La gestation pour autrui dans le code pénal français

Une convention (de gestation pour autrui) dont l’illégalité est contournée par les parties – Section I :
I – Les contradictions substantielles entre le droit français et certains droits étrangers
A – L’hostilité du législateur français à l’égard de la convention de gestation pour autrui.
1 – La nullité de la convention
2 – L’inefficacité de l’effet dissuasif des sanctions
b) L’inexistence des sanctions pénales
En droit français, seuls les intermédiaires sont punis pénalement, contrairement aux mères porteuses et leurs clients. Toutefois, les risques de poursuites pénales sont faibles.
La « punissabilité » des intermédiaires et ses limites :
En premier lieu, le Code pénal réprime les délits de provocation d’entremise. L’article 227-12 du Code pénal, avec deux alinéas nouveaux issus de la loi du 29 juillet 1994, puni de la même façon que l’entremise en matière d’adoption, « le fait de s’entremettre entre une personne ou un couple désireux d’accueillir un enfant et une femme acceptant de porter en elle cet enfant en vue de leur remettre », les faits commis à titre habituel ou dans un but lucratif entraînant le doublement des peines. Les peines sont d’un moins six mois d’emprisonnement et peuvent aller jusqu’à 15000 euros d’amende. S’ajoutent à ces peines principales les peines complémentaires habituelles. Il convient de souligner que ce nouvel alinéa trouve ses origines dans l’article 353-1 de l’ancien Code pénal qui réprimait le délit de provocation à l’abandon ainsi que d’entremise à l’adoption. Il vise à assurer de façon plus spécifique que ne le faisait l’article initial du nouveau code le respect de l’interdiction de maternité pour autrui, expressément énoncé à l’article 16-7 du Code civil. Quant aux personnes morales, elles encourent, en vertu des articles 121-2, 131-9, et 227-14 du même code, une amende et des peines complémentaires. Mais la dissolution et le placement sous surveillance judiciaire sont exclus pour les hôpitaux, personne morale de droit public.
En second, lieu sont punis les délits d’assistance médicale illicite. Selon le article 511-24 du Code pénal, le fait de procéder à des activités d’assistance médicale à la procréation à des fins autres que celles définies à l’article L 2141-2 du Code de la santé publique est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75000 euros d’amende. Selon l’article L 2141-2 dudit Code, l’assistance médicale à la procréation est destinée à répondre à la demande parentale d’un couple. Elle a pour objet de remédier à l’infertilité dont le caractère pathologique a été médicalement diagnostiqué. Elle peut aussi avoir pour objet d’éviter la transmission à l’enfant d’une particulière gravité. L’homme et la femme formant le couple doivent être vivants, en âge de procréer, mariés ou en mesure d’apporter la preuve d’une vie commune d’au moins deux ans et consentant préalablement au transfert des embryons ou à l’insémination.
En l’espèce, il en résulte que le père génétique de l’enfant et la mère porteuse ne constituent pas un couple de gens mariés ou de concubins. Aucun des deux en outre, notamment la mère porteuse choisie en raison de sa fécondité, ne souffre d’une infertilité pathologique ou ne porte une maladie d’une particulière gravité transmissible à l’enfant. Le médecin qui constate ces faits doit donc refuser son office107.
Est puni également le délit d’utilisation illicite du sperme. Selon le Code de la santé publique, toute insémination artificielle par sperme frais provenant d’un don et tout mélange de sperme sont interdits. Le Code pénal réaffirme cette interdiction : le fait de procéder à une insémination artificielle par sperme frais ou mélange de sperme provenant de dons est puni de deux ans d’emprisonnement et de 3000 euros d’amende.
Or il apparaît à l’évidence que l’insémination artificielle de la mère porteuse, lorsque les contractants choisissent cette méthode simple, implique l’usage du sperme frais provenant d’un don émanant de l’homme qui forme le couple avec son épouse stérile. Là encore le médecin devrait refuser son concours.
Ces dispositions ne valent évidemment que sur le territoire national français (article 113-2 du Code pénal). S’ils sont commis à l’étranger, les faits ne seront punissables que s’il y a une condition de réciprocité c’est-à-dire si les faits sont punis par la législation du pays où ils ont été commis (article 113-6 alinéa 2 du Code pénal). A ce titre, une ordonnance de non lieu du tribunal de grande instance de Créteil en date du 30 septembre 2004108 a confirmé que : « les faits visés à l’encontre des deux époux, reconnaissant s’être rendus en Californie afin d’avoir recours à une mère pour autrui avec don d’ovocytes, prohibé en France mais autorisé aux Etats-Unis, sous les qualifications d’entremise en vue de gestation pour le compte d’autrui, de simulation ou de tentative de simulation ayant entraîné une atteinte à l’état civil d’enfants, ne constituent pas des délits punissables sur le territoire national ».
L’impunité des mères porteuses et leurs clients :
La loi du 29 juillet 1994 a sciemment refusé d’incriminer la convention de mère porteuse. Le législateur a estimé que ce comportement, peu recommandable, n’appelait pas une réponse pénale. Le refus des pénalités fut fondé sur l’état de détresse des couples et des mères de substitution109.
Les dispositions répressives de l’article 227-12 du Code pénal ne permettent pas la condamnation pénale des mères porteuses et des membres du couple commanditaire en tant qu’auteurs principaux d’un délit consistant dans la conclusion de leur contrat, car l’article en question n’institue pas un tel délit. La question est alors de savoir si les membres du couple commanditaire peuvent être poursuivis pour provocation à l’abandon d’enfant, selon l’article 227-12 ?
Nous pourrions soutenir qu’ils provoquent par un don ou une promesse de don ladite mère porteuse à abandonner son enfant à naître. Nous n’avons cependant trouvé mention d’aucune jurisprudence en ce sens postérieurement à l’entrée en vigueur en 1994. En revanche, en vertu des articles 121-6 et 121-7 du Code pénal, ils pourraient être poursuivis, comme complice110 de l’entremise en tant que clients des entremetteurs. Bien évidemment, en l’absence d’entremetteur, le couple n’encoure aucune poursuite.
Toutefois, l’article 227-13 du Code pénal précise que « la substitution volontaire, la simulation ou dissimulation ayant entraîné une atteinte à l’état civil d’un enfant est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45000 euros d’amende. La tentative est punie des mêmes peines ». Ces dispositions peuvent concerner les couples hétérosexuels, quand l’épouse se déclare mère de l’enfant, en lieu et place de la femme qui a porté l’enfant. La valeur protégée par cet article est la faculté pour l’enfant d’établir sa filiation à partir des indications portées sur son acte de naissance.
Quant à la mère porteuse, dans l’hypothèse où elle demande lors de son accouchement le secret de son admission et de son identité, elle n’abandonne pas, en droit strict, son enfant puisqu’à aucun moment elle ne sera légalement sa mère.
L’abandon d’enfant constitue d’ailleurs une démarche parfaitement licite et réglementée par la loi, mais ouverte aux seuls parents attestés par l’état civil. En vertu des articles 61 et 62 du Code de la famille et de l’aide sociale, 348-3 et 350 du Code civil, 1158 à 1163 du Nouveau code de procédure civile, il suffit à la personne investie des droits parentaux de confier l’enfant à un établissement ou un service de l’aide sociale à l’enfance (A.S
.E.) ou même à un particulier, puis de s’en dèsintéresser manifestement pendant une année, n’entretenant avec lui aucune relation nécessaire au maintien des liens affectifs. Le tribunal de grande instance peut dès lors déclarer l’enfant abandonné à la requête de tout intéressé.
Une autre formule, plus élaborée, consiste pour la mère à remettre l’enfant expressément au service de l’A.S.E. en vue d’admission comme pupille de l’Etat, à faire mentionner sur le procès verbal de remise de son consentement à l’adoption et à s’abstenir de rétracter ce consentement dans les trois mois par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.
Enfin il convient de préciser qu’il y a une différence entre l’abandon et le délaissement. Ne demeurent pénalement punissables que les délaissements, abus cruels de l’abandon. Les articles 227-1, 227-2 et 227-29 du Code pénal punissent le délaissement d’un enfant âgé de moins de quinze ans de peines criminelles en cas de mort, de mutilation ou d’infirmité permanente consécutive à ce délaissement et de peines correctionnelles si cet acte n’a pas occasionné la mort, la mutilation ou l’infirmité permanente, sauf exonération de culpabilité lorsque les circonstances du délaissement permettait d’assurer la santé et la sécurité de l’enfant délaissé. Bénéficierait à l’évidence de l’exonération de culpabilité, en raison de son soucis initial de trouver un couple d’accueil, puis de la licéité de son accouchement clandestin, la mère porteuse poursuivie pour délaissement non aggravé.
L’appréciation des risques de poursuites pénales :
La conclusion du contrat de gestation pour autrui, qui nécessite une entremise tierce et l’intervention d’un praticien qualifié violant sciemment la loi ou induit en erreur, impliquent donc la commission de plusieurs infractions pénales.
Cependant, il est douteux que ces infractions parviennent à la connaissance des procureurs de la République et donnent lieu à poursuites devant les tribunaux correctionnels. La première raison est qu’il s’agit souvent d’infraction sans victime. La seconde raison tient au secret professionnel obligeant médecins et assistantes sociales, sauf exceptions. En vertu des articles 226-13 et 226-25 du Code pénal, les peines sont de un an d’emprisonnement et de 15000 euros d’amende n cas de révélation du secret. Autant dire que nul médecin ne s’avisera de dénoncer, s’il en acquiert connaissance, un délit en rapport avec le « louage d’utérus ».
Mais ce qui est interdit en France ne l’est pas à l’étranger.
Lire le mémoire complet ==> La convention de gestation pour autrui : Une illégalité française injustifiée
Mémoire présenté et soutenu vue de l’obtention du master droit recherche, mention droit médical
Lille 2, université du Droit et de la Santé – Faculté des sciences juridiques, politiques et économiques et de gestion
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107 Mais il n’est pas rare en pratique que les médecins français confrontés à ce type de situation envoient leurs patients à des confrères étrangers.
108 D. 2005, n°7, p. 476.
109 Rapport AN n° 2871, t. 1, p. 140.
110 La complicité consiste en effet non seulement à faciliter sciemment par aide ou assistance la préparation ou la consommation d’un crime ou d’un délit, mais aussi à provoquer l’infraction par don, menace, ordre, abus d’autorité ou de pouvoir pour la commettre.

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