bornage pour que sa demande repose sur des éléments suffisamment sérieux80.
5.3.3 Commentaires et garantie mise en jeu
Il est tout d’abord étonnant de constater le nombre important de procédures concernant le non- respect du caractère contradictoire de l’action en bornage. Comme le souligne M. Levacher, « certains géomètres-experts se prennent encore pour des juges Fonciers ». Tout doit être fait pour que les géomètres-experts deviennent irréprochables sur ces points s’ils veulent faire pression sur les pouvoirs publics pour conserver ou étendre leur délégation de service public.
En cas d’erreur, la garantie qui s’applique est la responsabilité civile de droit commun, soit contractuelle, soit délictuelle en fonction des cas.
Lire le mémoire complet ==> (Etude jurisprudentielle et statistique de la sinistralité des Géomètres-Experts)
Mémoire de travail de fin d’études en vue de l’obtention du Diplôme d’Ingénieur de l’ESGT
Conservatoire National des Arts et Métiers – Ecole Supérieure des Géomètres et Topographes

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
Etude jurisprudentielle et statistique de la sinistralité des Géomètres-Experts
Université 🏫: Conservatoire National des Arts et Métiers - Ecole Supérieure des Géomètres et Topographes - Mémoire de travail de fin d’études
Auteur·trice·s 🎓:

BERTHOU Samuel
Année de soutenance 📅:
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