Quelques modes de défense génériques contre les patent trolls

Quelques modes de défense génériques contre les patent trolls

Partie III  – Les mécanismes de défense

Bien qu’il n’existe pas encore de consensus quant à l’effet exact, positif ou négatif, que peuvent avoir les trolls sur l’innovation et le bien-être global, la doctrine majoritaire estime qu’il s’agit de trouver des solutions afin de minimiser l’impact qu’a la pratique du trolling sur le bon déroulement des affaires.

Selon nous, il convient de distinguer ce qui peut être réalisé à court terme de ce qui peut l’être à long terme. Dans l’analyse de court terme, nous aborderons les solutions existantes auxquelles les sociétés victimes de trolls peuvent avoir recours aujourd’hui : il s’agira d’un examen principalement positif. L’analyse de long terme aura une couleur plus normative : nous y traiterons des réformes qu’il conviendrait de mettre en place afin qu’à l’avenir, le patent troll ne soit plus que l’objet d’une vague légende américaine.

Chapitre 1. A court terme

Dans le contexte juridique actuel, tant législatif que jurisprudentiel, les sociétés qui innovent sont parfois victimes de patent trolls. Elles font alors face au dilemme exposé plus haut : aller en justice, avec toutes les conséquences, principalement financières, que cela implique ou conclure un accord négocié avec le troll. Cette dichotomie est particulièrement simpliste et, pour en sortir, d’autres solutions existent. Examinons-les.

Section 1. Quelques modes de défense génériques

Cette première section sera consacrée à un bref aperçu des solutions génériques qui existent pour éviter aux entreprises productrices d’être la cible d’une action en contrefaçon, que le demandeur soit un troll ou non.

§1. Design around

Une première possibilité, pour échapper aux revendications d’un titulaire de brevet est simplement de les vider de leur substance en abandonnant l’usage de la technologie protégée par le brevet. Bien sûr, pour qu’une telle option soit viable, il faut qu’il existe des alternatives ou, à tout le moins, qu’il soit possible d’en développer.

Un certain nombre d’obstacles peuvent rendre cette technique inefficace. Tout d’abord, il se peut, au vu du caractère pointu (ou très basique) de la technologie en question138, qu’il n’y ait aucune alternative possible.

Ensuite, la firme attaquée par le troll n’a un incitant à concevoir une technologie alternative que si les coûts que cela implique sont strictement inférieurs aux royalties réclamées. Les coûts en question comprennent non seulement les coûts directs, les investissements nouveaux à réaliser en recherche et développement, mais aussi les coûts indirects qui correspondent à des sunk costs déjà investis dans la technologie litigieuse.

Comme nous l’avons exposé plus haut, le troll a donc un incitant à rester caché le plus longtemps possible : les royalties qu’ils seront à même de réclamer seront d’autant plus grandes que les sunk costs de leur victime seront élevés et ces derniers augmentent avec le temps.

Enfin, si l’entreprise victime prend la décision de développer une alternative, il conviendra pour cette dernière d’être suffisamment différente de la technologie litigieuse : une pâle copie ou une alternative fort similaire pourrait être reconnue par un juge comme tombant dans le domaine protégé par le brevet détenu par le troll.

§2. Réexamen

La procédure de réexamen, aux Etats-Unis139, ou d’opposition, en Europe140, désigne la procédure par laquelle un tiers saisit l’Office des brevets pour voir un brevet délivré réexaminé et, le cas échéant, invalidé, sur base des critères de brevetabilité.

Cette procédure consiste en un mécanisme de défense efficace pour le prétendu contrefacteur, défendeur en justice. En effet, si le brevet du demandeur est invalidé, sa demande est vidée de sa substance et le cas est clos. De plus, son coût relativement peu élevé141, comparé à ceux qu’entraine une procédure judiciaire, en fait une défense censée pour les victimes des trolls.

§3. Patent watch et Clearance search

Le procédé dit du patent watch consiste, pour une entreprise, à surveiller la délivrance de nouveaux brevets, pertinents pour son domaine d’activité. La clearance search est réalisée, le plus souvent, par un professionnel du droit des brevets. Cependant, le coût de cette seconde méthode est souvent rédhibitoire pour la plupart des entreprises : aux Etats-Unis, il peut se monter à 15.000 dollars pour un simple avis concernant la validité d’un brevet donné142.

§4. Declaratory judgment

Dans un cas de contrefaçon de brevet, c’est le titulaire du brevet qui introduit l’action en justice et le prétendu contrefacteur est le défendeur. Ainsi, ce dernier est tributaire de la décision du premier d’agir en justice ou non.

Nous l’avons évoqué, le troll poursuit une stratégie d’attente et, par ce biais, vise, soit à conclure un accord avec le contrefacteur qui sera d’autant plus intéressant qu’il attendra longtemps, soit à obtenir des dommages et intérêts d’autant plus élevés que la contrefaçon durera longtemps.

138 Voyez la discussion de la partie II, chapitre 2, section 1.

139 35 U.S.C. §§ 301-318.

140 Convention sur le brevet européen, art. 100.

141 $2.520 pour une ex parte reexamination, dans laquelle le tiers qui initie la procédure n’intervient pas ultérieurement dans celle-ci et $8.800 pour une inter partes reexamination, dans laquelle le tiers qui initie la procédure est appelé à intervenir dans le déroulement de celle-ci.

Pour sortir de ce jeu dangereux, le prétendu contrefacteur peut agir de manière proactive et saisir un juge afin d’obtenir un declaratory judgment de la part de celui-ci. Il se prononcera, en fonction des éléments de la demande, sur la contrefaçon et/ou la validité du brevet.

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