Solutions pour éliminer la pratique du patent trolling

Solutions pour éliminer la pratique du patent trolling

Chapitre 2. A long terme

Le chapitre précédent était consacré à l’analyse et à l’évaluation des solutions principales qui s’offrent actuellement aux victimes des patent trolls. Il reste qu’un nombre croissant de juges, d’académiques, de professionnels du droit et de journalistes196 plaident pour une véritable réforme qui, si elle ne parvient pas à éliminer la pratique du patent trolling, à tout le moins, la limite. Dans ce chapitre, nous systématiserons une série de mesures qui permettrait de contenir et de déforcer les patent trolls.

Section 1

Exclure certains domaines du champ de la brevetabilité

Les trolls ne sont apparus que deux fois dans l’histoire et, nous l’avons vu, la solution adoptée pour les éliminer au 19ème siècle fut de sortir les brevets qu’ils détenaient du champ de la brevetabilité. Vidés de leur substance, les trolls ne pouvaient que disparaître.

Aujourd’hui, les trolls sont très actifs dans le secteur informatique et possèdent des brevets portant principalement sur des logiciels et des business methods. Aussi, la solution la plus évidente serait d’exclure ces dernières innovations du champ de la brevetabilité. Cela poserait cependant d’innombrables problèmes. Il conviendrait d’évaluer l’impact qu’une telle mesure aurait sur l’innovation. Il est vrai que les inventeurs, dans ces deux domaines, recourent souvent à des méthodes autres que le brevet pour protéger leurs inventions, au secret d’affaires, par exemple, ou renoncent même à les protéger. Le cas des technologies open source est ici illustratif. Cependant, il reste que les retombées qu’aurait la suppression des brevets dans ces domaines, sur le niveau d’innovation sont potentiellement négatives.

De plus, ôter brutalement à ces innovations toute protection intellectuelle est impensable. Même les entreprises informatiques, prime victimes des trolls, n’y seraient probablement pas favorables. Il conviendrait donc d’élaborer un système de protection alternatif sui generis pour ces innovations d’un genre particulier197. Un droit des brevets « allégé » pourrait remplir ce rôle. Nous y reviendrons à la quatrième section.

Section 2

Augmenter les taxes

Nous l’avons dit, l’attente fait partie de la stratégie des trolls. Plus ils attendent pour déclencher leur action et surprendre le contrefacteur – plus longtemps leurs brevets restent « dormants » –, plus leur profit potentiel est élevé. Pourquoi alors ne pas augmenter les coûts qu’ils encourraient à agir de manière opportuniste ?

Une manière de procéder est d’augmenter les taxes dues pour le maintien en vigueur du brevet. Actuellement, seulement 980 dollars sont dus trois ans et demi après l’entrée en vigueur du brevet, 2.480 dollars après sept ans et demi et 4.110 dollars après onze ans et demi.

Comparés aux dommages et intérêts pouvant être accordés à l’issue d’une action en justice198, ces montants semblent bien peu élevés. Ainsi, une augmentation substantielle de ces taxes fournirait un incitant aux entreprises à exploiter199 leur brevet ou à renoncer à la protection qu’il offre, en laissant l’invention protégée tomber dans le domaine public. L’effet sur le bien-être global apparait positif : seules les inventions possédant une valeur intrinsèque élevée seront protégées par un brevet, les autres seront mises à disposition du public et cela viendra diminuer le poids-mort que le brevet fait supporter à la société200.

Nous nous interrogeons sur l’effet qu’une telle augmentation pourrait avoir sur l’innovation : elle représente, en effet, un coût supplémentaire à supporter par l’inventeur. G. N. Magliocca répond à cette question en arguant que les trolls imposent déjà un coût supplémentaire sur l’innovation, qui plus est, un coût imprévisible201. Au moins une augmentation des taxes serait-elle prévisible et répartirait la charge sur tous les acteurs du système.

196 V. E. LUXARDO, « Towards a solution to the problem of illegitimate patent enforcement practices in the United Stated: an equitable affirmative defense of “fair use” in patent », Emory Law Review, 2006, vol. 20, n° 2, pp. 791-832.

197 Sur le sujet, voyez J. E. COHEN et M. A. LEMLEY, « Patent Scope and Innovation in the Software Industry », California Law Review, 2001, vol. 89, n° 1, p. 1. Les auteurs ne proposent pas, à proprement parler, un système sui generis mais développent des interprétations de la loi existante, principalement en ce qui concerne le droit de reverse- engineering.

198 Un jury accorde en moyenne à une NPE, $11,5 millions en termes de dommages et intérêt.

199 Précisons ici que nous entendons par exploitation, tant l’exploitation directe, industrielle, que l’exploitation indirecte qui consiste en l’octroi de licences ou la revente du titre de propriété.

200 Voyez Annexe I.

Le lobby pharmaceutique, relativement peu touché par les trolls, va-t-il accepter une telle réforme ? La question ne sera résolue qu’à l’issue de longues négociations faisant intervenir de savants jeux de pouvoirs. Nous y reviendrons infra. Cependant, un traitement différencié est envisageable : une augmentation des taxes pour certains brevets seulement semble pouvoir être implémentée relativement aisément.

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