Les atouts du syndicat-institution

Le paradoxe du syndicat-institution – Section 2 :
Décrié par les uns, loué par les autres, le syndicat-institution ne fait pas l’unanimité. Si son incorporation dans l’entreprise semble normale, il en est différemment en ce qui concerne son incorporation au sein de l’Etat. C’est de ce point de vue que le syndicat-institution renferme en lui-même un réel paradoxe. L’institutionnalisation du syndicat par incorporation à l’appareil étatique présente des conséquences positives dans la mesure où elle lui offre les moyens d’une véritable reconnaissance mais également d’une pérennisation. Toutefois, loin de n’être qu’un atout, la nature institutionnelle du syndicat génère des effets pervers, conséquences d’une incorporation croissante dans l’Etat. L’institutionnalisation renferme en elle-même tant la promotion du syndicat que ce qui cause aujourd’hui la désaffection des adhérents.
§1-Les atouts du syndicat-institution
La nature institutionnelle du syndicat ainsi que le processus d’institutionnalisation dans lequel il s’est engagé par incorporation à l’Etat lui confère certains atouts. En effet, cette incorporation dans l’appareil étatique présente une certaine utilité au syndicat lui-même. En premier lieu, elle lui assure une certaine reconnaissance tant en interne que par les pouvoirs publics. En second lieu, elle lui offre un moyen de s’inscrire dans la durée. Ainsi, bien que décrié, le caractère institutionnel du syndicat peut être appréhendé de façon positive.
A-Un instrument de reconnaissance
L’institutionnalisation du syndicat par incorporation dans l’Etat présente une utilité certaine pour celui-ci. Cette utilité offre deux visages qui ne sont pas sans lien.
Nous l’avons dit, les syndicats occupent au sein de l’appareil étatique différentes fonctions d’administration et de gestion de services économiques et sociaux. A ce niveau, et même s’ils appliquent la politique de l’Etat, les syndicats vont avoir la possibilité d’exprimer leur opinion. Ces postes leur confèrent un moyen de pression supplémentaire pour faire valoir leurs idées. A titre d’illustration, le MEDEF a quitté l’administration des caisses de Sécurité sociale parce qu’il ne parvenait pas à imposer son refus de voir la Sécurité sociale financer les 35 heures. La participation des syndicats à des organismes sociaux tels que les ASSEDIC ou les CAF peut apparaître comme le témoin de l’intérêt qu’ils portent au problème des chômeurs ou à celui des conditions sociales des travailleurs. Ils se présentent ainsi comme se préoccupant de problèmes dépassant le strict cercle de l’entreprise.
En outre, et c’est le second aspect de l’utilité de l’institutionnalisation pour les syndicats, la participation des groupements professionnels aux institutions étatiques leur confère une certaine légitimité dans la mesure où l’Etat leur reconnaît une aptitude pour gérer des institutions que l’on pourrait qualifier d’essentiellement sociales. Cela peut en effet être analysé comme la reconnaissance par les pouvoirs publics de l’efficacité des syndicats. Cet aspect révèle une double légitimité du syndicat. D’une part, on constate une légitimité à l’intérieur du syndicat, à l’occasion de la désignation dans les divers conseils et institutions. D’autre part, se révèle une légitimité à l’égard des salariés, plus subjective. Ici, la reconnaissance par l’Etat lui-même de l’efficacité du syndicat et de son sérieux influe sur les salariés et sur l’image qu’ils ont des organisations professionnelles.
Cependant, n’est-ce pas là une vision idyllique des conséquences positives de l’institutionnalisation pour les syndicats ? Il faut en premier lieu se poser la question de savoir si le syndicat, par son rôle croissant, ne risque pas de dépasser l’Etat. Ne va-t-il pas nuire aux intérêts étatiques ou s’y opposer de façon excessive ? C’est un risque que l’Etat a, semble-t-il, pris en compte. La solution adoptée semble être l’entretien du pluralisme syndical en imposant, pour composer les institutions auxquelles les syndicats participent, la désignation par les plus représentatifs. Ce système entretient le pluralisme et la concurrence entre les différentes organisations syndicales.
De même, au sujet de la légitimité que l’institutionnalisation confère aux syndicats, l’idée d’une double légitimité n’est pas unanimement partagée. Pour certains auteurs, en se rapprochant de l’Etat, les syndicats s’éloignent parallèlement de leur base. Ils s’éloignent de la réalité du terrain perdant ainsi toute légitimité et toute crédibilité108.
Il semblerait qu’il faille aborder l’institutionnalisation des syndicats comme leur offrant assurément un moyen de reconnaissance. En interne comme dans ses relations avec les pouvoirs publics, l’incorporation à l’appareil étatique renforce la légitimité originelle des organisations professionnelles. Elles ont trouvé là un moyen complémentaire à l’action revendicative pour faire passer leurs idées, renforçant ainsi leur statut de contestataire.
Toutefois, l’institutionnalisation n’a pas fait que renforcer la légitimité des syndicats. Elle leur a offert une certaine pérennité.
B- Un moyen de s’inscrire dans la durée
Par sa nature institutionnelle et par le processus d’institutionnalisation dans lequel il s’est engagé, le syndicat semble avoir trouver un moyen de s’inscrire dans la durée.
Cette inscription dans la durée tient, en premier lieu, à la nature institutionnelle du syndicat. Afin de comprendre en quoi l’institution permet un ancrage temporel important, il convient de la comparer au contrat. C’est ainsi qu’a procédé en son temps Georges Renard, disciple autoproclamé de Maurice HAURIOU109. L’institution échappe à ses créateurs et est, à ce titre, irrévocable. En cela, elle survit à ses fondateurs. Une fois l’opération de fondation effectuée, les procédures mises en place afin de permettre de prendre toutes les décisions et les organes mis en place hiérarchiquement, la structure de l’institution ne peut être remise en cause. On peut citer, à titre d’exemple, l’article 4 de la loi du 21 mars 1884 qui dispose que « le dépôt des statuts sera renouvelé à chaque changement de direction ou des statuts ». L’institution demeure et ce, quelles que soient les modifications qui pourraient intervenir, exception faite, bien entendu, d’un changement dans l’objet.
A l’inverse, la forme contractuelle est caractérisée par le fait qu’elle se dénoue au moindre irrespect des obligations de chacun des partenaires. Dans la conception institutionnelle, le manquement de l’un des membres causera éventuellement son exclusion mais ne marquera pas la mort de l’institution. De plus, il faut remarquer qu’un contrat même de longue durée ne pourra pas dépasser quatre-vingt-dix-neuf ans. Les engagements perpétuels sont, en effet, interdits. Le contrat ne produit d’effets qu’entre les parties tandis que l’institution engendre un être s’imposant tant à ses auteurs qu’aux tiers. A titre d’illustration, on peut citer le fait que la convention collective conclue par les syndicats s’impose autant aux membres des divers syndicats qu’aux autres travailleurs du champ professionnel visé par cette convention.
Le syndicat s’est donc inscrit dans la durée. Il s’agit là d’une conséquence de sa nature institutionnelle.
En second lieu, l’inscription dans la durée des organisations syndicales tient au processus d’institutionnalisation dans lequel elles se sont engagées et plus particulièrement à leur incorporation dans l’Etat. Les syndicats ont, en effet, su se rendre indispensables aux yeux des pouvoirs publics. Par ses participations à diverses institutions étatiques, le syndicat présente une r
éelle utilité pour l’Etat.
Grâce à ses fonctions d’administrateur, le syndicat œuvre, pour la défense des intérêts professionnels, dans des institutions publiques mais en excluant toute participation au pouvoir. Il se positionne ainsi en associé de l’Etat, le déchargeant de la gestion et de l’administration de services économiques et sociaux mais en conservant son indépendance.
L’Etat, dans le même temps, se dote d’une légitimité sociale réelle. Il est ainsi perçu comme abandonnant aux travailleurs et aux patrons la gestion des problèmes qui les concernent. Parallèlement, dans l’éventualité d’une mauvaise gestion, le syndicat sera considéré comme le seul responsable.
Par le jeu de l’incorporation des syndicats dans l’appareil étatique, l’Etat se met partiellement à l’abri de toute contestation de leur part sur la gestion des différentes institutions dont ils font partie. Il semble en effet évident que les syndicats ne contesteront pas une gestion qu’ils ont eux même mis en place.
Les syndicats ont peu à peu pris la mesure des avantages que pouvait avoir leur nature institutionnelle et leur rôle croissant au sein de l’Etat. Moyen de reconnaissance et de pérennisation, le syndicat-institution présente de véritables atouts. Il ne faut cependant pas occulter les aspects négatifs qu’un certain nombre de personnes, syndicalistes ou non, semblent attacher au syndicat-institution. Il apparaît en effet, que celui-ci, loin de ne présenter que des atouts, a également des effets pervers auxquels il convient de prêter attention.
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Syndicalisme et Mutualité
Mémoire de DEA de Droit Social – Université Lille 2-Droit et santé
Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales
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108 LYON-CAEN (G.), « La légitimité de l’action syndicale », Dr. Ouvrier 1988, p.53.
109 RENARD (G.), La théorie de l’institution : essai d’ontologie juridique, p.355 sq.

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