Méthodes de prévision des défaillances des entreprises

Section 3: Les indicateurs de difficultés
Plusieurs études ont été effectuées sur les symptômes de difficultés des entreprises. On peut citer le rapport Sudreau (comité d’étude pour la réforme de l’entreprise française en 1975), celle de l’Union Européenne des Experts Comptables, la norme n°8 de la compagnie nationale des commissaires aux comptes en France portant sur l’évaluation des critères d’appréciation de la continuité d’exploitation.
«La portée de chaque critère pris isolément peut ne pas être significative et ne pas affecter la continuité d’exploitation, c’est en général l’accumulation de plusieurs critères défavorables et leur complémentarité qui permettent de déterminer le risque réel qui pèse sur la continuité de l’exploitation» (C.N.C.C).
On peut les résumer ainsi:
P1) Les indicateurs de dégradation financière :
* Insuffisance de fonds de roulement.
* Obligation de vendre avec des marges inférieures à un certain seuil ou à perte pour avoir de la liquidité..
* Transactions difficiles avec des fournisseurs (cessation des livraisons, intérêts de retard..)
* Rotation des créances et stocks beaucoup plus lente que la moyenne du secteur.
* Impossibilité d’obtenir de nouveaux emprunts.
* Vente de biens nécessaires à l’exploitation pour l’obtention de liquidités.* Emission de chèques sans provisions.
* Report renouvelé des échéances.
* Non paiement des cotisations fiscales et sociales.
* Non paiement des salaires.
* D’importants emprunts à court terme sont utilisés pour financer des investissements.
* Inscription de protêts et privilèges.
Pour les grandes entreprises, l’apparition de plusieurs indicateurs confirme les difficultés et les dégradations qui peuvent naître, par contre, pour les petites entreprises, il suffit qu’un seul indicateur fasse apparition pour avouer qu’il y a difficultés.
Certaines manœuvres malhonnêtes donnent une image fausse du résultat comptable de l’entreprise (surévaluation des stocks et sous estimation des provisions) poussent certains organismes financiers prêteurs à perdre confiance et par la suite à refuser d’octroyer certains types de crédits à l’entreprise.
P2) Indicateurs de difficultés commerciales :
* Dégradation de la qualité de produit ou du service.
* Maintien de produits déficitaires.
* Baisse du niveau de la demande et de l’offre.
* La perte d’un client important, d’où une baisse du chiffre d’affaire. (client failli ou qui s’intéresse à un autre produit ou fournisseur)
* Accroissement de la concurrence locale et étrangère.
P3) Indicateurs de problèmes de production et d’exploitation :
* Non remplacement de l’ancien matériel par un nouveau plus performant.
* Rupture d’approvisionnement..
* La constations d’un dépassement entre les prévisions et le coût d’un nouveau projet d’investissement. (nouvelle usine, nouvelles machines et nouveau produit)
* Absence de comptabilité analytique de gestion.
* Absence d’un système de contrôle interne.
* Personnel de production non qualifié.
* Grève de longue durée paralysant l’usine.
P4) Indicateurs de problèmes humains :
* Le non remplacement d’un ou plusieurs dirigeants qui vieillissent.
* Départ d’un membre clé de l’équipe de direction sans qu’il soit remplacé convenablement.
* L’augmentation de l’absentéisme.
* Persistance d’une mauvaise gestion évidente.
* Licenciement répétitif du personnel.
* Persistance des conflits sociaux et multiplication des grevés.
P5) Indicateurs de problèmes d’ordre général :
* Pertes dépassant les trois quarts du capital.
* Sinistre ou incendie non couvert par une assurance appropriée.
* Expropriation.
* Une nouvelle législation défavorable.
* Refus de certification des comptes par le commissaire aux comptes.
* Refus d’approbation des comptes par l’assemblée des actionnaires.
* Non respect des dates de tenue des organes délibérants.
* Défaut de publication légale dans les délais.
Notons que cette liste n’est pas restrictive: souvent, c’est l’apparition simultanée de plusieurs indicateurs qui confirment l’existence de difficultés.
La question qui reste à poser est: Peut-on prévoir la défaillance d’une entreprise ?
Section 4: Méthodes de prévision des défaillances des entreprises
P1) L’analyse discriminante :
L’analyse discriminante consiste à déterminer les ratios financiers les plus révélateurs de la santé de l’entreprise et à multiplier chacun d’eux par un coefficient de pondération. La somme des ratios ainsi pondérés constitue un score auquel est associée une probabilité de défaillance dans les trois prochaines années. )
Parmi les travaux réalisés, nous avons retenu ceux de J.Conan et M.Holder et ceux de la centrale des bilans de la banque de France.
* La méthode de CONAN et HOLDER :
N = 24.R1 + 22.R2 + 16.R3 – 87.R4 -10.R5
R1 = marge brute d’autofinancement / dettes
R2 = capitaux permanents / passif total
R3 = disponibilités / actif total
R4 = frais financiers / chiffres d’affaires HT
R5 = frais de personnel / valeur ajoutée
A toute valeur de N correspond une probabilité de défaillance dans les trois années à venir. Le tableau suivant présente les valeurs seuils les plus déterminantes de la situation de l’entreprise:

Valeur du scoreSituation de la firmeProbabilité de faillite
N > 9
4 < N < 9
N <4
Bonne
Prudence
Dangereuse
P < 38 %
38 % < P < 65 %
P > 65 %

* La méthode de la centrale des bilans de la banque de France :
Cette méthode mise au point en 1983, avait pour objectif de trouver une fonction discriminante permettant de déceler avec une probabilité de 75 à 80% la dégradation de l’exploitation à moins de trois ans de défaillance, et ce quel que soit le contexte économique, et de sélectionner quelques indicateurs comptables et financiers caractérisant le processus de dégradation avant la cessation des paiements.
A partir d’un échantillon de 1348 entreprises ayant fait l’objet de procédures judiciaires ou de changement de personne morale (270 d’entres elles) et de 1150 entreprises saines ou «normales », l’analyse discriminante fit ressortir huit ratios sur 19 permettant de distinguer correctement les entreprises saines de celles en difficulté, avec 70% de réussite.
La fonction discriminante se formule de la façon suivante:
Z = -1,255.R1 + 2,003.R2 – 0,824.R3 + 5,221.R4 – 0,689.R5 – 1,164.R6 + 0,706.R7 + 1,408.R8 -85,544
Ces ratios sont exprimés dans le tableau suivant:

Dénomination du ratioCalcul du ratio
R1= Part des frais financiers dans le résultat215 si REB < 0
R2 = Couverture des capitaux investis
R3 = Capacité de remboursement
R4 = Taux de marge brute d’exploitation
R5 = Délai de crédit fournisseursx 360
R6 = Taux de variation de la valeur ajoutée
R7 = Délai de découverts clientsx 360
R8 = Taux d’investissement physique

Les probabilités de défaillance de l’entreprise à moins de 3 ans associés aux valeurs du score sont présentées dans le tableau suivant:

Valeur du scoreProbabilité de faillite
Z < -25
-25 < Z < 12.5
Z < 12.5
87.2 %
46.3 %
21.8 %

* Intérêts et limites :
Les méthodes de scores sont intéressantes: la surveillance des scores est une technique de prévention qui met à la disposition des dirigeants des clignotants révélateurs de difficultés potentielles.
Les signes précurseurs de dégradation d’exploitation sont donc décelables des années avant la défaillance.
Ces méthodes sont utilisés principalement par les établissements financiers pour apprécier la santé de l’entreprise et son risque d’être confronté dans un avenir plus ou moins proche à ces difficultés.
Cependant, ces méthodes ont fait l’objet de plusieurs critiques:
– Elles déshumanisent le crédit (un traitement informatique des bilans peut entraîner une rupture des relations banque-entreprise).
– Elles négligent les éléments non financiers qui sont fondamentaux pour l’analyse critique d’une entreprise.
– Elles analysent les conséquences sans en chercher les causes.
En effet, on peut craindre une réaction négative des partenaires de l’entreprise à un score défavorable qui aggraverait les éventuelles difficultés sans approfondir les analyses (la divulgation de ces informations peut être préjudiciable à l’entreprise) alors qu’il y a des réserves concernant leur degré de probabilité et leur taux d’incertitude.
Ces méthodes sont certes intéressantes vu leur pouvoir prédictif mais ils ne constituent cependant qu’un indicateurs parmi d’autres qu’il convient d’analyser.
P2) Tableau pluriannuel de flux :
C’est une technique conçue par Geoffroy de Murard. C’est la méthode des analystes financiers qui part du principe que les flux de trésorerie sont à la base de toute analyse financière.
Ce tableau fait apparaître:
• 1ère partie :
Résultat brut d’exploitation = Valeur ajoutée – salaires et traitements
En analysant les flux de trésorerie et les flux d’opérations d’une entreprise, nous passons des conséquences aux causes, de la statique à la dynamique.
• 2ème partie :
Solde d’exploitation = R.B.E – variation du BFR – Investissements (y compris en crédit-bail)
Il permet de mesurer l’activité économique en dehors de toute politique de financement. Ce solde doit être légèrement positif afin d’assurer une croissance équilibrée. En effet, une partie seulement du R.B.E se retrouvera en trésorerie car il y a rétention due à l’accroissement du BFR.
• 3ème partie :
Solde financier = variation de la dette bancaire – frais financiers – impôts – dividendes distribuées.
C’est un indicateur des besoins de financement engendrés par les flux réels de l’entreprise et de la politique d’endettement sur la période considérée.
• 4ème partie :
Solde courant = Solde d’exploitation – Solde financier. (doit être voisin de 0)
Il met en valeur les autres flux financiers exceptionnels ou hors exploitation.
Donc, chacun de ces soldes constitue un seuil d’alarme éventuel:
– évolution défavorable sur la période faisant l’objet de l’observation;
– s’ils deviennent négatifs;
– s’ils descendent en dessous de niveaux estimés normaux.
Rôle de l’expert-comptable dans la prévention et le traitement des difficultés des entreprises
Mémoire pour l’obtention de la maitrise en sciences comptables
Institut Des Hautes Etudes Commerciales – Université 7 Novembre De Carthage
 

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