Droit des accidents de circulation et la faute inexcusable

Droit des accidents de circulation et la faute inexcusable

§ 2) Faute inexcusable et accidents de circulation22

En cette matière, la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 ne donne pas non plus de définition de la faute inexcusable de la victime visée à l’article 3 alin.1er et dont l’effet consiste dans la suppression du droit de réparation de la victime pour vu que la faute inexcusable de celle-ci soit la cause exclusive de l’accident23. De même qu’en matière des accidents du travail, sur le plan des accidents de circulation, c’est la Cour de cassation qui est intervenue afin de combler cette lacune législative.

Aussi, la Deuxième chambre civile, par une série de onze arrêts du 20 juillet 198724, a défini la faute inexcusable comme « la faute volontaire d’une exceptionnelle gravité exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience25». Cette dernière expression démontre que la Cour suprême s’attache à une appréciation in abstracto de la conscience du danger d’où la qualification objective de la faute inexcusable en droit des accidents de circulation, analogue de celle qui a été adoptée en droit des accidents de travail pour ce qui concerne la faute de l’employeur26.

Or, la Cour de cassation a montré par les solutions qu’elle a retenues postérieurement à l’arrêt de 1987 sa détermination de s’en tenir à une conception plus restrictive de la notion de faute inexcusable. C’est ainsi que l’Assemblée plénière, lorsqu’elle a été appelée à s’y prononcer, en raison de la résistance opposée à cette rigueur par certaines cours d’appel, affirme, dans un arrêt du 10 novembre 199527, la position de ne pas affaiblir le caractère de gravité exceptionnelle de la faute inexcusable et de ne laisser aux juges du fond qu’une marge d’appréciation très étroite.

En conclusion, nonobstant une définition très semblable à celle qui a été adoptée en matière d’accidents du travail, c’est plutôt une conception restrictive de la faute inexcusable que la jurisprudence ultérieure et récente a retenue dans le domaine des accidents de circulation. L’analyse de cette jurisprudence pousse à admettre que seule une faute d’une témérité active et d’une imprudence manifeste et exceptionnelle peut justifier sa qualification d’inexcusable. Et la chose s’explique par le fait qu’il s’agit ici de la faute de la victime et non de la faute de l’auteur.

D’ailleurs elle a pour corollaire non simplement la réduction de l’indemnisation de la victime mais la suppression totale de son droit à réparation, conséquence ostensiblement plus grave que celle du droit des accidents de travail28. Une interprétation plus stricte doit dès lors être mise en place29.

Une pluralité de conceptions et de qualifications caractérise la jurisprudence contemporaine française. « La notion de faute inexcusable recouvre des actes dont le comportement dommageable constitue le mobile lorsqu’elle se rapporte au comportement de la victime; elle vise parallèlement des actes dont le dommage n’est qu’une conséquence accidentelle lorsqu’elle se rapporte au comportement de l’auteur du dommage.

Néanmoins, le fait que cette faute, identiquement qualifiée, ait un contenu différent selon la personne en cause illustre les difficultés auxquelles se trouve confrontée la jurisprudence sociale pour accorder une meilleure indemnisation du salarié30».

La faute inexcusable telle qu’elle a été présentée jusqu’à ce point de notre étude est une notion énoncée par les textes mais sans définition par ces derniers. Ce manque de précisions sur les éléments de la faute inexcusable de la part du législateur est en outre dans l’origine du défaut d’homogénéité qui règne dans la jurisprudence. Aussi bien, la faute inexcusable du droit des accidents du travail et de la circulation est-elle une notion propre au droit français, inspirée par le législateur français.

La faute exclusive du bénéfice de limitation que connaissent le droit aérien et le droit maritime, envisagée sous l’angle commercial, et non social, vient d’une autre « filière», que l’on peut appeler la filière internationale, étant donné qu’elle émane de conventions internationales auxquelles la France a adhéré, et qui ont entraîné, par contrecoup, une modification du droit interne31.

La doctrine a proposé et elle a adopté le concept de « faute inexcusable» pour traduire la périphrase complexe des conventions internationales et la tentation a été grande de transposer cette jurisprudence multidécennale du droit social, sans prêter grande attention à la formulation précise des textes internationaux qui ouvraient indubitablement la porte à une interprétation « concrète».

Il importe donc d’étudier si cette tentation a été vérifiée dans la pratique.

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