Contexte politique à l’égard du travail des enfants au Pérou 

Contexte politique à l’égard du travail des enfants au Pérou

Deuxième chapitre

Le Pérou : Contexte général et politique de l’Etat à l’égard du travail des enfants 

« Con mis amigos antes del schok jugaba en mi barrio en la manañas y en la tarde iba al colegio, no tenía necesidad de trabajar. Mi padre traía el diario a la casa y alcanzaba y nosotros comíamos bien; pero esto fue por poco tiempo porque cuando el chino Fujimori entró, subieron las cosas. Mi padre fue despedido del trabajo, el dinero faltó y todos se pusieron a buscar trabajo.

Mi padre, mi madre y mis hermanos mayores. El dinero no alcanzaba ni para comprar panes y menos para el almuerzo. Nadie nos daba crédito y así estuvimos varios días sin comer y nadie nos quería emplear y tuvimos que juntar con gran esfuerzo para una bolsa de caramelos y comencé junto a otros amigos la venta de caramelos en los carros » (Pedro 13 años, en: Dejo 1991).

La situation des enfants qui travaillent illustre la difficile réalité du Pérou d’aujourd’hui. Mais la problématique des travailleurs enfants n’est pas un phénomène isolé capable de trouver des solutions en elle même. Pour mieux la comprendre, il nous semble pertinent de présenter le scénario national d’où elle provient.

I. Points de repères historiques

L’histoire du Pérou commence il y a environ vingt mille années. On la divise en cinq périodes: Pré Inca, Inca, Découverte et Conquête, Vice-royauté, Emancipation et République.

* La période Pré-Inca s’étend de l’arrivée des premiers habitants jusqu’à l’établissement de l’Empire des Incas au XIIème siècle.

* La période Inca se déroule entre le XIIème siècle et début du XVIème siècle. C’est la période du développement et de la florescence de l’Empire du Tahuantinsuyo, une des périodes les plus grandes de l’histoire antique du Pérou.

L’empire inca était constitué par diverses cultures différenciées par le milieu physique et rassemblées sous le régime de l’organisation sociale inca. L’économie était basée sur l’agriculture.

* La période de Découverte et Conquête commence avec l’arrivée des espagnols qui conquirent le Tahuantinsuyo par le feu et le sang. Elle commence en 1531 et finit en 1542 avec la guerre civile entre les conquérants eux-mêmes.

Pendant cette période, il se produisit d’énormes transformations sur le plan politique et économique : la substitution de la classe dominante et de la souveraineté Inca par celle des espagnols, l’élargissement de la structure agricole pastorale et le développement de l’industrie minière.

* La période de la Vice-royauté couvre les trois siècles de domination espagnole. Durant cette période, le Pérou reçoit l’influence de la culture européenne : la religion catholique, la langue, ainsi que les habitudes et les coutumes espagnoles.

On assiste à la formation d’une conscience nationale à travers l’oeuvre « civilisatrice » de missionnaires, de l’Université et des Collèges. L’Eglise prend en charge la formation des métis et contrairement à la politique de l’Etat, leur permet l’accès à l’éducation supérieure. Ceci favorisa la formation d’une classe moyenne créole et métisse. De ce métissage est né le Pérou actuel.

* La période de l’Emancipation débute en 1810 avec les mouvements de libération qui se produisent au Pérou et dans d’autres pays d’Amérique Latine. Elle finit avec la bataille d’Ayacucho en 1824, par laquelle fut obtenue l’indépendance politique du Pérou et de l’Amérique du sud hispanique, vis à vis de la couronne espagnole.

Toutefois, l’influence de la religion, des institutions et de la culture espagnole modela la personnalité nationale : la Révolution de Tupac Amaru, par exemple, évoque le passé glorieux des Incas mais c’est une rébellion des métis et des créoles.

* La République commence avec la déclaration d’indépendance en 1821 et continue jusqu’à nos jours. Sur le plan économique, la république introduisit la liberté de commerce et l’industrialisation et souleva deux problèmes capitaux : le problème agraire lié étroitement à celui de l’indigène, et le problème de la concentration/marginalisation provoqué par le développement de l’industrialisation et de la classe moyenne.

Sur le plan culturel, la démocratisation de l’éducation continue l’oeuvre menée auparavant par les missionnaires catholiques.

II. Diversité géographique

Le Pérou est divisé en trois régions naturelles fortement différentes: l’étroite Costa, côte de l’océan Pacifique, est caractérisée par de grandes étendues désertiques; celle-ci est séparée de la Selva ou forêt amazonienne par la Sierra, formée des hautes montagnes de la Cordillère des Andes.

Le facteur géographique est primordial et très complexe. Le territoire extrêmement accidenté du pays joue parfois un rôle de dispersion; parfois au contraire, il favorise la cohésion et l’intégration de grandes concentrations de peuplement qui organisent, par le travail en commun, une activité productrice déterminée.

Ainsi, on voit que les habitants de la Costa, agriculteurs et pêcheurs à l’origine, se consacrent de préférence à l’industrie et au commerce. L’habitant de la Sierra est agriculteur et mineur, et l’habitant de la forêt tropicale doit lutter pour se définir économiquement face à l’adversité du milieu naturel et aux problèmes dérivés de la centralisation du pouvoir administratif national.

III. Diversité culturelle

Le Pérou compte aujourd’hui 25 millions d’habitants. Le taux de croissance de la population a atteint un maximum de 4,45% dans les années 60, mais a tendance à baisser et se situe maintenant autour de 1,3% (voir annexe n° 1).

Même si on estime parfois que 40% de la population est indienne, que la moitié est composée de métisses et que le reste se partage entre Blancs, Noirs et Jaunes (d’origine chinoise ou japonaise), dans la pratique, il est souvent difficile de faire ces distinctions tant le métissage est devenu important à la suite de l’urbanisation.

De même, il n’est plus possible d’associer strictement la couleur de la peau à l’appartenance à une classe sociale, sauf aux deux extrémités de l’échelle sociale : la grande bourgeoisie est blanche, et les paysans des Andes sont indiens. Les langues considérées officielles au Pérou sont l’espagnol, le quechua et l’aymara.

Cependant, les deux langues préhispaniques ne sont pas officiellement utilisées malgré le fait d’être parlées par d’importantes minorités. En outre, quelques dizaines de milliers d’habitants de l’Amazonie parlent les langues de tribus auxquelles ils appartiennent : Aguarunas, Campas, Machiguengas, etc.

Au Pérou, la discrimination raciale et le dénigrement des opprimés ont fait leur chemin depuis des siècles et conditionnent la vie quotidienne actuelle. Le racisme envers les populations indigènes est un phénomène qui a été intériorisé par la société péruvienne contemporaine.

Les Métis occupent la deuxième place et ont naturellement un rôle d’intermédiaire entre les Blancs et les indigènes. Ils imitent les premiers, dont ils cherchent à s’attirer les faveurs, et exploitent les deuxièmes.

Méprisés des uns et des autres, ils trahissent souvent d’une manière inconsciente le meilleur de leurs racines locales (Spahni, Marín & Bautier, 1994). Les Créoles, ou blancs, qui sont descendants des conquérants et des immigrés européens, représentent une petite minorité qui constitue la classe dominante.

La distinction raciale est une composante essentielle du travail des enfants au Pérou. Le travail des enfants ne se rencontre guère que parmi les populations indiennes et métisses, jamais parmi les Péruviens blancs.

Selon l’image commune, les enfants ne devraient pas travailler, mais cette conception s’applique aux blancs, alors que le travail des cholitos (indiens ou métis) provenant des populations défavorisées qui ne représentent pas le Pérou moderne, est communément accepté.

Ainsi, le racisme appliqué au domaine du travail des enfants aide à la reproduction et à l’acceptation sociale des formes d’exploitation extrêmes, que l’on n’accepterait probablement pas s’il s’agissait d’enfants blancs (Schibotto et Cussianovich, 1994, cité dans Schlemmer, 1996, pp. 12-13).

IV. Développement économique et social

Entre 1955 et 1960, l’exploitation de nouvelles ressources naturelles (poissons, minerais de cuivre et de fer), le développement de cultures telles que le coton, la canne à sucre et le café, et l’accroissement des activités urbaines comme le commerce, les services et l’industrie provoquèrent une forte croissance économique.

Cette croissance favorisa presque exclusivement la côte et accentua la pauvreté de la sierra notamment dans l’agriculture. La selva présentait un sous-développement encore plus dramatique.

La croissance économique s’est effectuée à l’intérieur d’un système économique et social où les structures qui régissaient l’organisation de la société n’avaient pas été modifiées. Elle s’est faite au profit de l’oligarchie et s’est accompagnée du gonflement quantitatif et de l’enrichissement de catégories sociales groupées sous l’appellation générale de « classes moyennes », qui sont tout d’abord des classes urbaines.

La croissance des classes moyennes s’est amplifiée avec la croissance économique globale, le développement urbain et le gonflement du budget de l’Etat. Elle transforma la physionomie de certaines agglomérations urbaines, mais à la sortie de Lima, comme de bien d’autres villes, la vision des « barriadas » et plus encore les files des « sans-emploi » montrent encore de nos jours, que la croissance économique est répartie d’une manière inégale.

A partir des années 60, en ayant comme finalité de limiter la dépendance du Pérou vis à vis des centres de pouvoir économiques internationaux, le gouvernement péruvien adopte le modèle de développement substitutif proposé par la CEPAL (Commission Economique pour l’Amérique Latine). L’objectif principal de ce modèle était de substituer les produits manufacturés importés par la production nationale.

L’industrie devenait donc le nouvel axe économique, au lieu de la production agricole pastorale et des mines. Néanmoins, les différents régimes populaires qui ont impulsé ce modèle substitutif n’ont pas pu développer un appareil industriel capable de produire les devises que le secteur primaire demandait. Ainsi, une industrie consommatrice de devises et improductive provoqua des déficits de la balance commerciale et des crises économiques chroniques.

En effet, depuis 1988 l’accroissement du PBI fut négatif : -7% en 1988; -12% en 1989 et -2% en 1990. Entre 1985 et 1990, la dette publique extérieure s’éleva de 10,462 à 17,039 millions de dollars et la moyenne annuelle du revenu minimal en termes réels diminua de 50%. Le taux d’échange libre passa de 12 intis par dollars en 1985 à plus de 200 000 intis en juillet 1990. Seulement en 1990, l’inflation arriva à 10,328% (ALARCON, 1994, p. 20).

Dans le but d’abandonner définitivement le patron substitutif et s’orienter vers une économie de marché, en août 1990, le gouvernement dicte une série de mesures destinées à éliminer l’hyperinflation et à réinsérer le pays à l’économie internationale.

Cet ensemble des mesures eut à court terme des effets dévastateurs pour la population. Du jour au lendemain, le pouvoir d’achat baissa d’une manière dramatique. En août 1990, le taux d’inflation descendit à « seulement » 334%.

La réduction du marché et la rationalisation des entités publiques laissa un nombre considérable de personnes sans emploi. Dans cette situation, les seules alternatives immédiates envisageables étaient le sous-emploi et surtout le commerce informel.

La participation de la famille à la création de revenus fut aussi nécessaire, les femmes et les enfants furent contraints de chercher à travailler. La crise eut également un impact au niveau des relations intrafamiliales : les frustrations et l’angoisse sociales augmentèrent les tensions et les disputes entre les parents. Par extension, les mauvais traitements envers les enfants augmentèrent également.

Pour beaucoup de spécialistes l’ajustement économique était inévitable mais le coût social fut démesuré. La qualité de vie de la population, notamment celle des couches de bas revenu, se détériora considérablement. Ainsi, entre 1985 et 1990 le pourcentage de foyers pauvres au Pérou passa de 17% à 44%.

Incontestablement, les secteurs les plus affectés furent la classe moyenne et les pauvres. Par manque de ressources économiques, les classes moyennes appauvries eurent recours aux services de santé publique et les plus pauvres à l’automédication et à la médecine traditionnelle.

Les habitudes alimentaires changèrent autant au niveau du nombre de repas par jour qu’au niveau même de la composition de ceux-ci, en altérant leur capacité nutritive. Ainsi, malgré la persistance de la malnutrition chez les enfants et la réapparition de maladies déjà disparues au Pérou, les dépenses en services médicaux et médicaments pendant cette période diminuèrent. (CUANTO, 1991).

Le résultat de l’évolution socio-économique du Pérou est une structure sociale composée des groupes suivants :

L’oligarchie

L’expression d’oligarchie s’attache à un groupe de familles, qui, conjointement avec les entreprises étrangères (notamment dans l’exploitation de mines et du pétrole), contrôlèrent les moyens de production du pays.

L’oligarchie n’est plus guère constituée par le reste de l’ancienne société créole de l’élite dirigeante de l’époque coloniale. Il s’agit d’un groupe ouvert à toute famille (péruvienne ou étrangère) possédant une grande fortune, qu’elle soit foncière, commerciale ou industrielle.

En fait, et ceci témoigne de l’évolution économique du Pérou, leurs richesses proviennent moins de la rente foncière que des opérations bancaires et immobilières, du commerce et dans une mesure plus limitée de l’industrie. Les revenus de la banque et des affaires qui en dépendent directement constituent le monopole de ce groupe dominant.

Les classes moyennes

L’éventail des catégories sociales rassemblées sous le terme de « classes moyennes » est particulièrement large. Elles vont, de l’oligarchie, à la limite supérieure, aux masses populaires rurales et urbaines.

On range sous cette rubrique la plus grande partie des professeurs, des instituteurs et des fonctionnaires de l’Etat ainsi que les employés des entreprises. Font partie également des classes moyennes les commerçants des villes, les artisans, les petits industriels, les cadres techniques, les ingénieurs et également les médecins, les avocats et les hommes d’affaires.

Dans l’agriculture, on constate aussi l’existence d’une classe moyenne rurale : exploitants de quelques dizaines d’hectares sur la côte, propriétaires de haciendas des vallées de montagne, etc.

Mises à part les caractéristiques propres de chaque groupe mentionné ci-dessus, ils présentent tous certains points communs : ils s’expriment en espagnol, les adultes sont électeurs, ils ont des habitudes de consommation généralement comparables, leurs enfants font des études secondaires et, dans la mesure du possible, supérieures.

Du fait que l’instruction secondaire et plus encore supérieure s’accompagne d’une promotion dans la société, les parents, même ceux dont les ressources sont très limitées, font de grands efforts pour assurer à leurs enfants (notamment les garçons) une scolarisation complète. L’accès à la fonction d’enseignant, par exemple, est d’autant plus recherché que l’origine de parents est modeste. Maîtres d’écoles et professeurs sont des éléments actifs des classes moyennes. Dans les bourgades et les petites villes, ils font partie de l’élite locale.

Les pauvres

La classe la plus pauvre du pays est constituée des ouvriers agricoles des zones non industrialisées du Pérou, principalement des zones de sierra et selva. Plus l’origine de la population est éloignée des centres urbains, plus la pauvreté augmente.

Par vagues, les pauvres des régions éloignées des villes sont venus alimenter – et continuent à le faire – le développement des zones urbaines marginales qui constituent finalement la plus grandes partie des régions citadines, surtout de la capitale.

L’origine rurale des habitants de ces quartiers explique qu’ils ont gardé de nombreuses habitudes de leurs régions d’origine, notamment le travail des enfants. Il s’agit d’une population constituée d’indiens et de métis, de familles nombreuses souvent monoparentale, et dont le niveau de formation professionnelle et scolaire est peu élevé. Les zones périphériques des villes sont le berceau du travail infantile au Pérou, pour des raisons qui ne sont donc pas seulement économiques, sinon liées à l’origine de leurs habitants.

Les familles de cette catégorie sociale sont celles qui poussent le plus leurs enfants à travailler, mais elles aussi effectuent de grands sacrifices pour leur offrir une meilleure éducation, dans l’espoir qu’ils aient de meilleures possibilités professionnelles. Il est très fréquent que les enfants combinent des journées de travail chargées avec la fréquentation de l’école, qui est le plus souvent possible du fait de la proximité de celle-ci.

En effet, la plus grande partie de la population du Pérou, même pauvre, est concentrée sur la Costa, où les écoles sont accessibles à tous du point de vue de la distance.

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
La formation professionnelle duale: alternative éducative
Université 🏫: Faculté de Psychologie et des Sciences de l’Education
Auteur·trice·s 🎓:
Dana Torres & Carmen Vulliet

Dana Torres & Carmen Vulliet
Année de soutenance 📅: Mémoire de licence - Novembre 2001
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