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Les mutations du secteur des fruits et légumes français

II- Les mutations du secteur des fruits et légumes français

Le secteur des fruits et légumes, comme l’ensemble du secteur agricole français, a subi de profondes mutations dans les vingt dernières années. Ces mutations touchent autant la structure des exploitations que leur performance et leur collectif de travail.

II.1- Une forte concentration et une importante spécialisation des exploitations de fruits et légumes

Malgré une diminution notable de la surface cultivée entre 1988 et 2005 (-9%, voir Tableau 34), le volume de production est resté relativement stable pour les fruits et a augmenté pour les légumes, du fait de l’augmentation des rendements dans la plupart des cultures [Jeannequin et al., 2005].

Mais ces chiffres ne reflètent que partiellement les évolutions qu’a connu le secteur. D’une part, les modes de culture ont eu des évolutions contrastées : si les cultures sous serre et les cultures de plein champ se sont développées, la culture de maraîchage (plein air) a fortement régressé (voir Tableau 34).

Tableau 34- Evolution des surfaces de fruits et légumes entre 1988 et 2005

1988 2 000 2 005 Var 88-2005
Plein Champ Frais nd153 105 179 98 831 nd
Transformation nd 104 008 103 930 nd
Total 175 096 209 187 202 761 +16%
Maraîchage 58 676 25 252 24 050 -59%
Serre 5 072 6 893 7 091 +40%
Vergers 6 espèces 150 549 138 952 119 624 -21%
Total Fruits et légumes 389 393 380 284 353 526 -9%

Sources : Agreste RGA 1988, RA 2000, Enquête structure 2005, traitements de l’auteur

Champ : Exploitations agricoles professionnelles

Cette forte régression s’explique par la concurrence accrue sur les productions de primeurs [Jeannequin et al., 2005].

L’extension du plein champ reflète le développement des légumes pour l’industrie et le transfert des cultures légumières mécanisables vers les exploitations céréalières. On peut cependant noter qu’entre 2000 et 2005, ces cultures ont légèrement régressé.

D’autre part, les évolutions de la production ont été très différentes d’une espèce à l’autre. Certaines espèces ont connu de forte diminution entre 1991 et 2001 (fraise, asperge, poivron, pomme gloden…), d’autres sont restées relativement stables (cerise, pêche, tomate, melon…) et certaines, enfin, ont connu un fort développement (courgette, potiron, mâche, nouvelles variétés de pommes…)154.

Le secteur des fruits et légumes a connu une baisse importante du nombre de producteurs entre 1988 et 2005, plus marquée encore que celle de l’ensemble du secteur agricole (-45% contre -39% pour les autres exploitations) (Tableau 35).

Comme dans le reste du secteur agricole, la diminution du nombre d’exploitations s’est accompagnée d’une concentration et d’une augmentation de la taille moyenne des exploitations (+100% de MBS en moyenne et +59% de SAU).

Outre le mouvement de concentration, les exploitations de fruits et légumes ont aussi connu un mouvement de spécialisation : près de 80% des vergers sont regroupés dans l’OTEX fruits en 2005 contre 74% en 1988155.

De même, plus de 30% du plein champ est regroupé dans l’OTEX plein champ en 2005 contre 14% en 1988. Le mouvement semble cependant moins marqué pour les serres et le maraîchage.

Tableau 35- Evolution des caractéristiques structurelles des exploitations de fruits et légumes et des autres exploitations entre 1988 et 2005

Secteur des fruits et légumes

(OTEX considérées)

Autres exploitations
1988 2000 2005 Var. 88-

2005

1988 2000 2005 Var. 88-

2005

Nombre d’exploitation 44 859 29 615 24 573 -45% 524 908 363 659 321 646 -39%
SAU moy./ exploit. (en ha) 14,2 19,4 22,6 +59% 46,4 68,3 76,7 +65%
MBS moy./ exploit. (en €) 53 606 95 125 108 056 +102% 40 824 81 513 90 058 +121%
Quantité de travail totale moy. / exploit. (en UTA) 2,97 3,73 4,09 +38% 1,98 2,01 2,02 +2%
UTA/ha moy. 0,62 0,68 0,61 -2% 0,25 0,21 0,21 -16%

Sources : Agreste RGA 1988, RA 2000, Enquête structure 2005, traitements de l’auteur

Champ : Exploitations agricoles professionnelles

Dans les exploitations de fruits et légumes, comme dans l’ensemble des exploitations agricoles, le niveau du capital et des consommations intermédiaires a particulièrement augmenté entre 1988 et 2005 (Tableau 36).

Cependant, à la différence des autres exploitations agricoles, les exploitations de fruits et légumes ont connu une très forte augmentation de leur valeur ajoutée (+37% contre +1% dans les autres exploitations).

En parallèle, on a aussi assisté sur la période à une augmentation des productivités du capital (+11%) et du travail (+10%), alors même que ces productivités ont toutes deux régressé dans les autres exploitations (respectivement -24% et -19%).

Tableau 36- Evolution des caractéristiques comptables des exploitations de fruits et légumes et des autres exploitations entre 1995 et 2005

Secteur des fruits et légumes

(OTEX considérées)

Autres exploitations
1995 2000 2005 Var. 95-

2005

1995 2000 2005 Var. 95-

2005

Produit brut moy. / exploit. (en €) 124 43 5148 201 197 010 +58% 112 473 131 617 155 216 +38%
Valeur ajoutée moy. / exploit. (en € ) 59 871 64 041 81 965 +37% 35 185 35 350 35 631 +1%
Capital moy. / exploit. (en €) 124 84 0131 389 156 386 +25% 159 245 182 456 214 518 +35%
Conso. Int. moy. / exploit. (en €) 47 530 60 967 88 804 +87% 49 616 61 070 74 511 +50%
Total UTA moy. / exploit. 2,96 3,12 3,88 +31% 1,69 1,74 1,86 +10%
Valeur ajoutée / capital (en €/€) 0,64 0,68 0,71 +11% 0,25 0,23 0,19 -24%
Valeur ajoutée / UTA 17 803 18 657 19 604 +10% 18 948 17 268 15 421 -19%

Sources : RICA 1995, 2000, 2005, traitements de l’auteur

Champ : Exploitations agricoles professionnelles

Dans son ensemble, le secteur agricole semble avoir connu une substitution du travail par le capital : le nombre d’UTA par hectare a sensiblement diminué (-16% entre 1988 et 2005, Tableau 35) conjointement à une augmentation du capital (+35% entre 1995 et 2005, Tableau 36).

L’évolution du secteur des fruits et légumes semble différente. En effet, le nombre d’UTA par hectare est resté relativement stable entre 1988 et 2005 (Tableau 35) conjointement à une augmentation du capital (+25% entre 1995 et 2005 Tableau 36).

Les mutations du secteur des fruits et légumes français

Les progrès techniques dans ce secteur n’ont donc pas conduit à une réduction de la quantité de travail nécessaire à l’hectare. La récolte étant souvent manuelle, les progrès techniques, en permettant l’augmentation des rendements, ont accru la quantité de travail nécessaire à l’hectare pour certaines cultures.

II.2 – Des évolutions du collectif de travail fortement marquées

Les exploitations agricoles dans leur ensemble ont aussi connu de profonds changements dans la composition de leur main-d’œuvre.

Ces changements ont été très marqués dans les exploitations de fruits et légumes (Tableau 37). La part du travail familial a fortement diminué dans ces exploitations, en valeur absolue (-8%) comme en poids relatif (-34%).

Tableau 37- Evolution de la quantité de travail dans les exploitations de fruits et légumes et dans les autres exploitations entre 1988 et 2005

Secteur des fruits et légumes

(OTEX considérées)

Autres exploitations
1988 2000 2005 Var. 88-

2005

1988 2000 2005 Var. 88-

2005

Quantité de travail totale moy. /

exploit. (en UTA)

2,97 3,73 4,09 +38% 1,98 2,01 2,02 +2%
UTA familiale moy. / exploit.

% UTA familiale/ total UTA

1,74

59%

1,60

44%

1,61

39%

-8%

-34%

1,69

84%

1,55

77%

1,55

77%

-8%

-8%

UTA permanent moy. / exploit.

% UTA permanent/ total UTA

0,64

21%

0,99

26%

1,09

27%

+71%

+29%

0,20

10%

0,29

15%

0,30

15%

+50%

+50%

UTA saisonnier moy. / exploit.

% UTA saisonnier/ total UTA

0,58

20%

1,14

30%

1,39

34%

+138%

+70%

0,09

5%

0,14

7%

0,15

7%

+67%

+40%

UTA ETA CUMA moy. / exploit.

% UTA ETA CUMA/ total UTA

0,01

0%

0,01

0%

0,01

0%

+167%

0%

0,01

1%

0,02

1%

0,02

1%

+100%

0%

Sources : Agreste RGA 1988, RA 2000, Enquête structure 2005, traitements de l’auteur

Champ : Exploitations agricoles professionnelles

Si, dans les exploitations de fruits et légumes, le travail salarié dans son ensemble a fortement augmenté, tant en valeur absolue (+103%) qu’en poids relatif (+49%), l’augmentation a été particulièrement marquée pour le travail salarié saisonnier (+138% en valeur absolue, +70% en poids relatif).

De manière générale, cette augmentation a été beaucoup moins marquée dans les autres exploitations (+67% en valeur absolue, +40% en poids relatif).

Dans les exploitations du secteur des fruits et légumes, la part du travail saisonnier effectué par les travailleurs OMI a fortement évolué entre 1988 et 2005 (Tableau 38).

La chute notable entre 1988 et 2000 est le reflet d’une politique migratoire plus stricte et d’une volonté explicite des pouvoirs publics de réduire le nombre d’OMI afin de privilégier un recrutement national.

Elle reflète aussi la fin du recensement des travailleurs OMI originaires d’Espagne et du Portugal après l’adhésion de ces pays à l’Union européenne (voir supra Chapitre 1 III.2.2).

Suite au relâchement des contraintes sur l’introduction de travailleurs OMI (Contrat d’immigration temporaire de travail), la place de ces travailleurs se renforce depuis 2000.

Tableau 38- Evolution de la place des contrats OMI dans les exploitations de fruits et légumes entre 1988 et 2005

1988 2000 2005
Nombre d’OMI introduits dans les fruits et légumes 32 023 5 629 13 086
UTA OMI dans les fruits et légumes (1) 16 012 2 815 6 543
UTA saisonnier dans les OTEX fruits et légumes (2) 26 093 33 662 34 038
% UTA OMI dans le travail saisonnier (1/2) 61% 8% 19%

Sources : Agreste RGA 88, RA 2000, Enquête structure 2005, OMISTAT 88-2000-2005, traitements de l’auteur

D’après les quelques critères opérationnels de définition de l’agriculture familiale déjà cités, la grande majorité des exploitations agricoles reste familiale dans le secteur des fruits et légumes, comme dans le reste du secteur agricole. Cependant, leur nombre s’est fortement réduit entre 1988 et 2005 (Tableau 39).

Tableau 39- Evolution des exploitations familiales dans le secteur des fruits et légumes et dans le reste du secteur agricole entre 1988 et 2005

Critères de définition de l’exploitation familiale Secteur des fruits et légumes

(OTEX considérées)

Autres exploitations
1988 2000 2005 Var. 88-

2005

1988 2000 2005 Var. 88-

2005

Critères de la part de main-d’œuvre salariée

Moins de 1,5 UTA salariées sur l’exploit. (Critère de Raup [1986])

Moins de 5% de travail salarié sur l’exploit. (Critère de Hill [1993])

Moins de 50% de travail salarié sur l’exploit. (Critère de Hill [1993])

80%

38%

80%

71%

34%

69%

68%

32%

67%

-15%

-16%

-16%

96%

72%

95%

93%

66%

92%

93%

61%

91%

-3%

-15%

-4%

Critère du statut juridique

% d’exploitations individuelles

(Critère de Hallam et Machado [1996])

88% 71% 65% -26% 89% 70% 62% -30%

Sources : Agreste RGA 1988, RA 2000, Enquête structure 2005, traitements de l’auteur

Champ : Exploitations agricoles professionnelles

La main-d’œuvre familiale a connu d’importantes évolutions entre 1988 et 2005 (Tableau 40). Le nombre de co-exploitants a fortement augmenté entre 1988 et 2005 en lien avec le développement de formes sociétaires, telles que les GAEC (7% des exploitations en 2005 contre 5% en 1988), les EARL (18% des exploitations en 2005 contre 0% en 1988) et les sociétés autres (8% des exploitations en 2005 contre 2% en 1988).

Le niveau de formation (générale et agricole) de l’ensemble des chefs d’exploitation a augmenté de 1988 à 2005.

Le nombre d’actifs familiaux156 (autres que co-exploitants) s’est fortement réduit dans les exploitations de fruits et légumes comme dans l’ensemble des autres exploitations.

154 Sources : Agreste, Statistique Agricole Annuelle.

155 Sources : Agreste RGA 1988, RA 2000, Enquête structure 2005, traitements de l’auteur.

156 Personnes ayant entre 15 et 70 ans et vivant avec le chef d’exploitation.

Cette diminution n’a pas été compensée par l’accroissement du nombre de co-exploitants : la taille des familles agricoles, entendues comme l’ensemble des personnes vivant avec les chefs d’exploitation et en âge de travailler, se réduit.

De plus, les actifs familiaux (autres que co- exploitants) se désengagent légèrement de l’activité agricole dans le secteur des fruits et légumes comme dans l’ensemble du secteur agricole même si la part de ces actifs travaillant à plus de ¾ temps sur l’exploitation reste aux alentours de 20%.

Le niveau de formation générale de ces membres s’est fortement accru entre 1988 et 2005, suggérant une augmentation du coût d’opportunité de leur travail et une embauche facilitée à l’extérieur de l’exploitation.

Tableau 40- Evolution de la famille des exploitations de fruits et légumes et des autres exploitations entre 1988 et 2005

Secteur des fruits et légumes (OTEX considérées) Autres exploitations
1988 2000 2005 Var. 88-

2005

1988 2000 2005 Var. 88-

2005

Chefs et co- exploitants Nombre de co-exploitant 1,11 1,20 1,24 +12% 1,12 1,25 1,32 +18%
% de chef ou co-exploitant ayant entre 40 et 50 ans

avec une formation générale supérieure au primaire

32% 68% 68% +113% 23% 63% 62% +170%
% de chef ou co-exploitant ayant entre 40 et 50 ans

avec une formation agricole supérieure au primaire

19% 46% 48% +153% 19% 51% 52% +174%
Famille Nombre de familiaux autres ayant entre 15 et 70 ans 1,72 1,45 0,99 -42% 1,8 1,49 0,94 -48%
% de familiaux autres ayant entre 15 et 70 et ayant

une activité sur l’exploitation supérieure à ¾ temps

26% 40% 22% -15% 22% 42% 23% +5
% de membres de la famille ayant entre 40 et 50 ans

avec une formation générale supérieure au primaire

34% 77% 77% +126% 27% 71% 74% +174%
% de membres de la famille ayant entre 40 et 50 ans avec une formation agricole supérieure au primaire 3% 10% 13% +333% 4% 11% 15% +275%

Sources : Agreste RGA 1988, RA 2000, Enquête structure 2005, traitements de l’auteur

Champ : Exploitations agricoles professionnelles

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
Université 🏫: Institut national d'enseignement supérieur pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement - Centre International d’Études Supérieures en Sciences Agronomiques (Montpellier SupAgro)
Auteur·trice·s 🎓:
Aurélie DARPEIX

Aurélie DARPEIX
Année de soutenance 📅: École Doctorale d’Économie et Gestion de Montpellier - Thèse présentée et soutenue publiquement pour obtenir le titre de Docteur en Sciences Économiques - le 27 mai 2010
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