Le développement durable et la construction en terre crue en France

1.3 Les conséquences du développement durable dans le mouvement de la construction en terre crue en France.
La terre apparaît bien comme le mode de construction idéal pour les générations à venir et pourtant sa mise en œuvre reste encore confidentielle. Le développement durable peut-il avoir une influence sur le développement de la construction en terre crue en France ?
Lors de notre entretien, Jean Dethier se disait optimiste sur l’avenir de la construction terre et il me citait quatre exemples récents correspondant à un véritable mouvement : « Oui, la terre est la solution pour l’avenir grâce à ses performances tout à fait conformes à la protection de l’environnement. On voit beaucoup de changements. Je peux vous citer 4 phénomènes majeurs. Le premier est la demande d’un des plus prestigieux musées des sciences, La Villette, auprès du Laboratoire CRAterre18 pour faire part de ses recherches et le nombre de visiteurs19 que cette exposition a eu et surtout le formidable discours du secrétaire d’état auprès du Ministre de l’Ecologie ».
L’extrait du discours de Valérie Létard20 est en effet prometteur: « (…) dans le compte à rebours sur le réchauffement climatique dans lequel notre planète est désormais engagée, cette exposition montre que des solutions vertueuses en termes de consommation énergétique et innovantes par leur qualité en matière d’isolation, de qualité thermique et de durabilité, peuvent être obtenues à partir d’un matériau de base simple, et accessible partout dans le monde, pour peu que l’on sache l’adapter aux particularités locales et faire preuve de créativité. »21
Selon Jean Dethier, « le deuxième événement qui marque ces dernières années a été la sélection du CRAterre parmi 2750 candidatures soumises par les universités. Le ministre de l’Education Nationale a lancé une procédure de rapprochement des universités françaises. Un appel d’offre a été proposé à tous les laboratoires de recherche pour présenter leur démarche afin de choisir les 100 meilleurs pour les doter d’un milliard d’euros. Sur 2750 candidatures, CRAterre a été sélectionné dans les 50 premières. »
Le troisième est « la participation de la France au concours «Solar Decathlon Europe» et sa sélection parmi 400 concurrents pour construire une des maisons type à Madrid en 2010 ».
Né d’une compétition universitaire internationale, le concours «Solar Decathlon Europe» a pour but de développer la transmission des savoirs et de la recherche dans le domaine des énergies renouvelables. Ce défi propose aux universités du monde entier de construire une maison de 75 m2 éco-responsable, économiquement et énergiquement efficace. La 1ère édition du «Solar Decathlon Europe» a eu lieu à Madrid en juin 2010. Une des constructions présentées était l’Armadillo Box conçue et réalisée par l’ENSAG : le concept inclut des panneaux rayonnants en terre afin de refroidir l’air ambiant de la maison.
Le quatrième évènement pour Jean Dethier est « la sélection de trois projets de CRATerre pour la participation aux ateliers pour «l’Exposition pour un habitat éco-responsable» à la Cité de l’Architecture et du Patrimoine qui s’est déroulée d’avril à septembre 2009 ; projets réalisés par Patrice Doat, Vincent Rigassi et Pascal Rollet de l’ENSA de Grenoble »22 .
L’engagement de Jean Dethier auprès du Laboratoire CRATerre depuis sa création oriente sans doute son point de vue. Les quatre exemples cités sont en rapport direct avec le laboratoire et correspondent à un travail de recherche. Voici un extrait paru dans la revue Ecologik écrit par Jean Dethier : « le sérieux et le savoir-faire du CRAterre qui, sachant aller à l’essentiel – sans se laisser détourner par les vanités et pièges de l’architecture – a su, au terme d’un long parcours, assurer un grand bond en avant qui mérite une reconnaissance universelle justifiée » 23.
Voici en écho le mot du président du laboratoire CRATerre, Thierry Joffroy 24, extrait du rapport moral d’avril 2010 : « Jamais encore, ni la terre, ni le CRAterre n’avaient reçu un tel éloge. Cette déclaration engagée constitue un évènement culturel et écologique »25. Même si ce regard est partisan, il montre bien qu’un mouvement de communication vers le grand public et de développement de la recherche est en marche, comme nous le prouve la fréquentation de l’exposition26 . La nécessité, face aux contraintes environnementales imposées par les gouvernements en matière de réduction du dégagement de CO2, oblige les industriels à revoir leur copie. La terre parait être le matériau idéal pour répondre aux nouvelles normes, et l’éventuelle industrialisation et standardisation de la terre nécessite des travaux de recherche.
L’exercice n’est pas simple car la terre a une particularité : son utilisation a toujours été localisée, ce qui signifie que les techniques de mises en œuvre dépendent de l’état de la terre sur le lieu donné : elle peut être plus ou moins plastique, plus ou moins argileuse, plus ou moins chargés en agrégats, etc. C’est en fonction de la terre que l’on adaptera la technique. Cette mise en œuvre demande un véritable savoir-faire. C’est grâce à cette adaptabilité de l’homme face au matériau que la construction terre a pu traverser le temps depuis prés de 10 000 ans. En d’autres termes, la construction en terre est culturelle ; elle s’adapte au lieu et à l’usage. Les propos d’Olivier Scherrer confirment cette idée. Lorsque je lui ai demandé si, durant ses séjours au Mali, il avait «rapporté» des nouvelles techniques, il m’a répondu : « Personnellement, j’ai découvert la technique de la terre façonnée, c’est une pratique de terre en colombins comme pour la poterie pour la réalisation de greniers à grains mais cette technique n’est pas exportable en France faute d’utilité »27 .
On se retrouve ici face à deux tendances : celle de la recherche de nouveaux produits pouvant répondre aux exigences du développement durable en vue d’être industrialisés et commercialisés ; et celle du mouvement artisanal qui défend la terre comme un moyen de construction vernaculaire et donc par là même peu duplicable. Ces deux tendances distinctes se retrouvent dans tous les domaines aussi bien dans la recherche, la technique, la formation et la construction.
1) La recherche
La recherche en France est essentiellement centrée autour du laboratoire CRATerre cité plus haut La création de la chaire de l’UNESCO « Architectures de terre, cultures constructives et développement durable » en octobre 1998 à l’ENSA de Grenoble confirme l’intérêt porté à la construction en terre à un niveau international. Sa vocation est « d’accélérer la diffusion au sein de la communauté internationale, des savoirs scientifiques et techniques sur l’architecture de terre en collaboration étroite avec laboratoire du CRAterre. 28»
On peut lire dans le rapport du projet scientifique 2011-2014 de l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (AERES) l’orientation du laboratoire : « Le premier axe de recherche est celui d’une architecture située basée sur le développement économique et culturel local. A l’opposé de la conception moderniste d’une architecture «internationale» identique d’un bout à l’autre de la planète, notre approche privilégie la diversité en fonction du contexte dans lequel elle se développe. Pour nous, l’architecture émerge du lieu, du territoire et de la culture des hommes qui l’habitent »29.
Et pourtant on trouve dans l’annuaire du laboratoire CRATerre -Ecole Architecture Grenoble des collaborateurs scientifiques tels que le CSTB30, l’Ecole Nationale des Travaux Publics de l’Etat (ENTPE), et en partenaires privés, des entreprises industrielles dans la production des équipements de la filière terre crue. La recherche est indispensable pour permettre de mieux comprendre et de mieux appréhender le matériau terre et les recherches conduiront à la mise au point de certaines techniques nouvelles qui seront mis en place par des industriels. Cette propriété répond évidemment aux exigences de demain de s’affranchir le plus possible d’une industrie polluante. « Au cours des 15 dernières années, la recherche de la physique des matériaux granulaires a bénéficié d’un effort significatif au plan mondial. La compréhension du comportement de la matière en grains est un défi scientifique »31 dit Hubert Guillaud32 dans un entretien avec Caroline Dangléant édité sur le site «dirigeants durables»33. « Ce qui nous préoccupe beaucoup en ce moment, ce sont les recherches fondamentales sur la matière. Grâce à des études sur les propriétés de cohésion du matériau, entreprises avec des laboratoires très pointus de l’Ecole de Physique et Chimie Industrielle de Paris et de l’INSA de Lyon, nous sommes peut-être déjà en train d’imaginer les futurs bétons écologiques du futur. »
Cette ambiguïté entre «architecture située» et «industrialisation» est complexe car cette architecture est basée sur un développement économique et une culture spécifiques. Elle est difficilement compatible avec des produits industrialisés et commercialisés qui impliquent aujourd’hui une économie souvent mondialisée et une culture standardisée.
Parallèlement, des recherches archéologiques sur la construction en terre ont vu récemment le jour. Espérons qu’elles permettront de mieux comprendre les origines et les types de constructions vernaculaires. Dominique Baudreu écrit dans un hors-série consacré aux bâtis en terre :
« Effectivement depuis quelques années, diverses recherches viennent rappeler ou signaler avec insistance la place de la terre crue parmi les matériaux de construction au Moyen Age, avec leur prolongation à l’Epoque moderne »34 . Les archéologues portent un intérêt nouveau pour les constructions en terre et organisent des rencontres autour de ce sujet. Cet article fait suite aux rencontres interdisciplinaires (de la Préhistoire à nos jours) sur la terre crue qui ont eu lieu à Montpellier en 2001 et à nouveau en 2005 en Isère. L’architecte Alain Klein35 travaille de son côté sur un inventaire raisonné du patrimoine en » bâti terre » en Midi-Pyrénées afin de répertorier le plus grand nombre de construction en terre pour ne pas perdre cette mémoire. Ce travail relève aussi bien la variété des types d’édifices que la variété des techniques employées. Son travail de recherche a donné naissance à un article sur les différents types de construction en terre36 .
2) Les techniques
Pour la recherche, l’évolution des techniques peut se classer en deux groupes : les techniques mises en place dans des perspectives de l’industrialisation, et les techniques enrichies par la recherche mais dont le but est de rester à la portée de tous.
L’évolution de la technique de mise en œuvre et sa modernisation permettra à l’architecture en terre de progresser et de se multiplier. Les sociétés ont évolué et la mécanisation des modes de construction est sans doute indispensable si l’on ne veut pas que l’architecture en terre demeure trop confidentielle. L’espoir de voir entrer une filière terre sur le marché de la construction oblige à voir en plus grand et en plus accessible.
Une des grandes innovations de ces dernières années concerne certainement les blocs de terre crue comprimées (BTC). Cette technique qui consiste à comprimer de la terre est relativement récente : elle date de l’invention en 1952 par Raul Ramirez de la première presse. Depuis les années 1980, cette technique connaît un grand succès dans les pays d’Afrique et d’Amérique latine.
Extrait du livre : Tout autour de la terre
Extrait du livre : Tout autour de la terre37,
Avec une presse double, on peut réaliser environ 800 briques dans la journée, ce qui change beaucoup l’organisation du chantier si l’on compare à la cinquantaine de brique d’adobe que l’on peut réaliser par jour. Actuellement ces presses sont en vente en France et ont un très grand succès en Afrique.
Daniel Turquin, qui a mis au point la presse Atech Geo 50 sur un modèle de Joël Castex, raconte :
« J’ai aussi monté l’entreprise Altech de construction de machine en BTC. J’ai eu cette entreprise pendant 20 ans. L’apport de la technique du BTC permet de changer le regard sur la terre. Grâce à un liant hydraulique, la brique est stabilisée, ce qui veut dire qu’elle ne craint plus l’eau, le problème essentiel de la brique d’adobe. Le regard est plus positif, la terre n’est plus synonyme de matériau du pauvre » 38.
Le pisé n’est pas en reste, il connaît lui aussi une évolution importante et c’est sans doute la technique qui pourra connaître un essor important dans un avenir proche. Son système de mise en œuvre ressemble par beaucoup d’aspects aux techniques employées pour la réalisation du béton banché. Aujourd’hui, la terre peut être compactée avec un fouloir pneumatique, avec un impact de 700 coups à la minute, bien plus efficace que le «pisoir» d’origine. Les coffrages ont eux aussi beaucoup évolué : les clés en bois sont remplacées par des tiges filetées. Des engins motorisés permettent d’homogénéiser la terre et de la verser directement dans les coffrages.
Selon les chercheurs du CRATerre, l’avenir se trouverait dans les bétons écologiques de demain qui seront réalisés avec une terre argileuse, des agrégats minéraux ou des copeaux de bois : « C’est ainsi que la terre est désormais mise en œuvre comme un béton, coulée dans les coffrages pour réaliser des dalles, des murs, des sols extérieurs. Elle peut être renforcée avec des fers à béton, comme un véritable béton armé. Cette adaptation du matériau terre à l’outillage et à la culture du béton est le garant à la fois d’une mise en œuvre plus rapide et d’une facilité d’appropriation, par les constructeurs d’une matière qu’ils ne savent plus employer de manière traditionnelle »39.
Ces techniques précédemment citées – la BTC, le pisé et les bétons coulés – sont les trois produits phares de la recherche. Ils seront très certainement bientôt duplicables et repris par les grandes industries du bâtiment. Des progrès et des aménagements sont aussi faits autour d’autres techniques dans l’esprit de la construction en terre, pouvant être accessible à tous, ne nécessitant pas l’achat de matériau prêt à l’emploi normalisé.
Dans le domaine de la bauge, une expérience intéressante a été réalisée par l’entreprise de Jean Guillorel en Bretagne où cette tradition est ancestrale. Il a développé un procédé mécanisé mais toujours accessible aux artisans pour réaliser de la bauge compactée, pouvant à la fois servir pour la restauration tout comme pour la construction de bâtiments neufs. La résidence Salvatierra à Rennes a été réalisée avec cette technique.
Une innovation importante des cinquante dernières années est celle de la terre-paille, appelée aussi terre allégée, qui associe les qualités de la terre et les qualités thermiques de la paille. Mise au point en Allemagne dans les années 40, elle est développée par quelques entreprises en France et utilisée surtout par les auto-constructeurs40 qui peuvent facilement se l’approprier. Comme pour le torchis, la terre est mélangée à la paille mais la proportion de terre est beaucoup plus faible. Elle sert ici de liant à la paille qui forme la masse du matériau et conserve ainsi ces propriétés thermiques. Ce mélange non porteur est, soit mis en œuvre sous forme humide dans des coffrages sur place, soit monté à sec sous la forme de blocs ou de panneaux préfabriqués. Les avantages de la terre allégée sont multiples : ce même matériau peut servir pour toutes les réalisations du chantier (sol, mur, cloison et isolation de toiture) ; et il a à la fois des propriétés d’inertie et d’isolation, une excellente résistance au feu et surtout une bonne isolation thermique. Deux publications sont en préparation en France : le livre d’Alain Marcom, Construire en terre-paille, à paraître aux éditions Terre Vivante en octobre 2011, et la traduction française du Manuel de construction en terre allégée, écrit par Franz Volhard en 1983 ; l’édition française révisée et augmentée est prévue pour 201241.
Conséquences du développement durable dans le mouvement de la construction en terre crue en France
3) Formations et visibilité
Dans le domaine de la formation, plusieurs tendances se font jour. Voilà ce qu’en dit Hubert Guillaud : « Sur le plan académique, c’est toujours l’Ecole de Grenoble qui est en position de générer une grande attraction, à la fois au plan national, européen et plus largement international. Sur le plan professionnel, il y a effectivement une offre de formations thématiques (bauge, BTC, enduits) qui fonctionne semble-t-il assez bien mais qui reste encore assez «confidentielle». Ces formations semblent être davantage orientées vers la pratique «décorative» et, sans fausse modestie, les formations «construction» sont plutôt associées au pôle isérois. Mais, compte tenu d’une cartographie de positionnement de plus en plus large des professionnels formés – pour beaucoup depuis le pôle isérois, il est possible, enfin, que cela évolue vers d’autres pôles de formation professionnelle «locaux». »42
L’Association Nationale des Professionnels de la Terre Crue (AsTerre) a vu le jour en 2006. Cette fédération d’acteurs autour de la construction en terre crue réalise la promotion mais aussi l’organisation de formations et la diffusion de l’information. L’ENSA de Grenoble propose en effet depuis 1984 une formation de post-master spécialisé, le DSA-Terre, qui accueille des participants venant du monde entier. Cette formation a permis de constituer un réseau international d’universitaires et de professionnels, regroupés autour de la chaire UNESCO « Architecture de terre ». Hormis la formation de l’ENSA de Grenoble, il existe d’autres formations thématiques. Aujourd’hui, un petit nombre d’associations ou d’entreprises proposent des formations courtes sur des techniques précises, comme Tiez Briez en Bretagne sur l’enseignement de la bauge, le Gabion en Isère sur la construction en BTC, Ecoterre dans le Gard, Areso en Midi-Pyrénées ou encore Akterre, qui proposent des formations sur les enduits décoratifs en terre. Concernant les enduits de finitions et de décoration, un projet Européen, «Aquis.terre» a vu le jour récemment, financé par le Programme Leonardo da Vinci pour la mobilité européenne et la formation tout au long de la vie. Aquis.terre est un système européen pour l’identification, la validation et la reconnaissance des acquis d’apprentissage dans le domaine de la construction en terre. Il se déroule en quatre modules et peut-être suivi dans différents pays européens.43. Les IIIème Assises de la construction en Terre, organisées par le réseau Asterre en novembre à Toulouse, avaient pour thème «la formation». Ces assises ont notamment montré l’existence de la variété de l’offre de formation en France, du niveau IV CAP, au niveau II ou I (ingénieur), mais le manque de demandes réelles.
Les formations existent donc mais elles sont encore trop méconnues pour créer une véritable filière avec des formations diplômantes pour des maçons. Ceux-ci restent formés aux techniques des matériaux traditionnels comme le ciment et le placo-plâtre, et encore bien peu d’architectes sont au fait de ce renouveau de la terre dans la construction.
La construction en terre crue contemporaine en France reste rare si l’on compare aux pays voisins en Europe, comme l’Allemagne et le Portugal. Mais un véritable inventaire des constructions en terre contemporaines encore à venir, montrerait probablement que, dans le milieu de l’auto- construction, un bon nombre de maisons sont réalisées en terre. Les commandes publiques sont quasi absentes, et les architectes et les entrepreneurs sont encore frileux. Par contre il y a une vraie énergie dans la restauration et la réhabilitation du patrimoine vernaculaire en France ; et cela est une niche porteuse pour les artisans.
Voici tout de même quelques exemples de construction en France :
– Pour la résidence Salvatierra à Rennes, les murs sud ont été réalisés en Bauge avec des blocs préfabriqués de 50 cm d’épaisseur, constitués d’un mélange humide d’argile, de paille d’orge hachée et de ciment comprimé et séché dans des moules. Ces blocs ont été fabriqués en atelier par l’entreprise locale Guillorel, puis livrés sur le chantier et posés par une grue. Ces blocs permettent d’apporter une régulation de l’hygrométrie et de créer une forte inertie thermique44 .
– A Montbrison dans la Loire, Nicolas Meunier a utilisé la technique du pisé préfabriqué pour la construction d’un immeuble conçu par l’architecte Antoine Morand ; le terrain était exigu, la hauteur des murs était de 9m40. Les blocs de pisé ont été fabriqués au sol dans un moule aux dimensions variables ; ils étaient immédiatement démoulés et levés à la grue, puis positionnés.
– Autre exemple, public cette fois, la construction des bâtiments de l’IUT 2 de Blagnac réalisé en 1994 par l’architecte Josep Colzani45.
La filière terre est certainement en mouvement et la sensibilisation sur le respect de l’environnement ne peut que jouer en faveur de l’architecture en terre, mais il manque encore beaucoup de maillons pour concrétiser un véritable engouement. Paradoxalement, alors que la France a eu un rôle précurseur dans les débuts des années 80 en matière de renouveau du matériau terre dans la construction, d’autres pays sont bien plus avancés aujourd’hui, en particulier l’Allemagne et l’Australie. Certains architectes contemporains investissent ce matériau comme élément de construction résolument moderne. Rick Joy, architecte du désert, dans l’esprit de Lloyd Wright, se veut à l’unisson avec la nature et les nécessités de l’homme. Il utilise le pisé qui permet de compacter la terre en créant un style particulier qui s’approche du banchage ciment mais avec une belle harmonie de couleurs et surtout un confort thermique incomparable.
Mais le trop de technocratie, les lourdeurs administratives, le monopole du béton… tous ces éléments ne jouent pas en la faveur d’un renouveau de l’architecture en terre.
Les différents acteurs interrogés sur ce sujet constatent une évolution certaine de prise de conscience sur le sujet de la construction écologique ces dernières années. Un long chemin a déjà été parcouru et la sensibilisation du grand public est en marche. Daniel Turquin témoigne : « Des compétences se développent, il y a de la curiosité, de l’intérêt. Sur les salons professionnels, les gens raillaient la construction terre il n’y a pas si longtemps, alors qu’aujourd’hui il y a plus de respect et de reconnaissance. Les médias ont un rôle important à jouer. La reconnaissance par le CSTB du chanvre comme isolant et de la paille en matériaux de construction est bonne pour la filière terre » . 46
Le chemin parcouru entre l’exposition «Architecture de Terre» organisée au Centre Georges Pompidou en 1981 par Jean Dethier et aujourd’hui est important. Les recherches et actions menées par les réseaux Asterre et Ecobâtir depuis 1996 prouvent qu’autour de la construction en terre des gens bougent et créent un vrai mouvement. Avec plus d’une quarantaine d’artisans, une vingtaine de formateurs et d’architectes, ainsi que des producteurs et des distributeurs, la situation n’est plus la même qu’il y a 30 ans. La non-reconnaissance officielle par la profession du bâtiment du matériau terre est très probablement le chainon manquant pour un démarrage significatif de la filière.
Alors qu’en France, dans les années 80, le mouvement terre en était à ses débuts, au Mali l’Unesco inscrivait un certain nombre de monuments en terre prestigieux à la liste mondiale du patrimoine. Coïncidences des dates, attrait nouveau universellement partagé à une même époque ? Les conséquences de ces inscriptions sur le Mali, aussi bien dans la vie quotidienne des habitants que sur le regard porté sur la construction en terre sont les questions auxquelles je vais tenter d’apporter une réponse.
Lire le mémoire complet ==> (L’architecture de terre crue en mouvement en France et au Mali – Regards croisés)
Mémoire Diplôme d’Université BATIR
Université de Nantes – Bâti Ancien et Technologies Innovantes de Restauration
________________________________________
18 CRAterre est une association et un laboratoire de recherche de l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Grenoble (ENSAG).
19 Source CRATerre : 250 000 visiteurs.
20 Valèrie Létard, Secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Ecologie, de l’Energie et du Développement durable.
21 «Ma terre première, pour construire demain»Cette exposition a été conçue et réalisée par la Cité des Sciences et de l’Industrie, en coproduction avec CRAterre – ENSAG. Elle a été présentée à Paris d’octobre 2009 à juin 2010, puis va circuler en France au Vaisseau de Strasbourg, au forum départemental des Sciences de Villeneuve d’Ascq, à l’ EPCC Pont du Gard et au Musée des Confluences à Lyon.
22 Cf. annexe : entretien avec Jean Dethier, architecte, op. cit. p 76
23 Cf., Jean Dethier, in « Ecologik » , n° 12,2009, p. 38.
24 Cf. annexe : entretien avec Thierry Joffroy, directeur du laboratoire Craterre, le 2 aout 2011, p 88
25 Rapport moral du Laboratoire CRATerre-ENSAG, Assemblée Générale, Artas, 24 Avril 2010
26 250 000 personnes. Source site du CRATerre
27 Cf annexes : Entretien avec Olivier Scherrer, constructeur et gérant de l’entreprise Ecoterre scop, le 4 juillet à Sauve, p 74, Olivier Sherrer est maçon de formation, il a créé en 2000 une petite entreprise du bâtiment dans les Cévennes et organise des formations aux techniques de construction en terre. Il fait partie de ONG Acroterre et met en place des projets au Mali.
28 Organisation des Nations-Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) Convention concernant la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel, Comité du patrimoine mondial – Trente-quatrième session, 2010 : http://whc.unesco.org/archive/2010/whc10-34com-20f.pdf
29 Aeres, projet scientifique 2011-2014. site CRATerre, http://craterre.org/recherche/
30 Centre Scientifique et Technique du Bâtiment,
31 Anger Romain et Fontaine Laetitia, Les grands Ateliers de l’Isle d’Abeau, Grains de bâtisseurs , DVD, éditions ENSAG Grenoble, 2005.
32 Hubert Guillaud. Architecte, professeur à l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Grenoble, directeur scientifique du laboratoire CRATerre et responsable de la Chaire UNESCO Architecture de Terre. Cf annexe, entretien avec Hubert Guillaud par mail le 26 juillet p 84
33 www.dirigeants-durables.com/presentation.html
34 34 Dominique Baudreu, «Maisons médiévales du sud de la France. Bâtis en terre massive : Etat de la question», in M.S.A.M.F (Mémoires de la société Archéologique du Midi de la France), hors série, 2008..
35 Conversation avec Alain Klein, architecte, le 3 juillet par téléphone.
36 Claire-Anne de Chazelles, Alain Klein et et Nelly Pousthomis (dir.), Les cultures constructives de la brique de terre crue – Echanges transdiciplinaires sur les constructions en terre crue, Volume 3,Edition de l’Espèrou, 2011.
37 Tout autour de la terre35, Edition CRATerre-ENSAG, 2004, 62 pages
38 Cf annexes : entretien avec Daniel Turquin, op. cit., p 79
39 Romain Anger, Laetitia Fontaine, Grains de bâtisseurs, la matière en grains,, de la géologie à l’architecture,CRATerre édition, 2005, p. 22
40 L’autoconstructeur est celui qui fait sa maison lui-même, qu’il soit professionnel ou pas, il court- circuite les bailleurs promoteurs, il construit lui-même ou avec des amis ( Voir l’association les Castors née dans les années 50).
Définition d’Albert Hassan dans « L’autocontruction dans tous ces états. » Albert Hassan, Séminaire «Pérennité et obsolescence de l’architecture moderne .Sous la direction de Dominique Druenne. ENSAPB 2010
41 Précisions apportées par Aymone Nicolas, traductrice du livre de Franz Volhard.
42 Cf annexe, entretien avec Hubert Guillaud, op. Cit., p. 84
43 Association Asterre (Réseau français des professionnels de la terre crue), http://www.asterre.org/spip.php?rubrique58
44 L’ADEME (Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie) et le projet Salvatierra, voir site internet, http://www.synomia.fr/search/index.php?mid=6be7682b47cdedcecf17438ccec36c1f&l=fr
45 L’ établissement a été conçu par les architectes Bernard Paintandre et Joseph Colzani. L’IUT a ouvert ses portes à la rentrée 1995.
46 Cf. entretien avec Daniel Turquin, op. cit., p 79

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